Lâg Tramontane T66D

Voilà bien longtemps que je n'avais pas acheté du matos de musique, et encore plus longtemps un instrument. Toutes ces dernières années, je les ai passées à apprendre des chansons pour enfants sur ma Taylor Baby. Mes filles ont grandi, j'ai commencé à leur montrer les trois trucs que je sais faire à la guitare. Et quelle ne fut pas ma surprise d'entendre ma cadette me dire : "tu sais papa, ça serait bien que tu aies une guitare toi aussi pour quand tu me montres comme ça je pourrais faire la même chose que toi en même temps, ça m'aiderait pour apprendre." De comment, ma fille veut apprendre à jouer de l'instrument de rockstar ? Bingo !

Donc je cherche une gratte un peu jolie à 100 balles qui sonne à peu près. Je me fixe sur une Dreadnought, vu que la Baby remplit déjà tous les autres postes en termes de sonorité et que j'aime jouer accordé bien grave genre en ré ou en do pour faire comme mon idole Chelsea Wolfe. Il y a un choix délirant dans cette gamme de prix, et du Fender CD60, et du Cort AD, et du Ibanez VC50, et bien sûr toutes les Stagg, Harley Benton et XP du monde, on serait presque à chercher une Takamine. Je tombe par hasard sur la série Lâg Tramontane, parce que la marque toulousaine qui sponsorise Francis Lalanne, ça me vend pas du rêve, à moi. Elles sont drôlement jolies, avec leurs mécaniques tulipes façon Gibson, la croix occitane en bas de la rosace, leur forme ultra-classique.

Premier deal raté sur le coincoin, une Black Tramontane avec une tetdemor qui remplace la croix en bas de rosace, noire au lieu d'être boisée, c'est une épave démantibulée et c'est dommage. Ou pas, vu que je tombe un peu raide dingue de la forme.

Puis je vois cette T66D à 10 bornes de chez moi pour 70 balles avec la housse. Je regarde les caractéristiques et la fiche technique ne vend toujours pas de rêve, avec sa table en bois de cagette (pardon, en épicéa du Canada), ses filets en je sais pas quoi et sa caisse et son manche en acajou (quoi ? En acajou à ce prix ? Et maintenant c'est du Sapélé et du Khaya donc ça doit être n'importe quel Méliacé de contrebande sur celle là) et sa touche en palissandre datant d'avant la CITES et de l'ère du Blackwood. En plus il n'y a pas de chevilles, c'est un système d'accroche directe des cordes à travers des trous dans le chevalet un peu comme sur une classique.

Bref, pour le prix va pas faire la fine bouche. La bestiole se cale parfaitement dans mes bras, sur mon genou, dans ma main, j'ai tout de suite l'impression de tenir une vieille connaissance. Les cordes sont pourries d'oxydation jamais enlevée, tous les interstices disponibles sont remplis de poussière, le bois a une très belle teinte d'avoir passé les cinq dernières années pas trop loin de la cheminée. Dire que je suis instantanément sous le charme est un doux euphémisme. Je l'ai essayée, je l'ai mise dans sa housse Tobago nase en pur poil de sac poubelle, direction la maison.

J'ai passé les jours suivants à jouer plus que de raison, à en avoir mal à la pulpe des doigts ce qui ne m'était pas arrivé depuis presque dix ans. La forme est parfaite pour ma forme, c'est confirmé, je peux jouer des heures sans rien ressentir d'autre que le plaisir d'être ensemble. Le manche est agréable pour une folk classique, pas trop large et assez épais et une fois équipée de mes Martin extralight habituelles, elle sonne et surtout elle a bien ce qu'il faut de graves. L'accordage en do lui va bien, très bien. L'action est assez haute ce qui vous posera probablement problème si vous êtes débutant et jouez accordé en mi avec des cordes à linge 13-56 mais pour moi ça évite la frise accordé grave avec des cordes fines donc c'est parfait. En plus, elle est belle et décore agréablement le salon.

Pour le prix, là, je vois pas ce qu'on peut demander de plus.