Editorial du 29 octobre 2016 : commentaires

Amis manchots, pétrels, baleines, phoques et poissons qui, je n’en doute pas, faites de la musique à vos bulles perdues et lisez probablement cette newsletter depuis vos contrées glacées, j’ai une excellente nouvelle pour vous. Il semblerait en effet que l’homme soit arrivé à se mettre d’accord avec lui-même pour faire de la mer de Ross, une baie située dans l’Antarctique que vous connaissez bien, la plus grande réserve animale du monde. Une réserve dans laquelle vous pourrez donc résider en toute quiétude… jusqu’à ce qu’une compagnie pétrolière se rende éventuellement compte que vous nidifiez au-dessus d’un gisement et que bon, hein, ils sont gentils les pingouins, mais au prix où est le baril, ça ne serait pas trop leur demander d’emmener leur oeuf et leurs CD d’Émilie Simon un peu plus loin ! Pour l’heure, pas d’inquiétude toutefois, et c’est en toute bonne foi que l’humanité vous concède ce territoire bien trop froid de toute façon pour qu’elle y installe des hôtels avec piscine chauffée, et bien trop plat pour qu’elle y skie.

Notez que c’est aussi une façon de s’’excuser de la révélation faite par le rapport annuel de l’association WWF. Selon cette dernière,  la population des différentes espèces d’animaux vertébrés aurait diminué de 58% entre 1970 et 2012 pour des raisons liées à l’activité humaine, et ce chiffre devrait atteindre les 67% d’ici 2020. Oui, ça fait deux tiers. Et oui, vous pouvez donc vous estimer heureux de ce traitement de faveur, parce que je peux vous dire qu’à l’heure actuelle, chez les fauves, les pandas, les éléphants, les singes ou les girafes, on se demande de quoi demain sera fait. Et sans doute même l’après-midi du jour même.

Là encore, je vous rassure, avec le niveau d’hospitalité de votre glacière, il est peu probable que vous ayez à gérer l’arrivée de réfugiés climatiques qui s’éteindront probablement sans grand bruit, sacrifié sur l’autel du meuble à bas prix, de l’extraction des métaux lourds et de la surproduction alimentaire sans laquelle nous autres, pauvres bipèdes à pouces opposables, ne pourrions pas surconsommer comme il se doit. Bref, je ne vois vraiment pas comment nous défendre si ce n’est peut-être dans les belles choses dont nous sommes parfois capables, car l’homme - c’est tout son génie - est un salopard bourré de talents. Donnez-lui une boîte à rythmes Toraiz SP-16 de Pioneer ou une DrumBrute d’Arturia et il vous fera un pattern à faire danser tout le pôle, prêtez-lui un OB-8 d’Oberheim et il habillera tout cela de Brass au son énorme. Tendez-lui un petit Spider V 60 de Line 6, et il fera chanter sa guitare pour conter la beauté et la misère du monde. Je sais : c’est une bien maigre consolation en regard de ce que tout cela coûte à nos voisins. Mais je n’en vois pas d’autres.

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.

Los Teignos
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