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Pédago
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L'onde sonore (II)

Les bases de la synthèse : L'onde sonore (II)

Après avoir vu les bases théoriques dans la première partie du dossier consacrée aux formes d’ondes, nous allons, dans cette seconde partie, nous plonger dans le concret.

Une onde complexe, suscep­tible d’être inté­res­sante sur un plan musi­cal, peut être obte­nue de plusieurs façons. Pour l’ins­tant, on se conten­tera de simple­ment déve­lop­per cette idée d’ad­di­tion d’har­mo­niques telle qu’elle a été abor­dée dans les chapitres précé­dents.

La vidéo de la première partie a montré comment l’ajout d’har­mo­niques permet­tait de complexi­fier le son, mais nous obte­nions un résul­tat désa­gréable à l’oreille. Ceci était lié au fait que les harmo­niques avaient été réglées tota­le­ment au hasard.

Mettons un peu d’or­ga­ni­sa­tion dans la distri­bu­tion des harmo­niques sur une idée très simple :

  • N’ac­ti­vons que les harmo­niques qui coïn­cident avec les octaves, à savoir les harmo­niques de rang 1, 2, 4, 8, 16, 32…
  • et dosons les ampli­tudes de ces seules harmo­niques

 

Au final, la texture géné­rale du son obtenu rappelle celle d’un orgue. Rien d’éton­nant à cela, car les tirettes d’un orgue Hammond (les draw­bars) agissent juste­ment sur l’am­pli­tude des harmo­niques. C’est tout de même plus pratique que de devoir viser quelques pixels avec une souris:

Drawbars Hammond

Ce prin­cipe est égale­ment émulé dans certains instru­ments actuels comme le Nord Elec­tro de Clavia:

Drawbars clavia

Une conclu­sion semble s’im­po­ser : pour créer un son, le hasard peut être inté­res­sant en décou­vertes, mais un mini­mum de connais­sance des phéno­mènes acous­tiques permet de construire des sons dans un objec­tif précis qu’on s’est fixé. Ceci sera confirmé au fur et à mesure qu’on décou­vrira l’en­semble des modules qui composent un instru­ment. La distri­bu­tion plus ou moins orga­ni­sée des harmo­niques nous permet main­te­nant de déve­lop­per encore d’autres formes d’ondes, et ceci, dans un but musi­cal.

Forme triangle

La forme d’onde est le premier para­mètre à choi­sir lors de la créa­tion d’un son synthé­tique et est primor­diale sur le résul­tat final. Pour rappel, voici la forme d’onde et le spectre du son d’orgue :

Onde orgue

L’onde suit une courbe douce, sans angle vif ni ligne droite : peu d’har­mo­niques sont en jeu. L’ob­ten­tion d’angles vifs et de lignes droites néces­site un grand nombre de sinu­soïdes élémen­taires : ces formes d’ondes sont donc riches en harmo­niques. Notons que c’est la loi de Fourier, à l’ori­gine de l’étude de la conduc­tion ther­mique, qui défi­nit cette super­po­si­tion de sinu­soïdes des ondes sonores complexes. Comme exemple voici la forme d’onde triangle et son spectre harmo­nique :

Onde triangle

Les harmo­niques sont distri­buées de façon précise et répondent à un schéma parti­cu­lier. Afin de contraindre la forme d’onde à suivre une ligne droite, il est néces­saire que certaines harmo­niques soient plus ou moins dépha­sées par rapport à la fonda­men­tale, ce qui s’ob­serve grâce aux barres bleues diri­gées vers le bas. Si néces­saire, voici une illus­tra­tion de la notion de phase : à gauche, une onde en phase (elle commence à la valeur zéro), et à droite elle est hors phase (elle commence à une valeur diffé­rente de zéro) :

Phase

Voici le son obtenu par une onde triangle

On dit d’une telle sono­rité qu’elle est flûtée. Sans entrer dans des certi­tudes scien­ti­fiques, il est inté­res­sant de se deman­der pour quelle raison une onde triangle ressemble plus ou moins au son d’une flûte. Pour cela, commençons par obser­ver la forme d’onde réelle d’une flûte, et en parti­cu­lier sa ressem­blance avec une onde trian­gu­laire :

Flute

Si elle est plus complexe que le modèle quasi­ment parfait présenté précé­dem­ment, c’est qu’in­ter­viennent un certain nombre de phéno­mènes physiques qui s’ajoutent à la seule créa­tion de l’onde par le souffle de l’ins­tru­men­tiste. Il s’agit des aspé­ri­tés à l’in­té­rieur de l’ins­tru­ment, des maté­riaux qui ont leur propre réso­nance, etc. Mais l’es­sen­tiel du son est produit par le souffle. Il faut garder en mémoire que l’in­té­rieur de la flûte est un cylindre plus ou moins clos et que si on y insuffle de l’air sous pres­sion, cet air s’échap­pera de l’autre côté de l’ins­tru­ment. Le son est produit car l’air ne s’échappe pas de façon régu­lière (ce qui ne produi­rait pas d’os­cil­la­tion acous­tique), mais de la manière suivante :

  • Le souffle augmente progres­si­ve­ment la quan­tité d’air dans l’ins­tru­ment
  • La pres­sion augmente progres­si­ve­ment (c’est la ligne droite ascen­dante de l’onde)
  • L’air commence à s’échap­per et la quan­tité d’air dimi­nue
  • La pres­sion dimi­nue progres­si­ve­ment (ligne droite descen­dante)
  • Le souffle conti­nue à alimen­ter l’ins­tru­ment en air et la pres­sion augmente à nouveau

Et ainsi de suite, ce cycle se répé­tant 440 fois par seconde lorsque l’ins­tru­men­tiste joue un La. Cette descrip­tion est évidem­ment sché­ma­tique, mais repré­sente assez bien la rela­tion entre la forme d’onde, le phéno­mène physique et le résul­tat audi­tif. On peut tenter de procé­der à l’in­verse : partir d’un instru­ment et s’in­ter­ro­ger sur la forme d’onde simpli­fiée qui pour­rait le carac­té­ri­ser en préci­sant le phéno­mène physique qui l’ex­plique­rait.

Forme dent de scie

VioloncelleDans la famille des instru­ments à cordes frot­tées, le prin­cipe de la produc­tion du son repose sur l’im­por­tant coef­fi­cient de frot­te­ment entre le crin de l’ar­cher et la corde :

  • Lorsque l’ins­tru­men­tiste balaie la corde de son archer, l’adhé­rence entre les deux maté­riaux en contact va créer une trac­tion radiale sur la corde jusqu’à un certain seuil où l’adhé­rence n’est plus suffi­sante pour main­te­nir ce contact,
  • Dès la perte d’adhé­rence, le son est immé­dia­te­ment produit à une ampli­tude maxi­male (passage instan­tané de zéro au maxi, repré­senté par une ligne droite verti­cale sur le dessin de la forme d’onde),
  • Pour ensuite reve­nir progres­si­ve­ment au silence (ligne droite descen­dante),
  • Retour d’adhé­rence et un nouveau cycle recom­mence.

Ce cycle se répète 440 fois par seconde lorsque l’ins­tru­men­tiste joue un La. Donc atten­tion, on parle bien de la forme d’onde une fois la note tenue et stabi­li­sée, et non de l’en­ve­loppe géné­rale du timbre qui ferait inter­ve­nir le son de l’at­taque puis celui du main­tien. La forme d’onde ainsi décrite est appe­lée dent de scie par analo­gie avec les dents d’une scie lorsque l’on trace plusieurs ondes succes­sives.

Onde dent de scie

Le spectre a ceci de parti­cu­lier que les harmo­niques sont toutes présentes et perdent leur ampli­tude au fur et à mesure qu’on augmente dans les fréquences sans cepen­dant s’éteindre entiè­re­ment (la figure ne montre que les 64 premières harmo­niques, mais on peut faci­le­ment extra­po­ler la suite). La forme d’onde en dent de scie comporte une infi­nité d’har­mo­niques. On se souvient, lors du premier chapitre que

  • Plus une onde suit une courbe douce, moins elle est formée d’har­mo­niques (le cas extrême étant l’onde sinu­soï­dale, la plus douce de toutes les courbes, qui n’est formée que de la fonda­men­tale),
  • À l’in­verse, plus la fréquence d’une harmo­nique est élevée, plus sa période est courte et plus elle est suscep­tible de provoquer de rapides chan­ge­ments dans l’évo­lu­tion de la forme d’onde globale.

Or la forme d’onde en dent de scie comporte une discon­ti­nuité, le phéno­mène le moins doux qui puisse se présen­ter. Ainsi, on peut admettre qu’un maxi­mum d’har­mo­niques soient néces­saires pour géné­rer cette discon­ti­nuité.

Utili­sa­tion musi­cale de la dent de scie

Cette descrip­tion de la forma­tion d’un son de violon est extrê­me­ment sché­ma­tique, car un violon est un instru­ment très complexe. Cepen­dant, on constate dans l’exemple audio suivant que cette analo­gie peut être accep­table. En effet voici le son obtenupar une dent de scie, sans autre arti­fice.

Ce qui n’est certes pas très probant en soi ! Mais si on travaille cette onde dans d’autres modules offerts par la synthèse, on arrive à resti­tuer assez correc­te­ment un ensemble de violons (ouver­ture de Rienzi, Wagner).

Mais avant d’abor­der ces autres modules de synthèse, restons encore un moment sur la forme d’onde.

Travail appro­fondi de la forme d’onde

À l’écoute de la dent de scie, il est clair que ce son est trop agres­sif. Il suffit dès lors de filtrer les harmo­niques comme repré­senté sur cette figure, à droite :

Onde violoncelle

Obser­vez que le profil spec­tral ressemble toujours à celui de la dent-de-scie, mais que les ampli­tudes des harmo­niques ont subi quelques modi­fi­ca­tions. Les phases égale­ment ont été modi­fiées. En revanche, la forme d’onde n’a plus grand-chose en commun avec une dent de scie. Les phéno­mènes physiques liés à un instru­ment à cordes rendent la modé­li­sa­tion bien plus complexe que la première approche qui a été propo­sée au début de ce chapitre. Ainsi, si à notre niveau de décou­verte, une modé­li­sa­tion approxi­ma­tive est inté­res­sante pour éclai­rer les méca­nismes en jeu, il faut garder à l’es­prit la complexité du monde réel. Voici le résul­tat audio de cette forme d’onde, jouée sur une note grave pour rappe­ler le violon­celle, et qui s’ap­proche de l’ins­tru­ment réel. Rappe­lons qu’il s’agit de l’onde brute, sans aucune autre mani­pu­la­tion.

Lorsqu’in­ter­vient le talent

Avec beau­coup de talent, on peut tirer de véri­tables orchestres de ces formes d’ondes comme dans cet exemple où Tomita inter­prète une Pavane de Maurice Ravel avec comme seul outil un synthé­ti­seur.

L’imi­ta­tion d’ins­tru­ments réels est certes une voie à explo­rer, mais la synthèse ouvre des hori­zons imagi­naires telle cette séquence élabo­rée par Klaus Schulze et repro­duite ici par un logi­ciel.

L’échan­tillon­nage

Une forme d’onde complexe peut égale­ment être obte­nue par enre­gis­tre­ment d’un échan­tillon d’un son natu­rel : c’est l’échan­tillon­nage (ou sampling). Des tech­niques parti­cu­lières sont alors mises en oeuvre pour rendre ces échan­tillons inté­res­sants pour un usage musi­cal.

Ainsi se termine cet article sur l’onde sonore et ses appli­ca­tions dans le domaine de la synthèse. Pour comprendre l’en­semble des modules qui parti­cipent à la créa­tion d’un timbre de synthèse dans son ensemble, il faut main­te­nant s’in­té­res­ser aux filtres, aux oscil­la­teurs basse fréquence (LFO), aux enve­loppes, etc.


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