Ça y est. Vous avez déjà réussi le parcours du combattant qui consiste à monter un groupe cohérent et motivé, puis à répéter régulièrement. Vous êtes prêt à affronter la scène. Peut-être même en avez-vous déjà fait quelques-unes. Maintenant, il vous faut une démo.
Ça y est. Vous avez déjà réussi le parcours du combattant qui consiste à monter un groupe cohérent et motivé, puis à répéter régulièrement. Vous êtes prêt à affronter la scène. Peut-être même en avez-vous déjà fait quelques-unes. Maintenant, il vous faut une démo.
Oui, mais comment ? Et à quel prix ? Un certain nombre de paramètres vont guider vos choix. Tout d’abord, il faut bien savoir ce qu’on veut obtenir, avoir un objectif.
Objectifs d’une démo
En matière d’enregistrement, on a généralement trois catégories : la démo, la maquette et l’album.
L’album, c’est une production, un enregistrement et un mixage chiadés. C’est un prémastering professionnel, dans un studio équipé en conséquence avec un ingénieur du son spécialisé. C’est aussi une jaquette (peut-être même un livret) au graphisme travaillé et si possible original, un pressage pour les galettes et enfin un tour à l’imprimerie pour les jaquettes. Bref, c’est un produit pouvant être vendu 15 ou 20€ sans donner l’impression à l’auditeur de s’être fait arnaquer en le passant sur sa platine. Tout cela coûte cher, demande des moyens, des connaissances et de l’expérience, mais ce n’est pas notre sujet ici.
La maquette, c’est une sorte de brouillon d’album. Ça consiste à enregistrer ses compos, avec des arrangements travaillés et une production soignée. Elle sert généralement à prospecter des labels, maisons de disques, producteurs pour les décider à financer votre album. Vous y viendrez certainement, mais ce n’est pas non plus notre sujet.
La démo, c’est la carte de visite du groupe surtout pour le live. C’est ce que vous allez faire écouter à tout organisateur de concert, tout patron de lieu où vous espérez jouer.
Objectif concert
L’objectif d’une démo est de décrocher des concerts. Elle doit donner envie à l’auditeur de vous embaucher. Ainsi en faisant votre démo, ne cherchez pas à faire un truc qui en mette plein la vue à votre maman, votre petit frère ou votre copain home-studiste, mais quelque chose qui soit percutant.
Le son
S’il est toujours bon d’avoir le meilleur son possible, la qualité sonore n’est pas le critère essentiel d’une bonne démo. Il est bien plus important que ça soit très musical, que ça bouge, que ça ait la pêche ou si vous faites de la musique calme, que ce soit vivant. Lorsqu’on est peu expérimenté, les questions techniques du son mobilisent une grande part de l’énergie et peuvent nuire à l’investissement dans le jeu. Quand on est crispé sur un vumètre, difficile de se lâcher pour jouer un solo de la mort qui tue ! Ainsi, nous verrons que les problèmes de son méritent presque d’être oubliés.
La durée
De combien de titres avez-vous besoin ? 15 ? Non, non, et non ! Vous ne verrez jamais un organisateur écouter un CD pendant une heure, ni même une demi-heure. Vous allez avoir affaire à des professionnels. Même si c’est le petit bar du coin, s’il passe régulièrement des groupes, il a l’habitude d’extrapoler à partir de quelques minutes de musique ce que peut donner un groupe. Deux ou trois morceaux suffiront. Parfois même le début du premier morceau. Il peut être nuisible d’avoir une démo trop longue. Sans rentrer dans les détails, disons simplement qu’il vaut largement mieux avoir entre deux et quatre bons morceaux qu’une dizaine de moyens, ou très inégaux.
Nous avons défini les objectifs : faire un CD court, qui bouge, qui donne envie et où la qualité sonore n’est pas le critère essentiel. Voyons comment y parvenir.
Le temps consacré
Faire une démo peut prendre une journée ou des mois. Il peut être tentant d’y consacrer beaucoup de temps pour peaufiner. Erreur ! Tout le temps que vous allez passer sur votre démo, c’est du temps que vous ne passerez pas à prospecter des concerts. Plus tard votre démo sortira, plus tard vous pourrez vraiment vous lancer à corps perdu dans les concerts. De surcroît, si c’est votre première démo, elle ne sera pas forcément meilleure si vous y passez plus de temps, c’est aussi une question d’expérience. Ainsi, plutôt que de passer six mois sur votre démo, passez-y quelques jours et jouez en concert pendant les 6 mois qui suivent. Quitte à refaire une nouvelle démo six mois plus tard avec derrière vous l’expérience de la première (et les erreurs que vous aurez immanquablement faites). Vous bénéficierez en plus des progrès faits par le groupe grâce à l’expérience des concerts passés.
Moyens techniques
Faut-il opter pour un enregistrement live ou piste par piste ? Généralement, l’enregistrement piste par piste permet d’avoir une meilleure qualité technique et sonore :
1. On peut avoir un seul micro et préampli de qualité et l’utiliser pour chaque prise acoustique. Il est bien plus difficile d’avoir 3, 4 ou plus couples micro/préampli de bonne qualité pour enregistrer tout le monde simultanément. Dans le cas d’un combo rock avec batterie, guitare reprise sur ampli, basse et chanteur, il faut compter au grand minimum 6 bons micros. Et autant de bons préamplis. Dur !
2. Comme il est rare de disposer de cabines séparées pour chaque musicien, le piste par piste évite les repisses (le fait d’entendre dans un micro le son d’autres instruments jouant à côté).
3. On peut facilement enregistrer X prises de chacun et garder la meilleure, faire du montage entre différentes prises pour avoir les meilleurs passages, faire du drop pour effacer les pains, etc.
Mais…
L’enregistrement piste par piste rend dans la quasi-totalité des cas la musique bien moins vivante qu’un enregistrement live. Pourquoi ? D’abord, parce que ce n’est pas du tout pareil de jouer sur les autres musiciens enregistrés qu’on entend au casque que de jouer en même temps que tout le monde (même si on écoute quand même au casque). Ensuite parce que les conditions d’enregistrement en piste par piste mettent sur le musicien peu aguerri une pression qui va lui rendre plus difficile le fait de se lâcher, de cracher ses tripes. Or, ce qu’il faut dans une démo, c’est justement des tripes, du feeling, du groove, bref, de la musique. Il est bien moins gênant d’avoir un pain dans un morceau qui déchire qu’une exécution parfaite dans une musique froide. D’autant que si un pain est prohibé dans un album, il est beaucoup plus secondaire dans une démo. En effet, un album est destiné à être écouté et réécouté et le pain finira par sauter tellement aux oreilles au fil des écoutes qu’on entendra plus que lui. Tandis qu’une démo est faite pour être écoutée une seule fois, deux grand maximum. La plupart du temps, l’organisateur l’écoutera en discutant en même temps avec vous, et prendra sa décision. Un éventuel pain sera vite oublié (voire pas entendu) s’il est noyé dans une musique qui lui plaît.
De plus, il y a un facteur temps non négligeable. On peut faire un simple calcul : pour un morceau de 5 minutes joué par 4 musiciens, l’enregistrement piste par piste prend 5×4 = 20 minutes alors que l’enregistrement live prend 5 minutes. Ça ne vous semble peut-être rien, mais n’oubliez pas qu’il y aura d’abord l’installation du matériel, tous les réglages à faire, les positionnements de micro, etc. Puis vous ferez plusieurs prises qu’il faudra réécouter plusieurs fois pour choisir la meilleure. En multi, on écoute chaque prise de chaque musicien séparément. Si on a quatre prises x 4 musiciens, ça fait au moins 16 × 5 minutes d’écoute soit une heure et vingt minutes. Comme il y a fort à parier qu’une seule écoute ne suffira pas, vous pouvez largement multiplier ce temps par deux. Sur un enregistrement live, on écoutera plutôt l’ensemble des musiciens simultanément. S’il y a 4 prises qu’on écoute deux fois, ça ne fait plus que (4 × 5mn x 2) 40 minutes d’écoute, face à deux heures et quarante minutes. En fait, l’écart est dans la pratique bien plus grand. Au bout du compte, vous vous apercevrez que la différence est énorme. Et pendant ce temps, vous ne prospectez pas, vous ne répétez pas et vous n’êtes pas sur scène.
Comme on a vu que pour une démo, la qualité sonore et technique était secondaire par rapport à l’aspect musical et que le facteur temps passé était important, le choix de l’enregistrement live s’impose donc naturellement.
Enregistrement maison ou studio?
Voilà qui va certainement en faire bondir quelques-uns, mais je l’affirme haut et clair : le mieux est toujours d’aller en studio. Quoi? Mais ça va coûter une fortune ! Oui, mais non ! N’oubliez pas l’objectif de votre démo : décrocher des concerts. Plus votre démo sera bonne, plus vous aurez de chances de décrocher des concerts. A priori, le (bon) studio est la meilleure solution pour avoir un bon son. Certes, de passer par une solution studio peut vous coûter plusieurs centaines d’euros. Mais nous verrons que le calcul n’est pas forcément mauvais.
Exemple d’un groupe partant de zéro : prenons un groupe composé de membres assez jeunes et n’ayant pas de matériel. Il va d’abord falloir acquérir l’équipement. Mais que choisir ? Si vous avez déjà un peu parcouru les forums d’AF, vous avez pu constater que lorsqu’on n’y connaît rien, le simple choix d’achat d’un micro peut s’avérer cornélien, nécessiter des heures de lectures de conseils, de caractéristiques, de recherche du meilleur rapport qualité-prix, de « fouinage » dans les petites annonces et les sites commerciaux. Or, c’est toute une chaîne audio qu’il va falloir acquérir : micros, préamplis, console, effets, système MAO (encore appelé DAW), moniteurs (enceintes de studio), casques… Vous voyez le temps passé ? Se monter un petit studio, même modeste, est une démarche qui prend du temps. Or, ce temps, si vous voulez réaliser vos objectifs, vous ne l’avez pas. Et puis, vous voyez déjà l’addition ? Surtout pour un enregistrement live où il vous faut plusieurs micros, plusieurs préamplis, un certain nombre de câbles (et c’est cher les bons câbles)…
Si vous partez de zéro, l’addition va (très) largement monter au tarif d’une ou deux journées de studio. Et encore, je compte sur du matériel vraiment bas de gamme et des bonnes occases. Sinon, vous explosez largement le budget. J’en entends déjà se dire « ouais, bon, puisque c’est comme ça, achète le minimum et on enregistrera en multi ». Mais d’ores et déjà, vous êtes en train de perdre votre objectif.
Ce n’est qu’avec du matos correct et de l’expérience que ça commence à valoir le coup d’enregistrer et mixer en multi. Quand on n’a ni le matos, ni l’expérience, mieux vaut jouer la carte des tripes et du côté vivant que celle d’une hypothétique (et quasi inaccessible) qualité de production.
« Oui, mais si on achète le matériel, c’est un investissement qui servira ensuite alors que le studio, c’est de l’argent perdu ». Je connais bien ce raisonnement puisque je l’ai moi-même fait. Et j’ai donc pu constater (à mes dépens) à quel point il était erroné !
Mettons que vous achetiez le matériel. En courant l’occasion, en cherchant soigneusement (ce qui va vous prendre un temps énorme), vous allez peut-être réussir à vous équiper pour quelques centaines d’euros. À ce prix-là, je peux vous certifier que ce n’est pas un investissement durable. En effet, ce matériel de base vous semblera très vite dépassé et il vous faudra le revendre, sans doute très mal (l’entrée de gamme décote très vite) pour acheter mieux.
Et surtout, ne croyez pas les légendes qui affirment que des micros à quelques dizaines ou une centaine d’euros valent des micros de studio pro à quelques centaines ou milliers d’euros. Les gens qui affirment ça n’y connaissent rien et ont des oreilles en bois. Résultat : vous aurez dépensé de l’argent, perdu du temps pour au bout du compte avoir quelque chose de pas terrible, voire mauvais. Pas terrible parce que vous aurez travaillé avec du matériel pas terrible. Pas terrible parce que vous aurez essayé de faire quelque chose que vous ne savez pas (encore) faire.
Si au lieu de ça, vous dépensez cette même somme dans des journées de studio, vous avez rapidement votre démo, faite avec du matériel de qualité et réalisée par une personne compétente. Le temps gagné et la meilleure qualité de la démo vous permettront très probablement de faire des concerts que vous n’auriez pas eu autrement. Et quelques centaines d’euros, c’est récupéré en quelques concerts. Alors ?
Bien sûr, vous pouvez souhaiter investir dans un matériel pour vous construire votre home-studio, c’est une intention louable. Mais ne mélangez pas ça avec la réalisation de la démo. C’est une erreur, car en mélangeant les objectifs, vous allez rater les deux. La démarche de monter votre studio doit être vue sur le moyen/long terme. Prenez votre temps. Alors que la démo, c’est tout de suite. Et que comme l’instrument n’a jamais fait le musicien, avoir du matériel de studio ne fera pas de vous un ingénieur du son.
Vous allez voir que financièrement, aller en studio ne coûte pas si cher que ça, mais va au contraire vous rapporter le l’argent !
Calculons un peu
Basé sur un concert par mois à 200 euros de cachet. C’est un cachet très modeste, mais considérons un groupe qui débute et qui ne sait pas forcément très bien se vendre.
En s’équipant pour faire sa démo soi-même :
Aujourd’hui (achat du matériel) |
Dans 3 mois : équipement acheté, installé, à peu près maîtrisé* |
Dans 6 mois : démo terminée |
Total à 1 an | |
Dépenses | 600€ | 600€ | 600€ | 600€ |
Recettes | 0€ | 0€ | 0€ | 6×200=1200€ |
Résultat | –600€ | –600€ | –600€ | 600€ |
* Je parle ici de maîtrise technique du système et des éventuels logiciels. Pas des connaissances en prise de son et mixage qui demandent un long, long apprentissage.
En allant en studio :
Aujourd’hui : réalisation de la démo, démarrage de la prospection. |
Dans 3 mois | Dans 6 mois | Total à 1 an | |
Dépenses | 600€ | 600€ | 600€ | 600€ |
Recettes | 0€ | 600€ | 1200€ | 2400€ |
Résultat | –600€ | 0€ | 600€ | 1800€ |
Pas besoin d’avoir fait des études de haute finance pour constater que la seconde solution est la plus rentable.
Dans le premier tableau, on peut trouver exagéré que le fait de faire la démo soi-même en partant de zéro nécessite 6 mois. Demandez à ceux qui en ont fait l’expérience, vous verrez que c’est même peut-être en dessous de la vérité.
Dans le second cas, on peut considérer que la bien meilleure qualité de la démo aura fait décrocher plus de contrats / mois, sans compter l’effet boule de neige quand on commence à tourner. Mais je m’en suis tenu à une estimation prudente de concerts rapportant 200 euros par mois.
Vous pouvez effectuer les calculs avec d’autres chiffres : ce que vous pouvez réellement investir, les cachets généralement pratiqués dans votre région, etc. A moins d’investir des sommes déraisonnables dans votre démo, de demander des cachets de misères ou encore qu’il soit très difficile de décrocher des concerts dans votre région à cause de votre style de musique, vous constaterez que le calcul vous ramène la plupart du temps à la seconde solution.
À part la question financière, l’évolution, la reconnaissance et la notoriété de votre groupe seront plus grandes avec 12 concerts au lieu de 6 ! Vous verrez lorsque vous allez commencer à tourner régulièrement que les concerts en amènent d’autres, mais il ne faut pas oublier de prospecter. Il peut y avoir des gens dans le public qui vont vous donner des tuyaux, des bons plans où jouer, vous recommander à des organisateurs qui pourront vous donner des tuyaux : « allez voir untel, ça devrait lui plaire ». Il est évident que lorsque vous allez voir Untel « de la part de machin chez qui on a joué », vous n’êtes pas regardé de la même façon que si vous débarquez de nulle part.
La somme de 600€ pour le studio peut sembler modeste, mais il n’est pas difficile de trouver des studios corrects pour une démo à 300/400€ par jour. Si vous êtes bien organisés, que vous maîtrisez bien vos morceaux, il y a largement moyen d’en enregistrer 4 ou 5 dans une journée et de mixer et masteriser le lendemain. Vous pouvez écouter sur mon profil un extrait de la démo de ‘Sorb’, trio de musique traditionnelle irlandaise. Nous avons enregistré, mixé et masterisé six morceaux en une dizaine d’heures.
Maintenant que j’espère vous avoir convaincu, relativisons !
Studio?
Bon, quand on parle d’aller en studio, disons qu’on parle de faire appel à quelqu’un pour réaliser l’enregistrement et le mixage. On l’a vu : la qualité sonore n’est pas l’élément primordial de votre démo. Bien sûr, si vous avez les moyens d’aller dans un bon studio, autant en profiter. Ce sera forcément porteur, sans compter le plaisir que vous aurez à avoir un bon enregistrement de votre travail et l’expérience que vous allez acquérir.
Il y a aussi pas mal d’associations, de structures paramunicipales et d’établissements à vocation socioculturelle qui disposent de studio permettant largement de réaliser une bonne démo. Ceux-ci sont rarement coûteux. Attention cependant aux compétences des éventuels ‘ingénieurs du son’ présents. Il existe de structures avec de vrais ingénieurs du son professionnels et d’autres avec des amateurs bénévoles, dévoués, mais pas toujours compétents. N’hésitez pas alors à trouver et emmener votre propre ingénieur du son.
Les structures type associatives ne permettent pas d’enregistrer de disques destinés à la vente (pour éviter la concurrence déloyale avec les studios professionnels), mais il s’agit ici d’une démo, pas de problème.
Sachez aussi qu’on trouve parfois des studios à des endroits assez inattendus. Ainsi, le centre de rééducation fonctionnelle près de chez moi est équipé d’un studio paraît-il tout à fait correct. Il est normalement réservé aux pensionnaires du centre, mais parfois, en faisant jouer quelques relations, ou peut-être en montant un projet pédagogique… Certains comités d’entreprise de grands groupes possèdent parfois des équipements étonnants. Bref, renseignez-vous autour de vous, faites jouer débrouille et relationnel. Il est parfois possible d’obtenir deux journées de studio en échange d’un ou deux concerts. Le rêve, non ?
Si vous ne trouvez pas ce genre de bon plan ou vous ne voulez pas passer des semaines à chercher et vous avez des moyens un peu justes pour du studio pro, il peut exister d’autres solutions alternatives. Notamment faire appel à un home-studiste déjà équipé, un peu formé et compétent.
Attention : si vous êtes un groupe de rock avec batterie, tous les home-studistes ne seront pas (loin s’en faut) équipés pour enregistrer suffisamment de pistes simultanément. Dans ce cas, la location de matériel peut combler le manque, mais attention à ne pas arriver au final au coût du studio. Sans compter la question de compétence : un home-studiste qui n’est pas équipé pour enregistrer la batterie a-t-il bien l’expérience pour enregistrer de celle-ci ? Car l’enregistrement, ça ne s’improvise pas.
Vraiment?
À l’inverse, si vous êtes, par exemple, un groupe jouant en acoustique, l’enregistrement peut être relativement simple, même si vous êtes nombreux : obtenez une salle avec une bonne acoustique et un simple couple de micros bien choisis et bien placés. Cela devrait donner un son live tout à fait satisfaisant. N’oubliez pas que c’est comme ça qu’on enregistre les concerts de musique classique !
Dans tous les cas, si vous faites appel à un non professionnel, faites attention à sa compétence. Ce n’est pas parce que quelqu’un a craqué quelques milliers d’euros dans un matériel correct qu’il sait s’en servir. Les propos de certains sur les forums en regard de leur superbe équipement sont à ce sujet édifiants.
Ce n’est pas non plus parce que quelqu’un a beaucoup de matériel que celui-ci est bon. Or, la qualité d’une chaîne audio se réduit généralement à son maillon le plus faible.
N’oubliez pas que beaucoup de home-studistes travaillent essentiellement avec des instruments virtuels, des synthés, etc. Mais enregistrer et mixer une simple guitare folk est une autre paire de manches que de faire sonner n’importe quel instrument virtuel.
Ainsi, renseignez-vous sur ce qu’a déjà réalisé votre home-studiste providentiel et surtout, écoutez les travaux qu’il a déjà faits, si possible dans des configurations proches de la vôtre.
Autre point essentiel si vous faites travailler un amateur que vous payez peu : il faut qu’il aime ce que vous faites, même si ce n’est pas forcément son propre style. S’il a plaisir à travailler sur votre musique, il n’en sera que plus investi. Mais si vous faites du hardcore et qu’il n’aime que la valse tyrolienne, le résultat de la collaboration sera plus aléatoire.
Si vous faites appel à un studio pro, n’hésitez pas non plus à vous renseigner. Comme dans tous les métiers, il y a des bons et des branquignols. Le guitariste de ‘Sorb’ m’a déclaré être allé avec un autre groupe faire des séances dans un studio pro et avoir eu un résultat moins bon que ce qu’on a fait ensemble. Je dois dire qu’il m’est arrivé d’entendre des enregistrements qui laissent songeurs quant à la façon dont certains traitent les petits groupes et les autoproductions. A moins qu’ils ne soient vraiment mauvais. Donc, n’hésitez pas à vous renseigner sur le sérieux du professionnel.
Un tuyau pour obtenir un bon studio pro à petit prix : les séances de nuit. La majorité travaille dans la journée avec leur clientèle professionnelle. Mais certains proposent des extrats de nuit, beaucoup moins chers, destinés essentiellement aux amateurs, aux autoproductions, etc. Renseignez-vous. Mais attention : vous ne serez pas forcément aussi efficaces la nuit que le jour. Pensez donc à prévoir un temps un peu plus long. Et ces séances peuvent être tributaires d’un éventuel dépassement horaire. À réserver donc à ceux disposant d’une bonne souplesse de planning.
Exemple d’un groupe déjà équipé
Vous avez déjà du matériel de home-studio. Peut-être pas tout, mais il y a déjà une bonne base et vous pouvez vous faire prêter ce qui vous manque ou le louer.
Dans ce cas, faites appel à quelqu’un de confirmé pour vous enregistrer avec votre matériel. Dégagé des contraintes liées aux techniques du son, vous serez bien plus à l’aise pour vous concentrer sur la musique.
Si vous êtes vous même expérimenté, ça peut ne pas vous coûter très cher : vous pouvez par exemple négocier un échange de service. Un collègue vient vous enregistrer et vous irez enregistrer son groupe.
Rien ne vous empêchera, par contre, de faire le mixage. Mais si vous avez un minimum de pratique, vous savez bien à quel point il est difficile de cumuler lors de l’enregistrement les casquettes d’ingénieur son et de musicien.
Si vous êtes équipé, mais que vous avez peu d’expérience, l’apport de quelqu’un expérimenté fera faire un bond qualitatif énorme à votre démo et en plus, vous allez apprendre des choses. Sans compter que vous allez profiter du regard et de l’oreille de quelqu’un d’extérieur à votre groupe sur votre travail et votre son.
N’oubliez pas l’efficacité. Faire des économies est rarement la solution pour gagner de l’argent. Or, même si vous faites de la musique uniquement pour votre plaisir, il y a bien une question d’argent en jeu. La démo va vous en coûter, les concerts vous en rapporter. Même si vous gagnez votre vie par ailleurs, c’est toujours bien d’avoir un peu plus, ne serait-ce que pour acheter du matériel, remplacer les consommables. Et surtout, le but étant de décrocher un maximum de concerts, donnez-vous les moyens d’atteindre celui-ci.
Bien sûr, si vous êtes à l’aise financièrement, que la musique est un pur plaisir pour lequel vous ne vous posez absolument aucune question de rentabilité, n’hésitez pas et foncez en studio.
Petite note pour les Parisiens : pour des questions de coût d’espace notamment, il semble difficile de trouver des studios peu chers dans la capitale. Et les home-studios ont rarement un format permettant d’accueillir un groupe complet pour des sessions d’enregistrement. N’hésitez pas à aller chercher le bonheur en grande banlieue ou en province.
Si vous n’avez pas un radis
Vous n’êtes pas ou mal équipé, vous n’avez pas de sous pour payer un studio ou même pour payer un amateur équipé et compétent. Disons alors que ce n’est pas gagné, dans notre société où tout se paye. Mais tout n’est pas perdu, loin de là.
D’abord, vous pouvez toujours tomber sur un home-studiste qui vous fera le travail contre une bière, pour le simple plaisir de vous rendre service (et de peaufiner son expérience) ou parce qu’il aime votre musique. Attention cependant : mettez très vite les choses au clair avec lui et ne laissez traîner aucune ambiguïté sur les questions financières. Il m’arrive souvent que des groupes commencent à m’aborder genre « c’est bien ce que tu fais, on aimerait que tu nous enregistres »… et il faut que je creuse sérieusement, voire que je mette carrément les choses à plat pour savoir s’ils parlent d’un travail rémunéré ou espèrent un enregistrement à l’oeil. C’est désagréable. Si mon studio est désormais une de mes sources de revenus, je ne refuse pas forcément de rendre service à l’occasion, mais faut qu’on me le dise clairement. C’est d’ailleurs parce qu’ils sentent le côté abusé de la démarche que certains tournent autour du pot. C’est si compliqué de demander les choses clairement ? Lorsque j’ai autoproduit mon album, j’ai demandé à un pote photographe semi-pro s’il pouvait nous faire des photos pour la jaquette tout en annonçant notre très faible budget. Nous sommes vite tombés d’accord sur une somme raisonnable pour tous les deux.
Revenons à notre home-studiste bénévole : n’oubliez pas que tout service appelle un retour. Trouvez un moyen de le remercier.
Il y a aussi la solution des écoles de son dont les élèves sont souvent contents de trouver des groupes à enregistrer en travaux pratiques. Attention cependant, cela implique pas mal de contraintes. D’abord, les dates et heures d’enregistrement sont fixes. Elles dépendent des plannings de cours, pas de vous. Voyez si vous pourrez vous rendre disponibles au bon moment. Sachant que ces dates peuvent aussi bouger en fonction du programme de l’école, du planning d’utilisation des studios, etc. Ensuite, ces écoles ne seront pas forcément situées à deux pas de chez vous, et particulièrement celle qui proposera des sessions au moment où vous décidez de faire votre démo.
Il faut aussi savoir que ces sessions d’enregistrement – qui sont pour les étudiants des travaux pratiques – peuvent ne concerner que certaines formations selon le programme et les périodes de l’année. Par exemple, travail sur groupes acoustiques en janvier, sur instruments électriques et batteries en mai… Par ailleurs, enregistrement et mixage n’auront pas forcément lieu au même moment. Ainsi, il vous sera certainement difficile d’être présent au mixage.
Normalement, les étudiants qui vous enregistreront et mixeront n’ont pas le droit de vous laisser repartir avec un CD pour éviter la concurrence avec les studios pros (leurs futurs employeurs). Enfin, n’oubliez pas que ceux qui vont faire le travail sont des étudiants. En quelle année ? Avec quelle expérience ? Ça dépend. Je sais que j’hésiterais à confier ma mâchoire à un dentiste de première année, mais en cas de besoin, c’est sûrement mieux qu’un musicien ou qu’un plombier ! Cette solution est donc loin d’être la panacée, mais si l’occasion se présente…
Le MiniDisc?
Reste une solution : le MD (MiniDisc) et un micro. Les micros pour MD sont généralement excellents pour capter un son d’ambiance. De plus, les MD ont une compression naturelle qui fait d’un enregistrement de musique y sonne généralement pas mal du tout. Bien sûr, vous serez très dépendant de l’acoustique de la pièce. Pour réaliser un enregistrement de cette façon, il vous faudra également une personne extérieure qui s’occupera de placer au mieux le micro pendant que vous jouerez, qui écoutera le résultat au casque et qui vous donnera des instructions pour vos propres placements et les réglages de vos éventuels amplis. Une telle solution est très peu coûteuse : un MD coûte quelques dizaines d’euros en occase et on trouve de très bons micros stéréo pour MD autour de 150 euros. Même si vous ne pouvez emprunter, l’investissement reste modeste. Ça vous fait peur d’enregistrer tout un groupe avec un seul micro ? Sachez que ce fut pourtant l’unique technique d’enregistrement d’une bonne partie de l’histoire du disque !
Bien sûr, une telle solution n’est possible que si votre groupe est capable de produire naturellement un son équilibré. Par exemple dans le cas d’un combo rock, il faut que les amplis (guitare et basse) soient suffisamment puissants par rapport à la batterie.
Si votre groupe comporte des instruments de puissances sonores très diverses et que vous n’avez pas d’amplification, il vous faudra emprunter ou louer le matériel adéquat. Il semble difficile d’arriver à enregistrer de façon correcte simultanément une batterie, des cuivres et une guitare classique non amplifiée !
Mais pour peu que votre groupe soit capable de produire un son équilibré, une telle méthode d’enregistrement peut tout à fait produire un son cohérent, voire bon. Ça sonnera très live et pour une démo, c’est excellent.
Il y a bien sûr également la solution d’enregistrer (avec quelque moyen que ce soit, MD, ordinateur ou DAT) directement au cul de la console. Attention cependant : si le groupe comporte une batterie, il vous faudra le parc de micros en conséquence et savoir bien les placer et régler la console. De même pour tout instrument acoustique. Au final, l’enregistrement sur MD avec un micro d’ambiance peut donner un meilleur résultat si vous pouvez disposer d’une pièce à l’acoustique correcte, et même si beaucoup de sources sortent d’une sono.
Conclusion
D’abord, enregistrer live. Même si ça semble techniquement un peu plus complexe, votre démo sera d’autant plus percutante et musicale. N’oubliez pas que son but est de vous faire décrocher des concerts. Ensuite, toujours dans l’optique de la musicalité, ne cherchez pas à tout faire vous-même. Surtout pour la phase d’enregistrement, même si vous estimez avoir les compétences, laissez quelqu’un d’autre s’enquiquiner avec les questions techniques et concentrez-vous sur la musique. De toute façon, c’est elle la plus importante.
Nous verrons prochainement dans la seconde partie de ce dossier comment organiser concrètement la réalisation de sa démo et quelques aspects légaux. Vous pouvez venir discuter du sujet dans le thread spécialement créé pour l’occasion.