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Pédago
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Interview de Satine

Satine : l'autoprod symphonique (partie 1)

Devinette : un groupe en autoproduction peut-il faire un concert avec 40 musiciens classiques dans une salle parisienne et en produire un DVD ? Réponse : Oui. Satine l'a fait.

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Voici le récit de cette aven­ture humaine et musi­cale hors du commun qui montre la force (et des faiblesses) de l’au­to­pro­duc­tion, lorsqu’in­dé­pen­dance, passion et éner­gie sont capables de réali­ser ce que l’ar­gent ne pour­rait peut-être pas.

Note : Le concert "Satine ünder phil­har­monëën " a eu lieu le 24 novembre 2008. Cet entre­tien consa­cré au concert était réalisé quelques jours plus tard. Ne pouvant pas la publier à l’époque, nous avions décidé de vous la propo­ser à l’oc­ca­sion de la sortie du DVD, soit main­te­nant. L’in­ter­view a donc été complé­tée il y a quelques jours par des ques­tions regar­dant la produc­tion du DVD. Satine est repré­senté par Alio­sha (compo­si­teur et guita­riste) et Nico­las (violon et produc­tion sonore).

Un groupe nommé Satine

Satine

Audio­fan­zine : Quelle est l’his­toire de Satine ?

Alio­sha : Ça a commencé il y a quelques années avec Nico et l’an­cienne bassiste. Ça fonc­tion­nait rela­ti­ve­ment bien, mais on sentait qu’il manquait quelque chose pour arri­ver exac­te­ment ce qu’on voulait. Il y a trois ans, Mia la chan­teuse est arri­vée. On s’est dit que c’était exac­te­ment la personne qu’il fallait et depuis, c’est l’os­mose artis­tique. En plus, elle est auteure et co-compo­si­trice. On ne voulait pas de quelqu’un à qui on donne quoi chan­ter… On voulait quelqu’un qui apporte sa propre person­na­lité.

 

AF : Et ensuite ? Vous avez fait beau­coup de concerts ?

Nico­las : Non, volon­tai­re­ment d’ailleurs. Parce qu’on essaye d’ap­por­ter quelque chose de diffé­rent à chaque fois. On voulait aussi fidé­li­ser les gens qui nous soutiennent en propo­sant une date par mois où ils puissent venir à chaque fois en sachant qu’ils vont trou­ver quelque chose de diffé­rent.

Alio­sha : C’est aussi notre manière de bosser la musique. On aime faire de la recherche, on a envie de faire quelque chose qui nous émeut à chaque fois.

Nico­las : Et puis il y a aussi la démarche d’en­re­gis­tre­ment. On fait nos petites bidouilles à la maison. Et puis on a enre­gis­tré dans des studios un peu plus gros. Et puis on a fini par sortir cet EP mi-2008. On a pris notre temps pour sortir quelque chose… 

 

Satine

AF :Comment travaillez-vous entre les concerts ?

Alio­sha : On répète une quin­zaine d’heures par semaine. Pas néces­sai­re­ment tout le monde à chaque séance parce qu’il y a des moments où chacun cherche ses parties. Avec Nico, on fait aussi des tests infor­ma­tiques : on essaye des plug-ins, des free­wa­res… de les chaî­ner… Tout ça prend du temps, mais c’est aussi un plai­sir, toutes ces phases de recherches.

 Nico­las : On a trouvé le logi­ciel qui nous convient. Parce qu’on n’a pas envie de passer des heures comme des geeks à essayer de comprendre comment marchent des trucs très complexes. On utilise le logi­ciel modu­laire qui s’ap­pelle Audio­Mulch, qui est tout con, super simple et permet d’ar­ri­ver tout de suite à l’idée. Une sorte de MaxMSP en beau­coup plus simple. On utilise ça tous les deux en concert.

 Alio­sha : Pour le live, ça marche très bien.

 

AF : Comment compo­sez-vous ?

 SatineAlio­sha : Il y a d’abord l’état de compo­si­tion pure en guitare voix, ce qui donne la struc­ture. Ensuite, il faut l’adap­ter à notre style « rock elec­tro », C’est toute une trans­for­ma­tion : Il ne suffit pas d’em­pi­ler des bons sons pour qu’au final, on constate que l’émo­tion de départ du morceau est partie. Et puis, il y a la batte­rie et la basse, le violon. Il faut respec­ter toutes ces sono­ri­tés dans la direc­tion d’une émotion première, basique.

Nico­las : Il faut dire que depuis deux ans, nous avons la gestion d’un studio, ce qui nous permet de ne plus être dans des créneaux de répèt’ à l’heure comme beau­coup de groupes et comme on le faisait avant. On a plus de temps, on se prend des petites pauses, le temps de prendre un café, de refaire un peu le monde autour du projet. Ces moments sont pratique­ment aussi impor­tants que les moments où l’on répète parce que c’est dans ces moments-là que se décident beau­coup de choses. Pas forcé­ment unique­ment en terme de morceaux, de struc­tures, mais en terme de projets.

 

Avec des violons, c’est mieux…

AF : Comment avez-vous eu l’idée du projet phil­har­mo­nique ?

Alio­sha : J’ima­gine que faire un live avec un orchestre, c’est une envie qu’ont beau­coup de musi­ciens.  Pour nous, ça remon­tait à plus de trois ans. Et puis, il y a eu le Fallen­fest dont on est sorti vainqueur.

Nico­las : Pendant un an, on avait travaillé sur ce trem­plin-festi­val, avec des concerts dans des salles de plus en plus grandes. Enfin, l’an­née se termi­nait. On était contents de notre année et on avait envie de…

Alio­sha : …de repar­tir sur quelque chose de vrai­ment nouveau. Et on s’est dit « est-ce le moment de se lancer dans cette aven­ture ? »

Nico­las : On a donc commencé par fixer la date. On n’avait rien : ni salle, ni orchestre, pas de contacts dans le clas­sique… En janvier, on s’est dit « ça sera le 15 novembre ». Et on l’a annoncé. Sur notre site Inter­net, notre MySpace et tout. C’est une manière de se dire « main­te­nant, on ne peut que le faire sinon on passera pour des abru­tis ou des boulets ».

 

Satine

AF : Vous l’an­non­cez… Et ensuite ?

 Nico­las : Ensui­te… on ne pense qu’à ça. Dès le matin quand on lève jusqu’au soir quand on se couche, en soirée ou au super­mar­ché, t’es en mode « phil­har­mo­nique ». Donc tu es hyper récep­tif à tous les signes que la vie t’en­voie là-dessus. On nous a tendu une perche pendant une soirée, une rencontre. On l’a tout de suite saisie et c’est ça qui au final a permis au projet d’abou­tir.

 

 AF : C’était quoi cette perche ?

 Nico­las : Dans une soirée où je savais qu’il y aurait pas mal de membres d’un orchestre, j’ai commencé à parler de ce projet. On m’a envoyé vers une personne, elle a aimé ce qu’on avait fait et c’était parti. Cette fille qui s’ap­pelle Typhaine Pinville a été le troi­sième pilier du projet, notre inter­face avec l’or­chestre. C’est elle qui a pris à cœur le truc et qui a réuni tout l’ef­fec­tif orches­tral. Au début, on se disait qu’on tablait sur 20 à 25 musi­ciens. Et puis au fur et à mesure des mois, les réponses posi­tives des musi­ciens affluaient et du coup on s’est retrouvé à 38 avec des instru­ments qu’on n’avait même pas prévus.

 

AF : Donc ceux qui vous accom­pa­gnés, c’était pas un orchestre consti­tué. Ce sont des musi­ciens qui ont été trou­vés à droite à gauche ?

Nico­las : Oui. C’est hyper beau, tous ces musi­ciens qui sont venus s’ag­glu­ti­ner au projet. Et pour­tant, ça s’est fait hyper simple­ment. Typhaine, c’est une fille hyper battante et qui est déjà dans le trip hyper clas­sique. Elle joue dans l’or­chestre de la Sorbonne, elle fait partie d’une asso­cia­tion qui orga­nise des petits festi­vals de musique clas­sique… Donc c’était son truc, l’or­ga­ni­sa­tion d’un concert clas­sique, des répé­ti­tions, comment parler aux musi­ciens. On s’est tous retrou­vés à un moment de nos vies où c’était propice à faire un bout de chemin ensemble. Et puis elle écoute énor­mé­ment de musique rock, élec­tro. Elle est fan de Radio­head… Dans son expres­sion clas­sique, à l’idée d’un tel projet, elle est partie à fond. Et ça a été le cas de tous les musi­ciens qu’elle a réunis, aussi.

SatineAlio­sha : Ce que nous avions véhi­culé vis-à-vis d’elle, elle a su le trans­mettre. Et comme elle le véhi­cu­lait super bien, elle nous a donné des retours… Enfin, elle ne pensait pas que ce serait si simple. Même elle était surprise.

Nico­las : Et puis grâce à Typhaine, on a rencon­tré une équipe d’or­ches­tra­teurs qui travaillent au CNSM de Paris, dans une classe à la fois d’in­gés son et d’or­ches­tra­tion. Quatre personnes suscep­tibles d’écrire les parti­tions. On a procédé au plus simple : on leur a fait écou­ter nos morceaux pour que chacun d’eux choi­sisse le morceau qu’il aurait envie d’or­ches­trer en fonc­tion de son envie.

Alio­sha : oui parce que de toute façon, le fil conduc­teur de toutes ces aven­tures, c’est quand même la musique. Personne n’étant payé sur le projet, le mini­mum était quand même qu’ils aient une affec­tion pour le travail qui les atten­dait.

Nico­las : Au final, avec les tech­ni­ciens et tout, l’équipe repré­sen­tait soixante personnes. Et on s’est vrai­ment atte­lés à ce que chaque indi­vidu ait un inté­rêt person­nel à travailler sur ce projet.

 

AF : comment ça s’est passé ? Vous leur avez laissé les rênes complè­te­ment libres ?

Alio­sha : On se donnait des rendez-vous d’écoute. On ne savait pas à quoi s’at­tendre. C’était la première fois qu’on allait deman­der à d’autres gens de faire de la musique sur nos morceaux. On pouvait espé­rer que ce soit super génial, mais si ça n’al­lait pas, comment on fait ? Fina­le­ment, ça c’est super bien passé. Peut-être est-ce dû au fait qu’ils aient choisi leur morceau. Quelqu’un qui choisi un morceau, il ne peut pas non plus en ressor­tir un truc complè­te­ment diffé­rent.

Nico­las : pour parler plus concrè­te­ment, on four­nis­sait à chaque orches­tra­teur un enre­gis­tre­ment au clic du morceau maquetté. Les parti­tions de base aussi, des trucs impor­tants : guitare, basse, des fois chant, des fois violon ou trom­pette, enfin la ligne mélo­dique. On le leur donnait aussi en MIDI pour qu’ils puissent ouvrir ça sur leur logi­ciel de parti­tion, Finale, Sibe­lius, etc.

 

Satine

AF : et eux avaient tous les outils pour vous faire entendre ce qu’ils travaillaient ?

Nico­las : Oui. Ils nous envoyaient notam­ment des mp3 avec des sons MIDI horribles et on essayait d’ima­gi­ner ce que ça donne­rait ! Certains avaient des banques d’ins­tru­ments virtuels plus réalistes. Sinon, ils nous envoyaient juste le fichier MIDI et je faisais le mix orches­tral. Ensuite, toutes les parti­tions ont été mises en ligne, instru­ment par instru­ment. Et puis après, il y a eu toute la phase de dupli­ca­tion des parti­tions. Des trucs qu’on n’avait même pas imaginé dès le début (rires).

Alio­sha : Quand le projet a commencé, on arri­vait à iden­ti­fier certains pôles auxquels on allait devoir se confron­ter. Mais on savait très bien qu’on allait rencon­trer des choses auxquelles on n’avait pas pensé. Et puis il fallait toute la tech­nique. C’était aussi un truc très impor­tant. Se dire « quelle est la personne qui a le maté­riel, qui a les compé­tences (parce que nous, on ne les avait pas) et qui avait assez d’ai­sance pour embras­ser toute cette soirée-là. Le fait d’avoir l’or­chestre et la partie tech­nique, le son, la console, tout ça, on a pu se dire  »ça y est, on le fera. Sans problème". Avoir l’or­chestre, c’est une chose, mais si tu n’as personne pour sono­ri­ser tout ça… Alors, on a appelé un vieil ami avec lequel il fallait qu’on fasse un truc un jour et il m’a dit « je suis ton homme ». Là on était rassuré.

Nico­las : C’est un ami d’en­fance, ils sont venus de La Rochelle avec leurs gros camions et tout le matos et c’était encore du béné­vo­lat. On était tous dans la même mouvance et c’était très agréable. Pour en reve­nir au chef d’or­chestre, on arrive au mois de mai. On a un orchestre, la tech­nique, une date… Mais on n’a toujours pas de salle ni de chef d’or­chestre. Alors, on appelle les copains, etc. « t’au­rais pas un plan ? »

 

AF : « Allo, t’as pas un chef d’or­chestre qui ne servi­rait pas dans un coin ? »

Satine
Nico­las : voilà (rires). Surtout que ce n’est pas évident de trou­ver un type assez bon pour embras­ser un projet comme ça et qui accepte toute la problé­ma­tique qui va autour : jouer au clic, accep­ter le casque… et tout ça dans un projet qui n’est pas clas­sique dans tous les sens du terme… Et on finit par rencon­trer Auré­lien. Un petit café, un matin… Il est parti avec notre CD… Il était très discret… Et main­te­nant on a vécu de tels moments avec lui qu’il fait partie de la famille ! C’est un truc de fou. On est tombés sur un mec hyper pro, hyper ouvert, extrê­me­ment agréable. Il a été tout de suite adopté par l’or­chestre. Parce qu’un orchestre avec son chef, il y a une espèce de séduc­tion au début. Il s’est tout de suite mis l’or­chestre dans la poche. Vrai­ment un mec en or. Après il y a eu les petits à côté. Par exemple, il fallait trou­ver des pupitres. 25 ! Fallait aussi trou­ver des éclai­rages de pupitres. Donc, on a un pote élec­tro­ni­cien un peu savant fou qui nous a dit « ça je gère ». Donc le soir du concert, il y avait des câbles partout, des trans­fos qu’il avait bidouillés lui-même, des barres de leds qu’il avait scot­chées partout… Tout ça pareil, béné­vo­le­ment et dans le même esprit.

Alio­sha : En paral­lèle, un projet comme ça, il fallait que ça se sache. Mais pour toute la partie commu­ni­ca­tion, on n’a pas de rela­tion presse.

Nico­las : on a long­temps cher­ché une atta­chée de presse, on ne l’a pas trou­vée. Alors, on a fait nous même.

 

AF : juste­ment, vous parliez d’une fidé­li­sa­tion de public… Comment avez-vous géré ça ?

Satine
Nico­las : c’est juste qu’on essaye d’avoir une démarche cohé­rente et on attache une très grande impor­tance à la commu­ni­ca­tion en direct avec notre public, avec les indi­vi­dus qui composent notre public, j’en­tends. Mais on ne se l’im­pose pas, c’est comme ça. De fait, on est hyper proches des gens, on répond… On essaye de tisser des liens vrai­ment indi­vi­duels avec la commu­nauté MySpace, Face­book et des choses comme ça. Et puis essayer d’avoir une démarche cohé­rente de respect vis-à-vis du public en leur propo­sant des choses nouvelles en étant humble par rapport à ceux qui viennent te voir, quoi. Et au final, ça donne ça. On a aussi une mailing-list, bien sûr. Mais on passe beau­coup de temps à réflé­chir à la façon dont on va répondre aux gens et on essaye toujours d’être dans une ambiance fami­liale.

Alio­sha : On nous a proposé, à un moment donné, que ce soit une société qui gère notre MySpace et nos autres sites, comme ça se fait pour beau­coup de groupes et on a refusé. Parce que fina­le­ment, on te coupe quelque chose dans ce pour quoi fina­le­ment tu fais de la musique.

Nico­las : quand on a eu le plan­ning des répé­ti­tions avec l’or­chestre, on l’a mis sur le MySpace. Dans l’agenda des concerts, on mettait « Répé­ti­tion avec l’or­chestre. Répé­ti­tion 1, Répé­ti­tion 2 », on mettait les photos… On essayait d’in­ves­tir les gens, que les gens se disent « putain ! Ça va venir ! »

Alio­sha : chaque étape était telle­ment impor­tante à nos yeux qu’on avait envie de la trans­mettre.

 

AF : c’est quoi, le canal prin­ci­pal. MySpace ?

Nico­las : oui. On a un site parce qu’il y avait un temps où il fallait avoir un site, mais c’est complè­te­ment dépassé par tout le renou­vel­le­ment apporté par le web 2 et aujour­d’hui, on s’ex­prime prin­ci­pa­le­ment sur MySpace et Face­book. Et notre MySpace, c’est vrai­ment notre réfé­rent. C’est là qu’on mesure notre audience, en terme d’af­fi­cha­ge… On se prend au jeu fina­le­ment, d’ob­ser­ver les chiffres. Juste avant le concert, on a eu un pic de fou… Là ça se main­tient… Enfin, c’est assez rigolo, quoi.

Nico­las : Mais c’est vrai que quand on dit qu’on a changé de casquette, c’est que pendant une période, on n’a pas fait de musique.

Fin de la première partie. Dans la seconde, nous évoque­rons la capta­tion vidéo et le travail avec les musi­ciens clas­siques et l’abou­tis­se­ment du projet.

 

Vous pouvez, en atten­dant, visi­ter la page Daily­mo­tion de Satine avec le teaser du DVD.

Le site de Satine (commande directe du DVD)

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