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Interview / Podcast
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Interview de George Massenburg (GML, Earth, Wind and Fire)

Musique paramétrique

C’est toujours une expérience peu commune que de pouvoir rencontrer une «personnalité» qui a, un jour, apporté sa pierre à l’édifice d’un corps de métier en constante évolution. En marge des vidéos publiées sur AF il y a quelques mois, nous avons eu le plaisir de rencontrer George Massenburg lors de sa dernière visite parisienne et d’aborder des points de vue beaucoup plus «généraux» sur la musique avec lui. Entretien avec un personnage dont le sérieux et la précision n’ont d’égal que son ouverture et sa liberté d’esprit.

Inter­view

Bootz : George, avant de commen­cer, sur quoi travailles-tu en ce moment ?

George Massen­burg : J’ai trois projets de disques sur lesquels je travaille en ce moment. Le premier n’est pas un enre­gis­tre­ment de disque à propre­ment parler, puisqu’il s’agit d’un opéra de Mozart – Don Giovanni – produit par l’Uni­ver­sité McGill (célèbre univer­sité québé­coise située à Mont­réal, NDA) et pour lequel je m’oc­cupe de la réali­sa­tion et la super­vi­sion de la post­pro­duc­tion… Je termine donc Don Giovanni, qui a été filmé par les étudiants grâce à 8 camé­ras HD, à travers une nouvelle métho­do­lo­gie. C’est une nouvelle façon de filmer les opéras qui, à mon sens, est bien plus effi­cace – du point de vue du spec­tacle – car cette façon de filmer expose un peu mieux l’opéra en le rendant plus « proche », plus « intime » et plus appro­prié à ce que veut voir la nouvelle géné­ra­tion sur petit écran. 

Je fais ça et deux autres projets musi­caux. Je travaille avec l’or­chestre du McGill Jazz 1 pour le disque Stand Kitten – qui va sortir dans le commerce – et c’est super car la plupart des musi­ciens du Jazz 1 sont fantas­tiques, ce sont de grands solistes. Les chan­sons sont excel­lentes, le batteur est génial, le bassiste, les guita­ristes, les pianistes sont géniaux, tout est génial. Enfin, je m’oc­cupe d’un nouveau groupe de pop qui s’ap­pelle Urban Crea­ture et qui vient de Toronto ; ils écrivent et produisent eux-mêmes leurs chan­sons. C’est un projet person­nel pour voir comment le nouvel modèle pour­rait fonc­tion­ner. Je travaille complè­te­ment gratui­te­ment, je parti­cipe à l’en­re­gis­tre­ment du groupe et nous verrons ensuite ce que ça donne.

D’autre part, travailles-tu toujours avec GMLabs ?

En fait, j’ai 3 métiers. Et ces trois métiers sont : l’en­sei­gne­ment, la fabri­ca­tion d’équi­pe­ments élec­tro­niques et l’en­re­gis­tre­ment. Et un peu de mixage aussi, mais je suis malheu­reux si je ne fais pas l’un des trois. J’ai envie d’avoir ces trois acti­vi­tés, car elles « s’in­forment » entre elles. Je dois conti­nuer d’en­re­gis­trer (des artistes, NDA) pour rester au fait des métho­do­lo­gies du studio ; j’écoute tout ce que j’ai sous la main et tout ce que je peux me mettre dans les oreilles. J’en­tends de nouvelles choses qui se font et je veux les essayer moi aussi, en condi­tions. Je suis beau­coup en studio… En ce qui concerne la fabri­ca­tion d’équi­pe­ments, nous avons en ce moment même deux logi­ciels à l’étude pour MDW et un nouveau produit hybride pour GML qui sera la nouvelle géné­ra­tion des contrô­leurs (de dyna­mique) de la série 9000, mais avec une side­chain à DSP. Ceci prend beau­coup de temps à déve­lop­per, car, de manière interne, cela doit fonc­tion­ner à 384 kHz, donc c’est très rapi­de… Mais ça n’est pas rapide à déve­lop­per ! Toujours à propos des logi­ciels, nous sortons de nouveaux produits pour les plate­formes Protools 10.2 au format AAX, pour les trai­te­ments DSP (HDX) et Natifs. C’est beau­coup de travail !

Je n’avais pas ce type de compres­seur donc je l’ai fabriqué !

En parlant « d’équi­libre » entre tous ces projets, je voudrais reve­nir un peu sur tes débuts dans le métier, les premiers moments de ta carrière. J’ai lu que tu avais commencé à l’âge de 15 ans, en travaillant en même temps dans un labo­ra­toire et dans un studio…?

J’ai effec­ti­ve­ment inté­gré un studio d’en­re­gis­tre­ment à Balti­more, dans le Mary­land, à cette époque. Mais je crois que tout a commencé quand j’avais 4 ans : je mouillais mes doigts, dévis­sais une ampoule et « AAAH », simple­ment pour expé­ri­men­ter ! (Rires) J’aime vrai­ment l’en­re­gis­tre­ment musi­cal depuis mon plus jeune âge. J’ai eu l’ex­trême chance de gran­dir dans le même quar­tier que Deane Jensen, qui était un pion­nier dans la fabri­ca­tion de trans­for­ma­teurs. Il était un ami, un ami très proche; nous faisions des radios en amateur et de la photo. Un jour il a acheté un magné­to­phone Ampex 602 et… Wow ! Ça, des casques et un U67. Je l’ai acheté d’ailleurs, son U67, et je l’ai toujours ! Très tôt j’ai su que j’ai­mais l’en­re­gis­tre­ment. C’est une chose extrê­me­ment puis­sante ! Ed Cher­ney a dit un jour : « J’ai toujours pensé que c’était un miracle que la musique puisse passer à travers ce fil, c’est magique ! ». Et c’est put*** de magique ! (Rires) Oh pardon, je suppose que je ne peux pas dire put***?

Oh si tu peux ! Si tu dois le dire…

OK alors, c’est bon ! Enfin bref, l’idée me semblait telle­ment magique. C’est toujours le cas aujour­d’hui…

Si je comprends bien, Deane Jensen était donc ton premier « mentor »…

Oui, il fut mon premier mentor. Mon second mentor était le Docteur Curtis Marshall ; j’ai travaillé pour lui en labo­ra­toire pour construire un des premiers ordi­na­teurs qui utili­sait un étrange méca­nisme de stockage de données appelé Image Radar­con. C’était un tube qui scan­nait et qui ressor­tait de manière destruc­tive plusieurs numé­ri­sa­tions… Ce tube était utilisé pour accu­mu­ler des capteurs à élec­trons et rendre les rapports plus lisibles, de façon à ce que le chirur­gien neuro­lo­giste puisse lire les graphiques d’info plus rapi­de­ment… J’avais ce second mentor qui m’ap­pre­nait l’élec­tro­nique et j’avais 15 ans. C’était déjà pas si mal !

J’ai­me­rais reve­nir sur ton concept de l’EQ para­mé­trique que tu as présenté en 1972 pour la première fois, si je ne me trompe pas…

1971 pour être exact, et j’ai publié le papier à l’AES en 1972. C’était une combi­nai­son d’idées que plusieurs personnes avaient eues, mais nous étions les premiers à le réali­ser. Dan Flickin­ger avait une sorte d’éga­li­seur variable dans sa console, mais il n’y avait pas de réglage du facteur de qualité. Gotham vendait un égali­seur fabriqué par… EMT je crois, le EQ1000, qui avait un filtre notch mais pas variable de manière conti­nuel­le… Donc on a pris un filtre notch et un des tout premiers amplis OP discrets, car les circuits inté­grés n’étaient pas très bons. Il nous fallait un ampli OP donc on l’a fabriqué et nous avons pu monter notre propre égali­seur. Ensuite il a fallu que j’ex­plique comment il fonc­tion­nait ! Je l’ai emmené à l’AES et les gens nous disaient : « C’est bien, mais j’ai besoin de poten­tio­mètres cran­tés ! ». Non, oublie les poten­tio­mètres cran­tés, car c’est bien plus puis­sant ! Tu peux régler ton égali­sa­tion en fonc­tion de la réso­nance de la guitare ou d’une caisse claire et la contrô­ler. Ça m’a pris du temps… car ce fut plus simple à déve­lop­per qu’à vendre ! C’était une idée complè­te­ment nouvelle et les gens ne compre­naient pas. Et parti­cu­liè­re­ment cette idée du contrôle du facteur de qualité. Pendant long­temps, les gens se sont plaints que le réglage de Q sur les EQ des consoles SSL était trop petit ; ensuite parce que Hugh Padgham s’était plaint que la bande était trop large, tout le monde s’est plaint que c’était trop large… C’était donc une bonne idée de le rendre variable, mais les gens avaient besoin d’en­vi­sa­ger comment ça pouvait sonner. Ça voulait dire qu’ils devaient l’écou­ter et ça, ça a toujours été un problème ! Faire en sorte que les gens écou­tent… C’est pour cela que, quand tu écoutes, que tu fais atten­tion, tu fais bien. En géné­ral, c’est quand même diffi­cile de faire en sorte que les gens écoutent réel­le­ment.

L’en­re­gis­tre­ment, c’est put*** de magique !

Il faut écou­ter pour savoir comment cela sonne et comment cela fonc­tionne ! Tu as donc passé du temps à expliquer et « éduquer »? Peut-on dire que tu as véri­ta­ble­ment commencé à ensei­gner avec ce nouveau concept d’EQ para­mé­trique?

En fait, cet EQ s’est vendu grâce aux disques que j’ai pu faire, pour Earth, Wind And Fire notam­ment, en 1974–75. C’était si clair et le son était si gros que les gens se disaient : « Mais put*** comment il fait ça ?! » Main­te­nant j’ai votre atten­tion ! (Rires) Ça a donc vrai­ment aidé. Parler de musique c’est comme chan­ter à propos du foot­ball (??!). Avant de pouvoir expliquer ce que tu fais, tu dois faire beau­coup toi-même. Voilà comment ça sonne ! Ensuite, la clé est de démon­trer, expliquer. 

Comme tu l’as dit plus tôt, tu es rapi­de­ment devenu ingé­nieur du son en free­lance, et tu as dû très vite équi­li­brer tes acti­vi­tés entre la concep­tion élec­tro­nique et la prise de son. Comment as-tu réussi?

Très simple­ment. J’avais des choses à faire en régie et je n’avais rien donc c’était du genre : « Vas-y et déve­loppe-le ! ». Notre compres­seur a été déve­loppé comme ça, notre EQ 8900, pareil. Pour les péri­phé­riques que l’on utili­sait sur les voix, il n’y avait… rien ! Un (Univer­sal Audio/Urei) 1176… Le Spec­tra Sonics (610, compres­seur qui n’est plus fabriqué, NDA) qui était épou­van­table, une console API, un LA-2A et… c’était tout ! Je savais que j’ai­mais la façon qu’avait le LA-2A de détec­ter le signal. Je savais que j’ai­mais le contrôle de Log sur le dBx. Je savais que j’ai­mais la vitesse de réac­tion du 1176, mais cela faisait trois machines diffé­rentes et j’avais besoin de tout cela au sein d’une seule machine. Le 8900 (célèbre compres­seur GML) est en fait un dBx amélioré avec une détec­tion feed-forward et une section de détec­tion des crêtes. Je n’en avais pas donc je l’ai fabriqué !

Les gens à Nash­ville sont étroits d’es­prit et sourds ! Nash­ville est déses­pé­rante ! (Rires) 

En clair, tu as combiné ces trois unités en une seule machine?

En une seule idée, oui.

Parlons un peu de ton studio, si tu veux bien. J’ai lu – et peut-être je me trompe – que tu t’étais installé à Nash­ville, au sein des Black­bird Studios?

En fait, ça n’est pas mon studio. Au départ, c’était mon studio, mais il était clair que John McBride voulait tout gérer ! Je l’ai installé, l’ai loué pendant un moment, mais il était préfé­rable pour moi de lui rendre. John m’a payé pour tout ce que j’ai acheté, installé. Il ne m’a pas payé pour le temps que j’ai passé, mais je pense que c’était un bon inves­tis­se­ment parce que les studios prenaient une tangente drama­tique… Si tu regardes ces vidéos, avec les musi­ciens tout autour de toi, c’est une façon très diffé­rente de faire de la musique. Tout le monde peut s’en­tendre, se voir et la pièce sonne super bien ! Chaque endroit de la pièce sonne de la même façon, n’im­porte où dans la pièce. C’était juste dommage que ça soit à Nash­ville, car les gens à Nash­ville sont étroits d’es­prit et sourds ! Nash­ville est déses­pé­rante pour ça ! (Rires) Personne n’est prêt pour de nouvelles idées…

OK, ça c’est dit ! (Rires), Mais alors, où es-tu installé désor­mais ?

J’ai ma petite cabine de mixage dans mon appar­te­ment de Mont­réal, qui me sert de cabine d’écoute. J’ai une grande hauteur sous plafond et un peu de trai­te­ment acous­tique. Ça n’est pas un studio à propre­ment parler, mais ça sonne plutôt bien ! C’est à mi-chemin entre la cabine de mixage et la cabine d’écoute ; j’ai installé des panneaux dans le fond, du coup je peux égale­ment filmer. On filme des inter­views, on ne fait pas de musique, mais des entre­tiens. Et bien sûr je peux mixer, j’ai de bonnes écoutes et un bon système !

C’est une instal­la­tion flexible?

Tout à fait !

J’ai­me­rais que l’on parle un peu du maté­riel que tu aimes utili­ser…

Eh bien, la meilleure façon d’en parler est de dire que je n’aime rien ! (Rires) Même mes propres machines ! Je ne serais pas inspiré pour les amélio­rer si je les aimais trop… Donc oui, j’ai des problèmes avec toutes les machines. J’ai des problèmes avec chaque micro­phone, avec chaque préam­pli, avec tout, je n’aime rien ! Mais c’est un vrai chal­lenge pour moi d’al­ler écou­ter « au-delà » du maté­riel et d’es­sayer d’en­tendre quelque chose. Parce que ce que j’aime est la trans­pa­rence dans l’in­ter­pré­ta­tion; je veux entendre l’in­ter­pré­ta­tion ! Tout ce qui vient se mettre en travers de l’in­ter­pré­ta­tion, je me bats contre et essaie de l’amé­lio­rer. 

J’ai des problèmes avec toutes les machines

OK, je ne vais donc pas m’aven­tu­rer sur le terrain du débat analo­gique/numé­rique…!

En fait, j’aime répondre à ce genre de ques­tions parce que je préfère le trai­te­ment analo­gique. Évidem­ment, on utilise des préam­plis analo­giques. À l’ex­cep­tion du Neumann Solu­tion D, qui n’est pas mal du tout et les KM D, qui sont des micro­phones incroya­bles… J’adore le trai­te­ment analo­gique, j’uti­lise des limi­teurs analo­giques, des EQ analo­giques, j’uti­lise mes machines et les machines d’autres fabri­cants. J’aime mixer en numé­rique sur une petite console. D’abord parce que c’est flexible et ensuite parce que, quand c’est néces­saire, je peux auto­ma­ti­ser ce que je veux. Et quand ça n’est pas néces­saire, je peux mettre mes mains sur les faders, mixer avec mon coeur, avec mes tripes et ne pas dessi­ner des lignes sur un écran… Mais je pense qu’au final c’est plus une métho­do­lo­gie analo­gique sur une console numé­rique.

En fait tu combines une façon de travailler un peu « old school », mais avec l’équi­pe­ment d’aujour­d’hui ?

Oui c’est tout à fait ça. Et c’est cette chose que l’on a appris à aimer avec les DAW, c’est que dans la réali­sa­tion d’un disque, si il y a une erreur qui vient alté­rer une prise, tu peux répa­rer cette erreur. Cela peut être une mauvaise prise de voix, un mot, ou une mauvaise partie de trom­pet­te… Dans le jazz j’ai pas mal de cuivres, les trom­pettes jouent des notes telle­ment aigües parfois et elles ne sont pas toutes justes. Mais on peut corri­ger cela, si la perfor­mance est bonne et que l’on souhaite la garder… Et puis, on peut lais­ser ce qu’il faut d’er­reurs pour en faire une produc­tion de jazz honnê­te…! C‘est une des grandes forces des DAW, égale­ment au niveau du mixage. Si je mixe et que je manque une chose, j’ai le choix de corri­ger cette chose. Je ne dois pas néces­sai­re­ment le faire, mais j’ai le choix, ou l’ar­tiste a le choix. C’est plutôt effi­cace. 

En clair tu utilises le numé­rique pour toutes les choses que tu veux amélio­rer ?

Si cela doit être amélioré, au moins, je peux essayer, expé­ri­men­ter. Mais l’idée d’un mixage « en live » est toujours très très impor­tante. Là où l’on est diffé­rent avec mes autres collègues de l’in­dus­trie du disque, c’est qu’on essaie de faire en sorte que les étudiants entendent un mix et le fassent instinc­ti­ve­ment. Al Schmitt par exemple peut faire tout un mix en direct. Bill Schnee est un maître lorsqu’il s’agit de « danser » autour de la console ! Tu as envie que les gens dansent à nouveau autour de la console quand ils mixent, avec de l’éner­gie et de la vie. Du feeling.

C’est ce que j’ai pu consta­ter dans ces vidéos dans lesquelles tu es avec d’autres musi­ciens, ou dans les vidéos précé­dentes d’AF pour lesquelles tu parles de tes méthodes d’en­re­gis­tre­ment et de réali­sa­tion, tu parles beau­coup de l’éner­gie, la « vibe », ta rela­tion aux artistes et le ressenti que cela te donne. Ça a l’air d’être très impor­tant pour toi.

En fait cela commence avec le musi­cien qui écoute non seule­ment ce qu’il est en train de jouer, mais aussi un mix global. Dans mes enre­gis­tre­ments, je fais en sorte que chaque musi­cien puisse tout écou­ter, et puisse s’en­tendre comme partie d’un tout. Et je veux qu’ils sachent que je les écoute eux, que j’écoute tout ce qu’ils font… Je garde un contact visuel et si j’en­tends quelque chose qui n’est pas très bon, c’est du genre « Hummm, tu plai­santes là ?! » (Rires) Ou alors un sourire ou quelque chose qui va avec la perfor­mance, de façon à ce que je n’at­tende pas la ré-écoute du play­back pour leur donner un feed­back visuel. Donc c’est une bonne raison pour avoir quelque chose dès l’en­re­gis­tre­ment, dans le studio. Un feed­back rapide.

J’aime la trans­pa­rence dans l’in­ter­pré­ta­tion, je veux entendre l’in­ter­pré­ta­tion ! Tout ce qui vient se mettre en travers de l’in­ter­pré­ta­tion, je me bats contre et essaie de l’amé­lio­rer.

Tu établis donc rapi­de­ment une rela­tion de confiance vis-à-vis de tous ?

En écou­tant. « J’écoute ce que tu es en train de faire, ne fais pas d’er­reur car je ne le rempla­ce­rai pas dans Pro Tools. Je vais peut-être aimer ce que tu es en train de faire, mais peut-être je n’ai­me­rai pas. »

Conti­nuons sur l’as­pect « réali­sa­tion ». Quelles sont les choses que tu fais en premier quand tu enre­gistres un groupe ? Comme on l’a vu dans les vidéos, tu vas dans la cabine de prises et tu prends des notes ?

Bien avant cela, on s’as­sied avec le groupe et on parle du projet. On va voir le groupe jouer là où il joue. Si il joue dans un club, je vais les écou­ter dans un club. Nous parlons des chan­sons. Si les chan­sons ne sont pas là, on commence par parler de ce premier point. On parle de ce qu’ils aiment, quels artistes ils aiment, comment ils sonnent, comment ils se voient eux-mêmes en tant que groupe, quels sont leurs rêves dans cinq ans… Parfois on ne va pas plus loin. Parfois, on réalise que nous ne sommes pas faits pour travailler ensemble, je suis trop exigeant, je veux en savoir trop… Ils ont juste envie d’y arri­ver et de faire la fête et moi j’ai envie de faire un disque, un bon disque. Tout commence par ce constat : « Comment le groupe travaille-t-il ? » ou « Comment l’ar­tiste travaille-t-il avec d’autres musi­ciens ? » et arri­ver ensuite à déter­mi­ner la façon de réali­ser un disque. Et peut-être que nous ne ferons pas le disque avec un groupe entier, mais avec juste un chan­teur et un guita­riste ou deux, juste pour voir comment cela fonc­tionne. Peut-être avec un percus­sion­niste, mais quelque chose d’in­time, très proches les uns des autres, pour voir comment on peut déve­lop­per une « vibe » entre l’ar­tiste et les instru­ments d’ac­com­pa­gne­ment. En géné­ral, ça commence comme ça.

On a vu plein de choses à propos de tes place­ments de micros, ceux que tu utili­ses… Y a-t’il une chose que tu fais systé­ma­tique­ment en studio ? Et quelque chose que tu ne fais jamais ?

C’est très diffi­cile car il y a toujours quelque chose que je fais et jamais quelque chose que je ne fais pas ! Je fais toujours quelque chose et n’évite jamais de faire une autre. Comme le dit Bruce Swedien : « La seule règle est qu’il n’y a pas de règle ! »

Est-ce que tu peux nous expliquer comment tu approches l’étape du mixage ?…

En fait je commence à mixer au fil du temps avec le premier titre. C’est un mix, c’est auto­ma­tisé, c’est sauve­gardé dans la DAW. Parce que l’ar­tiste va emme­ner ce mix chez lui et c’est ce mix qu’ils vont écou­ter. Et l’ex­pé­rience m’a appris que ce premier mix (qui arrive à la fin de la session d’en­re­gis­tre­ment) est celui qu’il faut suivre et qu’on ne devrait pas trop s’en écar­ter. Je commence donc à mixer, à iden­ti­fier les parties fortes ou à faire la balance de la voix dès l’en­re­gis­tre­ment. Mixer et enre­gis­trer l’au­to­ma­tion dès l’en­re­gis­tre­ment. Au fil de son évolu­tion, je sauve­garde le mix, je sauve­garde tout : les pistes audio, mais aussi l’au­to­ma­tion. Si un artiste me dit : « J’adore le mix que tu as fait juste avant d’ajou­ter la guitare lead », je retrouve ce mix et « Oh, j’avais fait ça diffé­rem­ment… ». Et je chan­ge­rai sûre­ment mon approche du dernier mix. C’est un long chemin, mais je préfère cela à m’as­seoir et commen­cer à mixer un titre. Nous avons mixé Toto en 4 jours. 4 put*** de jours pour mixer un seul titre ! Ça parait telle­ment long ! Je préfère avoir une coupure en plein milieu pour redé­fi­nir ma pers­pec­tive. Je mixe­rais pendant un moment, aurais de nouvelles idées, puis j’écou­te­rais le tout. L’écou­ter dans la voiture ou derrière une Vespa ! (Rires)

Si je comprends bien, tu mixes au fur et à mesure de l’en­re­gis­tre­ment. Mais si tu dois mixer a poste­riori, as-tu une métho­do­lo­gie parti­cu­lière pour appré­hen­der le mixage ?

J’ai à peu près 6 approches diffé­rentes pour mixer. La première c’est simple­ment de déve­lop­per le mix et d’y aller au fur et à mesure. Si je dois vrai­ment partir de zéro, j’ai peut-être 3 approches diffé­rentes pour me dire quels faders lever et comment les lever… Car il y a plusieurs façons de le faire. L’une d’elles est de commen­cer par écou­ter une réfé­rence ou la maquette de la chan­son. Prince Charles Alexan­der – qui était l’in­gé­nieur/réali­sa­teur de Puff Daddy – m’a montré cela à Berk­lee. Cela consiste à lever les faders de façon à ce que l’élé­ment le plus fort en volume dans la démo soit l’élé­ment le plus fort dans le mix. Tu montes donc jusqu’à –30, –25, –20 et ensuite tu affines le mix entier par rapport à la démo. 

Une autre façon de faire est de monter la voix lead et les instru­ments d’ac­com­pa­gne­ment les plus impor­tants, comme le piano ou la guitare acous­tique ou élec­trique, ou n’im­porte quoi… Tu commences avec ça et ensuite tu « remplis les espaces » autour. Une autre méthode – et c’est la méthode que j’ap­plique en jazz – est de commen­cer par la section ryth­mique complète, un peu d’équi­libre, ensuite les saxo­phones, un peu de balance, ensuite les trom­pettes, pareil, tu équi­libres et enfin sur le sub-master tu récu­pères tes groupes. Mais ça c’est parce que le jazz a une approche diffé­rente, tu as besoin de faire des balances à l’in­té­rieur de tes sous-groupes et de balan­cer les sous-groupes entre eux. Et enfin, il y a toujours le grand clas­sique : tu montes la batte­rie, tu fais en sorte qu’elle soit la plus fort possible. « OK, monte la caisse claire ! Donne-moi le 1176 n°2, fais en sorte que cette snare soit put** de fort !! » Désolé Chris (Lord-Alge, NDA) ! (Rires) Je peux le faire, mais je n’aime pas bosser comme ça ! C’est une approche extrê­me­ment diffé­rente.

Je pense que la plupart des musi­ciens sont, dans un certain sens, profon­dé­ment névro­sés (Rires)

Quelle est ta chaîne de trai­te­ment pour le mix ?

Pratique­ment tout le temps, je vais détes­ter tout ce que j’ai à dispo­si­tion quand je commence à mixer. Je vais donc avoir mes effets, réverbes, délais, délais longs, délais courts… J’uti­lise la (Lexi­con) PCM 96, pas mal, l’UAD EMT 250, la plate réver­be… J’uti­lise égale­ment Alti­verb 7, toujours prête à être affec­tée.  En géné­ral, 4, 5 voire 6 sous-groupes : batte­rie, basse, guitares, piano et ensuite voix lead, choeurs, peut-être orchestre égale­ment ou, dans le cas d’un big band, saxo­phones, trom­pettes, et peut-être percus­sions. Beau­coup de sous-groupes, de façon à les trai­ter indé­pen­dam­ment des groupes de VCA. Fina­le­ment je me retrouve avec un mix qui tient dans ma petite console 8 voies, ce qui me permet d’avoir tout sous la main et faire le mix global avec ces 8 faders. 

Mais avant cela, sur le mix bus, j’ef­fec­tue un prémas­te­ring dès que je peux, car si je dois corres­pondre à une réfé­rence ou un exemple sonore, je peux m’en appro­cher, même si ça a été maste­risé ou limité un peu… Je vais donc avoir un de mes limi­teurs et puis un second, comme le Massey 2007 par exemple, comme un limi­teur de fin de chaîne. Je n’aime pas les (Waves) L3, je n’aime pas les multi­ban­des… En géné­ral, je ne les utilise pas. Mais je ne peux pas dire « jamais » car il m’est arrivé d’uti­li­ser le C4 à certaines occa­sions. Oh je sais ce que je n’uti­lise jamais ! Je n’uti­lise jamais le Waves Vocal Rider. Tu vois, il y a un « Jamais » ! (Rires) Je préfère faire les suivis moi-même. Mais, pour reve­nir à ce que l’on disait, j’ap­plique un trai­te­ment de prémas­te­ring très tôt dans ma chaîne, qui me permet de lever le niveau du mix sur lequel je suis en train de travailler. De cette façon, cela me permet de rester proche, à un certain degré, de la réfé­rence ou d’un CD du commerce, d’un point de vue du timbre comme d’un point de vue dyna­mique. Pourquoi devrais-je me rendre fou sur des EQ indi­vi­duelles alors que je peux avoir une EQ de maste­ring me permet­tant de tout rele­ver ?! Après, c’est mon approche. C’est mon setup et je vais avoir plusieurs façons de l’abor­der.

Tu cherches donc à corres­pondre à quelque chose que tu as en réfé­rence ?

Non ! Seule­ment à certaines occa­sions, quand on me demande de mixer une chan­son pour un artiste qui a une idée de ce qu’il veut. Mais s’il n’a aucune idée, alors je fais mon mix. Et la seule chose à laquelle je dois corres­pondre est « l’image globale » que j’ai en tête quand je commence de zéro.

En ce qui concerne les versions, combien de versions de mix fais-tu ?

Eh bien, comme je le disais plus tôt, si j’en­re­gistre et que je mixe tout au long de l’en­re­gis­tre­ment, je vais avoir des versions dès le début, dès cette première version que tout le monde a aimée. Donc j’au­rai cette version, et peut-être cette version où un instru­ment a été écarté de l’ar­ran­ge­ment par la suite… Chacun repart de son côté et on finit par se dire : « Peut-être aurions-nous dû garder cet instru­ment ; on revient dessus et on le réin­tègre ! ». Ou alors une dyna­mique que tu avais et que tu as perdue… Donc ça fait beau­coup de versions ! À la fin de la session, je n’ai qu’une version, pas ce truc de « 1 dB up » ou « 1 dB down », c’est des foutaises !… Tu n’as qu’un seul disque ! Tu as plusieurs façons de l’écou­ter, diffé­rentes façons de l’équi­li­brer, diffé­rentes façons de rentrer dedans et de modi­fier le timbre, mais je ne fais pas de « 1/2 dB plus fort », « 1 dB plus fort », « 2dB plus fort » sur la voix, m**** ! pas plus que je ne fais de stems d’ailleurs. S’ils me demandent des stems, je suis hors jeu et ça ne me gêne pas de quit­ter un projet parce que je ne serai pas utile, je suis en dehors du truc. 

Mais je livre­rai 2 versions. Je four­ni­rai la version que l’ar­tiste aime, celle pour laquelle il dit : « C’est un super mix, j’aime celui-ci, garde-le ! ». Quelque chose qui a un contrôle dyna­mique et de l’EQ. Mais quand je tourne le mix pour le maste­ring, j’en­lève tout mon trai­te­ment dyna­mique du mix bus et je laisse l’EQ. Parce que je veux que l’in­gé­nieur de maste­ring puisse faire de son mieux pour régler la dyna­mique comme il se doit. La seule chose qu’il ou elle a à faire, c’est faire aussi bien que ce que l’ar­tiste a entendu avec mon trai­te­ment. L’in­gé­nieur de maste­ring rece­vra donc deux versions. La version que l’ar­tiste aime : « OK, utilise-la ou fais mieux que ça ! » Et ils peuvent faire mieux avec le mix non traité. Voilà donc je four­nis deux versions, pas 10 ou 20.

Actuel­le­ment, l’in­dus­trie du disque a cruel­le­ment besoin qu’on lui rappelle ce qu’est la musique.

Je voudrais parler un petit peu des artistes avec lesquels tu as travaillé. De Earth, Wind and Fire à   Toto, de Linda Rond­stadt à Weather Report, est-ce que tu vois un déno­mi­na­teur commun entre tous ces artistes ? Dans l’éner­gie, l’écri­ture des chan­sons, leurs person­na­li­tés artis­tiques…?

La seule chose que je recherche chez un artiste est sa capa­cité à ne pas vouloir abso­lu­ment repro­duire la même chose que la dernière fois. Je recherche un artiste qui veut faire quelque chose de nouveau. Je veux construire quelque chose de neuf. Je ne veux pas toujours faire la même vieille recette. À la fin de ma colla­bo­ra­tion avec Earth, Wind and Fire, je ne pouvais plus rester assis avec eux en studio, tout simple­ment. Je les avais enten­dus sur une ving­taine d’en­re­gis­tre­ments, je ne pouvais plus le faire ; je savais que je n’en pouvais plus ! Je me suis donc retiré et ils n’ont plus jamais fait de grand album. Et j’aime ça ! (Rires) Parce qu’ils ont arrêté de se réin­ven­ter et ont arrêté de propo­ser de nouvelles choses. Weather Report, ils étaient fous ! J’ai fait l’al­bum live avec Jaco, Joe Zawi­nul, Alex Acuna et Dom Um Romao et… c’était génial ! lls étaient géniaux, mais fous ! (Rires)

Mais parfois il faut être un peu fou…! 

C’est là où les ennuis commencent juste­ment, parce que je pense que la plupart des musi­ciens sont, dans un certain sens, profon­dé­ment névro­sés ! (Rires) Je ne dirais pas profon­dé­ment foutus mais, pour aller cher­cher la recon­nais­sance et l’ado­ra­tion de la part du public, pour combler ce truc, tu vois… Il faut être quand même un peu malade ! À l’ex­cep­tion de James Taylor. James Taylor a traversé tout cela. James Taylor est l’une des personnes les plus cool au monde. Il peut parler à n’im­porte qui, il est très curieux, il écoute. Il y en a d’autres qui écoutent ; il y a quand même de très bonnes excep­tions !

Comme le disait Al Schmitt, il s’agit avant tout d’écou­ter

Je voudrais reve­nir un peu sur l’en­sei­gne­ment et ton rôle à l’Uni­ver­sité McGill (Mont­réal). Quelle évolu­tion peux-tu consta­ter, aujour­d’hui, d’un point de vue de l’in­ser­tion profes­sion­nelle des étudiants qui souhaitent deve­nir ingé­nieurs ?

Tout d’abord, mon groupe de collègues et moi-même avons travaillé dans cette indus­trie du disque, cette indus­trie que nous aimons. Mais actuel­le­ment l’in­dus­trie du disque a cruel­le­ment besoin qu’on lui rappelle ce qu’est la musique. Et je ne veux dire à personne comment faire de la musique, mais, tu vois, si on utilise une batte­rie « live » de cette façon, voici les avan­ta­ges… Voici l’éner­gie, voici ce que ça raconte. Voilà comment tu fais fonc­tion­ner le tout par rapport à la projec­tion que tu te fais de ta propre musique. Ça, c’est l’en­sei­gne­ment. Je ne vais chan­ger les menta­li­tés en retour­nant en studio et faire un autre album. Mais en ensei­gnant auprès des étudiants – qui ont leur propre person­na­lité – les autres profes­seurs et moi-même avons un effet multi­pli­ca­teur. Je suis plus à même de pouvoir « répandre la bonne parole », parta­ger de bonnes tech­niques et expliquer avec luci­dité les choses ce qu’on peut faire pendant un enre­gis­tre­ment et ce qu’on ne fait pas… Quelles sont les forces de chacune de ces acti­vi­tés : l’en­re­gis­tre­ment, la réali­sa­tion artis­tique, aider les artistes avec des musi­ciens. La chose la plus impor­tante est de ne pas répa­rer les erreurs d’un champ d’ac­ti­vité avec les outils ou les solu­tions d’un autre. Je ne peux pas répa­rer les erreurs d’une chan­son simple­ment avec une EQ. Il faut prendre le temps d’être avec l’ar­tiste, le groupe, faire en sorte que tout le monde joue ensemble, que tout le monde s’en­tende, de trou­ver le bon tempo et le bon phra­sé… Faire en sorte que le batteur n’ac­cé­lère pas trop le titre pour que le chan­teur puisse poser ses paroles comme il faut… Tout ce que tu es en train d’écou­ter peut être très clair, mais il devient diffi­cile de chan­ger la moindre chose quand tu sais que c’est le moment de prendre une déci­sion sur le tempo par exemple. Tu ne te rends pas compte du pouvoir que tu as jusqu’au moment où tu peux dire au batteur : « Joue-le plus relax ! Ça va ! ». Et c’est le bon moment de deman­der au batteur d’écou­ter. Fais-lui écou­ter tout ce qu’il est en train de jouer avec ses cymbales : « Attends, si tu joues ça, je n’en­tends plus les détails sur la lead. C’est une chan­son très subtile, tu entends cela ? Tu peux le jouer plus cool… »

Du coup, avoir ce moment avec les étudiants où tu peux leur montrer comment être effi­caces en studio, c’est vrai­ment impor­tant. Et je pense que les étudiants ne s’at­tendent pas à ça. La plupart des étudiants me demandent quel péri­phé­rique utili­ser, quel plug-in utili­ser sur ceci ou cela… Plus que jamais, comme le disait Al Schmitt, il s’agit avant tout d’écou­ter. On leur apprend comment écou­ter avec la tête, le coeur, les tripes, comment écou­ter les détails, comment les détails peuvent s’in­té­grer au tout, les choses sur lesquelles il faut travailler et comment les hiérar­chi­ser. 

En tant que réali­sa­teur artis­tique, ton boulot c’est de tenir un agenda, pas de dire à quelqu’un comment chan­ter. Malheu­reu­se­ment, ça signi­fie égale­ment qu’il faille gérer aussi la commande des repas ! Mais c’est très impor­tant, le repas ! (Rires) Certai­ne­ment la chose la plus impor­tante. Voilà le genre de choses que tu appre­nais avant quand tu rentrais comme « apprenti » dans un studio et que tu voyais comment les choses roulaient. Ce qui compte le plus, ça n’est pas ce que tu dis, mais ce que tu ne dis pas. Et c’est là qu’in­ter­vient l’en­sei­gne­ment. S’ils veulent en savoir plus sur l’élec­tro­nique, on peut leur ensei­gner l’élec­tro­nique – pourquoi les choses sonnent de cette façon et pas d’une autre. Ce n’est pas de la magie noire, il y a une raison pour laquelle ces machines sonnent de la manière dont elles sonnent. On peut leur ensei­gner ça. Désor­mais on enseigne aussi la vidéo : comment tenir une caméra, comment filmer, les angles des camé­ras, la lumière, la posi­tion sur scène, la post­pro­duc­tion, la prépro­duc­tion, le montage, Final Cut Pro, la gestion des teintes. Main­te­nant on enseigne tout ça. Nous pensons que le futur tient dans la vidéo haute-qualité pour la musique jouée en haute qualité ; pas pour les clips, ou encore moins pour ces vidéos choré­gra­phiées… Néan­moins, certaines d’entre elles sont bonnes – Peter Gabriel a fait un très bon boulot. Plus que jamais, on a envie de voir une perfor­mance, ce qui motive cette perfor­mance, on veut voir un vrai artiste, qui joue de la vraie musique, pas du lip-sync ! On a envie de voir d’où ça vient, de voir dans la perfor­mance l’in­ter­ac­tion entre l’ar­tiste et les musi­ciens. Cette vidéo avec John Mayer est vrai­ment bien pour ça ; on peut voir Steve Jordan rete­nir le tempo… et regar­der Pino Palla­dino répondre à son jeu. C’est génial !

À la Bernard Pivot !

Quel est ton meilleur/pire souve­nir à propos de la produc­tion d’un disque ?

… Il y en a telle­ment que c’est diffi­cile de n’en rete­nir qu’un seul. Mon meilleur souve­nir reste le « fris­son. » Tu sais que tu as quelque chose là que tu n’as jamais entendu aupa­ra­vant et que personne n’a jamais entendu avant non plus. Tout ce que tu as à faire c’est de ne rien faire foirer. Cette sensa­tion, je l’ai eue sur un bon nombre d’al­bums ; c’est arrivé avec Earth Wind and Fire un paquet de fois, c’est arrivé avec Linda Rond­stadt – c’est juste énorme ! Il faut faire atten­tion à ceci, ne pas faire cela, sinon tu peux tout faire foirer… Quant à mon pire souve­nir, je n’ai pas trop envie d’en parler. Il y en a quelques-uns aussi !

L’écoute critique te dit tout ce que tu as besoin de savoir. Tout peut être résolu avec l’écoute critique.

Avec quel artiste voudrais-tu travailler et pourquoi?

Je veux travailler avec un nouvel artiste en déve­lop­pe­ment, un artiste qui a des idées et qui fonce dans un « mur tech­nique ». Je ne sais pas qui. J’adore le dernier Bon Iver mais je ne peux pas faire ça, ils ont déjà un disque, un ingé­nieur… Il est incroyable, mais sincè­re­ment, j’au­rais aimé travailler sur cet album. J’adore réali­ser et diri­ger des vidéos d’opé­ras, je trouve ça génial. Le fait de travailler avec ces étudiants fantas­tiques à l’uni­ver­sité de McGill, toutes ces belles voix, ces grands instru­men­tis­tes… C’est un vaste champ d’ou­ver­ture. Donc oui, mon rêve à l’heure actuelle : réali­ser et diri­ger des vidéos d’opé­ras. Peu commun pour un rocker !!! (Rires)

Tu es engagé pour réali­ser l’al­bum d’un artiste que tu adores, mais à la condi­tion de n’em­por­ter que 5 machines de ton équi­pe­ment. Qu’est-ce que tu choi­sis et pourquoi?

C’est facile ! Je choi­si­rais tout l’ar­se­nal GML parce que je sais quand ils fonc­tionnent et quand ils cassent ! Je sais que ces machines sont fiables, je sais comment chaque poten­tio­mètre fonc­tionne. Je pren­drais donc mon préam­pli, mon EQ, mon compres­seur, mes conver­tis­seurs Prism. J’uti­lise Pro Tools ou Pyra­mix. Aujour­d’hui, je préfère Prot Tools pour le rock n’roll et Pyra­mix plus pour le clas­sique. J’aime bien les écoutes ATC, et les Gene­lec aussi. Quand j’ai besoin de petites enceintes, pour enre­gis­trer un concert par exemple, j’aime bien les petites Senn­hei­ser KH120, qui sonnent plutôt bien. Et j’ai telle­ment de micros, tu ne veux même pas savoir…! Un 57, allez je prends un 57, mais c’est tout !

Pour finir, est-ce que tu as une cita­tion ou un leit­mo­tiv à propos de la musique qui résume ta pensée ?

Oui. Il n’y a pas une ques­tion qui ne puisse être posée, répon­due ou au moins abor­dée grâce à l’écoute critique. L’écoute critique te dit tout ce que tu as besoin de savoir. Tu n’as pas besoin que quelqu’un te dise quoi faire, tu n’as qu’à faire atten­tion. Parfois ça aide d’avoir quelqu’un qui le fait pour toi, mais tout le monde doit savoir que, s’ils s’in­té­ressent, ils peuvent le faire eux-mêmes. Ils doivent dire la vérité aux autres et se la dire à eux-mêmes. Si la vérité est : « je ne peux pas obte­nir ce son avec cette m*** de micro », c’est la vérité et ils sont respon­sables de ça. Je n’ai pas le bon micro? OK, je change ça et je passe à autre chose ! L’écoute critique : tout peut être résolu avec l’écoute critique. 

Une autre que j’aime bien est de Woody Allen : « Je ne peux pas trop écou­ter de Wagner, ça me donne trop envie d’en­va­hir la Pologne ! » (Rires)

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