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La mousse tâche
6/10
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C’est un fait : après quarante ans de bons et loyaux services, la moustache de Jeff Berlin a été remerciée. On ne connait pas encore les raisons officielles de ce divorce capillaire, la communauté de la clé de Fa s’interrogeant encore sur ce point.

Reste que la plupart des bassistes inter­ro­gés sont encore sous le choc : Jeff Berlin sans la mous­tache, c’est tout un pan de l’his­toire du Jazz Rock qui vacille sous nos yeux ébahis. On se conso­lera, peut-être, en testant cette nouvelle Cort Rithi­mic, qui hérite de la signa­ture du maître. 

Jeff Berlin a-t-il vendu ses bacchantes aux Coréens ? Réponse ci-dessous. 

À vos souhaits !

Sous ce drôle de nom, se cache une quatre cordes aux allures de Jazz Bass (ou de GB, pour rester dans la marque), fabriquée en Indo­né­sie. Un corps en aulne, un manche en érable avec une touche en palis­sandre ; dans le fond, cette basse est assez clas­sique dans sa concep­tion. Elle est cepen­dant équi­pée de deux humbu­ckers Barto­lini, conçus spécia­le­ment pour l’oc­ca­sion. De véri­tables humbu­ckers, impor­tés des États-Unis et pas une simple licence, comme nous en avions l’ha­bi­tude sur les séries Arti­san. L’autre pièce rappor­tée qui saute aux yeux est un magni­fique cheva­let Babicz, qui est en soi une joie à essayer, je déve­lop­pe­rai un peu plus bas le sujet.  

Aïe, Ouille, j’ai mal aux… Yeux ! 

Je sais ce qui est visuel reste subjec­tif. Promis, je ne m’éten­drai pas sur mes goûts en matière d’har­mo­nie des couleurs. Sur ce point, il est évident que Jeff Berlin, les desi­gners de chez Cort et moi-même n’avons pas du tout les mêmes tendances. Mais quand je vois cette basse dans mon salon, je pense à un pote d’en­fance qui est dalto­nien et je l’en­vie…

Cort Rithimic

Je sais, ce n’est pas bien de se moquer des gens qui voient bien, mais dessinent mal les instru­ments que l’on achète. Alors je vais plutôt me plaindre objec­ti­ve­ment du travail effec­tué sur la table. 

Comme vous pouvez le voir, à l’ini­tia­tive du signa­taire de cette basse, les ouvriers de chez Cort ont repro­duit ce que l’on pouvait déjà voir chez Dean, sur un modèle signa­ture du même artiste (série Patch­work). Alors pour la Dean, je ne sais pas de quoi il en retourne, mais sur la Cort, je vous l’avoue sans détour, on est vrai­ment loin du travail d’ébé­niste, avec ou sans mous­tache ! 

D’abord, cette table rappor­tée n’a rien d’une table : sa finesse tient plus de la feuille osten­ta­toire, au gram­mage parti­cu­liè­re­ment léger. Sur un corps en aulne, on a posé du padouk et de l’érable ayant subi une colo­ra­tion fongique. Les anglo­phones appellent cette tech­nique le spal­ted wood. 

Ce procédé, qui est devenu assez courant, depuis son inven­tion au début des années 80, revient à placer le bois dans des condi­tions d’hu­mi­dité satu­rée (plus de 20 %) et de tempé­ra­ture moyenne (entre 20° et 30°) puis de lais­ser certains cham­pi­gnons attaquer sa surface. On utilise jusqu’à trois types de cham­pi­gnons de manière succes­sive, tels que le trametes versi­co­lor ou le xylaire poly­morphe, des espèces que vous avez surement croi­sées en forêt. On laisse donc le bois moisir et au bout de quelques semaines, on le récu­père. En prin­cipe, quand le timing est bon, il n’a pas perdu de sa réso­nance et se voit affu­blé de jolis motifs, il ne reste plus qu’à stabi­li­ser sa moisis­sure rési­duelle en le faisant sécher. Voilà pour la tech­nique, qui fonc­tionne plutôt bien pour ceux qui aiment ce genre de motifs et qui permet de réali­ser des corps origi­naux. Mais reve­nons à cet assem­blage du padouk et de l’érable sur la Rithi­mic, qui me pique déci­dé­ment les yeux. Premiè­re­ment, il est objec­tif de consta­ter que la jonc­tion entre ces deux bois est gros­sière.

Cort Rithimic

J’ai beau cher­cher sur toutes les fiches tech­niques, je ne vois nulle part la mention d’un troi­sième bois qui sert de sous-couche à l’érable et au padouk. Ce bois, proba­ble­ment de l’acajou ou du noyer, suit les contours de la table et c’est cette même essence qui vient sépa­rer le padouk de l’érable. Et c’est cette ligne de sépa­ra­tion, irré­gu­lière par bien des endroits, qui jure vrai­ment. Il en est de même près de l’éclisse, sous le cheva­let, ou l’on peut voir que les feuilles de padouk et d’érable ne se prolongent pas jusqu’au bending. Il est d’ailleurs éton­nant qu’un contrôle qualité rigou­reux ait laissé passer un tel défaut. Je m’in­ter­roge donc sur les fonde­ments d’une telle initia­tive. Si elle fut à but déco­ra­tif, c’est un échec dans le fond comme dans la forme. Vous me direz ce que vous en pensez, si les goûts et les couleurs ne se discutent pas, rien n’em­pêche de les commu­niquer !  

On posi­tive 

Voilà pour le gant de fer, je vais main­te­nant passer au velours, en rele­vant ce qui me plait dans cette basse. Première mention pour son manche, qui a le mérite d’être fin sur toute sa longueur. J’ai comparé avec un autre manche dont je connais bien la finesse et voilà un petit tableau compa­ra­tif des résul­tats : 

 

Largeur du sillet

Douzième frette

Dernière frette

Cort Rithi­mic

3,8 cm

5,35 cm

6 cm

66 Jazz Bass 

3,8 cm

5,65 cm

6,1 cm

 

Cort Rithimic

La Cort Rithi­mic a donc un manche très fin, une spéci­fi­cité deman­dée par Jeff Berlin lui-même. Et il faut avouer que la chose est très facile à abor­der quand on a des mains de taille moyenne, surtout si l’ac­tion de l’ins­tru­ment est réglée assez bas. On se retrouve avec un instru­ment qui invite à la vitesse et aux déman­chés de tous genres. Les micros quant à eux, sont comme je l’ai déjà écrit : des véri­tables Barto­li­nis (made in USA), deux gros pavés au son bien velouté qui sont couplés à une élec­tro­nique passive. Étant parti­cu­liè­re­ment amateur des basses passives, j’ap­pré­cie le côté élémen­taire de l’élec­tro­nique embarquée : un volume, une balance et une tona­lité. 

Et enfin, le cheva­let Babicz qui en soi est une merveille, arri­vant à point pour rempla­cer l’in­trou­vable Baddass de Leo Quan ! De cette pièce d’ac­cas­tillage je ne dirai que du bien les amis !

Étran­ge­ment, une fois la basse débal­lée de son carton (pour la housse, on repas­se­ra…) je me suis rendu compte qu’elle était bien fausse et avait tendance à friser. J’ai donc pris le temps de la régler le manche puis de me pencher sur l’ajus­te­ment de la tona­lité à l’oc­tave. Et c’est en me farcis­sant tout un ajus­te­ment des harmo­niques que j’ai pu décou­vrir le concept de ce cheva­let, car il y en a bien un. 

Cort Rithimic

Pour commen­cer, ce cheva­let est massif, certai­ne­ment l’un des plus gros du marché. Et il est assez remarquable de consta­ter qu’il ne comporte pas de vis de pontets, afin d’en ajus­ter la hauteur : la corde repose direc­te­ment sur un axe rota­tif serti dans chaque pontet, c’est cet axe qui permet d’ajus­ter la hauteur de chaque corde. Chaque pontet repose direc­te­ment sur la struc­ture, il est bien sûr possible de régler la course du pontet sur la corde pour ajus­ter la tona­lité comme il est possible de bloquer tous les ajus­te­ments (hauteur et longueur) avec une simple clé Allen. Ce cheva­let est prévu pour se monter direc­te­ment sur l’em­pla­ce­ment des vis d’une Jazz Bass, ce qui en fait une excel­lente solu­tion d’up­grade. Le concept d’ac­cas­tillage dit « full-contact », s’af­fiche ici concrè­te­ment, il suffit de jouer l’ins­tru­ment sans le bran­cher pour le sentir : le sustain ne ruine en rien l’at­taque, on aurait presque envie de voir ce cheva­let équi­per en série toutes les Jazz Bass du marché ! La Rithi­mic est vendue avec des cordes DR DDT d’un tirant léger (40–100) et des méca­niques Hipshot Ultra­lights. 

La basse ne fait pas le Jeff !

Cort Rithimic

J’ai tout fait pour la faire sonner comme lui, j’ai usé de mes plus belles mélo­dies et dans un élan de déses­poir, j’ai même failli me couper la barbe pour ne me lais­ser qu’une mous­tache. En vain les amis ! Parce qu’il suffit de le voir jouer le Jeff, seul avec sa basse trico­lore repre­nant Tears in Heaven dans une allée de foire à l’ins­tru­ment, pour comprendre que c’est un artiste géné­reux, qui a toujours une note à vous revendre. Mais la basse n’est pas encore vendue avec les doigts du maitre, il faudra donc vous conten­ter de mes maigres services. Comme le Jeff aime bien jouer dans les aigus, je vous ai sorti quelques mélo­dies de mon cru pour donner le change. Ce sera donc un essai au-dessus de la douzième, avec tout de même une petite ligne de blues pour faire ronron­ner le micro grave. Je vous ai enre­gis­tré trois pistes pour le micro aigu, deux pour le grave et encore deux pour le mix des deux micros, la basse passe direc­te­ment dans mon inter­face UR22

1 Micro Aigu Mid tone
00:0000:50
  • 1 Micro Aigu Mid tone 00:50
  • 2 Micro Aigu full tone.aif 00:29
  • 3 Micro Aigu 1:3 00:20
  • 4 Micro grave Full tone 00:14
  • 5 Micro grave Mid tone 00:29
  • 6 Micro X2 Mid tone 00:40
  • 7 Micro X2 Slap 00:14

Même après réglage, il y a une chose qui m’a bien gêné pendant cet essai : le tirant léger des cordes qui équipent cette basse. Comme le manche de la Rithi­mic est fin, on a tendance à le tenir ferme­ment et moi qui ai la main vive, j’ai eu tous les mots du monde à ne pas bender les cordes, simple­ment en les jouant. Vous me direz, un bend dans certains registres ne choque­rait personne. Mais là, il est même diffi­cile pour moi de rester juste, tant ces cordes sont souples ! Loin de moi l’idée de parler de la chose comme si elle fut défaut (un jeu de cordes se change faci­le­ment), mais autant préve­nir : si vous avez tendance à jouer sur du tirant stan­dard, n’ou­bliez pas d’ache­ter un jeu de cordes avec cette basse !

Cort Rithimic

Concer­nant le grain, je dirais que les micros et le cheva­let qui l’équipent remplissent, avec brio, leur office. Irai-je jusqu’à dire qu’ils font tout le travail ? Non, pas tout à fait. Mais il faut avouer que dans le fond, cette Rithi­mic est une simple GB, avec une déco­ra­tion bizarre certes, mais équi­pée d’un accas­tillage et de capteurs de luxe. Est-ce que cela s’en­tend ? Eh bien je dirais oui, car une élec­tro­nique passive n’a pas les moyens de faire semblant : si elle est desser­vie par de mauvais micros, une basse passive ne pourra pas sonner. Et malgré sa luthe­rie rudi­men­taire, cette basse conserve bien des charmes sonores. 

Je ne suis pas vrai­ment emballé par une confi­gu­ra­tion avec deux micros doubles iden­tiques au nord comme au sud. Le micro aigu est un peu trop étoffé à mon goût, car il garde toujours ce côté feutré même quand on laisse la tona­lité bien ouverte. Mais je suis certain que ce trait de carac­tère va plaire à beau­coup de monde ici. Le micro grave a quant à lui des atouts de premier de la classe : puis­sant et punchy, rond, mais défini. Pour un peu, on ne joue­rait presque que sur ce dernier. Le mix des deux micros est inté­res­sant, sans forcé­ment pous­ser le gain bien loin, il apporte un peu plus de dureté au signal. On a une basse passive qui répond bien dans les graves et les médiums (autant dans leurs fréquences basses que hautes), pour les aigus et la brillance c’est bien une autre histoire. Les humbu­ckers ont leur limite sur ce terrain, surtout en passif et je dois avouer que je n’ai pas été charmé par les percus­sions sur cet instru­ment. Reste que la plupart des bassistes ne cherchent pas forcé­ment la brillance, c’est un fait et cela rassu­rera proba­ble­ment mes lecteurs.  

(un) Peuchère !

Ça n’est pas du tout pour suggé­rer que le travail de nos amis indo­né­siens doive être soldé. Mais pour vendre cette basse à presque mille euros, Jeff Berlin va devoir en faire des cliniques !

Alors oui, elle a bien des quali­tés, elle sonne plutôt bien et se joue faci­le­ment. Mais cela ne suffira pas pour en faire un succès commer­cial, surtout avec son physique diffi­cile. Je suggé­re­rais pour ma part, une version élémen­taire de la Rithi­mic : un corps en aulne sans fiori­tures, le même micro dans les graves et un simple côté cheva­let. Même accas­tillage bien sûr et propo­sée en deux touches : palis­sandre ou érable pour ceux qui voudraient plus d’ai­gus. À l’ave­nir, on espère tout de même voir plus de nouveau­tés chez cette marque, qui campe un peu trop sur ses anciennes séries, pour limi­ter sa créa­ti­vité à la commer­cia­li­sa­tion de signa­tures en one-shot.

  • Cort Rithimic
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6/10
Points forts
  • Micros Bartolini US
  • Manche fin
  • Chevalet cordier
Points faibles
  • Chère
  • Mal finie
  • Vendue dans un carton

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