« Un synthé gratifiant »

J'ai toujours bien aimé les synthés qui ont un unisson stéréo, pour la largeur que ça donne. J'ai aussi toujours eu un petit faible pour la supersaw. J'en arrivais au point où les synthés avec plein de menus me gavent, et je préfère largement un peu moins de fonctions, mais un accès direct. Alors forcément, le Super 6 me parle ! C'est quasiment du sur mesure pour mon cahier des charges. N'ayant pas énormément de place, j'ai attendu la sortie de la version desktop.

Ce module peut être utilisé en desktop, en rack, ou avec un pied VESA. Quelle trouvaille ! Je l'ai positionné sur un Ergotron LX, c'est vraiment confortable. Espérons que les autres constructeurs copieront l'idée.

Avant déballage, on voit déjà que c'est un objet spécial. L'emballage est entièrement en carton, zéro plastique (même pas de sachet pour le câble d'alim ou le mode d'emploi). Le mode d'emploi est spiralé, ce qui permet de le laisser ouvert à la page en cours.

Le synthé lui-même est construit comme un tank : boîtier 100% métal (façade, fond, flancs), les sliders ont des brosses pour protéger de la poussière, les switches sont francs. Petit regret quand même pour les potards qui ne sont pas vissés à la façade.

À l'allumage, pour quiconque ayant déjà fait un peu de synthèse analogique, on est tout de suite à l'aise. Tout est accessible directement, il n'y a pas d'écran, pas de menu, et un usage de la touche shift vraiment très modéré. On est opérationnel très rapidement. En plus, tout est fait pour nous guider : plutôt qu'un grosse matrice de modulation qui fait se gratter la tête, ici on a accès direct aux modulations qui ont du sens. On a le super DDS (la version UDO de la supersaw) avec un simple slider, sans avoir besoin de configurer manuellement 7 oscillateurs, on a le mode stéréo en un bouton, le chorus intégré, tout ce qu'il faut pour grossir le son (ou pas, comme on veut). 10 minutes après déballage, j'avais déjà fait mon premier son.

Le synthé peut sembler un peu limité au premier abord : deux oscillateurs, deux LFOs, deux enveloppes, et c'est tout. Mais en y regardant de plus près, c'est une véritable boîte à malice : si on veut plus d'oscillateurs, le LFO 1 peut être transformé en oscillateur (sans compter que l'oscillateur 1 compte déjà pour 7 avec le mode super DDS) ; si on veut plus de LFO, l'oscillateur 2 peut-être transformé en LFO, et l'enveloppe 1 est bouclable ; si on veut plus d'enveloppes, on peut attribuer un gate au VCA pour récupérer l'enveloppe 2 pour autre chose. Ensuite, on a les modulations courantes en accès immédiat, mais on a quand même une matrice de modulation (8 sources, 8 destinations) accessible très facilement -- l'usage est étonnamment facile pour une machine sans écran --, et si on veut aller encore plus loin, on peut avoir n'importe quel paramètre comme destination.

Le son est à la hauteur. Les oscillateurs peuvent être massifs si on veut. Le filtre est soyeux comme il faut. Au final le synthé est très gratifiant : on arrive très facilement et très rapidement à faire des sons plaisants, et on est étonné soi-même de la qualité de ce qu'on arrive à en sortir. Il ne faut pas croire qu'il ne sait faire que de la supersaw, il a une palette très variée.

Il y a quelques trouvailles inédites sur ce synthé : la possibilité de pied VESA, comme déjà dit. Il y a aussi la gestion des presets et waveforms ; plutôt que de dépendre d'un logiciel extérieur qui est toujours bugué, obsolète, pas disponible pour son OS, etc., et bien là le synthé est tout simplement vu comme un périphérique de stockage USB, et on y va avec l'explorateur de fichier comme si c'était une clef USB. Brillant ! Idem pour la mise à jour, on dépose simplement le fichier de firmware sur un périphérique de stockage USB, sans driver ni logiciel spécifique. Si d'autres constructeurs pouvaient s'en inspirer, ça nous économiserait quelques cheveux blancs.

Maintenant, il y a quand même quelques points négatifs : j'aime bien utiliser la modwheel pour contrôler l'ouverture du filtre. Là, ce n'est pas possible. La modwheel ne peut servir qu'à doser l'intensité du LFO2, et c'est tout. Elle n'apparaît pas comme source dans la matrice de modulation, donc c'est mort. En revanche, je joue aussi tout le temps avec une pédale de modulation, et ça prend 10 secondes d'affecter l'ouverture du filtre à la pédale de modulation, donc c'est ok au final. Ensuite, il y a encore quelques bugs. Quand on regarde les bugs, ils sont tous liés à des fonctions qui sont différentes entre la version clavier et la version desktop (gestion du LFO2 et des modulations) ; or la version desktop est vraiment très très récente à ce jour, et les bugs de la version clavier sont tous corrigés, donc on peut être confiant quant au fait que ces bugs de jeunesse seront aussi corrigés sur le desktop.

Souvent, quand j'achète un nouveau synthé, quand je l'ai à la maison ça commence souvent par une petite déception, puis je l'apprivoise, puis il me plaît (ou je revends). Là, avec le Super 6, ça a été fun dès le départ, je ne suis même pas passé par la phase de semi-déception. Ça a été gratifiant dès le départ, tout est fluide, facile, et ça sonne direct. Que demander de plus ?

edit suite à la mise à jour 0.52 (août 2022) : tous les bugs sont corrigés. J'avais raison d'être confiant. Et en bonus, la modwheel peut maintenant être affectée librement. Du coup, je n'ai plus _aucun_ point négatif à mettre.