Oram Pro Audio octasonic +

Préampli 8 canaux en rack 1U ; 8 entrées xlr, 8 sorties jack.

Un potard de volume sur chaque entrée, avec 2 boutons : alimentation +48V, "phase switch" (inversion de phase).

Autant dire le minimum syndical, surtout aujourd'hui, quand tant de constructeurs proposent à la fois un réglage pour le niveau et un réglage du gain, le choix d'entrée line / mic, un filtre passe-bas, voire un limiteur global sur l'ensemble des sorties,... L'absence de vu-mètre est néanmoins vraiment dommageable, même si (on s'en doute) l'appareil est fait pour être branché vers une console, ou une carte d'acquisition qui offrira cette possibilité...

Mais en même temps, on sent tout de suite la solidité : que du métal, des vis de partout, le moins d'électronique possible : une construction à faire pâlir un combi Wolkswagen !

A noter (fabrication artisanale) que les potard peuvent ne pas être parfaitement "d'équerre" : un petit recalibrage maison est parfois nécessaire pour bien faire correspondre les valeurs présentées en externe (sur la surface de la bête) avec la réalité en interne (on dévisse le potard, et on essaie de le remettre mieux - l'affaire d'une demi-heure pour les 8).

UTILISATION

La simplicité de la bête fait que son utilisation en est d'une simplicité déconcertante : on branche, on allume, ça marche ! Néanmoins un manuel doit exister, sans doute plus intéressant pour recenser toutes les spécifications techniques que pour vraiment aider à l'emploi.

Et en cas du moindre problème, John Oram, le constructeur de la machine, est à votre disposition 24h/24h : l'ayant contacté pour convertir l'alimentation de mon exemplaire (d'occasion) de 110 en 220 volts, il m'a répondu (plusieurs fois) dans l'heure, me mettant à disposition tous les schémas me permettant de le faire moi-même, quand d'autres (à nouveau) obligent de passer par un SAV ou mettent une semaine à répondre. Bon, par contre, tout est en anglais, et vu la taille de la boîte, c'est pas de sitôt qu'ils emploieront un traducteur français à temps plein !

Enfin, et au risque de me répéter, la solidité est incroyable : après 6 mois d'utilisation nomade d'un matériel d'occasion ayant déjà bien vécu, rien, aucune faiblesse, aucun bouton abîmé, aucun cavalier à replacer ; seul est à noter un bruit de fond grave, pas très fort mais présent, après la mise sous tension de l'appareil (embêtant dans mon domaine lors d'une prise de son dans le même espace que les musiciens, négligeable en rock, ou dans une cabine).

QUALITÉ SONORE

Pour comprendre ce choix, il faut préciser que je travaille uniquement en prise de son classique et jazz, et que, souvent nomade (devant enregistrer dans telle église, avec tel piano, telle résonance), j'avais besoin du matériel le plus flatteur tout en restant transparent, le plus fiable et le plus nomade possible.

Avant d'acheter, j'ai testé pas mal de choses en ampli 8 voies "pro" : Millenia HV-3D évidemment, mais aussi Audient, RME et même Focusrite.

Par rapport au Millenia (et même au RME), c'est un peu moins transparent, c'est évident ; on sent un peu plus vite un très léger souffle, un peu plus vite un risque de saturation. Par rapport à Audient, RME ou Focusrite, c'est un peu moins pratique : pas de vu-mètre, pas de possibilité de conversion numérique (John Oram est fièrement attaché au monde de l'analogique). Mais question couleur, c'est génial : on trouve à la fois une fidélité et une pâte, une neutralité du transistors et une présence qui rappelle les meilleurs enregistrements de chez Decca ou Deutsche G.; c'est un peu à l'opposé de la logique actuelle du son le plus détaillé, le plus chirurgical, mais en même temps c'est tellement agréable, tellement généreux tout en étant précis et honnête, qu'on ne peut qu'adhérer. Le son d'un clavecin (ou d'une guitare) est splendide, d'un quatuor à cordes franc et large, les bois en sont anoblis ; ça peut être un peu trop neutre pour un choeur ou des voix, mais fournit déjà une très belle accroche sur laquelle retravailler.

Après, soyons d'accord : on reste dans le domaine des préamplis à transistors, et d'une musique acoustique demandant la plus grande fidélité possible : on ne fera jamais le même retraitement avec l'octasonic qu'avec un Avalon, car on ne travaille pas du tout dans les mêmes optiques (travailler le son d'une chanteuse pop-rock avec un octasonic par exemple, ça revient un peu à creuser un trou dans un mur en béton armé d'une cuillère : stérile et inefficace). J'imagine que la plupart des gens qui viennent lire ceci le savent, mais vu parfois les commentaires d'audiofanzine, mieux vaut préciser...

AVIS GLOBAL

Par rapport à tellement de marques ayant pignon sur rue, étant connues et reconnues depuis plusieurs décennies, il faut oser faire ce petit pas de côté vers de sombres résistants anglais, cultivant la qualité du travail de l'analogique, hostiles à la réduction des coûts (et des tarifs !), misant sur le moins d'options mais de la meilleure qualité possible. Mais je crois que, dans le cas d'un travail de préamplification purement acoustique, nécessitant un grand respect de la source, le choix est pertinent, d'autant vu le prix : bien qu'à environ 1900 euros neuf, on en trouve régulièrement à 600 - 800 euros sur ebay (increvables, donc forcément en bon état), soit moins de 100 euros la ligne. Avec un prix du coup entre 4 et 5 fois inférieur à celui d'une ligne chez Millenia, 8 à 10 fois inférieur de chez Neve, la sonorité est déjà dans la cour des très grands ; seul manque un petit peu de transparence, mais à moins de travailler pour Decca et Emi (et d'avoir les crédits en conséquence)...