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Dossier sur les registres mécaniques de la voix

Les registres mécaniques de la voix

Que vous soyez féru de chant lyrique, de jazz ou de chant moderne pop, soul, R’N’B... etc., les chanteurs sont tous, indépendamment du style musical, soumis aux lois aérodynamiques, mécaniques, et acoustiques. Dans cet article, nous allons nous intéresser à la mécanique de l’organe vibrateur, aux différents mouvements des cartilages et actions musculaires qui entrent en jeu pendant la phonation, et plus spécifiquement aux différentes configurations des registres vocaux.

Le larynx

Voix de tête, voix de poitrine, falsetto, voix mixte… un voca­bu­laire qui vous est fami­lier aujour­d’hui, grâce aux émis­sions télé­vi­suelles qui ont vulga­risé les termes liés au geste vocal, lais­sant parfois incer­ti­tudes et incom­pré­hen­sions auprès des chan­teurs. Le mystère autour des registres ne fait que s’am­pli­fier, entre les diffé­rentes appel­la­tions euro­péennes ou améri­caines, et les diffé­rentes tech­niques de chant utili­sées dans le monde… Il est diffi­cile aujour­d’hui pour un chan­teur de s’y retrou­ver. Une première confu­sion vient du fait que le mot “registre” est employé pour défi­nir de nombreuses caté­go­ries, comme les parties graves, médiums, aiguës et suraigües de la voix, ce même mot “registre”, est égale­ment employé pour iden­ti­fier les registres méca­niques laryn­gés (registre de tête/voix de tête ou registre de poitrine/voix de poitrine), puis pour clas­si­fier les voix : registre basse, bary­ton, ténor, alto, mezzo, sopra­no… Résul­tat, on y perd son latin ! Pour­tant, d’un point de vue physio­lo­gique, nous sommes tous égaux. Chaque indi­vidu possède un organe phona­toire, le larynx, qui lui permet de créer des sons pour parler ou chan­ter, et la méca­nique vibra­toire reste iden­tique pour chacun d’entre nous. Il suffit donc simple­ment de cali­brer le voca­bu­laire, puis de regrou­per les pièces du puzzle.

Afin d’iden­ti­fier et de diffé­ren­cier les registres vocaux, dits “méca­nismes”, c’est à dire, les diffé­rentes confi­gu­ra­tions vibra­toires laryn­gées permet­tant de fabriquer des sons, commençons par nous inté­res­ser de plus près au fabri­cant du son : le larynx.

Un peu d’ana­to­mie

Le larynx

Situé à l’ex­tré­mité de la trachée-artère, ce dernier joue le rôle de carre­four des voies diges­tives et respi­ra­toires. Son système de gouver­nail, assuré par l’ac­tion de l’épi­glotte, va permettre, soit de diri­ger les aliments vers l’œso­phage et l’ap­pa­reil diges­tif, soit d’ou­vrir l’ac­cès à l’air et permettre l’en­trée de l’air dans les poumons (l’ins­pi­ra­tion) ou la sortie de l’air vers l’ex­té­rieur (expi­ra­tion). Obser­vons le larynx à la loupe : composé du carti­lage cricoïde, inter­mé­diaire entre les anneaux trachéaux et le carti­lage thyroïde, du grec « Crucos » qui signi­fie anneau, sa forme ressemble à une bague cheva­lière, avec la partie la plus large située vers l’ar­rière. Ce carti­lage consti­tue la base du larynx, il est suspendu à l’os hyoïde. Sur la partie posté­rieure et supé­rieure (chaton) du carti­lage cricoïde, reposent les deux carti­lages aryté­noïdes, et carti­lages corni­cules, en forme de triangle. Ils sont mobiles et pivotent au-dessus de la partie posté­rieure du carti­lage cricoïde. Ils sont égale­ment atta­chés au carti­lage cricoïde par les muscles crico-aryté­noï­diens. Le rappro­che­ment ou l’éloi­gne­ment des carti­lages aryté­noïdes, permet­tra l’ad­duc­tion ou l’ab­duc­tion des deux cordes vocales.

Le larynx

Posé sur le carti­lage cricoïde, et relié par le muscle crico-thyroi­dien, se situe la partie supé­rieure du larynx et la plus impo­sante, le carti­lage thyroïde, en forme de livre ouvert, la tranche du livre posi­tion­née vers l’avant, avec sa struc­ture proémi­nente plus commu­né­ment appe­lée “pomme d’Adam”. Notons un angle de 120° pour la femme, et de 90 ° chez l’homme, ce qui lui confère un angle plus saillant. Le carti­lage thyroïde abrite les deux cordes vocales, ou muscles thyro aryté­noï­diens, accro­chées d’une part sur les apophyses vocales des carti­lages aryté­noïdes, et d’autre part, dans l’angle interne du carti­lage thyroïde. Elles se posi­tionnent sur un plan hori­zon­tal. Les muscles thyro-aryté­noï­diens et crico-thyroï­diens permettent de contrô­ler la tension des cordes vocales. Notons que la struc­ture de la corde vocale est compo­sée du muscle vocal ou thyro-aryté­noï­dien (muscle profond), du liga­ment vocal lui-même composé de 3 couches tissu­laires (profonde, moyenne et super­fi­cielle), ces derniers recou­verts d’une couche d’épi­thé­lium.

Le larynx

Atta­ché égale­ment à l’angle interne du carti­lage thyroïde, on retrouve la base infé­rieure du carti­lage épiglot­tique, plat et mobile, en forme de languette. Il est égale­ment situé derrière la racine de la langue. L’os hyoïde situé au-dessus du larynx, dans la partie anté­rieure du cou, au-dessous de la base de la langue, soutien grâce à une chaine muscu­laire le larynx en suspen­sion. Il n’est donc pas figé, mais mobile.

Rappe­lons succinc­te­ment la méca­nique du geste vocal, qui se défi­nit en 3 étages bien distincts : air, vibra­tion, réso­nance, sur un mouve­ment d’air expi­ra­toire. L’air, expulsé des poumons en pres­sion, remonte par la trachée-artère, puis va rencon­trer le larynx. Ce dernier va trans­for­mer l’éner­gie aéro­dy­na­mique en éner­gie méca­nique, puis acous­tique. Sous l’ac­tion du mouve­ment de l’air, les cordes vocales vont s’ac­co­ler, s’écar­ter, puis s’ac­co­ler de nouveau… etc., créant un cycle vibra­toire, lais­sant s’échap­per des bulles d’air à chaque période d’ou­ver­ture et de ferme­ture (Puffs). C’est la nais­sance du son fonda­men­tal. Ce dernier s’en­ri­chira et s’am­pli­fiera grâce aux espaces de réso­nance situés au-dessus du larynx: pharynx, cavité buccale, fosses nasales.

Les modes vibra­toires

Mécanismes vibratoires de la voix

Mais alors, comment le larynx arrive-t-il à fabriquer diffé­rentes couleurs de son ? Il existe diffé­rents systèmes ou modes vibra­toires, dits méca­nismes laryn­gés :

Le Méca­nisme 0 : Fry ou Stroh­bass (Extrême grave de la voix)

Ce son est souvent comparé à un grin­ce­ment, un craque­ment ou à un crépi­te­ment de la voix. À cette hauteur fréquen­tielle, les cordes vocales vibrent à une vitesse rela­ti­ve­ment lente, variant de 80 à 100 vibra­tions/secondes, soit 80 à 100 Hertz, fonc­tion des indi­vi­dus. Les cordes vocales sont très épaisses, très courtes et très relâ­chées. Le son est extrê­me­ment grave, plutôt même asso­cié à un bruit, impliquant une grande ampli­tude vibra­toire avec un temps de ferme­ture des cordes, très court. Très peu d’ac­tion muscu­laire obser­vée sur les muscles thyro-aryté­noï­dien, crico-thyroï­dien et inter-aryté­noï­dien. Le fry peut parfois servir d’« effet de voix » chez certains chan­teurs contem­po­rains. Cf :« Hit me baby one more time » de Brit­ney Spears. On retrouve le fry égale­ment dans les chants mongols.

Mécanismes vibratoires de la voix

Le méca­nisme 1, méca­nisme lourd ou registre modal

Ce méca­nisme est surnommé le plus souvent par les chan­teurs, « voix de poitrine » ou « voix pleine ». Le timbre est riche en harmo­niques, les cordes vocales sont épaisses et courtes, et la tota­lité de la masse muscu­laire entre en vibra­tion. La tension prin­ci­pale est assu­rée par les muscles vocaux, thyro-aryté­noï­diens, qui se contractent, provoquant leur raccour­cis­se­ment. A contra­rio, la tension du liga­ment vocal est faible.

Mécanismes vibratoires de la voix

Le méca­nisme 2 : méca­nisme léger

Ce méca­nisme est appelé le plus souvent par les chan­teurs « voix de tête ou falsetto/voix de faus­set ». Les cordes sont longues et fines. Les liga­ments vocaux sont étirés par l’ac­tion muscu­laire du crico-thyroï­dien, provoquant une bascule vers l’avant du carti­lage thyroïde. Le muscle vocal est lui, pratique­ment détendu. La portion vibrante de la corde est raccour­cie. Ce méca­nisme est le plus souvent utilisé chez les femmes et enfants (avant la mue) lors de la parole.

-Le méca­nisme 3 : Voix de sifflet (Extrême aigu de la voix)

Il existe encore, à ce jour, des études en cours sur la voix du sifflet et le flageo­let, qui seraient des méca­nismes laryn­gés très diffé­rents. Le flageo­let serait la conti­nuité du méca­nisme 2, c’est-à-dire, la partie suraigüe du méca­nisme léger, avec une vibra­tion très rapide des cordes et une très faible ampli­tude du mouve­ment, le liga­ment vocal très tendu et une compres­sion forte entre les cordes vocales. Le sifflet entre­rait dans une autre « méca­nique » laryn­gée, avec adduc­tion des cordes vocales sans vibra­tion, mais avec une fuite d’air en arrière des apophyses vocales, au niveau de la zone inter-aryté­noï­dienne. Cette fine fuite d’air permet­trait de fabriquer la voix de sifflet.

Les méca­nismes lourds et légers sont les modes vibra­toires les plus utili­sés dans les musiques modernes ampli­fiées. L’in­té­rêt d’ap­prendre à jouer de ces registres vocaux, est d’une part, un moyen d’évi­ter de se bles­ser ou de se fati­guer la voix, en cher­chant obsti­né­ment à atteindre ses aigus en force dans un registre inadapté, et d’autre part, de jouer sur une palette vocale, beau­coup plus éten­due et plus riche.

À la conquête des aigus !

La diffi­culté pour un chan­teur est la gestion du passage d’un méca­nisme laryngé à un autre, sans entendre de « décro­chage ». Ce passage doit s’ef­fec­tuer en douceur. Rappe­lons que cette tran­si­tion est liée à une action muscu­laire diffé­rente entre les 2 registres. En registre de poitrine (méca­nisme lourd), seul le muscle vocal est en action tandis que le liga­ment vocal est au repos. Lors du chan­ge­ment de registre en méca­nisme de tête (méca­nisme léger), le muscle vocal, thyro aryté­noï­dien, va se détendre, pour lais­ser un autre groupe muscu­laire prendre le relais (crico-thyroi­dien), entrai­nant la bascule du carti­lage thyroïde, provoquant la tension du liga­ment vocal. Tout le travail pour un chan­teur est donc de maîtri­ser la souplesse de la chaîne muscu­laire et ainsi permettre un chan­ge­ment de registre fluide pour atteindre ses aigus, sans « cassure » du son. Qu’en est-il de la voix mixte ? La voix mixte est le fait d’ho­mo­gé­néi­ser le timbre de la voix, sur toute l’éten­due vocale. Il ne s’agit donc pas d’un nouveau méca­nisme vibra­toire laryngé. La voix mixte n’est donc qu’une adap­ta­tion réso­nan­tielle et forman­tique lors du chan­ge­ment de registre laryngé, qui permet­tra au chan­teur de garder la même texture timbrale sur toute son éten­due vocale. 

À noter que certains chan­teurs aver­tis cherchent l’ho­mo­gé­néité du passage entre les deux méca­nismes en chan­tant les aigus en pleine puis­sance, d’autres au contraire, jouent sur la diffé­rence de timbre de chacun d’eux. Il est égale­ment possible de jouer sur les deux tableaux, l’une confi­gu­ra­tion n’em­pê­chant pas l’autre, c’est-à-dire chan­ter les aigus parfois en puis­sance, parfois en légè­reté. D’où l’in­té­rêt d’avoir de solides bases tech­niques. Il ne s’agit alors, que d’un choix pure­ment artis­tique et esthé­tique du chan­teur, impliquant son style et univers musi­cal.

N’ou­blions pas que la clé de l’épa­nouis­se­ment vocal du chan­teur va bien au-delà de l’as­pect physio­lo­gique de la voix. La liberté vocale se construit dans une sensa­tion vibra­toire, kines­thé­sique, une conscience acous­tique ou mentale, où la mémoire muscu­laire joue un rôle déter­mi­nant dans la maîtrise du geste vocal. La répé­ti­tion d’un geste adapté est donc primor­diale. N’hé­si­tez donc pas à chan­ter, sans modé­ra­tion. 

Stépha­nie Dumouch, profes­seure de chant/coach vocal.

www.stepha­nie­du­mouch.fr


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