« Un synthé qui propose quelque chose de DIFFERENT !!! »

Si vous cherchez un synthé qui fait des sons bien gras, et facile à programmer, passez votre chemin car le CTS 2000 c’est tout l’inverse…. C’est un synthé Hybride a filtre analogique, dont le modèle qui s’en rapproche le plus est l’ENSONIQ ESQ-1.

Le KEYTEK CTS 2000 est en réalité un synthétiseur SIEL (Societa Industrie Elettroniche).
L’histoire de SIEL, au milieu des années 80, est assez peu détaillée.
Dans les années 1986 / 1987, SIEL a des difficultés financières. Je ne sais pas s’ils sont rachetés ou aidés financièrement par GIBSON, mais il semblerait que KEYTEK était une collaboration entre SIEL et GIBSON. La gamme KEYTEK était donc une tentative de relancer SIEL.
Il y a eu plusieurs modèles produits, le CTS-1000 (synthétiseur 8 voix a presets non editables), le CTS-2000, le CTS-5000 (clavier de style piano), le CTS-400 (clavier 4 octaves, similaire au CTS-1000).
La gamme KEYTEK n'a pas eu le succés escompté, et finalement, peu de temps après, ROLAND a racheté SIEL. Juste après le rachat de SIEL, ROLAND a arrêté la production de tous leurs produits.
ROLAND ne ferma pas SIEL. Le personnel et l'usine devinrent ROLAND Europe, qui développa les claviers arrangeurs des séries E et G, les claviers maîtres A-70 et A-90 et de nombreux autres instruments. L'entreprise finira par fermer, mais ce n'était pas la fin, puisque le personnel restant racheta les installations et devint DEXIBELL, un fabricant de pianos numériques.

Je viens d’acquérir ce synthé, assez rare (apparemment 300 exemplaires produits). Ceci est donc un avis a chaud.
Voila un synthé bien bien différent de toutes les machines que j’ai pu essayer jusqu'à présent. Il propose une architecture atypique, innovante, et assez complète. Il est compliqué à programmer, le résultat sonore n’est pas toujours là, mais il permet d’accéder a des territoires sonores que vous ne trouverez pas ailleurs. C’est uniquement pour cette raison que cela vaut le cout d’en posséder un.
Grace a son architecture, Le CTS 2000 peut produire des sons « différents », que beaucoup d'autres synthés de la même époque ne peuvent pas produire. Cependant, il n'a pas vraiment les qualités sonores de ses concurrents directs, comme le KAWAI K3, l’ENSONIQ ESQ-1, ou bien même le KORG DW8000.
Le CTS-2000 semble plus performant pour les sons étranges, les drones, les pads numériques évolutifs. Je n’ai pas réussi à produire de son « épais », mais certains Patchs sont très acceptables.

Son design est dans la plus pure tradition des synthés middle 80’s, évidemment influencé par le design du DX7, avec des boutons à membrane, un petit ecran LCD, et des couleurs typiques des années 80 accentuant son boîtier gris foncé. Il est assez lourd malgré une carcasse en plastique.

Le CTS-2000 possède une fonctionnalité inédite : le clavier est divisé en cinq zones d'une octave chacune, toutes programmées indépendamment / individuellement. C’est compliqué pour s’y retrouver, mais cela permet certaines fantaisies, comme par exemple, un réglage du cutoff ou une vitesse de LFO différente sur les 5 zones.
Cette fonctionnalité permet de faciliter la création de partitions de clavier. Une fonction de copie de zone et un mode d'édition globale simplifient un peu la tâche.
Il est également possible de copier des données entre oscillateurs, enveloppes, et LFO.

Les quelques publicités que l’on trouve sur cette machines parlent de 333 formes d’ondes….oui et non.
Par exemple, pour la forme d’onde 60B (sawtooth) ; cette forme d’onde est utilisable sur 6 octaves. C’est donc comptabilisé comme 6 formes d’ondes (1 onde par octave).
De même, pour la forme d’onde 51B (FM Bass), cette forme d’onde est utilisable sur 2 octaves. C’est donc comptabilisé comme 2 formes d’ondes….voila comment on arrive aux 333 formes d’ondes.
Attention, Les formes d’ondes de la Bank A ne sont pas les même que celles de la Bank B, un détail a prendre en compte car il est impossible de copier un Patch de la Bank A, dans la Bank B.
Donc, finalement, les Bank A et B proposent un total de 26 formes d’ondes, dont 2 formes (Sawtooth et Pulse-width) que l’on retrouve à la fois sur les 2 Banks….pas si ouf que ça quand on le compare à un KAWAI K3 ou un ENSONIQ ESQ-1….mais mieux qu’un DW8000, ou qu’un DW6000 qui ne posséde que 8 formes d’ondes.

L'édition des patchs est un peu étrange. Les 24 boutons de sélection de patchs servent également de boutons de menu. On retrouve cette même fonctionnalité sur le KAWAI K3.
J’ai dénombré 86 paramètres (pour les menus 1 à 17 – les autres menus sont standards).
Chaque menu propose jusqu'à six paramètres, modifiables à partir de six curseurs de données (A à F). Le concept des 6 curseurs est une très bonne idée, et le CTS-2000 a certainement précédé ce concept aujourd'hui répandu, que l’on retrouve sur un certain nombre des synthés numériques des années 90, comme le ROLAND JV80 ou le YAMAHA EX7.
Par contre si l’un des potentiomètres est HS, il n’y a pas de backup sur la machine. En d’autres termes, l’activation du potentiomètre permet d’accéder directement au paramètre.

Le CTS 2000, a 8 voix de polyphonie, et chaque voix est composée :
- 2 oscillateurs (la forme d’onde finale de chaque oscillateur est composée d’un morphing de 3 formes d’ondes primaires).
- un filtre Analogique : Le CEM 3389. La puce comprend un VCF passe-bas à quatre pôles avec résonance contrôlée en tension et trois VCA, dont deux répartissent le signal de sortie du troisième entre deux sorties.
- 2 VCA (puce CEM 3389)
- 3 enveloppes de type ADBSSR (une pour chacun des 2 VCA, et une pour le VCF).
- 3 LFO (une pour chaque oscillateur, et une pour le filtre et / ou l’amplificateur).

A noter que la puce CEM 3389 est également présente dans les premiers modèles Waldorf Microwave.

Les Oscillateurs :
Le morphing des Oscillateurs est une fonctionnalité spécifique à ce synthétiseur. Le CTS-2000 utilise trois formes d'onde « primaires » par oscillateur, fusionnées par des enveloppes simples, constituant ainsi une forme d’onde « Finale ». D'où le nom « Cross Table Sampled ».

Les Enveloppes :
Chaque voix peut être modulée par 3 enveloppes, de type ADBSSR, que l’on retrouve sur d’autres modèles SIEL, comme les DK70 et DK80.

Les LFO :
Il y a 3 LFO, les 2 premiers dédiés aux oscillateurs et le troisième au filtre et/ou au VCA. Les formes d'ondes sont en dents de scie, triangulaire, carrée et Sample & Hold. Ils peuvent aller assez vite et ont chacun une enveloppe de niveau initial / niveau final / decay, que l’on retrouve sur d’autres modèles SIEL, comme les DK70 et DK80.

Par ailleurs, la vélocité peut contrôler le niveau de l'oscillateur et les enveloppes VCF indépendamment, et activer ou désactiver les oscillateurs.
Il y a un menu pour le mode mono et le portamento / glissando monophonique.

Le synthé a l’air solide (carcasse plastique), les potentiomètres plutôt agréables à utiliser (ni trop moue, ni trop dure). Le Clavier est agréable a jouer, en tout cas bien meilleur que le DK80.

Pour conclure, ce synthé n’est pas a mettre entre toutes les mains. Il nécessite une certaine connaissance en synthèse soustractive. Il faudra accepter de sortir des sentiers battus, et accepter de passer du temps pour trouver votre bonheur sonore.
Sa spécificité architecturale en fait sa force, sa différence, même si ça n’en fait pas le synthé du siècle.
Je le trouve moins bon que mon KAWAI K3 et mon ENSONIQ ESQ-1, mais il a quand même un charme non négligeable, qui lui est propre. Si ses formes d'ondes primaires étaient de meilleures qualité, ou bien même plus variées, cela aurait forcement une influence sur le résultat final.
Si KEYTEK avait existé suffisamment longtemps pour peaufiner le concept et l'améliorer, cela en aurait certainement fait une très très bonne machine. A noter que l'O.S de la machine est en version 1.0, cela signifie que c'est un 1er jet, et que les bugs potentiels n'ont jamais été corrigés.
Je conseil de trouver un modèle en bon état, car il n’existe aucun document
(service manual) pour l’entretien de cette machine.