Jacques/Jean-Pierre Favino 12 cordes acoustiques

Je précise tout de suite être amateur de 12 cordes tant électriques qu'acoustiques, les avoir toutes usées (voir trouée pour une mais j'ai su être un bourrin!)

Donc, et par ordre d'intérêt croissant:
- Une Epiphone manche vissé, marron sunburst, des années 70, ma première guitare que j'aimais et qu'on m'a volée
Bonne, mais pas objectif, certainement.
- Une Takamine 12, les premières de 1983, table en cèdre, électroacoustique. Très beau son, confortable, important pour une 12 cordes, j'en ai essayé des bûches injouables...
- Une Guild 1512 de 1976, table spruce, touche ébène, etc. le gros modèle luxe.Confortable bien qu'un peu dure, presque un camion. Gros son très cristallin, plein de grosse basses comme je les aime.
Une très bonne guitare, mais qui se déformait et dont je me suis séparé avant qu'elle ne me coûte trop cher à réparer
- Et enfin la Favino!
Commandée à Jean Pierre en 1986, j'ai du la payer 8500 francs à l'époque.
Je lui ai fourni un dessin du chevalet cordier, il m'a assorti le reste.
J'avais la Guild citée précédemment en même temps, j'ai donc pu comparer leurs sons respectifs.

Le plus beau son de 12 cordes entendu à ce jour, énorme, fin, varié, et facile à jouer, un orgue, une cathédrale, je suis obligé de jouer moins fort, mon contrebassiste ne s'entend plus.

Table en spruce, manche érable, touche ébène, fond et éclisses en palissandre de rio. Mécaniques Schaller.
De l'os pour les sillets et un tirant de cordes ne pouvant dépasser l'extralight, sous peine de rupture.
Un capteur collé à la table d'harmonie, fait et posé par Frank William Fromy, rien à faire de plus quant au son amplifié, avec un préamp Fishman platinum
Jean Pierre, étourdi comme beaucoup d'artistes, s'était trompé sur la longueur du manche et me l'avais recoupé en tête, pour obtenir ce qu'il m'avait proposé lors de la conception: une 12 cases hors caisse qui devait donner plus d'harmoniques et plus de son. C'est le cas, et c'est ce qui la rend, à mon sens, bien supérieure à la Guild.
Un pan coupé, c'est de la coquetterie il faut que je l'avoue, je n'en ai que rarement l'utilité. Mais je le lui ai demandé et il l'a fait. Je suis sûr aujourd'hui que s'il avait jugé ça nuisible au son, il m'en aurait dissuadé.

Chapeau le luthier! et encore merci

Je cherchais une guitare folk principalement pour des parties en strumming mais pas que... Je cherchais avant tout à compléter mon panel de couleurs constitué de plusieurs électriques et d'une classique (cordes nylon).
A dire vrai je n'étais même pas parti pour acheter une douze cordes .
J'en avais possédé une par le passé et comme beaucoup de guitaristes j'avais commis l'erreur stratégique d'acheter un instrument bas de gamme
considérant qu'une 12 cordes était un instrument d'appoint .
Un conseil : il ne faut surtout pas faire ça !
Bref, j'étais resté avec mes à prioris à propos de ces guitares (c'est injouable, très limité, impossible à mixer ,à accorder...).
Cependant une annonce sur Audiofanzine m'a quelque peu interpellée :
Une favino de 1964 modèle 12 cordes à un prix relativement abordable .
Bien sûr comme beaucoup je connaissais la marque Favino pour ses légendaires guitares jazz/manouches et évidement pour le lien étroit que cette entreprise de lutherie d'art familiale avait entretenu avec l'immense Georges Brassens .
En revanche, j'ignorais totalement leur activité dans la guitare folk et notamment dans la fabrication de guitare 12 cordes. J'ai donc pensé que ces modèles étaient plutôt anecdotiques et qu'il s'agirait d'un modèle un peu banal laissé de côté par le luthier .
En dépit de toutes ces idées, je décidai d'aller essayer l'instrument charmé à l'idée de pouvoir mettre les doigts sur une guitare dont les colles avaient certainement dues sécher non loin des bois de celles du grand Brassens et surtout une guitare qui était passée entre les mains d'un des plus grands luthiers français de l'époque .
Je contactai donc le vendeur et nous convînmes d'un rendez vous pour essayer l'instrument .
Sur le moment j'ai eu du mal à me faire une idée de la qualité sonore car je suis peu habitué au 12 cordes et pire encore quand il s'agit d'une guitare de 56 ans .
Bref elle m'a semblé agréable à jouer en dépit de la taille énorme de sa caisse . En revanche pour le son je n'avais pas trop d'idée de ce qu'elle rendait. Ce qui m'amène à vous donner ce conseil : quand vous souhaitez essayer une guitare acoustique, venez avec un ami guitariste et demandez lui de jouer ( histoire d'avoir le ressenti de l'auditeur) , ou demandez au vendeur .
Malgré tout je décidai de tenter le coup et d'acheter cette guitare.
rentré chez moi je passai le reste de la journée à essayer et enregistrer la belle .
Et la c'est la grosse claque ! Cette guitare est tout simplement monstrueuse ! On est dans du très haut de gamme , non loin des belles Martin , Gibson ou Guild de l'époque avec un petit je ne sais quoi un plus sans doute la patte Favino .
La guitare a un équilibre parfait , pas du tout cette sensation brumeuse et criardes qui caractérise bien trop souvent les 12 cordes . c'est un régal à jouer . Pour faire simple , elle a tout ce que l'on est en droit d'attendre d'une 12 cordes à savoir... nous faire oublier que c'est une douze cordes !
J'ajouterais à cela qu'en dépit de son grand âge , elle est encore parfaitement fonctionnelle, les mécaniques sont au top , elle ne se désaccorde presque pas et est parfaitement juste à tous les endroits du manche ( et ça c'est important pour une 12 cordes) .
C'est donc un instrument vraiment singulier auquel on a à faire . On peut lui reprocher peu de choses si ce n'est éventuellement une esthétique un peu désuète et des proportions pas très agréables visuellement ( mais qui s'explique par des nécessités techniques assez évidentes) . On pourrait également argumenter en sa défaveur en tablant sur le fait qu'il s'agit d'un instrument destiné à jouer des musiques d'un autre temps bien révolu (cf : mon exemple audio).
Mais c'est ce qui fait que l'on peut trouver cet instrument pour un prix dérisoire aux vues de la qualité . Aux antipodes absolu de ses consœurs manouches qui bénéficiant du vent en poupe voient leur cote s'envoler vers des sommets inatteignables et totalement injustifiés .
De son vivant , Jacques Favino en était le premier étonné voir même navré .
Car il est important de mentionner que paradoxalement les guitares jazz n'étaient pas ses guitares de prédilection mais que justement les 12 cordes l'intéressaient beaucoup* ( à l'instar de son fils qui par la suite à créé des modèles très novateurs à 3 rosaces) .
Donc le vent pourrait bien tourner et si vous êtes à la recherche d'un instrument qui dispose d'un caractère trempé, chargé d'histoire et emblématique d'un artisanat qui tend à disparaître n'hésitez pas et ruez vous sur des Favino folk, classiques ( enfin tout sauf jazz manouche déjà largement sur cotées).
En revanche , messieurs les spéculateurs, si vous vouliez bien nous lâcher la grappe en allant faire mumuse dans les galeries d'art contemporain, si ça vous chante, plutôt que d'acheter des guitares qui finiront par pourrir dans vos coffres forts, ça serait sympa . Merci


*source: https://www.guitaremag.com/article/jacques-favino/