Alors qu’elle était la dernière à en fabriquer, la société japonaise Funai vient d’annoncer l’arrêt de la production du bon vieux magnétoscope VHS. Une page se tourne donc, et sans doute moins anodine qu’on le croit tant l’invention du magnétoscope avait révolutionné le rapport que nous avions au cinéma et à la télévision dans les années 80… tout comme l’éducation sexuelle des ados ! Loin de l’expérience collective des salles de cinéma dont les gens s’enfuyaient en voyant arriver un train, loin de la communion autour d’une seule et même chaîne de télé dont on pouvait parler le lendemain matin à la pause de 10 h (C’est qui, Belphégor, tu penses ?), le magnétoscope signifiait à la fois plus de liberté et moins de lien social aussi : on pouvait regarder ce qu’on voulait quand on le voulait, autant de fois qu’on le voulait et dans la temporalité qu’on voulait : faire pipi ne signifiait plus nécessairement louper une minute de film, et on pouvait même étaler sur trois soirs le visionnage d’un documentaire trop long. Mieux : on pouvait accélérer un film ennuyeux ou ralentir une belle action de football, et figer une image pour voir si oui ou non, Sharon Stone était vraiment nue sous ses vêtements lors d’une scène d’interrogatoire, ou encore rejouer en boucle une scène pour essayer d’entendre ce que dit Belmondo à Jean Seberg avant de mourir. Surtout, on était libre de se faire sa grille de programme rien qu’à soi, au mépris de TF1, d’Antenne 2 ou de FR3 parce qu’un bon film de Ninjas loué pour 10 francs chez Vidéo Futur, c’était quand même mieux que de se taper Drucker qui, il faut le reconnaître, n’a pas du tout vieilli vu qu’il a toujours été vieux.
Que le magnétoscope repose donc en paix, et la cassette VHS avec lui, eux qui ont bouleversé notre rapport à l’audiovisuel sans que le DVD, YouTube ou Netflix ne changent grand-chose ensuite. Et qu’on ne soit pas triste ou nostalgique de cette fin, car si hier encore, la cassette VHS était un objet sans valeur qui pourrissait dans les cartons des vides greniers, à compter de ce jour, elle va devenir vintage. Et on trouvera bientôt des vidéophiles pour expliquer, le petit doigt en l’air, qu’il y a un grain dans l’image du VHS que le MP4 n’a pas, parce que l’analogique, voyez-vous, au niveau du contraste et de la douceur des tons, c’est quand même un ravissement pour la rétine là où le numérique est froid et dur. Alors il y aura un revival et Georges Lucas pourra nous revendre une fois de plus l’intégrale des Guerres de l’Étoile.
A cet instant précis, il vous suffira de vendre une vieille cassette vidéo originale de Dirty Dancing pour vous payer l’excellent micro Origin des Anglais d’Aston Microphones (et c’est pas cher), le filtre Halo qui l’accompagne, ou encore un Micromonsta, l’exceptionnel petit synthé des Français d’Audiothingies (et c’est pas cher non plus).