foox
« Machine monumentale et envoûtante »
Publié le 01/12/16 à 11:01
Rapport qualité/prix :
Correct
Cible :
Les utilisateurs avertis
Nous parlons là du plus gros synthétiseur jamais construit par Korg de 37Kg (sans le clavier). Sur le plan technique il s'agit de trois modules complets de ps-3100 (3 x PSU-3301), et la partie Mixer/General Enveloppe/Sample & Hold/Voltage processors(1 x PSU-3302) présent aussi sur le ps-3100. Un concept ambitieux basé sur la technologie à diviseur, permettant une polyphonie totale à une époque où l'on commençait tout juste à trouver des synthétiseurs à 4 ou 5 voies de polyphonie (Oberheim 4Voice, Prophet 5), polyphonie totale certes, au prix d'un son plus ténu, au grain moins épais. Il est également semi-modulaire, à l'instar d'un MS-20. La finition est celle de cette époque, potentiomètres de qualité et clavier (ps-3010) plutôt doux et agréable, sans plus.
C'est déjà un trip d'acier de s'asseoir devant cette magnifique machine qui clignote de partout... et de ne pas savoir par où commencer! Attention, si vous n'avez jamais eu de PS-3100 entre les mains au moins quelques mois, vous risquez de paniquer! Entre le nombre impressionnant de boutons, les routages un peu partout, les enveloppes quelque peu ésotériques et la possibilité de patcher, ajoutons à cela les deux LFO par module ("modulation generator" 6 en tout, donc) l'amplitude modulator (modulation sur le volume) et le resonators dynamique (entendez par là qu'on peut l'allouer à une source de modulation, LFO, enveloppe, clavier, joystick etc) bref la sérigraphie semble presque être du cyrillique, c'est Byzance et le vertige est garanti. Le mieux est déjà de travailler le son module par module, en dé-switchant les deux autres. Déjà, sans toucher aux resonators, juste en jouant un peu des deux LFO vers diverses modulations on commence à comprendre l'étendue des possibilités. Ajoutons un 2ème module en l'accordant soigneusement et on commence à s'envoler! Tiens et si je routais le joystick quelque part?
Vous le comprendrez vite, sa force est dans les nombreuses modulations proposées, déjà le point fort du ps-3100 le petit frère. Ce monstre excelle dans les sons évolutif, les cordes, les nappes planantes et des sonorités inhabituelles surtout si l'on commence à tripoter le joystick après l'avoir alloué au pulse width, aux résonators et à un vibrato et cela sur plusieurs modules à la fois, ou pas. Le LFO principal (MG-1) propose moult forme d'onde ainsi que du bruit blanc et rose, mais surtout monte très haut en fréquence, plus que celui d'un jupiter-4, jusqu'aux fréquences audio, à nous la FM et les effets terribles de Ring-Modulator! Et on peut bien évidemment router un LFO vers un autre, les possibilités sont infinies et merci le joystick, un peu "raide" mais bien pratique! En tous cas on peut aller loin dans l'expérimentation et les FX, pas forcément réservé aux monophoniques sur ce coup-là.
Voici la description module par module:
- Le VCO propose 6 formes d'onde, dont le PWM, au son assez distinct les unes des autres, puis en dessous leur routage, avec un inter d'inversion de modulation. Censément, la Dent-de-scie, l'onde CARRÉE "étroite" et le carré modulable (PWM) ont un grain agréable et seront probablement celles dont vous vous servirez le plus souvent.
- Un VCF passe-bas, avec balance sur le clavier, et le routage, comme le VCO.
Et bien sur un bouton de dosage de l'enveloppe nommé "EXPAND" pas tout-à-fait conventionnel: plus on l'ouvre plus il ferme le filtre en augmentant l'influence de l'enveloppe, je ne sais si je me fais bien comprendre - dans une architecture classique, ce bouton, en augmentant l'action de l'enveloppe ne ferme pas le filtre, au contraire il faut fermer manuellement un peu le VCF pour obtenir la couleur recherchée - là c'est le contraire, il faut "compenser" en ouvrant la fréquence du filtre, c'est très perturbant !
- Une enveloppe à la fois classique et bizarre: Attack/decay/sustain et un inter 3 positions pour le release, seulement la réaction du release dépend beaucoup du réglage de decay ET sustain, ceux-ci étant en plus très sensibles, et ne réagit pas vraiment pareil selon le choix parmi les trois release... Assez déroutant, il faut du temps pour s'y habituer, d'autant que le VCA et le VCF partage cette même enveloppe, donc il faut jongler soigneusement entre le bouton DECAY, SUSTAIN et ce switch pour obtenir ce que l'on veut, ainsi que le bouton "EXPAND" cité plus haut.
A noter: l'inter "HOLD" dont le fonctionnement est curieux: on l'enclenche, on met "Attack" à 10, on appuie sur une ou plusieurs touche brièvement, on ramène "Attack" à MOINS DE '3', et nous obtenons une note (ou accord) "tenu", sur laquelle on peut jouer sur tout le clavier, pour l'(ou les) arrêter, il suffit de ré-appuyer sur les notes en question! étonnant, non? à noter également que dans le mode "HOLD" le filtre est bien plus ouvert, étrange mais c'est ainsi. Je viens seulement de comprendre comment ça marche, alors que j'eus précédemment un ps-3100 pendant 3 ans!
- Un potentiomètre de balance de volume sur le clavier, à l'instar de la balance du VCF-kb, qui peut se révéler fort utile, à ma connaissance cela n'existe QUE sur la série des "PS".
- un Amplitude Modulation, correspondant à l'action du LFO-1 sur le volume, donc.
- Le Modulator Generator '1' à 6 forme d'onde, avec une entrée d'intensité et de fréquence (vitesse) qui monte en FM, donc, alloué à la fréquence du VCO et du VCF, ainsi qu'au VCA (Amplitude Modulation, voir au dessus)
- Suivi du Modulator Generator '2', une seule sinusoïde et une course de vitesse "classique", allouée d'office au PWM mais aussi aux resonators. Une sortie permets de l'envoyer moduler ailleurs si j'y suis.
- Enfin les resonators, sorte de EQ à trois bandes avec dosage de résonance (non débrayable, attention! si on ne veut pas des resonators il faut régler ce potentiomètre à zéro) et choix de la fréquence bien sur, un peu dans le même esprit que les resonators du Polymoog, sauf que là on peut les moduler! (pas sur le Polymoog , mille fois hélas) Et avec ce que l'on veut grâce à une entrée idoine (enveloppe, joystick, clavier, LFO)
- N'OUBLIONS PAS la douzaine de tout petits boutons situés tout en bas qui permettent d'accorder chaque note sur une octave permettant de jouer des modes kabyles et orientaux divers en créant des quart-de-tons ou demi-bémol, de retrouver les gammes utilisées en musique ancienne, de faire du micro-tonal avec grande précision. Une particularité quasiment unique, surtout à l'époque.
donc vous multipliez tout ce que je viens de décrire par trois afin d'avoir une idée du potentiel de l'instrument.
Viennent ensuite des fonctions globales ou supplémentaires sur le quatrième module, situé à droite, qui contient:
- Un Sample-and-Hold, il conviendra d'y relier la sortie d'un LFO quelconque si on veut moduler autre chose de façon aléatoire - à noter un inter "synchro" qui synchronise plus ou moins le S/H avec la source, pour des résultats différents, voire rythmiques.
- Une partie mixer pour chacun des trois modules, avec inter allouable, pour commander l'enclenchement de chaque module 3301 à partir du clavier par exemple.
- Une enveloppe encore plus bizarre que celle des modules, ("General Envelope Generator) une DAR -Delay/Attack/Release avec ce paramètre "Delay" appréciable, similaire à l'enveloppe 2 du MS-20.
- un multiple à deux tranches, les ingénieurs ont commencé à manquer de place s'ils voulaient en implanter davantage! Ceux-ci permettent de relier une source et 2 ou 3 destinations, ou l'inverse: 2 sources qui se mélangent pour une destination par exemple. Essentiel dans tout modulaire ou semi-modulaire!
Rappelons que le concept semi-modulaire est de permettre d'avoir du son par la chaine classique VCO→VCF→VCA sans rajouter le moindre câble, alors qu'un "pur" modulaire ne peut sortir de son tant qu'on a pas à l'aide de jack 6.35 ou 3.5 (ou pins dans le cas du Synthi 'A', 'F' ou '100') relié plusieurs modules entre eux, ce qui peut paraître parfois rébarbatif, mais qui est aussi passionnant, dans la mesure ou l'utilisateur maîtrise de bout en bout la création de son son. Sonson.
Le choix - judicieux - de ce concept simplifie tout de même une machine déjà suffisamment compliquée. Les entrées/sorties présentes sur quasiment tous les modules permettent d'aller plus loin et d'intervenir en de nombreux points si l'on ne se contente pas d'un son "classique". Néanmoins ces options sont prévues pour les Brian Eno en herbe, passionnés, fondus et autre Geek du moment, car il faut savoir qu'en réalité la plupart des gens qui ont eu la chance de posséder cette machine ne patchaient pas, puisque elle délivrait déjà un son riche et largement modulé. D'ailleurs, la plupart de ceux qui ont un MS-20 et/ou un Arp-2600, tous deux semi-modulaires, ne les patchent pas non plus! (le MS-20, de l'aveu des ingénieurs de l'époque était conçu pour être un Arp-2600 du "pauvre") mais chacun son truc.
- ET le Controlled Voltage Processors (VP), qui permet de choisir une plage de début et de fin pour un paramètre donné, concept pas évident à comprendre et bien maitriser, mais par exemple: On peut moduler un vibrato à partir du "momentary switch", le VP permettra d'enclencher le vibrato, plus ou moins puissamment, ou le contraire c'est à dire d’interrompre le vibrato en appuyant sur le bouton, dans le cas où bien sur le son est programmé avec, hein, quoi bon. Considérons simplement que c'est l'interface entre une source de commande et un paramètre à moduler.
Finissons avec le clavier, qui se relie au "gros" par un énaurmeu câble 64 pins, qui possède de nombreuses sorties pour allocations diverses, un précieux joystick et un "momentary switch" ainsi qu'un curieux rotacteur nommé "KBD TRIGGER SELECT", qui déclenchera un ou des paramètres, par l'intermédiaire de l'enveloppe générale (GEG) ou des VP (Voltage processors), à partir d'un certain nombre de touche appuyées! Non? si!
Fonction étrange (et unique chez les constructeurs de synthés) s'il en est mais qui se révèlent à l'usage - si à ce stade vous n'avez pas craqué et revendu le dinosaure - fort intéressante, elle permet par exemple de faire passer un son de droite à gauche (en passant par la GEG) : on règle le rotacteur sur '4", on fait un accord de 3 notes et au 4e doigt qui s'abat sur le clavier, zou! le son se barre de l'autre coté, ou ouvre un filtre, ou rajoute un vibrato etc etc, sur le ps-3100 j'en eus abusé abondamment :p
Bizarre mais très intéressant au final!
Le son: comme je le disais plus haut, à nous les nappes et les sons évolutifs, l'on sortira des cordes somptueuses, des cuivres soyeux, même si le son basique du VCO manque un peu d'épaisseur, de densité. Dans les machines à diviseur le Polymoog a plus de "grain" (d'ailleurs c'est celui qui est le plus épais dans cette catégorie, je crois bien). Mais la machine permet de TOUT faire et de moduler dans tous les sens, une fois que l'on a compris sa philosophie on décolle (justement: on n'en décolle plus!) On se surprend même à faire des sons "naturels" de voix, de bois, de cuivres divers; on retrouve quasiment - pour peu que l'on tâte du joystick - l'expressivité des concept VL1 de chez Yamaha ou encore le Korg Prophecy dits "synthése à acoustique virtuelle" oui oui oui. Le son peut paraître parfois fin, parfois "naïf" aux dires d'utilisateurs de 3100 - car ils ont bel et bien le même son, et les même fonctions, le 3100 possédant un petit chorus intégré non réglable - souvent très poétique et surprenant. On retrouve le grain un peu râpeux des Korg de cette époque, sans égaler le "gras" du MS-10 ou 20, c'est fort dommage.
On reproche souvent à cette machine de ne pas descendre assez dans les graves, mais il existe une astuce pour baisser le clavier d'une octave ou plus: il faut raccorder la sortie d'un des VP ou du KBD TRIGGER SELECT dans l'entrée "external frequency control" sous le VCO et de régler le bouton "EXT INTENSITY CONTROL" de façon à obtenir l'octave inférieur, en accordant finement, ça se situe à peu près à 6 - 6,5...
Et la maintenance me direz-vous? Et bien c'est du bon Korg bien fiable, donc ça tient le coup dans le temps à condition de l'allumer au moins une fois par mois (comme tous nos vintages) SAUF les connecteurs sur lesquels les cartes sont enfichée, il y en a presque une quarantaine et ils sont particulièrement sensibles aux déplacement indélicats, on en trouve un modèle équivalent mais pas au micro-poil, alors il faut vraiment bien les placer lors de remplacement. de plus ils ne sont pas donnés, environs 15 ou 20€ pièce, vous me direz on en est plus à ça près! Sinon tous les composants sont remplaçables, donc un Korg PS se réparera toujours, évidemment dans le cas d'utilisation par un génie contemporain spécialiste du lâcher-de-piano-du-haut-de-5-étages-pour-voir-ce-que-ça-fait, je ne suis sur de rien.
Est ce que la côte ahurissante de l'engin (par le circuit classique d'annonce ou par un magasin comptez 10 000€ avec beaucoup de chance et jusqu'à 35 000 par le cycle "enchères - vémia, ebay etc) est justifiée par le son majestueux que sort ce gros bazar? Franchement, non. Mais pour peu que l'on soit vraiment passionné et patient, alors peut-être pourra t'on le trouver à un prix bien plus honnête - ce qui a été mon cas. La rareté de cet instrument (moins de cinquante exemplaires construits) et son architecture, ainsi que son look de central téléphonique (ou tableau de bord de Soyouz, selon la tournure poétique du musicien posté devant) en font un instrument d'exception très inspirant qui fera rêver encore longtemps des générations de synthésistes.
P.S. ce synthé était d'abord destiné à un réparateur parisien bien connu des spécialistes qui devait le remettre sur pied et partager le fruit de la vente avec le vendeur, mais il fallait lui amener à Paris...
Pour ma part je me suis déplacé.
https://soundcloud.com/fouxeu/melopee-pour-9
Fichiers audio liés à cet avis
00:0002:43