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Sujet Musique générative

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1 Musique générative
Bonsoir,


Depuis quelques temps je ressens une lassitude que j'ai eu du mal à identifier en écoutant de la musique. Je me suis d'abord dit que cela venait du fait que je n'explorais pas assez d'univers et que je n'écoutais pas les bons artistes.
En fait j'ai plus ou moins réussi à identifier cela en lisant un essai de Theodor Adorno, Le caractère fétiche de la musique, dont je n'ai pas fini la lecture et que je vous recommande par ailleurs.

Je vais commencer par la théorie. La mise en place de la marchandisation de la musique dans une forme figée a tué l'improbabilité musicale et en quelque sorte son âme, en se présentant comme une photographie qui prétendrait montrer le réel.
Dans la forme c'est sans doute vrai mais dans le fond, vidée de sa substance qui la rendait si vivante et émouvante elle n'est qu'un simulacre.
La musique dessert aujourd'hui plus son industrie que l'objectif qu'elle prétend atteindre c'est à dire l'art dans sa forme musicale. Et même si l'on voudrait opter pour un système d'écoute alternatif faudrait il acheter chaque interprétation d'une œuvre classique et s'en contenter un minimum de fois pour s'émanciper de son caractère répétitif et auditivement acquis? Pour cela il faudrait en avoir les moyens et cela profiterait avant tout à l'industrie de la musique.
Je comprends mieux aujourd'hui que les œuvres classiques ont en fait un bel avenir devant elles contrairement à celles nées du temps de l'industrie phonographique ce qui pourrait paraitre paradoxal.
L'alternative pour un artiste aujourd'hui serait plutôt de vendre ses partitions ou ses tablatures quand sa musique couvre un champ d'application plutôt traditionnel. Ce document promet une régénération constante de la musique dans le temps.
On dit, par exemple, de Chopin que 90% de sa production est perdue du fait que sa musique était pour la plupart du temps improvisée et que son œuvre écrite reste partielle et parait il, moins bonne et moins représentative de sa personne. Pourtant cette faible production continue de se perpétuer après un siècle et demi par le biais de grands interprètes.
J'ai en tête l'impression que les admirateurs de Bach ou de Chopin, et des autres compositeurs nés avant l'ère industrielle, seront toujours à la recherche de sensations et d'interprétations nouvelles au contraire d'un morceau des Beatles ou d'autres qui né d'une forme figée et enregistrée paraitra au fil du temps et des reprises (par voie de sampling, remix, reprises vulgaires) inévitablement fausse, falsifiée voire  mauvaise aux yeux des puristes. Sa pérennité n'étant plus assurée que par sa répétition systématique. Cette répétition est devenu systématique et nourricière du marché du disque qui en quête de nouveau public recourt aujourd'hui aux remasterisations devenues nécessaire de ces œuvres pour une remise au gout du jour des sensations et des nouvelles habitudes de consommation et de diffusion.
Donc en rapport avec la technologie de la musique (ipod, microchaine, diffusion radio/télé) et qui tend malgré tout vers une régression de l'écoute ainsi qu'à son cloisonnement.

Concernant cela je commence à ressentir ce schéma comme quelque chose d'abrutissant et de brutal. Comme si que la saveur se perdait et moisissait au fil du temps. Ce n'est pas une question de style musical ou de mauvais système d'écoute, non, non. Ce n'est pas là ou je veux en venir.
Je pense que cela à voir avec d'une:
- Une surconsommation de l'écoute désormais présente partout et sous toutes les formes. Dans le chaos social et bruyant des sociétés modernes la musique tend à rétablir l'ordre et harmonie ce qui peut expliquer sa prépondérance.
Cette tendance de la musique à s'imposer partout même dans le silence s'apparente à un drogué ne pouvant accepter le réel sans substance artificielle et qui en demande toujours plus, toujours plus fort.
De deux:
- Une musique dont on a enlevé toute part d'interprétation et d'improbabilité, dont on a démystifié le sens, la finalité et la réalité (pas de contact concret avec l'artiste). On sait à peu près de quoi sera fait le morceau, sa durée totale, son rythme, de quoi il sera suivi dans l'album ou il s'inscrit, etc...
Une musique répétée, prévisible, qui explore les mêmes sensations et qui s'inscrit toujours dans quelque chose de déjà vu, déjà entendu, une tranche de vie que l'on se plait à ressasser sans cesse. Une sorte de forêt ou l'on côtoie constamment les mêmes arbres, les mêmes chants d'oiseaux pour nous humains doués d'intelligence et voués à l'expansion et à la conquête.
Bref une œuvre ramenée à l'état d'objet vulgaire, ordinaire et désacralisée.

Ce constat m'amène là ou je voulais en venir. Je me suis posé la question de savoir ou l'on pourrait retrouver un schéma d'écoute alternatif, en dehors des concerts plus ou moins délirants qui s'apparente de plus en plus à des messes et à de la soumission, qui saurait exploiter les possibilités offertes par l'industrialisation de la musique donc sans nier les progrès qu'aurait pu engendrer le XXème siècle et qui nous permet aujourd'hui d'écouter de la musique sans la contrainte du temps et de l'espace.
Je me suis souvenu d'un article de Brian Eno qui évoquait le terme de musique générative qui correspondait en fait à plusieurs cycles musicales bouclés, enregistrés sur des longueurs variés de sorte qu'en lançant leurs lecture elles finiraient par engendrer des superpositions arbitraires, inédites et quasi infini. La chose a été tentée sur plusieurs de ses disques, Discreet Music ou Thursday Afternoon sont les exemples les plus parlants.
Mais encore une fois cette voie alternative est étouffée dès le départ de part le support sur lequel elle tente de s'exprimer. Malgré l'évolution apportée par le disque laser, notamment par sa capacité de stockage celui ci reste limité, elle s'apparente plus à un essai ou une démonstration du concept.

J'ai donc trouvé une sorte de réponse à travers cela et à l'heure de l'informatisation de la musique il me parait logique que la musique pourrait trouver une voie d'alternative par sa forme générative.
Un exemple cité par Eno, à juste titre, sont les écrans de veille qui exploitent ce filon de façon minimale et qui est peut être à l'origine de son récent projet 77 millions painting qui, lui, génère des visuels de manière quasi infini même si mathématiquement on arrive au chiffre de 77 millions.
La vraie révolution c'est que ce projet est disponible en DVD donc réservé à une utilisation personnelle et libre du point de vue espace/temps.
Ce concept me parait tout à fait excitant s'il saurait être retranscrit sur un plan musical. Cela a été rendu possible dans les expos ou Eno en faisait usage mais là encore le concept s'inscrivait dans la contrainte du temps et de l'espace (il fallait s'y rendre sur place et à une heure précise).
A l'époque du CD la contrainte économique pouvait mettre un obstacle à cette voie alternative mais aujourd'hui à l'heure du MP3, de la démocratisation des objets de consommation et du tout informatique,  cette chose mériterait d'être développée.
On pourrait voir apparaitre des artistes proposant des cycles et des durées qu'eux mêmes aurait défini avec des schémas de diffusion explicatifs et des thèmes variés suivant les instruments proposés, les longueurs des cycles qui pourrait définir le rythme et l'atmosphère etc...
Enfin c'est une question complexe c'est aussi un débat que je lance peut être saurez vous répondre à l'interrogation que je pose même si c'est pas là ou se situe ma question.

Donc j'aimerais savoir s'il existe des logiciels qui permettent d'enregistrer, de régénérer, paramétrer des cycles. Leur faire subir les variations, les muter, appliquer des effets, modifier leur amplitude, tout cela sur des périodes définies dans le temps et dans l'espace sur des installations à notre convenance. Une édition complexe et conséquente qui multiplierait les probabilités et la diversité de l'œuvre.
J'ai vu des vidéos sur ce qui semble être l'aboutissement du projet Koan que Eno utilisait à l'époque et qui prend le nom de Noatikl mais je trouve le procédé trop aléatoire d'après ce que j'en ai vu.
J'aimerais savoir si certains d'entre vous l'utilise ou font usage de musique générative et s'il pourrait m'éclairer un peu sur ce logiciel et sur ce domaine d'application.

J'ai sans doute oublié quelques point de détails mais j'y reviendrais sans doute à mesure des réponses.




Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

[ Dernière édition du message le 18/05/2010 à 22:50:32 ]

2
Sujet moi même à ces "crises de lassitude", je flague car ce sujet est super intéressant. bravo
3
Ben apparemment nous sommes les seuls affectés par cette maladie icon_lol.gif

Après je ne sais pas si la lassitude d'une restitution musicale fixe peut trouver sa guérison sur une musique régénérable de type générative mais vu d'ici ça me semble être des opposés. D'un autre coté la musique générative s'extirpe du schéma classique de la composition, elle est plus abstraite.
Il faudrait pouvoir donner du sens à la musique générative, savoir l'ordonner la prévoir un minimum dans l'idéal pour lui attribuer un thème.
C'est à mon avis ce qu'a voulu faire Brian Eno après les essais de Steve Reich. Neroli est une pièce musicale censée traduire les bienfaits naturels de l'huile extraite de la fleur d'oranger appelée Neroli. Elle est reconnue pour ses vertus apaisantes.






Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

[ Dernière édition du message le 18/05/2010 à 05:16:41 ]

4
Citation de gianni :
L'alternative pour un artiste aujourd'hui serait plutôt de vendre ses partitions ou ses tablatures quand sa musique couvre un champ d'application plutôt traditionnel. Ce document promet une régénération constante de la musique dans le temps.

je suis retourné à mes origines musicales depuis 8 ans à  savoir la musique traditionnelle avec une forte transmission oral

Dans les interpretations differentes de chaques musiciens, on s'enrichit à chaques ecoutes...

une vielle et alors ...??

[ Dernière édition du message le 18/05/2010 à 09:59:48 ]

5
Tu fais bien de le dire Jeremy. La transmission orale est à prendre en compte et elle est très importante car elle fait directement appel à la sensibilité de l'artiste. En somme c'est un complément essentiel qui lui aussi tend à se marginaliser.
Aux siècles derniers comment pouvait t-on interpréter la musique? Simplement en se basant sur une connaissance théorique et sur une transmission orale si possible du compositeur de l'œuvre. Mais l'un comme l'autre faisait appel à la sensibilité personnelle de l'interprète.

Aujourd'hui interpréter une musique au piano se fait le plus souvent en référence à des interprétations figées et enregistrées qui à mon avis font davantage appel à la mémoire qu'à une approche personnelle. Je prends le piano comme référence car c'est l'instrument que je connais le mieux mais il y'a d'autres exemples.

Je ne peux pas dire si cette démarche est régressive ou pas, même si d'intuition j'aurais tendance à l'admettre mais il a modifié l'approche que l'on se faisait de la musique. Aux siècles derniers les compositeurs gagnaient leur vie en vendant leurs partitions mais surtout en donnant des cours. Au XXème siècle ils l'ont fait en vendant des disques.

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

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Hors sujet :
Flag, intéressant ce qui se raconte ici

7
En fait, j'ai en général 2 solutions pour sortir de ces "crises de lassitude": j'essai d'écouter le moins possible de musique pendant quelques jours, je ne touche pas à mes instruments, et en moins d'une semaine je retrouve goût à écouter de la musique.

Ma deuxième solution est de passer d'un style de composition à un autre relativement opposé. ex: Compositions chantées (rock, blues,...)<=>musique instrumentale (ambient, post rock,...)

Comme tu le dis Gianni andon, nous sommes tellement submergés par la musique, dans la rue, les bus, les magasins, la télé, la radio, que notre cerveau en fait une sorte "d'overdose" qui se traduit par ces "crises de lassitude", enfin ce n'est que mon avis.

Donc je pense qu'en effet la musique générative par son côté aléatoire pourrait servir de "cure de désintox" pour nos p'tits cerveaux englués de compositions "pop" icon_lol.gif
8
Non en fait je pense pas que la musique aléatoire est la solution, mais c'est une sorte d'antidouleur, une morphine pour apaiser la douleur. Ce n'est pas une musique qui pourra se déterminer dans un style précis et dont on peut se satisfaire pleinement car sa détermination est beaucoup trop subjective même si c'est un bon complément je pense aux musiques auxquels nous donnons notre détermination.

Moi qui ne compose pas vraiment mis à part que j'improvise sur mon piano, je suis seul avec ma musique, je n'ai pas de groupes, je ne vais pas aux concerts et je pense que je n'aime pas ça et puis pas vraiment les moyens et les seuls auxquels je me soumettrais volontiers serait de style classique car c'est l'un des seuls domaines ou celle ci n'a pas n'a pas encore été pervertie.
Mais moi qui suis réellement amateur de musique je ne puis me satisfaire des schémas imposés par le schéma d'écoute actuelle.
Je suis intimement persuadé que 90% de la production musicale actuelle est un abrutissement permanent auquel nous nous soumettons sans nous en rendre compte. Et sa forme la plus aboutie est la diffusion radio capable de mettre en boucle un morceau 10 fois par jour si ce n'est pas plus, et ce, sous la demande des auditeurs.
Que des gens arrivent à supporter cela est absolument inconcevable humainement parlant, tout comme il est impossible à ces gens de les faire tenir attentivement plus de 3 minutes sur un morceau de piano (expérience vérifiée).
Je n'exclue pas moi même être abruti de ces morceaux puisque je me plais à m'en ressasser à longueur de journée sans pour autant me connecter aux médias de diffusion.
Mais je me rends compte ô combien la musique nous enferme et nous a petit à petit soustrait à la peur du silence engendrée par la peur du quotidien. La musique a revêtu un caractère purement fétiche aujourd'hui, elle n'a plus du tout les moyens de s'élever au rang auquel elle était destinée.
C'est la marchandisation qui l'a paupérisé, la musique par le disque ou le tableau par le musée.
Tout le monde s'accorde à dire que La Joconde est une œuvre d'art mais qui saurait vraiment la juger comme tel en dehors de son caractère purement symbolique?

Plateau of mirrors Mon blog musique et création.

[ Dernière édition du message le 20/05/2010 à 23:45:01 ]

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gianni tu parles de moins de 10 % de la musique produite dans le monde...(celle qui nous abrutie....) et le reste ......

certes il y a 85 % des gens qui "entendent" ces 10 % mais l'ecoute t il ....(chiffres approximatifs d'avant la mp3isation de la musique epoque ou je bossais en radio.....)

avons nous un rapport d'habillage sonore avec ces musiques ou un rapport de detente plaisir decouverte communauté...

en tout cas dans le trad nous ne sommes plus ennuyé par ce genre de chose, diffusion helas tres (trop) restreinte.

ce sont des regles dans l'execution des danses qui posent pb plus que que dans  la musique où nous avons une liberté rare (contrechants tierse et compagnie) dans l'interpretation.....

une vielle et alors ...??

10
https://medias.audiofanzine.com/images/thumbs3/1974480.gif
citation : et les seuls auxquels je me soumettrais volontiers serait de style classique car c'est l'un des seuls domaines ou celle ci n'a pas n'a pas encore été pervertie.

Je crois que tu as la solution : dans ce style (instrumental surtout), il y a toujours quelque chose à entendre, à découvrir... c'est ce qui me repose et m'inspire le plus.
Mais le classique aussi a été pervertie :
Je ne peux plus écouter la 3ème symphonie de Brahms sans entendre la voix de Brikin dans ma tête !
Pareil pour le nocturne de Chopin et la voix de Charlotte Gainsbourg, ou l'intro de Zarathoustra avec le foétus de 2001. Et je ne parle pas des pubs ! Heureusement, il reste plein d'autres oeuvres qui n'ont pas été "poluées" par des images ou des paroles...

J'avais entendu dire que chez les moines tibétains, la musique enregistrée ne s'appelait plus "musique" car elle n'était plus vivante, elle perdait son caractère sacré.

On peut aussi réfléchir sur l'aspect interprète/auditeur :
Dans bien des civilisation, c'est le même individu.
Pas d'auditeur passif, tout le monde participe et vit ce qui est joué.
( regarder le sport à la télé me lasse très vite, je préfère aller courir ! )

Les paroles s'envolent, la musique reste.