Sujet Audiofanzine et écriture inclusive : le point de vue d'Audiofanzine
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Los Teignos

Précisons d’emblée que ce changement est le fait d’un choix unanime au sein de l’équipe d’Audiofanzine qui est composée de 8 hommes et 4 femmes (cette mixité n’étant pas due à un objectif de parité mais au fait que les 4 femmes en question étaient pour nous les meilleures candidates), et qu’il n’implique aucune obligation pour nos rédacteur·trice·s externes, mais une recommandation que chacun est libre ou non de suivre.
Précisons par ailleurs que s’il est important pour Audiofanzine de plaire à ses utilisateur·trice·s, le site n’est pas pour autant un service d’état en devoir d’obéir à ses contribuables. Et les sondages comme les pétitions ne sont pas ce qui conduit notre entreprise et encore moins nos engagements.
Cela ne nous empêche pas d’expliquer les raisons de nos choix et d’en discuter respectueusement avec la communauté.
But de l’écriture inclusive pour AF
Le premier but poursuivi est évidemment de ne pas exclure le public féminin des contenus que nous produisons, étant entendu qu’il n’y a pas de raison de traiter différemment une musicienne et un musicien, et qu’il n’y a pas de raison de s’imaginer qu’un piano, une guitare ou un micro doit être plus utilisé par un homme que par une femme.
Mais il entend aussi être une forme visible de soutien au combat pour l’égalité des sexes et contre la misogynie, à plus forte raison dans un secteur et sur un site où le sexisme est hélas très répandu.
AF, un site sexiste ?
Saviez-vous que sur AF comme ailleurs, des femmes préfèrent cacher qu’elles sont des femmes pour ne pas faire l’objet de railleries, de harcèlement ou de violence verbale dans leur rapport à la communauté ?
Saviez-vous que nous avons déjà eu à modérer des propos faisant l’apologie du viol de femme ?
Saviez-vous que nos employées féminines doivent couramment faire face à des attitudes condescendantes ou agressives au seul motif qu’elles sont des femmes et que les femmes, c’est bien connu, n’y connaissent pas plus à l’audio qu’au football ?
Le monde de la musique et de l’audio serait sexiste ?
Oui, et quand bien même on s’imagine qu’il est progressiste, ouvert au changement, plutôt cultivé, il ne l’est sans doute pas moins que celui du bâtiment, de la politique ou du jeu vidéo, car le sexisme, comme toutes les violences d'ailleurs, touche tous les milieux socioculturels sans distinction.
Voici quelques chiffres établissant une réelle différence entre hommes et femmes dans le secteur de la musique :
10% des SMAC (Scènes de Musiques ACtuelles) sont dirigées par une femme
12% des groupes qui s’y produisent comptent parmi leurs membres au moins une femme
10% de femmes fréquentent les studios de répétition.
En 2018, elles représentent 13% des aides de l'État accordées à la création d’œuvres musicales et cumulent moins de 50 000€ de cette aide sur une enveloppe totale de 518 000€…
La SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musiques – le tout, au masculin !) ne compte que 18 % de femmes parmi ses sociétaires
Il y a 5 femmes seulement sur 42 programmateurs·trices des structures adhérentes à la FEDELIMA…
4 victoires de la musique pour le meilleur album sur 48 ont été attribuées à des femmes depuis 1985
Elles ne représentent que 24 % des artistes les plus téléchargé·es.
Peut-être parce qu’elles sont stupides finalement, ou qu’elles n’ont aucun talent ? Mais comme 52% des diplômé·e·s des écoles d’enseignement artistique supérieur du spectacle vivant sont des femmes, on est forcément obligé de se dire que cette sous-représentation tient moins à des limites qu’auraient naturellement les femmes qu’à des bâtons dans les roues que leur mettraient les hommes…
Et encore ne parlons-nous là que d’égalité et de discrimination quand on pourrait aussi parler criminalité, qu’il s’agisse de violences psychologiques ou physiques, du harcèlement jusqu’au viol…
Dans une enquête sur la santé et le bien-être dans l’industrie musicale en France, dévoilée en octobre 2019 par Cura collectif et la Guilde des artistes de la musique (GAM), 31 % des 256 répondantes travaillant dans le secteur musical disent avoir été victimes, au moins une fois, de harcèlement sexuel (soit presque une femme sur trois), dont 39 % sont des artistes féminines et 24 % des professionnelles du secteur.
Et croyez-vous que la chose ne touche pas le monde cultivé de la musique classique ou de la danse ? Dans une enquête réalisée au CNSM de Paris, 8,6% des femmes répondant affirment avoir été victimes d’agressions sexuelles.
Certes ! Mais que vient faire l’écriture inclusive là-dedans ?
L’écriture inclusive implique de changer bien des habitudes pour celles et ceux qui l’écrivent comme pour celles et ceux qui la lisent. Est-ce que c’est beau ? Sans doute pas, encore qu’aucun linguiste ne vous dira qu’une langue ait déjà eu le projet d’être belle… Est-ce que ça heurte la lecture, est-ce que ça dérange nos vieux réflexes orthographiques selon lesquels le masculin l’emportait ? Évidemment.
Et certains objecteront que ce n’est pas à la langue de payer les pots cassés du sexisme ambiant ou de la misogynie, que ce n’est pas en féminisant des mots ou en parsemant un texte de points médians rendant sa lecture plus difficile que la cause des femmes avancera.
Ce point demeure très discutable.
D’abord parce que la langue a été singulièrement masculinisée depuis le Moyen âge, et qu’elle a même été repensée pour satisfaire un projet d’aliénation de la femme. Dans les cahiers préparatoires à la rédaction du dictionnaire en 1673, on pouvait en effet lire que le but était de distinguer grâce à la langue "les gens de lettres d'avec les ignorants et les simples femmes". À ceux qui accuseraient les partisans de l’écriture inclusive de politiser la langue, rappelons donc qu’elle n’a jamais cessé d’être instrumentalisée à des fins politiques et que les Droits de l’homme et du citoyen (qui, rappelons-le, excluaient les femmes à l’origine, homme étant à entendre au sens masculin) ne se sont jamais crû en devoir de rétablir cet odieux programme politique.
Ensuite parce que la langue est un territoire sacré pour nombre de gens, qu’ils y tiennent comme à leur Arc de Triomphe, leur Louvre ou leur Versailles et que c’est précisément en intervenant sur cette langue chérie qu’on peut retenir l’attention de tous. Tout comme on s’est ému de voir un tag odieux défigurer ce symbole d’impérialisme qu’est l’Arc de Triomphe…
N’a-t-on d’ailleurs jamais autant parlé de la condition de tel ou tel groupe que parce qu’ils gênaient la bonne marche de la société : les opérations escargot, les grêves, les saccages ou dégradations sont toujours des extrémités auxquelles en viennent ceux qui, malgré la politesse de leurs demandes répétées, n’ont suscité que de l’indifférence voire du mépris. Il ne s’agit en rien de justifier une quelconque violence ici, mais d’établir qu’en matière d’avancée sociale, on n’obtient jamais de progrès autrement qu’en exerçant un pouvoir de nuisance, ce qui invalide l’usage, comme beaucoup de modérés le défendent, d’une écriture inclusive plus discrète, à l’ancienne, pour ne pas gêner l’oralité ou les 10% de Français·e·s souffrant de troubles dys-.
Les fameux “Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs…”, “Françaises, Français” ou “musiciens, musiciennes” en vigueur depuis des décennies ont clairement montré qu’ils n’apportaient rien à l’évolution de la société : ils étaient déjà depuis longtemps en vigueur quand Edith Cresson se faisait insulter par les parlementaires masculins lors de sa prise de fonction en tant que première ministre en 1991.
Alors voilà, quand bien même elle heurte par manque d’habitude, l’écriture inclusive, même dans ses formes les plus gênantes, a ce mérite de donner une visibilité à un problème qui n’avance pas parce qu’il est invisibilisé. Parce que le masculin l’emporte et que ça convient à « tout le monde ». Nous ne pensons pas que cette forme d’écriture parviennent à elle-seule à créer une société plus égalitaire, mais elle nous rappelle à ce problème à chaque détour de phrase et qui, parce qu’il concerne plus de la moitié de la population, n’est pas à considérer comme un détail. La langue française en gardera ce qu’elle voudra et nous espérons que notre communauté comprendra l’utilité que nous lui reconnaissons et consentira l’effort de s’y habituer, sachant que nos rédacteur·trice·s demeurent libres de l’utiliser ou non dans leurs contenus, à leur convenance avec ou sans point médians, tous comme nos modérateur·trice·s.
Bien sûr, cela doit s’accompagner d’une meilleure visibilité des femmes au sein des contenus produits par AF, chose sur laquelle nous travaillons, mais nous sommes convaincus que son usage contribue à casser l’ambiance de vestiaire de foot que nous déplorons trop souvent.
Quant aux Don Quichotte qui pensent intelligent de boycotter la lecture d’un texte évoquant les problèmes écologiques sous prétexte que 0,16% des signes qu’il utilise sont des points médians et que c’est là un combat civilisationnel qui mérite, plus que tout autre, leur attention, il n'y a sans doute pas grand chose à en dire si ce n’est que nous n’avons pas les mêmes valeurs ni ne combattons les mêmes moulins.
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
[ Dernière édition du message le 01/06/2022 à 15:52:17 ]

Over Kraft

Si tu lis des blogs, tribunes, féministes ce n’est pas du tout de la vocifération.


Gam

Je n'avais jamais remarqué que même les choses avait un sexe, ça doit être spécifique à la langue Française.
Les noms? Spécifique, je ne sais pas, mais c'est commun aux langues latine.
[ Dernière édition du message le 22/11/2022 à 13:02:32 ]

Will Zégal

Je n'avais jamais remarqué que même les choses avait un sexe
un genre.
Qui ne détermine pas grand chose : UNE guitare, UN violon, UN luth, UNE harpe.
C'est juste parce qu'on n'a pas de neutre dans notre langue (contrairement langues germaniques).
Le problème n'est pas le genre des choses. Personne ne s'offusque qu'on parle d'une guitare ou d'un piano, d'une flûte ou d'un tin whistle.
Le problème est l'adoption quasi universelle du genre masculin pour désigner des notions qui ne sont pas masculines, mais tendent à le devenir à cause de cette attribution de genre. Ou encore la "règle" (très tardive dans l'histoire de la langue) du masculin l'emportant sur le féminin qui fait que si t'as un repas avec 100 femmes et un homme, tu le désigneras en disant "ils mangent".
>>>>>>> La fabrique du crétin digital ? <<<<<<<<<
======== Peut-on planer sous terre ? =========
[ Dernière édition du message le 22/11/2022 à 14:02:27 ]

Snowfall


Gulistan

Quand pour d'autres, la réflexion a eu lieu il y a belle lurette.
Ça peut expliquer la teneur des débats.

Franck Heudebert De Folembray

J'ai l'impression qu'il y a des gens qui découvrent certaines choses et voudraient en discuter.
Quand pour d'autres, la réflexion a eu lieu il y a belle lurette.
Ça peut expliquer la teneur des débats.

Gam

L'Allemand a 3 genres pour les noms, on est loin d'être une exception ou quoi que ce soit. L'Anglais aussi a des mots au féminin, comme "priestess", "actress", et pas mal de noms d'oiseaux aussi.
actrice et prêtresse n'existe pas français ?
Par contre il n'y a pas de genre pour les objets, tout ce qui est relatif a un métier est unisexe avec quelque exception comme actress, waitress (qui existe en neutre comme server)
Par exemple bottle, vient du vieux Français boteille qui est féminin.
[ Dernière édition du message le 22/11/2022 à 14:41:44 ]

Sonoita

Je m'étonne aussi de ta formulation "elles vocifèrent". Bizarrement au féminin. Il y aurait donc une façon spécifique aux femmes de militer ? Qui, bien sur, serait des "vociférations" ?
Intéressant. Au moins, ça change de la traditionnelle accusation "d'hystérie".
J'utilise le féminin comme neutre, juste retour des choses après plusieurs siècles de masculin qui l'emporte sur le féminin.
Ce elles c'est aussi bien elles que ils. C'est la forme inclusive que je préfère pour le moment, ça me semble assez doux et bienveillant.
Dans un fil sur l'inclusion c'est quand même costaud de prendre ce "elles" pour un "elles" seulement féminin. Bizzarement réducteur, pour reprendre ton adverbe.
Pour le cynisme, c'est pas trop dans mes capacités, le mot n'est sans doute pas le bon. J'exprime juste mon point de vue et il n'y a rien de cynique là-dedans (c'était pas plutôt excessif ?), il y a du militantisme tout à fait sincère : mais je disais bien que je préfère l'obsession des synthés au militantisme, que je trouve particulièrement chiant, spécialement quand il s'agit d'imposer son point de vue aux autres.
[ Dernière édition du message le 22/11/2022 à 15:49:41 ]

Will Zégal

J'utilise le féminin comme neutre, juste retour des choses après plusieurs siècles de masculin qui l'emporte sur le féminin.
Je ne t'avais pas si enthousiaste pour l'écriture inclusive dans tes précédents posts.

oui je disais que je préfère l'obsession des synthés au militantisme
C'est ton droit. Mais alors pourquoi viens-tu discuter ici au lieu de rester dans le silence des pantoufles ?
Tu milites.
>>>>>>> La fabrique du crétin digital ? <<<<<<<<<
======== Peut-on planer sous terre ? =========
[ Dernière édition du message le 22/11/2022 à 15:51:46 ]

Sonoita

Je ne t'avais pas si enthousiaste pour l'écriture inclusive dans tes précédents posts.
Ben tu as juste mal lu : quand le point médian est apparu sur Audiofanzine (il y a environ 6 mois, un peu après l'arrivée aussi de Thomann), j'ai plaidé pour qu'on essaye d'utiliser d'autres formes inclusives visuellement moins hachées à l'écrit (pour l'oral le point médian est inutilisable je crois), et ma proposition était qu'on féminise chaque fois que nécessaire, en adoptant comme principe le féminin qui l'emporte sur le masculin, histoire de rattraper 2 siècles de règle de grammaire pas du tout inclusive. Depuis c'est à peu près ce que je fais quand j'écris.
Pantoufles, bah plutôt chaussettes, mais en effet pas de pompes dans la maison, c'est qu'il pleut parfois dans mon Finistère.
Si tu penses qu'il n'y a rien entre silence et militantisme, c'est un peu comme si un fader était en fait un bouton on/off.
Ce fil n'est pas spécialement un fil de militantisme, c'est un fil de point de vue sur l'écriture inclusive dans le contexte d'Audiofanzine, comme c'est écrit dans le titre du fil, tout là-haut !!
[ Dernière édition du message le 22/11/2022 à 17:03:34 ]