Adamante
« Une référence ! »
Publié le 10/11/13 à 15:35Je vous propose la lecture de mon avis sur cette magnifique guitare. Le modèle 10ème anniversaire de chez Suhr. Fabriquée à 100 exemplaires dans les ateliers californiens du luthier en 2008, c'est un modèle rare, difficile à trouver, et dont la qualité de fabrication est absolument remarquable.
J'ai possédé cette guitare durant plusieurs années, mais ai fini par la revendre, pour des raisons qui n'ont rien à avoir avec elle... Je regrette d'ailleurs de ne plus pouvoir en profiter.
Il s'agit donc d'une guitare aux formes stratoïdes, modernisées, très élégante et agréable à porter.
Les spécifications générales :
- Corps et manche en acajou (je reviendrai un peu plus tard là-dessus) ;
- Table en érable flammé, absolument somptueuse !! J'ai eu la chance de posséder l'une des plus belle de la série ;
- Touche en pau ferro — une sorte de palissandre un peu plus dense que le palissandre brésilien.
- Micros doubles bobinages Suhr Doug Aldrich, en chevalet et manche (pas d'intermédiaire), un volume, une tonalité, un switch 5 positions ;
- Acastillage : mécaniques auto-bloquantes Sperzel et sillet à blocage ; vibrato Gotoh flottant (exceptionnel aussi, j'y reviendrai) ;
- Frettage du manche respectant le système Buzz Feiten. La guitare est extrêmement bien tempérée sur ses quatre octaves, et se désaccorde très très peu.
Question vernis : polyuréthane sur le corps et le dessus de la tête ; vernis satiné sur le manche.
La jonction corps manche est véritablement remarquable ; la qualité d'assemblage est sans aucun reproche possible. On a affaire à un instrument très haut de gamme, d'une très grande classe, et d'une qualité de jeu sans défaut. La résonance de l'instrument est bonne, et tout est fait pour rendre le jeu aisé et agréable.
———————————————————————————————————
Je mets une mention spéciale sur le vibrato flottant. Je ne connaissais pas le Gotoh avant que de posséder cette guitare. J'avais auparavant joué sur le sous-licence Shaller, le système à bille de Vigier, le Floyd Rose Original, et bien sûr le Lo Pro Edge, pendant ma période Ibanez, quand j'étais jeune...
Très honnêtement, le Gotoh est de très loin le meilleur, le plus agréable à jouer, le plus continue et précis dans ses mouvements. L'effet de vibrato obtenu est absolument parfait. Ceci, notamment, grâce au montage de la tige, qui s'installe en se vissant progressivement dans son logement, logement lui-même gainé d'une pièce de plastique souple. Cette pièce permet un placement parfait de la tige dans son logement, évitant un micro jeu toujours perceptible chez tous les autres fabriquant. Ici, on peu régler la rigidité du balancement de la tige (si on veut qu'elle flotte beaucoup, ou bien qu'elle reste en place telle qu'on la mise), simplement en la vissant un peu plus ou un peu moins. Mais il n'existe jamais un quelconque jeu qui dégraderait l'effet de vibrato.
Par conséquent, je le trouve remarquable en tout point. C'est de loin le meilleur vibrato type floyd rose existant. Merci Gotoh !
———————————————————————————————————
Une autre mention spéciale au bois de corps et de manche utilisé pour cette guitare. Suhr annonce un "acajou" (mahogany), sans autre forme de précision sur sa provenance. Vu les veinures du bois (notamment sur le manche, puisque malheureusement le corps a un vernis teinté brun foncé, qui ne laisse pas apparaître les fibre du bois), et le timbre de l'instrument me font conclure qu'il ne s'agit pas d'un acajou d'Amérique tropicale, mais d'un Sipo africain.
Je trouve que pour une question d'honnêteté, Suhr devrait annoncer clairement qu'il ne s'agit pas d'un acajou. Car seul devrait être dénommé acajou celui provenant d'Amérique tropicale (Bolivie, Honduras, Brésil, Cuba, etc.), qui n'a ni les mêmes caractéristiques mécaniques, ni esthétiques, ni acoustiques. Mais pour des questions marketing, ça fait toujours mieux de dire qu'on a un corps et un manche en "mahogany", plutôt qu'en "African Sipo"...
Néanmoins, vu la qualité acoustique de l'instrument, je pense très sincèrement qu'on a affaire à des bois séchés naturellement, et non en étuve : les fibres du bois sont alors préservées, et ça se ressent sur la capacité de la guitare à délivrer des harmoniques très riches dans le haut du spectre. Je reviendrai sur ce point aussi par la suite.
———————————————————————————————————
On a donc une guitare donc la qualité de fabrication est remarquable en tout point. Je ne reproche pas forcément l'emploi du Sipo en lieu et place d'un véritable acajou, cependant, je pense que le tarif d'un tel instrument justifierait l'emploi d'un swietenia (acajou américain), puisque Suhr annonce clairement qu'il emploi de l'acajou sur cette guitare, ce qui n'est pas le cas... Bref... Je ne suis pas d'accord avec cette politique qui consiste à ne pas être clair, voire menteur, sur les provenance des essences utilisées par les luthiers.
UTILISATION
Question utilisation, vous l'aurez compris, on a un instrument qui fait tout pour son musicien. Elle est légère et extrêmement facile à jouer, la prise en main étant d'une simplicité déconcertante. La qualité du frettage, le profil du manche, le radius compensé, et le vernis satiné rendent le toucher de l'instrument extrêmement agréable, très sensuel, pourrais-je dire. La position du bras droit, reposant sur le chanfrein du corps, est parfaite. Le positionnement des volume, tonalité et switch est standard. Il n'y a pas de surprise.
Le talon au niveau de la jonction corps/manche est profilé ; un chanfrein est creusé sur le corps pour loger plus facilement la paume de la main lorsque l'on arrive sur les dernières cases du manche : l'accès aux notes les plus aiguës du manche est par conséquent très simple.
Il semble que le Buzz Feiten Tuning System (BFTS) rende l'instrument plus facile à jouer, en même temps qu'il permet d'accroître sa justesse, contrairement à des instruments qui n'en disposeraient pas. Je ne peux certifier que cette sensation ne soit due qu'à ce seul système. Je n'en dispose pas sur mes instruments luthiers, mais par rapport à ma Arnaud Quérey Per Aude Adamante, je ne ressens pas plus de facilité. Mais force est de constater que cela doit jouer d'une manière ou d'une autre.
Il est vrai qu'il n'y a que très peu d'efforts à faire pour produire des sons très bien définis, des accords complexes sans la moindre frise, ou difficulté. J'équipais cette guitare de cordes D'Addario 10-46, et joue par ailleurs sur du 11-48 sur d'autres instruments (toujours en accordage standard).
Cette guitare peut-être maltraitée dans tous les sens, l'accordage reste en place ! Encore une fois, il s'agit d'une guitare particulièrement aisée et agréable à jouer.
SONORITÉS
Question sonorités, on a affaire, vous vous en doutez, à quelques chose d'excellente qualité. Un sipo africain bien travaillé, bien séché, produit très manifestement un instrument aux qualités acoustiques très intéressantes. Mais je n'irai pas non plus comparer ces qualités à celles que l'on obtient avec un véritable acajou américain. Pour rester quelque peu consensuel, je dirai que c'est ni mieux, ni moins bien, mais différent (très différent parfois).
Chaque pièce de bois va sonner différemment l'une de l'autre, en fonction de sa densité propre, de sa coupe, et le rendu sonore global de l'instrument sera aussi dépendant des autres pièces de bois avec lesquelles elle se trouve assemblée : tout ceci donne un résultat très complexe à comparer avec mes autres guitares.
J'insiste néanmoins sur le fait que le résultat sonore est de grande qualité. Et j'ai pu trouver une expressivité à cette guitare que je ne trouvais pas de la même façon sur mes autres instruments. Néanmoins, je lui trouvais des défauts du fait même qu'il s'agissait d'un sipo et non d'un acajou. C'est toujours une affaire d'équilibre, parce que la guitare absolue, qui vous fournirait toujours toutes les petites subtilités que vous souhaiteriez, n'existe pas. C'est bien pour cela qu'on utilise des essences différentes, des micros différents, pour obtenir des timbres sonores différents.
Je ne lui fais donc pas de reproche par principe.
Néanmoins, je constate que, en jouant la guitare débranchée, le timbre global de l'instrument est plutôt clair, cristallin : il est orienté plutôt haut-médium, et dispose de très belles harmoniques aiguës. A contrario, les bas-médiums sont assez creux, et manquent de percussion. Je trouve qu'il y a un déficit en harmoniques qui produit une certaine sécheresse à l'attaque et un manque de rondeur à l'écoute. On sent d'ailleurs assez nettement que passée la première octave, autour de 1 kHz, la guitare devient plus résonnante, et plus dynamique, et plus on avance dans le spectre, autour de 1,8 kHz, plus le timbre s'enrichit. On obtient des haut-médiums très subtils et aériens, avec des aigus à la fois vifs et soyeux (2,5 à 4 kHz). Cette guitare a quelque chose de très "acoustique" dans ses sonorités, qui annoncent un résultat fort intéressant à entendre.
—————————————————————————————————————————————
Je vais maintenant parler du résultat sonore une fois la guitare amplifiée. Je ne pourrai cependant vous proposer une analyse exhaustive, en son clair et saturé, sur toutes les combinaisons de micros. Je ne possède plus cette guitare, et par honnêteté, mon propos ne serait pas juste si je voulais tout vous dire de cette guitare remarquable. Je me limiterai donc à décrire le rendu général de l'instrument amplifié, et à évoquer certains souvenirs acoustiques très vifs, qui m'ont particulièrement marqués lorsque je le jouais.
Amplifiée, la guitare propose un résultat sera très surprenant et très musical. Jouée à l'époque sur ma ENGL Savage Special Edition (vous pouvez en lire le compte rendu), je retrouvais les mêmes impressions qu'à l'écoute sans ampli. J'évoquerai la question des micros un peu plus tard, mais globalement, la guitare délivre des sonorités très bien définies, dynamiques, très riches sur les deux tiers supérieurs de sa tessiture. Là où cela pêche un peu, c'est au niveau des bas-médiums, dont le creux bien marqué, et l'absence d'une réelle richesse harmonique produit un son assez sec et manquant un peu de punch.
Cependant, il faut bien comprendre que le timbre de l'instrument forme un tout, et que c'est parce que les bas-médiums ont ce rendu sonore assez peu présent que les haut-médiums et les aigus sont au contraire, présents, qu'ils se démarquent du lot. Par conséquent, il ne faut pas comprendre que la guitare "n'a pas de graves", "qu'elle ne sonne pas". Je parle du timbre général de l'instrument, de son "égalisation", si je puis dire, par comparaison avec la façon dont on règle un ampli.
La qualité des micros est excellente : je n'ai jamais joué sur des micros Suhr auparavant, et il faut bien reconnaître qu'ils conviennent particulièrement bien à cette guitare. Splitables, leurs qualités sonores sont excellentes, que ce soit en double qu'une fois splités. Le micro chevalet produit un son riche, précis, plutôt moderne et puissant, et qui magnifie vraiment les plages de fréquences sur lesquelles la guitare sonne déjà particulièrement bien, mais ne parvient pas à compenser le déficit des bas-médiums. Les notes aiguës sont vraiment belles, et les harmoniques qui forment le timbre de la guitare ressortent vraiment très bien. Elle excelle dans des soli joués avec de l'investissement, et rend toute la chaleur de l'intention du musicien.
Le micro manche est quant à lui beaucoup plus rugueux, moins puissant, avec beaucoup de piqué à l'attaque. Encore une fois, il souffre d'un manque de présence de l'instrument dans le registre des bas-médium ; mais cela constitue la particularité sonore de cette guitare, qui est finalement très attachante !
AVIS GLOBAL
J'ai donc possédée cette guitare durant trois belles années, et si je ne la possède plus aujourd'hui, c'est avec un petit pincement au coeur.
C'est très clairement un instrument exclusif, d'exception, d'une rare beauté, et rare tout court.
J'y retrouve néanmoins les défaut d'une production de série : un vernis teinté qui ne laisse pas apparaître le grain du bois du corps (même si pour le sipo, il faudra repasser question beauté, c'est pas franchement ça...) ; des plaques en plastique (et non en bois) au dos de la guitare. J'aurais aimé un plaquage d'érable tiré de la pièce avec laquelle la table a été usinée sur la tête, plutôt qu'un vernis noir... Pour une guitare à plus ded 5000$, c'est dommage. Par-dessus tout, un corps en vrai acajou... Mais bon, je pars du principe qu'il s'agit d'un choix sonore et technique que d'avoir opté pour du sipo, plutôt qu'un choix économique. L'acajou et le sipo ont des caractéristiques sonores différentes, et je reconnais volontiers que Suhr nous fait l'honneur d'avoir fabriqué une série de guitares vraiment exceptionnelle.
Mais plus qu'un instrument de collection bardé d'éléments décoratifs souvent kitchs, Suhr a voulu que cette guitare soit un véritable "instrument" de jeu, une guitare que l'on joue, et pas un objet que l'on place derrière une armoire vitrée.
La 10th Anniversary Limited Edition permet d'appréhender tous les styles de musique sans avoir peur de tomber à côté du son ; elle est d'une facilité déconcertante et procure un plaisir de jeu que je n'ai connu qu'avec mes guitares de luthier. Sa tenue d'accord et son expressivité générale la rende extrêmement sûre pour tout musicien exigent.
Cependant, je ne peux tout à fait lui reconnaître les qualités acoustiques d'un instrument d'exception : si les bois employés sont remarquablement sélectionnés pour leurs qualités esthétiques, je n'ai jamais eu avec cette Suhr cette sensation acoustique qui me faisait revenir à cette guitare avec la même admiration sonore que je connais chaque fois que je branche l'une de mes guitares personnelles. Elle sonne remarquablement bien, mais elle ne m'a jamais subjuguée comme mes trois Arnaud Quérey.
Elle est presque parfaite... presque...
Ce que je veux dire, c'est que si vous savez ce que vous aimez dans une guitare, et que vous avez 3000 à 4000 euros pour vous la procurer, réfléchissez à vous la faire fabriquer chez une luthier compétent qui saura en plus vous donner des enseignements que vous n'aurez jamais en achetant un instrument déjà fabriqué.
Merci beaucoup pour le temps que vous avez passé à lire cet article !
Pour une lecture sur la lutherie de guitare électrique, le matériel du guitariste, et d'autres choses encore, sur un lieu d'échange, rendez-vous ici : https://lemondedelaguitareelectrique.blogspot.fr/
J'ai possédé cette guitare durant plusieurs années, mais ai fini par la revendre, pour des raisons qui n'ont rien à avoir avec elle... Je regrette d'ailleurs de ne plus pouvoir en profiter.
Il s'agit donc d'une guitare aux formes stratoïdes, modernisées, très élégante et agréable à porter.
Les spécifications générales :
- Corps et manche en acajou (je reviendrai un peu plus tard là-dessus) ;
- Table en érable flammé, absolument somptueuse !! J'ai eu la chance de posséder l'une des plus belle de la série ;
- Touche en pau ferro — une sorte de palissandre un peu plus dense que le palissandre brésilien.
- Micros doubles bobinages Suhr Doug Aldrich, en chevalet et manche (pas d'intermédiaire), un volume, une tonalité, un switch 5 positions ;
- Acastillage : mécaniques auto-bloquantes Sperzel et sillet à blocage ; vibrato Gotoh flottant (exceptionnel aussi, j'y reviendrai) ;
- Frettage du manche respectant le système Buzz Feiten. La guitare est extrêmement bien tempérée sur ses quatre octaves, et se désaccorde très très peu.
Question vernis : polyuréthane sur le corps et le dessus de la tête ; vernis satiné sur le manche.
La jonction corps manche est véritablement remarquable ; la qualité d'assemblage est sans aucun reproche possible. On a affaire à un instrument très haut de gamme, d'une très grande classe, et d'une qualité de jeu sans défaut. La résonance de l'instrument est bonne, et tout est fait pour rendre le jeu aisé et agréable.
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Je mets une mention spéciale sur le vibrato flottant. Je ne connaissais pas le Gotoh avant que de posséder cette guitare. J'avais auparavant joué sur le sous-licence Shaller, le système à bille de Vigier, le Floyd Rose Original, et bien sûr le Lo Pro Edge, pendant ma période Ibanez, quand j'étais jeune...
Très honnêtement, le Gotoh est de très loin le meilleur, le plus agréable à jouer, le plus continue et précis dans ses mouvements. L'effet de vibrato obtenu est absolument parfait. Ceci, notamment, grâce au montage de la tige, qui s'installe en se vissant progressivement dans son logement, logement lui-même gainé d'une pièce de plastique souple. Cette pièce permet un placement parfait de la tige dans son logement, évitant un micro jeu toujours perceptible chez tous les autres fabriquant. Ici, on peu régler la rigidité du balancement de la tige (si on veut qu'elle flotte beaucoup, ou bien qu'elle reste en place telle qu'on la mise), simplement en la vissant un peu plus ou un peu moins. Mais il n'existe jamais un quelconque jeu qui dégraderait l'effet de vibrato.
Par conséquent, je le trouve remarquable en tout point. C'est de loin le meilleur vibrato type floyd rose existant. Merci Gotoh !
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Une autre mention spéciale au bois de corps et de manche utilisé pour cette guitare. Suhr annonce un "acajou" (mahogany), sans autre forme de précision sur sa provenance. Vu les veinures du bois (notamment sur le manche, puisque malheureusement le corps a un vernis teinté brun foncé, qui ne laisse pas apparaître les fibre du bois), et le timbre de l'instrument me font conclure qu'il ne s'agit pas d'un acajou d'Amérique tropicale, mais d'un Sipo africain.
Je trouve que pour une question d'honnêteté, Suhr devrait annoncer clairement qu'il ne s'agit pas d'un acajou. Car seul devrait être dénommé acajou celui provenant d'Amérique tropicale (Bolivie, Honduras, Brésil, Cuba, etc.), qui n'a ni les mêmes caractéristiques mécaniques, ni esthétiques, ni acoustiques. Mais pour des questions marketing, ça fait toujours mieux de dire qu'on a un corps et un manche en "mahogany", plutôt qu'en "African Sipo"...
Néanmoins, vu la qualité acoustique de l'instrument, je pense très sincèrement qu'on a affaire à des bois séchés naturellement, et non en étuve : les fibres du bois sont alors préservées, et ça se ressent sur la capacité de la guitare à délivrer des harmoniques très riches dans le haut du spectre. Je reviendrai sur ce point aussi par la suite.
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On a donc une guitare donc la qualité de fabrication est remarquable en tout point. Je ne reproche pas forcément l'emploi du Sipo en lieu et place d'un véritable acajou, cependant, je pense que le tarif d'un tel instrument justifierait l'emploi d'un swietenia (acajou américain), puisque Suhr annonce clairement qu'il emploi de l'acajou sur cette guitare, ce qui n'est pas le cas... Bref... Je ne suis pas d'accord avec cette politique qui consiste à ne pas être clair, voire menteur, sur les provenance des essences utilisées par les luthiers.
UTILISATION
Question utilisation, vous l'aurez compris, on a un instrument qui fait tout pour son musicien. Elle est légère et extrêmement facile à jouer, la prise en main étant d'une simplicité déconcertante. La qualité du frettage, le profil du manche, le radius compensé, et le vernis satiné rendent le toucher de l'instrument extrêmement agréable, très sensuel, pourrais-je dire. La position du bras droit, reposant sur le chanfrein du corps, est parfaite. Le positionnement des volume, tonalité et switch est standard. Il n'y a pas de surprise.
Le talon au niveau de la jonction corps/manche est profilé ; un chanfrein est creusé sur le corps pour loger plus facilement la paume de la main lorsque l'on arrive sur les dernières cases du manche : l'accès aux notes les plus aiguës du manche est par conséquent très simple.
Il semble que le Buzz Feiten Tuning System (BFTS) rende l'instrument plus facile à jouer, en même temps qu'il permet d'accroître sa justesse, contrairement à des instruments qui n'en disposeraient pas. Je ne peux certifier que cette sensation ne soit due qu'à ce seul système. Je n'en dispose pas sur mes instruments luthiers, mais par rapport à ma Arnaud Quérey Per Aude Adamante, je ne ressens pas plus de facilité. Mais force est de constater que cela doit jouer d'une manière ou d'une autre.
Il est vrai qu'il n'y a que très peu d'efforts à faire pour produire des sons très bien définis, des accords complexes sans la moindre frise, ou difficulté. J'équipais cette guitare de cordes D'Addario 10-46, et joue par ailleurs sur du 11-48 sur d'autres instruments (toujours en accordage standard).
Cette guitare peut-être maltraitée dans tous les sens, l'accordage reste en place ! Encore une fois, il s'agit d'une guitare particulièrement aisée et agréable à jouer.
SONORITÉS
Question sonorités, on a affaire, vous vous en doutez, à quelques chose d'excellente qualité. Un sipo africain bien travaillé, bien séché, produit très manifestement un instrument aux qualités acoustiques très intéressantes. Mais je n'irai pas non plus comparer ces qualités à celles que l'on obtient avec un véritable acajou américain. Pour rester quelque peu consensuel, je dirai que c'est ni mieux, ni moins bien, mais différent (très différent parfois).
Chaque pièce de bois va sonner différemment l'une de l'autre, en fonction de sa densité propre, de sa coupe, et le rendu sonore global de l'instrument sera aussi dépendant des autres pièces de bois avec lesquelles elle se trouve assemblée : tout ceci donne un résultat très complexe à comparer avec mes autres guitares.
J'insiste néanmoins sur le fait que le résultat sonore est de grande qualité. Et j'ai pu trouver une expressivité à cette guitare que je ne trouvais pas de la même façon sur mes autres instruments. Néanmoins, je lui trouvais des défauts du fait même qu'il s'agissait d'un sipo et non d'un acajou. C'est toujours une affaire d'équilibre, parce que la guitare absolue, qui vous fournirait toujours toutes les petites subtilités que vous souhaiteriez, n'existe pas. C'est bien pour cela qu'on utilise des essences différentes, des micros différents, pour obtenir des timbres sonores différents.
Je ne lui fais donc pas de reproche par principe.
Néanmoins, je constate que, en jouant la guitare débranchée, le timbre global de l'instrument est plutôt clair, cristallin : il est orienté plutôt haut-médium, et dispose de très belles harmoniques aiguës. A contrario, les bas-médiums sont assez creux, et manquent de percussion. Je trouve qu'il y a un déficit en harmoniques qui produit une certaine sécheresse à l'attaque et un manque de rondeur à l'écoute. On sent d'ailleurs assez nettement que passée la première octave, autour de 1 kHz, la guitare devient plus résonnante, et plus dynamique, et plus on avance dans le spectre, autour de 1,8 kHz, plus le timbre s'enrichit. On obtient des haut-médiums très subtils et aériens, avec des aigus à la fois vifs et soyeux (2,5 à 4 kHz). Cette guitare a quelque chose de très "acoustique" dans ses sonorités, qui annoncent un résultat fort intéressant à entendre.
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Je vais maintenant parler du résultat sonore une fois la guitare amplifiée. Je ne pourrai cependant vous proposer une analyse exhaustive, en son clair et saturé, sur toutes les combinaisons de micros. Je ne possède plus cette guitare, et par honnêteté, mon propos ne serait pas juste si je voulais tout vous dire de cette guitare remarquable. Je me limiterai donc à décrire le rendu général de l'instrument amplifié, et à évoquer certains souvenirs acoustiques très vifs, qui m'ont particulièrement marqués lorsque je le jouais.
Amplifiée, la guitare propose un résultat sera très surprenant et très musical. Jouée à l'époque sur ma ENGL Savage Special Edition (vous pouvez en lire le compte rendu), je retrouvais les mêmes impressions qu'à l'écoute sans ampli. J'évoquerai la question des micros un peu plus tard, mais globalement, la guitare délivre des sonorités très bien définies, dynamiques, très riches sur les deux tiers supérieurs de sa tessiture. Là où cela pêche un peu, c'est au niveau des bas-médiums, dont le creux bien marqué, et l'absence d'une réelle richesse harmonique produit un son assez sec et manquant un peu de punch.
Cependant, il faut bien comprendre que le timbre de l'instrument forme un tout, et que c'est parce que les bas-médiums ont ce rendu sonore assez peu présent que les haut-médiums et les aigus sont au contraire, présents, qu'ils se démarquent du lot. Par conséquent, il ne faut pas comprendre que la guitare "n'a pas de graves", "qu'elle ne sonne pas". Je parle du timbre général de l'instrument, de son "égalisation", si je puis dire, par comparaison avec la façon dont on règle un ampli.
La qualité des micros est excellente : je n'ai jamais joué sur des micros Suhr auparavant, et il faut bien reconnaître qu'ils conviennent particulièrement bien à cette guitare. Splitables, leurs qualités sonores sont excellentes, que ce soit en double qu'une fois splités. Le micro chevalet produit un son riche, précis, plutôt moderne et puissant, et qui magnifie vraiment les plages de fréquences sur lesquelles la guitare sonne déjà particulièrement bien, mais ne parvient pas à compenser le déficit des bas-médiums. Les notes aiguës sont vraiment belles, et les harmoniques qui forment le timbre de la guitare ressortent vraiment très bien. Elle excelle dans des soli joués avec de l'investissement, et rend toute la chaleur de l'intention du musicien.
Le micro manche est quant à lui beaucoup plus rugueux, moins puissant, avec beaucoup de piqué à l'attaque. Encore une fois, il souffre d'un manque de présence de l'instrument dans le registre des bas-médium ; mais cela constitue la particularité sonore de cette guitare, qui est finalement très attachante !
AVIS GLOBAL
J'ai donc possédée cette guitare durant trois belles années, et si je ne la possède plus aujourd'hui, c'est avec un petit pincement au coeur.
C'est très clairement un instrument exclusif, d'exception, d'une rare beauté, et rare tout court.
J'y retrouve néanmoins les défaut d'une production de série : un vernis teinté qui ne laisse pas apparaître le grain du bois du corps (même si pour le sipo, il faudra repasser question beauté, c'est pas franchement ça...) ; des plaques en plastique (et non en bois) au dos de la guitare. J'aurais aimé un plaquage d'érable tiré de la pièce avec laquelle la table a été usinée sur la tête, plutôt qu'un vernis noir... Pour une guitare à plus ded 5000$, c'est dommage. Par-dessus tout, un corps en vrai acajou... Mais bon, je pars du principe qu'il s'agit d'un choix sonore et technique que d'avoir opté pour du sipo, plutôt qu'un choix économique. L'acajou et le sipo ont des caractéristiques sonores différentes, et je reconnais volontiers que Suhr nous fait l'honneur d'avoir fabriqué une série de guitares vraiment exceptionnelle.
Mais plus qu'un instrument de collection bardé d'éléments décoratifs souvent kitchs, Suhr a voulu que cette guitare soit un véritable "instrument" de jeu, une guitare que l'on joue, et pas un objet que l'on place derrière une armoire vitrée.
La 10th Anniversary Limited Edition permet d'appréhender tous les styles de musique sans avoir peur de tomber à côté du son ; elle est d'une facilité déconcertante et procure un plaisir de jeu que je n'ai connu qu'avec mes guitares de luthier. Sa tenue d'accord et son expressivité générale la rende extrêmement sûre pour tout musicien exigent.
Cependant, je ne peux tout à fait lui reconnaître les qualités acoustiques d'un instrument d'exception : si les bois employés sont remarquablement sélectionnés pour leurs qualités esthétiques, je n'ai jamais eu avec cette Suhr cette sensation acoustique qui me faisait revenir à cette guitare avec la même admiration sonore que je connais chaque fois que je branche l'une de mes guitares personnelles. Elle sonne remarquablement bien, mais elle ne m'a jamais subjuguée comme mes trois Arnaud Quérey.
Elle est presque parfaite... presque...
Ce que je veux dire, c'est que si vous savez ce que vous aimez dans une guitare, et que vous avez 3000 à 4000 euros pour vous la procurer, réfléchissez à vous la faire fabriquer chez une luthier compétent qui saura en plus vous donner des enseignements que vous n'aurez jamais en achetant un instrument déjà fabriqué.
Merci beaucoup pour le temps que vous avez passé à lire cet article !
Pour une lecture sur la lutherie de guitare électrique, le matériel du guitariste, et d'autres choses encore, sur un lieu d'échange, rendez-vous ici : https://lemondedelaguitareelectrique.blogspot.fr/