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Editorial du 25 octobre 2014 : commentaires

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Sujet de la discussion Editorial du 25 octobre 2014 : commentaires

Décembre 1993 : le collectif Act Up enfile un préservatif géant sponsorisé par Benetton sur l’Obélisque de la Concorde à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le SIDA. C’est ce qu’on appelle de la com’.

Octobre 2014 : Paul McCarthy installe sur la place Vendôme un plug anal vert de 24 mètres à l’occasion de l’ouverture de la Foire Internationale d’Art Contemporain. C’est ce qu’on appelle de l’art.

Vu comme ça, la différence entre com’ et art ne sautera pas plus aux yeux qu’à l’esprit : dans les deux cas, on a affaire à un objet oblong, en plastique, évoquant basiquement la sexualité humaine. Est-ce transgressif? Non, pas plus en tout cas qu’un enfant de 5 ans qui prendrait un délicieux plaisir à répéter ses premiers gros mots. Et certainement beaucoup moins que quantité d’oeuvres littéraires du 18e siècle, sur le registre de la sexualité.

Mais la chose fait débat parce que, tel un génie qu’on voudrait incompris, tel un révolutionnaire dénonçant courageusement une vérité que la société serait ‘trop prude’ pour entendre, McCarthy aurait été agressé par un ‘inconnu’ lui reprochant son ‘travail’. A n’en pas douter, cette affaire d’artiste martyr est bien commode pour promouvoir la FIAC, et doter d’un petit côté subversif ce showroom d’un Art Contemporain dont le marché a décuplé en seulement dix ans, parce qu’il est devenu l’un des plus sûr et consensuel moyen de défiscaliser les revenus d’une entreprise, mais aussi de spéculer de manière autrement moins risquée qu’avec des titres boursiers.

Il est vrai que depuis que le roublard Warhol a montré, en saccageant le pop art anglais, comme il était simple d’émasculer l’art pour en fait un produit de grande consommation, on n’est plus forcément très sûr de savoir la différence entre un publicitaire et un artiste, ou entre une oeuvre et son prix. Défendant la cause de sa mascotte, la directrice du FIAC précise : « A quoi sert l’art si ce n’est de troubler, de poser des questions, de révéler des failles dans la société ? ». Ce ne serait que cela? Vraiment? Ou s’agirait-il de fixer des critères définitoires aussi bas pour s’assurer que tout ce qui figure au FIAC trouvera preneur auprès de ses acheteurs? Que les côtes monteront gentiment pour que l’année soit plus festive encore dans les bureaux des directeurs financiers? Quel est donc cet art qui s’expose sur la symbolique Place Vendôme? Quel est donc ce supermarché condescendant qui prend des airs de musée et fait payer son entrée 40 € sous prétexte de rendre l’Art accessible à tous? Et quels sont donc ces artistes qui n’ont pas honte de participer à pareille mascarade? Qui pensent pour certains avoir accompli leur devoir en mettant un chiffre sous une oeuvre qui pose des questions, alors que le travail de l’artiste, son devoir, se situe justement dans la quête de la réponse, et qu’une oeuvre qui ne porte pas trace forte de ce cheminement n’est jamais rien qu’un travail préparatoire? Qu’a-t-on érigé Place Vendôme, enfin, si ce n’est un 4x3 gonflable si convenu et rustique dans son propos qu’il aurait pu être signé par un Jacques Séguéla qui se serait attribué le travail d’une classe d’Art Plastique de Terminale?

A n’en pas douter, les Marchands du Temple sont bien en place. Et il ne sera pas commode de les déloger vu qu’ils ont désormais l’aura du clergé comme l’appui de la plus haute bourgeoisie. Il restera au Tiers Etat à peindre ses toiles dans son coin, à sculpter dans son garage, loin de l’ogre industriel et mercantile qui les renifle de loin. Ou bien sûr à faire de la musique, en se servant du clavier plat de CME, le XKey, ou encore de cette étonnante pédale qui transforme une guitare en orgue, en écoutant le tout sur les nouvelles enceintes Alpha de Focal, vraie bonne surprise de cette fin d’année.

Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.

Los Teignos
From Ze AudioTeam

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

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Hors sujet :
@Mark Twang: très bien vu ton article sur Mamma Roma et Accattone. J'adore ces films. Des géants comme Pasolini (et Fellini), ça manque dans le paysage actuel
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Hors sujet :
merci beaucoup. Ces films, que j'ai découvert pendant mes études d'histoire de l'art, m'ont bouleversé et ont clairement joué un rôle dans l'éveil de ma conscience sociale et dans ma vocation d'enseignant ;-)

https://soundcloud.com/mark-twang-granville/albums

[ Dernière édition du message le 28/10/2014 à 16:05:46 ]

128
Mais j'aime bien cet édito, j'ai pas de problème avec, c'est les com que je trouvais super orienté.
Bon courage dans ton entreprise, m'est avis que pour réussir il faudra y inclure la réappropriation de notre nature profonde aussi, c'est le côté  « parapente » du truc.

Les dindes avec Vai en photo : XLPTDR !

Bon, bin, vivement samedi alors !
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https://soundcloud.com/mark-twang-granville/albums

130
Citation :
Le problème de cet art est qu'il s'est astreint à ne jamais véhiculer un message univoque et explicite...

Le problème que nous avons avec cet art, c'est que comme on nous a super-bourré le mou avec l'HHHHère de la KKKKommunication", nous avons implicitement accepté l'idée selon laquelle toute forme de communication pourrait être de l'art.
Alors que pas du tout.

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

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Finalement, tout semble avoir été dit et son contraire. Il me semble que cet éditorial critique vis à vis de l'art contemporain en vogue a visé à côté de la cible. D'abord,en quoi le fait que des personnes riches dépensent leur argent pour acheter des choses éventuellement sans valeur définie vous dérange? Et -y compris le journaliste de Marianne - vous ne pouvez pas dénoncer simultanément une spéculation et la bulle spéculative qui en découle puisque cette dernière, si elle crève, va corriger la première. Pas un mot de votre part sur les diverses spéculations bien plus pernicieuses concernant le blé, le pétrole, les matières premières ? Pourtant, celles-ci, vous les payez de votre poche ! L'art contemporain est une zone complexe mais il a su au moins préserver pour partie le phénomène de la rareté et de la valeur de chaque oeuvre. Vous devriez vous poser cette question concernant la musique.
Aujourd'hui un enfant copie en quelques instants et duplique vos compos sans problème. il télécharge gratuitement plus de musique qu'il ne pourra jamais en écouter. Au lieu de vous intéresser à des artistes "visuels" douteux en leur faisant de la publicité à contrario (mais c'est toujours de la publicité), vous pourriez réfléchir au phénomène de duplication qui a tué la majeure partie de la création sonore et inventer une nouvelle communication possible qui ne s'écoute pas n'importe quand sur des transistors pourris pendant que le petit dernier réclame son biberon. S'il y a actuellement une remise en cause à penser, c'est bien celle de la musique qui ne vaut plus rien aujourd'hui. Si, pardon, elle est censée valoir en fonction du nombre de disques vendus ! une belle preuve de qualité ! Certains humains cherchent à se différencier, à posséder des choses rares. Celle ou celui qui balance son fric dans une oeuvre de création et pas seulement dans une grosse bagnole a mon estime ? Côté art contemporain la duplication s'appelle copie et elle est sans valeur, voir punie. Tout ceci sent un peu trop l'histoire de la paille et de la poutre. Bon travail messieurs les musiciens donneurs de leçons : il y a de quoi faire, aussi, dans votre domaine si vous souhaitez en vivre...
Michel Moglia
132
Citation :
D'abord,en quoi le fait que des personnes riches dépensent leur argent pour acheter des choses éventuellement sans valeur définie vous dérange?

Si ces produits financiers ne servaient pas de niche fiscale; nos chers députés viennent de voter le fait que la valeur de ces "oeuvres" n'entre pas dans le calcul de l'ISF, ça ne me gênerait pas plus que ça, en effet.
Ces mêmes personnes riches que tu évoquent ont donc tout intérêt à ce que ces choses "sans valeur définie" conservent tout de même un prix d'achat totalement délirant, tout le reste autour n'étant qu'un habillage de circonstance.

[ Dernière édition du message le 30/10/2014 à 10:08:50 ]

133
Citation :
nos chers députés viennent de voter le fait que la valeur de ces "oeuvres" n'entre pas dans le calcul de l'ISF

Petite correction: nos chers députés n'ont fait que confirmer ce qui a toujours été le cas... depuis l'instauration de cette règle par Fabius, lui-même issu d'une grande famille de marchands d'art. Vous avez dit "conflit d'intérêt"? Noooon, mais quelle idée voyons... :oops2:

Do not take life too seriously. You will never get out of it alive.

134
@Chants thermiques
Le problème, c'est aussi que la valeur financière fictive de l'art contemporain est très largement créée grâce à l'argent public des institutions qui adoubent les oeuvres en question.

La création de valeur financière fictive est aussi à l'oeuvre dans la musique mais par des méthodes un peu différentes
135
J'ajoute aussi qu'une des faces du problème est que cet art est acheté par les conservateurs de musées publics.

Il y a, pas très loin de chez moi, un château qui est un musée d'art contemporain : les bâtiments servent à des expos, le parc comporte des sculptures.

La dernière fois que je suis allé dans celui-ci, c'était un pique-nique d'anniversaire (le mien). Il y avait une vingtaine d'oeuvres dans le parc. Il y en a en tout et pour tout un qui ne m'a pas laissé totalement indifférent et elle n'avait pas un intérêt grandiose.
Aucun n'a touché les personnes qui m'accompagnaient.

Je suis peut-être trop béotien pour être touché par ces oeuvres. Mais je ne suis pourtant pas étanche à l'art contemporain : je vais régulièrement à des expos, j'ai même été agent pour quelques artistes à une époque (en plus de mon boulot) et je possède une dizaine d'oeuvres achetées au prix de lourds sacrifices à des artistes qui ont eu-même consenti un sacrifice pour que je puisse me les offrir.

Dans les gens qui m'accompagnaient, il y avait des gens pas intéressés plus que ça par les arts plastiques en général et quelques personnes plutôt intéressées.

Sans tomber dans un populisme qui voudrait qu'une oeuvre ne soit bonne qu'en étant accessible, je trouve qu'il y a un gros biais d'avoir un musée public ainsi remplie d'oeuvre dont pas une n'est capable d'éveiller autre chose que l'indifférence dans un tel groupe de personnes. Tout ce que ça a éveillé, c'est l'ensemble qui nous a donné un grand sens du ridicule et de la vacuité. Mais avec nos sous deux fois : nos impôts et l'entrée payante.

Et, Chants Thermiques, je n'ai pas compris ta diatribe sur la musique. Désolé, mais tu sembles mélanger tout et n'importe quoi. Par contre, tu sembles dire que la dévalorisation financière tue la création "au phénomène de duplication qui a tué la majeure partie de la création sonore". Je n'ai pas l'impression que la création musicale ou sonore soit morte, personnellement.
Ensuite, tu critiques le fait que la valeur de la musique soit jugée à l'aune des disques vendus. Il n'y aurait pas comme une contradiction ?

Par ailleurs :
Citation :
Au lieu de vous intéresser à des artistes "visuels" douteux en leur faisant de la publicité à contrario (mais c'est toujours de la publicité), vous pourriez réfléchir au phénomène...

Tu permets qu'on réfléchisse à ce qu'on veut ? On a le droit de s'intéresser aussi à d'autres choses que juste la musique si tu veux bien.
Et le fait de réfléchir sur un truc n'exclut pas de réfléchir sur d'autres. :-D
136
Bon d'accord, j'ai tort mais deux choses : Pourquoi craignez vous alors qu'une bulle financière éclate et ratatine le marché de l'art. Votre problème de l'argent public distribué à tort sera résolu. Désolé de ne pas marcher dans votre saine indignation mais l'argent est blanchi bien autrement et vous le savez aussi bien que moi
D'autre part la musique se porte sans doute très bien mais il semblerait - je dois être mal informé - que bons nombres de musiciens se portent assez mal. Et notamment les créateurs, pas ceux qui tournent en se contentant de copier et recopier plus ou moins bien ce qui est à la mode et qui cherchent à faire, eux aussi, du fric...
Sur France-Inter, par exemple, qui n'est pourtant pas la pire des radio, si vous chronométrez le matin les quelques secondes pendant lesquelles les musiques récentes sont présentées par des journalistes bavards, vous serez édifiés....
Michel Moglia
137
@ Chants thermiques

Ce qui est choquant dans la défiscalisation massive des grandes fortunes dans le marché de l'art contemporain, c'est que l'impôt de cet argent devrait financer notre système social et nos services publics. Le PIB de la France (2735 milliards de dollars) a doublé depuis 2000 et pourtant l'argent manque, notamment à cause de "l'optimisation fiscale" qui bat son plein.

PS : si tes questions et ton étonnement sont sincères, je ne peux que t'encourager à regarder la vidéo de Franck Lepage qui défend la thèse que le marché de l'art contemporain et le ministère de la Culture sont des créations profondément anti démocratiques. Tu ne seras peut-être pas convaincu, et c'est ton droit le plus strict. Mais tu comprendras peut-être au moins la cohérence de cette proposition. J'ai tenté de résumer ces thèses dans mes messages, il est donc inutile que je recommence; d'autant que je n'ai pas le talent de Lepage.

https://soundcloud.com/mark-twang-granville/albums

[ Dernière édition du message le 30/10/2014 à 17:05:09 ]

138
Citation :
D'abord,en quoi le fait que des personnes riches dépensent leur argent pour acheter des choses éventuellement sans valeur définie vous dérange?


Ca n'a rien de choquant évidemment, tant qu'on est dans un système de mécénat qui profite à l'artiste. Je n'ai rien contre le fait qu'un Prince achète le tableau d'un Van Gogh. Le problème avec la Fiac et le marché de l'Art Contemporrain aujourd'hui, c'est que nous sommes face à un système qui crée artificiellement des artistes qui créent artificiellement des oeuvres pour avoir de quoi défiscaliser et spéculer. Et c'est très différent d'un gentil mécénat. C'est un marché, soit une arme dans une guerre financière, et une guerre financière qui consiste à confirmer le pouvoir des plus riches sur les plus pauvres, des plus forts sur les plus faibles. Ce qui n'a rien à voir avec de l'art.

Et ça me choque d'autant plus quand la plupart des médias et des intellectuels défendent cela comme une chose vertueuse, comme une preuve de vivacité de l'Art, alors que de mon point de vue, le ver est dans le fruit.

Or ce fruit, je l'aime car si, à bien des égards, l'humanité a produit bien des choses discutables au cours de son histoire, l'art demeurait jusqu'alors ce qu'elle avait accompli de plus beau, de plus élevé. Salir ça m'attriste profondément et mon indignation motivant cet édito venait de là.

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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?

 

[ Dernière édition du message le 30/10/2014 à 17:07:16 ]

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By the way, avec un lointain rapport, je me suis fait la réflexion cette semaine que l'amour de l'art, dans les films américains, était toujours l'apanage du terrible méchant qui veut détruire le monde.

Regardez James Bond par exemple : c'est édifiant à ce niveau et c'est quasiment toujours le même cliché qui est repris dans tous les films. Plus le gars est méchant, plus il aime l'art, qu'il s'agisse de sculpture, de peinture ou de musique classique. S'il est un petit peu méchant, il aime les toiles de maîtres renaissant. Mais si c'est vraiment le pire des pires méchants, alors là, il aime l'art contemporain.

Je n'en conclus rien mais je trouve cette association très intéressante d'un point de vue sociologique et symbolique : l'art, à la fin, serait donc un truc pour les salopards ultra puissant, quand le héros, lui, s'intéresserait à des choses plus simples, comme la voiture, le foot ou le poker... On n'est donc pas près de voir Bruce Willis bouquiner un livre sur la peinture flamande au début d'un film.

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[ Dernière édition du message le 30/10/2014 à 17:17:45 ]

140
Les égos surdimensionnés s'intéressent certainement de près à l'art contemporain mais vous oubliez que les chefs de guerre nazi étaient passionnés de musique classique, Wagner entre autres... Attention tout de même à ces ségrégations qui ne signifient pas grand chose. Et puis vous oubliez ceux qui créent et qui sont des passionnés. Le fait que cela déplaise au public est une vieille rengaine qui poursuit non seulement l'art contemporain mais aussi la musique. Les auditeurs ont détruit les sièges lors de la première écoute du Sacre du Printemps. Berlioz passait pour un fou furieux. Mozart est mort dans la misère. Bach se faisait botter les fesses par l'archevêque machin parce que son accompagnement des messes n'était pas conforme. Il me semble que la réflexion est certes intéressante mais attention aux idées un poil...
A ce propos, un livre intéressant de Pascal Quignard : "La haine de la musique"
Michel Moglia
141
Citation :
Bon d'accord, j'ai tort mais deux choses : Pourquoi craignez vous alors qu'une bulle financière éclate et ratatine le marché de l'art. Votre problème de l'argent public distribué à tort sera résolu.

Moi j'en m'en fou que la bulle éclate. Au contraire, ça m'amuserait plutôt, voire même ça me réjouirait.

Citation :
D'autre part la musique se porte sans doute très bien mais il semblerait - je dois être mal informé - que bons nombres de musiciens se portent assez mal.

C'est parfaitement vrai. En même temps, j'aimerais savoir quand dans ces dernières décennies les vrais créateurs en dehors de quelques happy few ayant réussi à devenir aussi mainstream se sont vraiment bien portés.

Ce n'est pas le téléchargement qui a tué les musiciens (si on considère qu'ils sont morts, ce qui n'est pas mon cas), c'est le choix de l'industrie du disque de ne plus faire que des produits et du marketing. Les ravages de ce choix ont été masqués par une période où le remplacement des discothèques de vinyls par des CD a donné un âge d'or aux maisons de disques, mais cette politique date de bien avant le téléchargement illégal. Rappelez-vous Nougaro viré de sa maison de disque parce qu'il ne vendait pas assez.

Citation :
Et puis vous oubliez ceux qui créent et qui sont des passionnés.

Désolé, je ne crois pas qu'on "oublie". Ce n'est pas parce qu'on critique le marché de l'art hors de prix, les réseaux type Fiac (et j'y ajoute les Frac et un certain nombre de musées) qu'on jette tous les artistes avec l'eau du bain.

S'il t'arrive de fréquenter des artistes aux réussites modestes (voire qui survivent péniblement), d'aller dans les ateliers et galeries qu'on trouve un peu partout, d'aller aux expos et foires hors trucs haut de gamme pour friqués en mal de défiscalisation ou de signes extérieurs de richesse, tu sais comme moi que l'art contemporain qui se fait et qui se vend à la population en général n'a pas grand chose à voir avec ce qu'on voit à la Fiac ou que des musées achètent.

Et là, ça me pose problème : pourquoi une telle fracture ? Ça signifierait qu'on aurait un art anodin, facile d'accès et à des prix "populaires" d'un côté et de l'autre, un art haut de gamme, assuré par une poignée d'artistes à la renommée internationale, réservée à une élite dont le goût n'aurait d'égal que la taille du portefeuille (boursier) et dont la moindre oeuvre vaut plus qu'une vie de smic qui, seul, aurait de l'intérêt pour les institutions ?
142
Citation :
Il me semble que la réflexion est certes intéressante mais attention aux idées un poil...


Je soulignais l'histoire des films hollywoodiens, non parce qu'elle me semble renfermer une quelconque vérité dans l'absolu sur l'art lui même, mais qu'elle sert visiblement la construction d'un stéréotype assez étrange : j'imagine que c'est un dommage collatéral d'une politique qui a coupé l'art du public... Loin de moi l'idée de dire en tout cas que l'art est pour les riches ou les pauvres, les intelligents ou les imbéciles, si tant est que ces termes relatifs veuillent dire quelque chose.

Et pour revenir sur le sujet central de cet édito en rebondissant sur vos propos : oui, l'art contemporain a souvent fait scandale a son époque. Mais le scandale seul ne fait pas pour autant l'art et c'est ce qui m'a personnellement choqué avec l'oeuvre de McCarthy qui n'a rien de bien subversive ni scandaleuse.

Ce qui m'a choqué moi, ce n'est pas l'allusion balourde à un sextoy pour dénoncer la société de consommation de manière bien adolescente (ce n'est pas grossier, c'est juste basiquement puéril), c'est plutôt l'échafaudage médiatique qui entend nous faire croire que cette oeuvre est subversive juste pour la crédibiliser comme oeuvre d'art, et faire de la réclame pour son auteur comme pour la Foire à laquelle il participe : "Rendez vous compte, on veut museler McCarthy parce que c'est un génie de l'art!". Ben non, personne ne veut spécialement le museler parce que la brave homme donne la patte Place Vendôme sans trop aboyer sur la main qui le nourrit et qu'il peut bien gonfler 140 sapins que personne ne sera vraiment indisposé par son 'discours'. Rendez-vous compte que pour dénoncer le commerce, il se fait vendeur de chocolats. Quel courage! Quel génie! Ou quel produit?

Si tant est qu'il ait le talent de le faire, McCarthy ne peut en effet pas vouloir dénoncer la société de consommation et participer à la FIAC puisque elle EST la société de consommation. La seule voie honnête qu'il aurait pu suivre pour cela était la révolte : je n'ai pas vu l'ombre de cette dernière dans cette oeuvre ni dans le discours de "l'artiste". Ah si seulement, avec la toile de son sapin, il avait recouvert toutes les les vitrines des bijoutiers qui sont Place Vendôme, il aurait été plus crédible. Mais il ne l'a pas fait : parce que personne ne l'aurait laissé faire et que les gens qui achètent ses oeuvres sont précisément les gens qui tiennent ses boutiques ou les visitent. On ne mord pas la main qui nourrit. Surtout quand elle nourrit tout un système. Alors on leur vend des chocolats.

Voilà personnellement ce que j'ai vu dans ce sapin. Du mensonge et de la lâcheté en forme de pub pour un business. Le vrai scandale est là, et il n'a rien d'artistique, mille fois hélas.

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[ Dernière édition du message le 30/10/2014 à 21:39:57 ]

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Je vous rejoins parfaitement sur ce plan et, d'ailleurs, l'histoire de l'art montre souvent que les artistes reconnus et encensés à leur époque - que ce soient les peintres, les sculpteurs, les musiciens, ont sombré corps et âme sans laisser de grandes traces (Salieri à l'époque de Mozart par exemple et bien d'autres). Je me demandais seulement si ça valait la peine de s'indigner contre certains parce que, de même que l'asticot qui parle du suicide d'un pays, ces gens là cherchent la reconnaissance par la polémique et il me semble que la plus belle vacherie consisterait justement à les passer sous silence, eux et les cultureux en costume trois pièces qui gravitent autour. On peut imaginer - disons pudiquement que ce n'est pas exclu - qu'il existe quelque part un Mozart en herbe, un Van Gogh qui se cherche. Or parce que nous sommes tous en partie aveuglés par notre univers culturel normé, par notre environnement contraignant, il se peut qu'on ne puisse pas les repérer facilement, qu'on les mélange par erreur avec les faiseurs. Une toile de Van Gogh a bouché pendant un certain temps le trou d'un poulailler. Il a vendu je crois une seule toile de son vivant et à son frère parce que les honnêtes gens de l'époque trouvaient ça moche. D'où la méfiance de certains avant de porter un jugement. Mais peut-être est-ce important de repérer aussi les formes patentes de tricheries ... Dont acte. En tous les cas, globalement, vos éditoriaux me mettent en joie et j'approuve le plus souvent.
Michel Moglia
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Et je suis bien content pour ma part d'avoir des lecteurs de cette trempe. J'ai encore découvert plein de choses grâce aux commentaires de cet édito.

Merci les gens.

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Et moi j'ai suivi ce forum en espérant voir de nombreux plugs anal en action. Ben je reste sur ma faim icon_facepalm.gif:bravo:
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Hors sujet :
Un disciple vint interroger Lao Tseu sur les manières de nourrir le principe vital.
Lao Tseu lui répondit qu'il ne s'intéressait qu'a ce qui ne lui semblait grand, qu'il n'était donc qu'un brigand.
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Citation de le :
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Hors sujet :
Un disciple vint interroger Lao Tseu sur les manières de nourrir le principe vital.
Lao Tseu lui répondit qu'il ne s'intéressait qu'a ce qui ne lui semblait grand, qu'il n'était donc qu'un brigand.

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Hors sujet :
Qui ça ?

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Hors sujet :
Le pire c'est que demain arrive un nouvel edito et qu'on a pas encore fini avec celui là.


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Hors sujet :
Franck Lepage a droit un long et passionnant article dans le dernier numéro de Causette !

https://soundcloud.com/mark-twang-granville/albums

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Citation :
Et ça me choque d'autant plus quand la plupart des médias et des intellectuels défendent cela comme une chose vertueuse, comme une preuve de vivacité de l'Art, alors que de mon point de vue, le ver est dans le fruit.

Or ce fruit, je l'aime car si, à bien des égards, l'humanité a produit bien des choses discutables au cours de son histoire, l'art demeurait jusqu'alors ce qu'elle avait accompli de plus beau, de plus élevé. Salir ça m'attriste profondément et mon indignation motivant cet édito venait de là.


Mais il n'y a là rien de nouveau. Certains esprits vulgaires n'ont pas d'autre ressource, pour exister ou en avoir le sentiment, que de réduire l'ensemble de ce qui se présente à leur portée aux catégories qu'ils connaissent ou pensent maîtriser.
Ne nous étonnons pas que les marchands aient fait de l'idée d'art une marchandise propre à rien d'autre que conforter l'idée vulgaire et pécuniaire qu'ils se font de tout valeur, et qu'ils prouvent la validité de leur supposition stupide en l'utilisant de la manière qu'on sait.
Aussi bien, ce n'est pas grave ni nouveau: De tous temps les crétins, à propos d'art et d'oeuvres, se sont enthousiasmés de tout ce qu'il pouvait y avoir là-dedans de secondaire et de circonstanciel, y compris à propos d'oeuvres de valeur véritable: le style, la nouveauté, le format, la technique employée, le réseau d'appuis de l'artiste, sa renommée, et toutes ces fadaises.
Un vieux proverbe dit avec obstination "quand le doigt montre la lune, l'imbécile regarde le doigt", montrant ainsi que les sociétés humaines ne cessent de trébucher sur les mêmes tapis culturels, depuis toujours.

On a malheureusement oublié l'hilarant épisode artistico-financier des portraits de tulipes en Hollande au 16e siècle, je crois, qui pourrait nous montrer avec drôlerie que les cons d'aujourd'hui ne sont ni différents ni plus originaux que ceux d'hier, nonobstant le sentiment aigu que nous avons fatalement de notre grande originalité, et qu'ils sont toujours punis de la même façon...

Allez, bisous. Ne nous déchirons point à propos de sottises. Laissons les sots faire leurs affaires entre eux, et continuons, pour nous, à nous appliquer au travail difficile d'aiguiser notre sensibilité à certain parfum d'outre-monde...
Au bout du compte, comme toujours, la muse reconnaîtra les siens.

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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.

[ Dernière édition du message le 03/11/2014 à 10:59:44 ]