Tout comme la guitare, la basse aussi peut sonner gros : sauf que les méthodes pour y parvenir ne sont pas forcément les mêmes.
Chargée, avec la batterie, d’établir les fondations rythmiques du morceau, la basse est un instrument dont le placement se doit d’être irréprochable en terme de précision. A l’heure de produire un son de basse, il est donc très rare qu’on double ou quadruple la basse comme on le fait pour les guitares. Pourquoi? Parce que, si précis que soit le bassiste, la chose conduit à obtenir une basse qui, bien que sonnant énorme, devient beaucoup moins précise dans ses attaques, ce qui nuit à l’assise rythmique du morceau.
DI yourself
Du coup, pour ne pas mettre à mal la précision du groove, on enregistre et mixe souvent la basse avec une grande sobriété. Sur quantité de morceaux, on s’en tient à un enregistrement en DI, via une boîte de direct, la sortie idoine de l’ampli ou en direct dans la console, qu’on va ensuite généreusement compresser, voire égaliser si nécessaire… et basta !
Pourquoi la compression ? Pour deux raisons essentielles : contenir les grosses sautes de dynamiques qui peuvent survenir sur une piste de basse (à plus forte raison avec du jeu en slap) et s’assurer ensuite que la basse est bien présente tout le long du mix. D’ailleurs, la compression de la basse est si systématique dans certains genres musicaux (rock, funk, etc.) que l’on trouve un compresseur embarqué sur quantité d’amplis basse.
Voyez ce que ça donne avec cette prise DI brute d’abord, puis généreusement compressée à l’aide d’une émulation de Fairchild 670, compresseur hors de prix connu pour son gros caractère :
- slapDI 00:06
- slapDIcomp 00:06
Et c’est tout ? Oui. Dans bien des cas, c’est tout, et ça peut suffire à avoir un bon gros son de basse au sein du morceau. Sauf que tout cela est désespérément clean et qu’on peut parfois être à la recherche d’un son avec un peu plus de grain…
Le meilleur des deux mondes
Ce son, on le trouvera facilement en enregistrant non pas une DI, mais un ampli basse. Correctement repris par un bon micro, un ampli amène le 'wosh’ qui manque à la DI (ce bon gros bas qui fait trembler les pieds), en même temps que du grain, de la personnalité.
Vous n’avez pas d’ampli basse ou de micro qui convienne ? Qu’à cela ne tienne, vous pouvez tout à fait utiliser une simulation d’ampli basse, qu’elle soit matérielle ou logicielle.
Voyez d’ailleurs ce que donne notre basse en DI au travers d’un preset Basse de Guitar Rig Pro 5 :
- bassDI 00:16
- bassAMP 00:16
Le seul problème avec cette solution bénéfique pour le bas du spectre, c’est que les aigus ont une fâcheuse tendance à trinquer avec certains l’ampli, et avec eux la définition des attaques, ce qui nous conduit à penser que le son de basse ultime serait un mélange entre une prise DI et une prise d’ampli.
Et c’est précisément ce que font quantité d’ingés son lorsqu’ils produisent une basse : ils mixent une piste contenant le son DI de l’instrument, utile pour sa grande clarté et ses attaques parfaitement définies, avec une autre piste contenant le son de l’ampli basse, qui ramène un peu de personnalité et de coffre au son trop clinique de la DI. Attention : il ne s’agit pas de doubler l’instrument en ce sens où le bassiste n’aura pas à jouer 2 fois sa partie, mais il s’agit bien d’avoir deux pistes à mixer basées sur la même partie basse.
Voyons ce que ça donne en réécoutant la basse en DI, puis amplifiée, puis en mixant les deux :
- bassDI 00:16
- bassAMP 00:16
- bassDIplusAMP 00:16
Intéressant, non ? D’autant que le dosage permet d’obtenir pas mal de nuances…
Notez que certains amplis virtuels simplifient grandement les choses en incorporant un réglage Dry/Wet qui permet de doser son direct et son amplifié à partir d’une seule et unique piste. Pour disposer de plus de latitude dans vos traitements, je vous recommande toutefois de déployer vos deux sons de basse sur deux tranches, en dupliquant simplement la piste DI dans votre séquenceur et en insérant la simulation d’ampli sur l’une des deux. De la sorte, vous pourrez ainsi effectuer divers traitements sur l’une ou sur l’autre qui peuvent s’avérer complémentaires : c’est notamment intéressant sur les EQ.
Et c’est tout ? C’est déjà pas mal, mais il y a encore quelques pistes à explorer au rayon gros son de basse, en allant voir du côté des… synthés !
Par tous les synths !
Une basse un peu asthmatique dans le bas ou qui manque de corps ? Essayez donc de la doubler avec un synthé basse, si simple que soit le patch utilisé (un simple sinus peut en effet suffire et présente même l’avantage de ne pas poser de problème dans la partie plus haute du spectre) et vous verrez qu’elle va reprendre des couleurs. Pour ce faire, vous pouvez évidemment rejouer la basse note à note, mais n’hésitez pas à vous servir des fonctions Audio > MIDI qu’on trouve dans la plupart des éditeurs de pitchs à la Melodyne pour vous simplifier la vie, quitte à ajuster tout cela ensuite dans votre piano roll.
Suivant le son de synthé que vous choisirez, vous pourrez obtenir des couleurs différentes, le but étant vraiment de sous-mixer le synthé pour qu’il n’attire pas trop l’oreille dans le mix mais se mette au service de la basse. Voyez ce que donne la basse seule, puis épaulée par un synthé discret :
- Basse seule 00:11
- doublesynth 00:10
Vous pouvez également essayer de passer à l’octave du dessous pour aller chercher du sub, même si la chose est évidemment moins discrète.
Pour un résultat relativement similaire, on pourra aussi envoyer notre piste de basse dans un octaver, en faisant attention toutefois à ce qu’il en sort car certaines transpositions ne sont parfois pas très heureuses. Soyez donc attentif, n’ayez pas la main trop leste sur le fader et n’hésitez pas à dégainer l’EQ pour couper les fréquences disgracieuses. Voyez l’effet de l’octaver sur les exemples suivants qui permettent d’entendre la basse DI, puis avec l’octaver sous-mixé et enfin avec l’octaver sur-mixé, ce qui n’est pas forcément très heureux sur toute la ligne :
- octaver off 00:16
- octaver small 00:16
- octaver alot 00:16
Ajouter du bas, c’est bien beau, mais ce n’est peut-être pas là ce que vous cherchez. Vous voulez plus de grain ? Un son plus abrasif ? Qu’à cela ne tienne : osez la distorsion !
Fuss the Bazz !
Dans les genres les plus brutos, il n’est pas rare de distordre la basse. Mais sans même avoir l’ambition de faire du death metal ou de la musique hardcore, il est extrêmement intéressant d’envoyer la basse dans une saturation, quitte à sous-mixer encore cette dernière ensuite.
Ecoutez l’exemple suivant : c’est la même ligne de basse que ci-dessus, à ceci près qu’on l’a envoyée dans une fuzz :
Pour finir, essayons une basse combinant DI, synthé et fuzz. Vous avez d’abord deux mesures de basse en DI, puis deux mesures avec l’ajout d’un synthé, et les deux mesures suivantes avec DI+synthé+fuzz jusqu’à la fin du morceau :
Mais il existe des exemples autrement plus probants de ce genre de cuisine. Pour s’en convaincre, on ira encore écouter le titre Hysteria de Muse (merci à '2037 marie’ pour cet exemple) où basse et synthé se marient à merveille :
Ou cet autre de Gorillaz, où la ligne de basse du Feel Good inc. est clairement épaissie au moyen d’un octaver ou d’un synthé rejouant la ligne à l’octave du dessous :
Pour un usage plus discret mais tout aussi efficace, on écoutera avec attention l’un des plus célèbres riffs à 4 cordes en intro du Billie Jean de Michael Jackson. La basse électrique Yamaha de Louis Johnson y est discrètement doublée par le Rhodes de Greg Phillinganes, et peut-être même par un synthé…
Les baffes qui se boussent
A présent que vous en savez un peu plus sur le moyen de produire des basses énormes, le moment est parfaitement choisi pour vous dire de ne pas le faire… ou du moins de le faire en gardant la suite de votre mix à l’esprit.
En effet, il se trouve que la basse partage notamment une bonne partie de son spectre avec la grosse caisse : plus votre basse prendra de la place, et moins il en restera pour le kick, ce qui peut être problématique. Evidemment, vous pouvez résoudre le conflit entre les deux instruments au moyen d’une compression en sidechain, ou à l’EQ mais sachez qu’il vous faudra faire un choix pour le bas de votre morceau : la basse se placera soit en dessous du kick, soit au dessus. Aussi le plus simple reste-t-il encore de ne pas voir trop grand (ou trop gros) au moment de produire votre basse, ou du moins de mesurer le vrai bénéfice de la chose en gardant toujours une oreille sur le mix dans son ensemble : avec la batterie bien sûr, mais aussi avec les autres instruments… Du coup, on comprend mieux aussi pourquoi nombre de morceaux se contentent d’une basse DI judicieusement égalisée au lieu de chercher à trop gonfler le son.