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Audiofanzine et écriture inclusive : le point de vue d'Audiofanzine

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Sujet de la discussion Audiofanzine et écriture inclusive : le point de vue d'Audiofanzine
Depuis quelques semaines déjà, la rédaction d’Audiofanzine utilise l’écriture inclusive avec points médians dans un certain nombre des contenus qu’elle produit (news, articles, éditos), occasionnant des plaintes à ce sujet de la part de certains membres qui n’y sont pas favorables (notons-le : des hommes exclusivement).

Précisons d’emblée que ce changement est le fait d’un choix unanime au sein de l’équipe d’Audiofanzine qui est composée de 8 hommes et 4 femmes (cette mixité n’étant pas due à un objectif de parité mais au fait que les 4 femmes en question étaient pour nous les meilleures candidates), et qu’il n’implique aucune obligation pour nos rédacteur·trice·s externes, mais une recommandation que chacun est libre ou non de suivre.

Précisons par ailleurs que s’il est important pour Audiofanzine de plaire à ses utilisateur·trice·s, le site n’est pas pour autant un service d’état en devoir d’obéir à ses contribuables. Et les sondages comme les pétitions ne sont pas ce qui conduit notre entreprise et encore moins nos engagements.

Cela ne nous empêche pas d’expliquer les raisons de nos choix et d’en discuter respectueusement avec la communauté.

But de l’écriture inclusive pour AF​
Le premier but poursuivi est évidemment de ne pas exclure le public féminin des contenus que nous produisons, étant entendu qu’il n’y a pas de raison de traiter différemment une musicienne et un musicien, et qu’il n’y a pas de raison de s’imaginer qu’un piano, une guitare ou un micro doit être plus utilisé par un homme que par une femme.

Mais il entend aussi être une forme visible de soutien au combat pour l’égalité des sexes et contre la misogynie, à plus forte raison dans un secteur et sur un site où le sexisme est hélas très répandu.

AF, un site sexiste ?
Saviez-vous que sur AF comme ailleurs, des femmes préfèrent cacher qu’elles sont des femmes pour ne pas faire l’objet de railleries, de harcèlement ou de violence verbale dans leur rapport à la communauté ?

Saviez-vous que nous avons déjà eu à modérer des propos faisant l’apologie du viol de femme ?

Saviez-vous que nos employées féminines doivent couramment faire face à des attitudes condescendantes ou agressives au seul motif qu’elles sont des femmes et que les femmes, c’est bien connu, n’y connaissent pas plus à l’audio qu’au football ?

Le monde de la musique et de l’audio serait sexiste ?​
Oui, et quand bien même on s’imagine qu’il est progressiste, ouvert au changement, plutôt cultivé, il ne l’est sans doute pas moins que celui du bâtiment, de la politique ou du jeu vidéo, car le sexisme, comme toutes les violences d'ailleurs, touche tous les milieux socioculturels sans distinction.

Voici quelques chiffres établissant une réelle différence entre hommes et femmes dans le secteur de la musique :

10% des SMAC (Scènes de Musiques ACtuelles) sont dirigées par une femme
12% des groupes qui s’y produisent comptent parmi leurs membres au moins une femme
10% de femmes fréquentent les studios de répétition.
En 2018, elles représentent 13% des aides de l'État accordées à la création d’œuvres musicales et cumulent moins de 50 000€ de cette aide sur une enveloppe totale de 518 000€…
La SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musiques – le tout, au masculin !) ne compte que 18 % de femmes parmi ses sociétaires
Il y a 5 femmes seulement sur 42 programmateurs·trices des structures adhérentes à la FEDELIMA…
4 victoires de la musique pour le meilleur album sur 48 ont été attribuées à des femmes depuis 1985
Elles ne représentent que 24 % des artistes les plus téléchargé·es.

Peut-être parce qu’elles sont stupides finalement, ou qu’elles n’ont aucun talent ? Mais comme 52% des diplômé·e·s des écoles d’enseignement artistique supérieur du spectacle vivant sont des femmes, on est forcément obligé de se dire que cette sous-représentation tient moins à des limites qu’auraient naturellement les femmes qu’à des bâtons dans les roues que leur mettraient les hommes…

Et encore ne parlons-nous là que d’égalité et de discrimination quand on pourrait aussi parler criminalité, qu’il s’agisse de violences psychologiques ou physiques, du harcèlement jusqu’au viol…

Dans une enquête sur la santé et le bien-être dans l’industrie musicale en France, dévoilée en octobre 2019 par Cura collectif et la Guilde des artistes de la musique (GAM), 31 % des 256 répondantes travaillant dans le secteur musical disent avoir été victimes, au moins une fois, de harcèlement sexuel (soit presque une femme sur trois), dont 39 % sont des artistes féminines et 24 % des professionnelles du secteur.

Et croyez-vous que la chose ne touche pas le monde cultivé de la musique classique ou de la danse ? Dans une enquête réalisée au CNSM de Paris, 8,6% des femmes répondant affirment avoir été victimes d’agressions sexuelles.

Certes ! Mais que vient faire l’écriture inclusive là-dedans ?​
L’écriture inclusive implique de changer bien des habitudes pour celles et ceux qui l’écrivent comme pour celles et ceux qui la lisent. Est-ce que c’est beau ? Sans doute pas, encore qu’aucun linguiste ne vous dira qu’une langue ait déjà eu le projet d’être belle… Est-ce que ça heurte la lecture, est-ce que ça dérange nos vieux réflexes orthographiques selon lesquels le masculin l’emportait ? Évidemment.

Et certains objecteront que ce n’est pas à la langue de payer les pots cassés du sexisme ambiant ou de la misogynie, que ce n’est pas en féminisant des mots ou en parsemant un texte de points médians rendant sa lecture plus difficile que la cause des femmes avancera.

Ce point demeure très discutable.

D’abord parce que la langue a été singulièrement masculinisée depuis le Moyen âge, et qu’elle a même été repensée pour satisfaire un projet d’aliénation de la femme. Dans les cahiers préparatoires à la rédaction du dictionnaire en 1673, on pouvait en effet lire que le but était de distinguer grâce à la langue "les gens de lettres d'avec les ignorants et les simples femmes". À ceux qui accuseraient les partisans de l’écriture inclusive de politiser la langue, rappelons donc qu’elle n’a jamais cessé d’être instrumentalisée à des fins politiques et que les Droits de l’homme et du citoyen (qui, rappelons-le, excluaient les femmes à l’origine, homme étant à entendre au sens masculin) ne se sont jamais crû en devoir de rétablir cet odieux programme politique.

Ensuite parce que la langue est un territoire sacré pour nombre de gens, qu’ils y tiennent comme à leur Arc de Triomphe, leur Louvre ou leur Versailles et que c’est précisément en intervenant sur cette langue chérie qu’on peut retenir l’attention de tous. Tout comme on s’est ému de voir un tag odieux défigurer ce symbole d’impérialisme qu’est l’Arc de Triomphe…

N’a-t-on d’ailleurs jamais autant parlé de la condition de tel ou tel groupe que parce qu’ils gênaient la bonne marche de la société : les opérations escargot, les grêves, les saccages ou dégradations sont toujours des extrémités auxquelles en viennent ceux qui, malgré la politesse de leurs demandes répétées, n’ont suscité que de l’indifférence voire du mépris. Il ne s’agit en rien de justifier une quelconque violence ici, mais d’établir qu’en matière d’avancée sociale, on n’obtient jamais de progrès autrement qu’en exerçant un pouvoir de nuisance, ce qui invalide l’usage, comme beaucoup de modérés le défendent, d’une écriture inclusive plus discrète, à l’ancienne, pour ne pas gêner l’oralité ou les 10% de Français·e·s souffrant de troubles dys-.

Les fameux “Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs…”, “Françaises, Français” ou “musiciens, musiciennes” en vigueur depuis des décennies ont clairement montré qu’ils n’apportaient rien à l’évolution de la société : ils étaient déjà depuis longtemps en vigueur quand Edith Cresson se faisait insulter par les parlementaires masculins lors de sa prise de fonction en tant que première ministre en 1991.

Alors voilà, quand bien même elle heurte par manque d’habitude, l’écriture inclusive, même dans ses formes les plus gênantes, a ce mérite de donner une visibilité à un problème qui n’avance pas parce qu’il est invisibilisé. Parce que le masculin l’emporte et que ça convient à « tout le monde ». Nous ne pensons pas que cette forme d’écriture parviennent à elle-seule à créer une société plus égalitaire, mais elle nous rappelle à ce problème à chaque détour de phrase et qui, parce qu’il concerne plus de la moitié de la population, n’est pas à considérer comme un détail. La langue française en gardera ce qu’elle voudra et nous espérons que notre communauté comprendra l’utilité que nous lui reconnaissons et consentira l’effort de s’y habituer, sachant que nos rédacteur·trice·s demeurent libres de l’utiliser ou non dans leurs contenus, à leur convenance avec ou sans point médians, tous comme nos modérateur·trice·s.

Bien sûr, cela doit s’accompagner d’une meilleure visibilité des femmes au sein des contenus produits par AF, chose sur laquelle nous travaillons, mais nous sommes convaincus que son usage contribue à casser l’ambiance de vestiaire de foot que nous déplorons trop souvent.

Quant aux Don Quichotte qui pensent intelligent de boycotter la lecture d’un texte évoquant les problèmes écologiques sous prétexte que 0,16% des signes qu’il utilise sont des points médians et que c’est là un combat civilisationnel qui mérite, plus que tout autre, leur attention, il n'y a sans doute pas grand chose à en dire si ce n’est que nous n’avons pas les mêmes valeurs ni ne combattons les mêmes moulins.

Avertissement de la modération :
Un sujet concernant le langage inclusif a été ouvert sur le pub sociétal : https://fr.audiofanzine.com/le-pub-politique-et-societal/forums/t.801853,le-langage-inclusif-et-l-ecriture-inclusive,post.11632795.html

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[ Dernière édition du message le 19/02/2023 à 03:45:11 ]