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Pédago
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Produire un gros son de batterie rock

Comment obtenir un gros son de batterie ? Part 1

Après la guitare et la basse, l’heure est venue de nous intéresser aux moyens d’obtenir un gros son de batterie. Un sujet tellement vaste qu’il nous faudra trois articles, au bas mot, pour en aborder les bases.

Accéder à un autre article de la série...

Au niveau de la produc­tion et du mixage comme à celui de l’en­re­gis­tre­ment, il y a deux manières d’abor­der la batte­rie qui sont parfai­te­ment complé­men­taires. D’un côté, vous pouvez la consi­dé­rer dans sa globa­lité, comme un instru­ment, de l’autre vous pouvez la consi­dé­rer comme un ensemble d’ins­tru­ments (caisse claire, grosse caisse, toms, cymbales, etc.). De fait, la façon dont on enre­gistre le plus souvent la batte­rie de nos jours reflète cette double approche : on combine à la fois des micros dont le rôle est d’en­re­gis­trer un élément unique de la batte­rie (la caisse claire, le kick, un tom, etc.) et d’autres micros qui s’at­tachent à captu­rer un aperçu plus global de cette dernière. Il s’agira le plus souvent de micros stéréo ou appai­rés placés à plus grande distance de la batte­rie. 

Mixing your Drums

Évidem­ment, même si cela rend l’en­re­gis­tre­ment plus complexe (il faut notam­ment gérer bien des problèmes de phase), plus vous dispo­se­rez de micros et donc de pistes pour enre­gis­trer votre batte­rie, et plus vous aurez de lati­tude et de possi­bi­li­tés pour sculp­ter votre gros son. La bonne nouvelle pour les débu­tants ou ceux qui n’ont pas la possi­bi­lité de réali­ser un tel enre­gis­tre­ment, c’est qu’il existe des batte­ries virtuelles prêtes à l’em­ploi qui les mettront à la tête d’une bonne douzaine de tranches prêtes à être trai­tées, maltrai­tées et mixées sur l’au­tel du dieu Gros­son. Même si la chose ne rempla­cera jamais une prise faite avec amour, il n’y a pas à dire : c’est beau le progrès !

Tout ça pour dire que les méthodes que nous allons détailler dans cette série d’ar­ticles fonc­tionnent quelle que soit la prove­nance de vos pistes : batte­rie virtuelle ou enre­gis­tre­ment réel de l’ins­tru­ment. Une série d’ar­ticles ? Oui, 3 au bas mot, car il y a plus d’un moyen de faire gonfler le son d’une batte­rie et surtout, l’idée d’un gros son de batte­rie ne renvoie pas forcé­ment à la même chose suivant que l’on parle de rock, d’élec­tro ou de Hip Hop/RnB. 

Honneur aux plus anciens pour ce premier volet, je vous propose de commen­cer par le rock, qui est aussi valable pour quan­tité de genres de Métal.

 

Le gros son de batte­rie Rock/Metal

Même s’il y eut des précur­seurs en la matière (le gros son de batte­rie à l’en­tame du couplet de Paper­back Writer des Beatles par exemple, le solo d’In a gadda da vida d’Iron Butter­fly ou encore les Who), le gros son de batte­rie rock est réel­le­ment né avec John Bonham et Led Zeppe­lin. Si dès le premier album du groupe, la batte­rie se montre déjà massive, c’est sur le titre When the levee breaks issu de Led Zeppe­lin IV qu’elle demeure la plus impres­sion­nante. 

 

D’où vient ce son ? De la frappe lourde de Bonham évidem­ment, car, ne l’ou­blions pas, la musi­cien est le premier garant de la person­na­lité d’un son, mais pas seule­ment. D’après Andy Johns, l’ingé son qui a super­visé l’en­re­gis­tre­ment, le secret de ce son énorme réside d’abord dans une paire de micros Beyer­dy­na­mic M160 situés en haut de la cage d’es­ca­lier d’Head­ley Grange où eurent lieu les sessions, tandis que Bonham jouait au bas de cette dernière, trop impa­tient d’es­sayer sa nouvelle batte­rie qui venait d’être livrée. Qu’en dédui­sons-nous ? Qu’il faut se faire livrer une batte­rie au bas d’une cage d’es­ca­lier ? C’est une idée. Mais on retien­dra surtout de cette anec­dote que le gros son de la batte­rie rock est lié à l’acous­tique et aux réver­bé­ra­tions de la pièce où l’en­re­gis­tre­ment a eu lieu, des choses que l’on enre­gistre géné­ra­le­ment avec une paire de micros statiques situés à quelques mètres de la batte­rie. 

Des micros desti­nés à capter l’am­biance de la pièce donc, et qu’on appelle commu­né­ment  'Room’ en anglais. Vous voulez gros­sir le son d’une batte­rie ? Commen­cez donc par monter les micros Room et voyez ce qu’il se passe. 

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Inté­res­sant, non ? Mais on peut mieux faire, en s’ins­pi­rant à nouveau de When the levee breaks.

Andy Johns ne s’est en effet pas contenté de poser ses micros Room pour profi­ter de l’acous­tique de la pièce : il a géné­reu­se­ment compressé ensuite les pistes issues de ces micros en utili­sant des compres­seurs Helios F700 et en passant ensuite dans un Binson Echo­rec, un delay à bande qui compres­sait égale­ment le son. Ne vous foca­li­sez pas sur le delay qui sophis­tique certes le pattern ryth­mique, mais n’a pas l’in­ci­dence la plus déter­mi­nante sur la gros­seur du son ; le mot à rete­nir ici, c’est 'compres­sion’, car c’est défi­ni­ti­ve­ment l’ou­til le plus employé pour gonfler le son d’une batte­rie depuis des décen­nies.

 

Compres­sons !

Rappe­lons-le : le compres­seur sert à réduire la dyna­mique d’un signal, c’est à dire dans notre cas, à rame­ner au même niveau sonore les coups les plus forts et les plus faibles joués par le batteur. Si la chose présente évidem­ment un inté­rêt pour donner plus d’as­sise à la batte­rie (au détri­ment toute­fois des nuances de jeu, souli­gnons-le), elle permet égale­ment de rame­ner vers l’avant le son de la pièce : cette fameuse réver­bé­ra­tion garante de gros son.

Suivons l’exemple d’Andy Johns et voyons ce que donne notre batte­rie lorsqu’on compresse géné­reu­se­ment nos micros Room :

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Mixing Drums

Pas mal, non ? Certes, me direz-vous, mais encore faut-il pour cela dispo­ser de pistes de micros Room, ce qui n’est pas toujours le cas. Comment fait-on du coup pour gros­sir le son d’une batte­rie qui a été enre­gis­trée avec un ou deux micros seule­ment, ou d’une boucle stéréo prête à l’em­ploi comme on en trouve sur les CD de samples ?

Essayons de voir ce que ça donne en nous servant d’une boucle de batte­rie stéréo récu­pé­rée sur le site de Sony Media Soft­ware :

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Faisons rentrer cette boucle dans un compres­seur avec un réglage qui ne fait déjà pas dans la dentelle (Attaque qui laisse passer les tran­si­toires, relâ­che­ment au plus rapide) : 

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Voyez comme le son s’étoffe : la réso­nance de la caisse claire remonte singu­liè­re­ment et globa­le­ment, on sent plus la pièce. Mais on peut sans doute faire mieux. Allons-y à présent comme des bour­rins en bais­sant le seuil de compres­sion et en montant le ratio de manière à bien écra­ser le signal. (Atten­tion ! J’ai bien dit comme un bour­rin…)

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Du point de vue de notre recherche à gonfler l’am­biance de la pièce, la chose n’est pas inin­té­res­sante, mais force est d’ad­mettre qu’il ne reste de notre batte­rie qu’une bouille informe (écou­tez notam­ment ce qu’il reste du char­ley…). Or, ce n’est abso­lu­ment pas le but.

Comment faire du coup pour exal­ter l’am­biance de la prise tout en gardant l’in­té­grité de la batte­rie ? En compres­sant intel­li­gem­ment, pardi ! C’est-à-dire en prenant le meilleur des deux mondes et un utili­sant la… la… 

La compres­sion paral­lèle !

Exci­ter compres­sion

Inven­tée par Lawrence Horn dans les studios de Detroit, l’Ex­ci­ter Compres­sion consis­tait à split­ter la voix en deux canaux : l’un avec un peu d’EQ et de la réverb, et l’autre ultra-compressé avec un EQ boos­tant géné­reu­se­ment le haut du spectre. Le mixage des deux permet­tait d’avoir une voix qui soit à la fois réver­bé­rée sans perdre de sa netteté grâce aux aigus. Il fallait y penser !

La petite histoire veut que la tech­nique de compres­sion paral­lèle soit née dans la Big Apple, ce qui lui vaut souvent d’être appe­lée 'compres­sion de New York’. S’ins­pi­rant forte­ment de l’Ex­ci­ter Compres­sion utili­sée aupa­ra­vant sur les produc­tions Motown (voir enca­dré), cette dernière consiste à mixer ensemble deux occur­rences de la même piste, la seconde étant compres­sée de manière dérai­son­nable. Très utili­sée sur les batte­ries, cette tech­nique est d’au­tant plus facile à réali­ser de nos jours que de nombreux compres­seurs, maté­riels ou logi­ciels, intègrent un contrôle pour doser le trai­te­ment. Il suffit donc de mettre un compres­seur en insert de la piste à gonfler et de jouer sur le potards Dry/Wet pour obte­nir un effet plus ou moins prononcé, même si, du coup, on perd les avan­tages de dispo­ser d’une tranche dédiée à l’ef­fet pour le twea­ker avec d’autres effets ou trai­te­ments. 

Voyons ce que ça donne sur notre boucle en mêlant le son de la piste Dry et celui de la piste surcom­pres­sée :

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Ça marche plutôt pas mal, car on dispose ainsi des avan­tages de la surcom­pres­sion cepen­dant que les attaques sont préser­vées grâce à la piste Dry.

Évidem­ment, rien n’em­pêche de faire de la compres­sion paral­lèle sur les rooms seule­ment, pour avoir toujours plus de lati­tu­de… Voyons ce que ça donne en reve­nant à l’exemple de début :

 

Ou de ne s’oc­cu­per que du cas de la caisse claire. Bref, vous voyez le prin­cipe, en sachant que la chose est inté­res­sante au-delà de la compres­sion, et au-delà de la batte­rie…

 

Voyez cet exemple qui fait de la distor­sion paral­lèle sur la même batte­rie. D’abord la boucle distor­due et enfin une distor­sion paral­lèle qui permet de salir la boucle sans la détruire complè­te­ment :

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Bref, comme toujours, mille choses sont à essayer en sachant que la person­na­lité de l’ef­fet utilisé et ses réglages pèse­ront gran­de­ment sur le résul­tat (Si vous avez besoin d’un compres­seur qui soit à la limite de la disto, n’hé­si­tez d’ailleurs pas à jeter une oreille à l’ex­cellent Devil-Loc Deluxe de Sound­toys).

Mixing Drums

En dépit de ce qui a été dit avant, préci­sons pour finir que le bouton Dry/Wet qu’on trouve sur nombre de compres­seurs offre certes l’avan­tage d’une mise en place rapide, mais qu’il est loin de propo­ser toutes les options d’une compres­sion paral­lèle utili­sant 2 voies de votre console. En effet, en envoyant votre batte­rie sur une autre voie, vous vous ouvrez beau­coup plus de lati­tude en termes de routing et de trai­te­ment : vous voulez couper le bas de votre voie hyper compres­sée ? Pas de problème ! N’en­voyer que cette dernière dans une réverb ou un delay ? Aucun souci ! Autant de choses qui ne sont en revanche pas possibles avec le bouton Dry/Wet d’un compres­seur en insert…

Quoi qu’il en soit, votre son de batte­rie est désor­mais plus gros, mais vous le voudriez peut-être plus lourd ? Et pour cela, c’est encore à When the levee break que nous allons reve­nir, car, en bout de course, une autre petite astuce a été utili­sée pour plom­ber le son de batte­rie : la bande sur laquelle elle a été enre­gis­trée a été ralen­tie pour le mixage final. 

Hey man, slow down !

Mixing Drums

Lorsqu’on ralen­tit la vitesse de lecture d’une bande, il se passe la même chose que lorsqu’on ralen­tit la vitesse de rota­tion d’un disque : le tempo de la musique ralen­tit bien sûr, mais sa hauteur tonale est aussi affec­tée, le pitch étant trans­posé vers le bas. Il en résulte un son plus grave, mais qu’on ressent aussi plus lourd, car les attaques, ainsi ralen­ties, sont plus grasses. Et c’est la touche finale qui donne son son d’outre-tombe à la batte­rie de Bonham.

Sans même utili­ser de bande, on peut repro­duire cet effet dans n’im­porte quel éditeur audio. Il suffit de réduire de 10 BPM le tempo du morceau en veillant à ce que le logi­ciel ne conserve pas le pitch initial en faisant du Time Stret­ching. Si l’as­tuce est simple, elle n’en est pas moins effi­cace, comme vous pouvez l’en­tendre sur cet exemple où notre boucle est lue à 0.86 de celle-ci avec l’ex­cellent algo d’Izotope RX :

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Si le gain en lour­deur est indé­niable sur les fûts, l’as­tuce a toute­fois tendance à créer des problèmes sur les cymbales. Il faudra ne pas avoir la main trop lourde sous peine de voir des arte­facts arri­ver à ce niveau. 

L’autre problème, c’est qu’il faut prévoir la chose en amont : c’est-à-dire que vous devez enre­gis­trer votre batte­rie 10 BPM au-dessus du temps du projet pour qu’elle revienne ensuite au bon tempo. Mais ça n’a rien de très compliqué.

Enfin, notons-le pour l’anec­dote : quan­tité de grands grooves de Trip Hop ont été obte­nus en ralen­tis­sant dans de grandes propor­tions des beats de batte­rie acous­tique, tandis que c’est l’in­verse pour les boucles Drum’n’­Bass qui sont souvent des boucles de batte­rie jouées 2 ou 3 fois plus vite…

Bien évidem­ment, rien ne vous empêche de combi­ner ces tech­niques comme Andy Johns. Voyez ce que ça donne avec notre rythme du début d’ar­ticle, avec d’abord la batte­rie non traî­tée puis avec des rooms géné­reu­se­ment compres­sées tout en étant ralen­tie :

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Avouez qu’au rayon Touh-Touh-Kah de gros calibre, ça se pose là…

Nous en reste­rons là pour cette fois, en sachant qu’il nous reste encore beau­coup de choses à abor­der lors de prochains articles. Merci donc de ne pas débattre du laye­ring, de la réverb gatée ou du tran­sient desi­gner dans les réac­tions à cet article sous peine de fouet­tage avec des orties fraîches.

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Comment obtenir un gros son de basse ?
Auteur de l'article Los Teignos

Si j'avais eu le physique, nul doute que j'aurais fait un grand Sumo, mais vu que je ne pèse que 80 kg, j'occupe mon temps comme je peux entre musique et littérature.


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