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Sujet La maison de disques du futur

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Sujet de la discussion La maison de disques du futur
Une idée m'est venue, je ne suis sans doute pas le premier à l'avoir mais je me lance. Vous êtes prévenus, c'est très long.

Quelle est la vocation première d'une maison de disques, si l'on met de côté les critères de rentabilité ? Diffuser la musique. Cela implique de détecter de nouveaux talents et entretenir la flamme chez leurs valeurs sûres ; je passe volontairement sur ces derniers pour me consacrer au lancement des nouveautés, seules à même de guérir l'industrie du disque de la nécrose dans laquelle elle se complaît depuis vingt ans.
Une maison de disques a donc en premier lieu un rôle de veille à la fois active et passive : faire le tri parmi les tonnes de démos reçues, mais aussi aller débusquer des artistes intéressants qui n'ont pas eu l'idée (ou l'envie) de postuler chez eux.
Ensuite ils ont la responsabilité de la fabrication du produit (et là je ne parle pas de l'artiste mais de son album), puis celle de la distribution. Vient enfin se greffer l'étape de la promotion, qui consiste (puisqu'à ce stade de mes élucubrations je ne parle toujours pas de gros sous) à dire au maximum de gens "écoutez, ça existe, ça s'appelle Trucmuche et c'est en vente chez les disquaires".

Venons-en maintenant au nerf de la guerre : la rentabilité.
Pour qu'un album soit rentable il faut amortir les coûts avec les recettes (bravo, Nico ! Là, c'est sûr, t'es pas le premier à y avoir pensé...). Un peu de comptabilité analytique niveau faible : certains coûts sont fixes, d'autres variables. Les coûts fixes, c'est tout ce qui va jusqu'à la fabrication du master, ainsi que la promotion. Les coûts variables, c'est tout ce qu'il y a entre (la fabrication des CD). Or tout le monde sait que ces deux types de coûts s'amortissent des deux mêmes façons, d'une part la quantité de fabrication (puisque le coût unitaire est dégressif), d'autre part la marge (prix de vente moins prix de revient unitaires). Ce qui arrive aux maisons de disques, et qu'elles veulent intégralement mettre sur le dos des méchants pirates, c'est que 1) le prix de vente trop élevé suscite incompréhension et écoeurement, et surtout 2) que les quantités fabriquées ne sont pas suffisamment écoulées (ou suffisamment rapidement).
Une de leurs erreurs est de ne pas avoir agi sur les bons leviers pour réduire leurs coûts. Comment ont-elles procédé jusqu’à présent (par ordre chronologique) ?
* La compilation. Le marché de la compilation a connu un essor gigantesque à la naissance du support CD, en proposant à tous les possesseurs de vyniles d’avoir en qualité CD le meilleur de leurs artistes préférés. Le mouvement s’est étendu aux compilations dites « various artists », qui sont en passe de définitivement tuer le marché du single, ce dont les labels ont également beaucoup de mal à se remettre. Là encore, les coûts de fabrication de la musique sont nuls.
* L’application paroxystique de la loi des 80/20 (20% des artistes génèrent 80% du chiffre d’affaires). Elle est progressivement devenue – sans que personne ne tire la sonnette d’alarme – une loi des 98/2, augmentant l’effort de distribution et de promotion sur les artistes les plus vendeurs et faisant tomber encore plus bas que les oubliettes où ils se trouvaient déjà les autres. C’est ce phénomène qui fait que de plus en plus la FNAC ressemble à un magasin vendant du carrelage de salle de bain. Que ceux qui ne sont pas d’accord répondent à cette question : si l’on vous avait dit il y a 10 ans que des types comme Jonasz ou Chamfort se feraient un jour virer par leur maison de disques pour rentabilité insuffisante, vous y auriez cru ?
* La Star Academy et ses dérivés. On s’affranchit non seulement des coûts de la détection, mais aussi de ceux de l’étude de marché et d’une partie de la promotion. Avant même qu’un gugusse soit entré en studio, il est déjà célèbre et on a même une idée de son potentiel.
* L’exploitation directe de la démocratisation du home studio. Des artistes comme Moby ou Daft Punk par exemple permettent à leurs labels de produire de la musique pour un coût proche de zéro.
Toutes ces pratiques relèvent d’une politique consistant non pas à adapter leur offre à la demande, mais à faire en sorte que la demande devienne ce qu’ils ont à offrir. La stratégie des maisons de disques est aux antipodes de celle de toute entreprise commerciale, et pourtant elles ne veulent pas s’entendre dire qu’elles marchent sur la tête…
Or donc, si les maisons de disques se plaignent aujourd’hui d’un « piratage » de la musique qui existe pourtant depuis l’avènement de la « compact cassette », c’est bien en raison d’un effort trop ciblé et d’un exercice trop dirigiste de leur métier. On ne rentabilise le coût de fabrication d’un album en en pressant un million que si ce million est effectivement vendu ; et les choses ne se passent pas de la sorte. C’est pour cette raison qu’un album vendu 22 euros passe à 13 à l’occasion d’opérations promotionnelles de plus en plus fréquentes : c’est le seul moyen qu’ont trouvé les maisons de disques pour écouler les albums pressés en trop grande quantité. A titre de comparaison, dans le monde du livre les invendus sont purement et simplement envoyés au pilon, car leur destruction coûte moins cher que leur stockage.

Si l’on se penche maintenant sur le fonctionnement d’à peu près toutes les industries, on tombe invariablement sur un principe encore une fois aux antipodes de l’industrie du disque : le flux tendu !
Pour ceux qui ne connaissent pas, le fonctionnement en flux tendu consiste à minimiser les coûts de stockage et à répartir dans le temps les coûts de fabrication. A titre d’exemple, si vous allez chez un concessionnaire auto pour faire changer la courroie de distribution de votre voiture, l’opération pourra difficilement être faite sans délai, car la courroie neuve n’a pas encore été fabriquée – dans la réalité, je caricature légèrement : les constructeurs fonctionnent avec un stock infime qui est renouvelé au fur et à mesure de son utilisation.

Et si la solution pour les maisons de disques était d’utiliser Internet comme support d’un fonctionnement en flux tendu ? Voilà à quoi pourrait ressembler une telle entreprise :

Je suis un jeune talent (ce qui concrètement n’est pas vrai, n’étant ni jeune, ni talentueux) repéré par un DA qui a adoré la démo que je lui ai envoyée, ou qui a flashé sur les morceaux téléchargeables trouvés sur mon site perso. Je signe avec la maison de disques un contrat d’exclusivité qui m’engage à ne pas mettre à disposition ma musique par des moyens alternatifs (j’enlève les téléchargements de mon site, donc). Elle participe plus ou moins à la fabrication de ma musique (en fonction de la qualité de mon home-studio et de mes compétences d’ingénieur du son). Le master fait, elle crée une page sur son site promotionnel où l’on pourra écouter en streaming – ou télécharger en qualité médiocre – certains de mes titres. Ces mêmes titres sont en écoute sur la web radio de la maison de disques, au milieu d’autres signatures du label. De mon côté, la rubrique audio de mon site devient un simple lien vers le site de ma maison de disques, pointant sur ma page.
Outre la promotion online, la maison de disques dispose de statistiques détaillées du nombre de téléchargements et du taux d’écoutes de mes morceaux. Comme en contrepartie de leur inscription gratuite au site, les auditeurs ont rempli un formulaire rempli de questions personnelles anodines mais bien utiles (tranche d’âge, sexe, profession, région de résidence…), la maison de disques connaît la population à cibler et peut se faire une idée du nombre de ventes prévisionnelles. Elle presse une quantité de CD qu’elle est certaine de vendre - ou un peu plus -, entame la promotion classique - presse musicale, disquaires, radios FM – et peut d’ores et déjà commencer à songer à me trouver des dates de concerts.
Ca, c’est si les choses se passent bien. Si ma musique a finalement peu de succès sur le net, elle renonce à presser les CD. Mes morceaux sont donc tous basculés sur une autre section du site, où ils sont téléchargeables à titre onéreux (modalités à définir), cette fois en qualité maximale.

Merci d’avoir lu jusqu’au bout, et merci également de dire ce que vous en pensez.
2
Si j'ai bien compris : le net comme marché test.

Problème de ce marché : il n'est pas représentatif du marché national.

Les personnes qui ont internet + le temps et la volonté de se rendre sur des sites de ce genre pour découvrir de facon active de nouveaux artistes ne correspondent pas forcement aux personnes qui achetent les disques "rentables".

Suis je passé à coté de quelque chose?
3
:bravo: :bravo: :bravo: ton avis, ta reflexion mérite d'être lu, c bien écris et en plus c'est censé!
" On rencontre quelque fois son destin sur la route qu'on a pris pour l'éviter. "
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Effectivement, c'est pas forcément représentatif, et on devrait pourvoir toujours acheter online les titres, mais c'est une bonne idée :)
L'inconvénient que j'y vois est qu'avant le CD, il faut déjà avoir investi pour mixer et masteriser l'album, ce qui nécessite un fond de roulement important - OK, les maisons de disques ont sans doute ce qu'il faut - et savoir qu'une grande partie de ces investissements sont à perte.
5
@slow_pulse_boy : Sur l'analyse :bravo:
Sur le contournement ... une prédiffusion web pourquoi pas.
Une prédiffusion radio aussi est possible.
6

Citation : Si j'ai bien compris : le net comme marché test.

Problème de ce marché : il n'est pas représentatif du marché national.

Si le marché du net était si petit et si peu représentatif, le peer-to-peer serait un petit problème, non ?

Citation : Les personnes qui ont internet + le temps et la volonté de se rendre sur des sites de ce genre pour découvrir de facon active de nouveaux artistes ne correspondent pas forcement aux personnes qui achetent les disques "rentables".

D'où l'intérêt de diffuser des petits jeunes pleins de promesses sur les web radios entre des valeurs plus établies. Et là, on toucherait aussi une petite partie des consommateurs de gros vendeurs.

Là où je suis d'accord avec toi par contre, c'est que le haut débit dans tous les foyers n'est pas pour demain. Les réseaux de distribution classiques ont encore de beaux jours devant eux, mais ça c'est quand même une bonne nouvelle AMA. Il y aura aussi toujours des gens (et j'en suis) qui revendiqueront le droit de posséder un objet : en l'occurence le CD et son livret.
7
:bravo: bien bien slow pulse...
effectivement, moi aussi , jvoyai un avenir tourné vers le net.. et un acces beaucoup plus facile au jeunes talent.. avec la démocratisation des site perso., ....
j'pense qu'internet ne peut qu'etre bénéfique pour la musique...
et ta conception du systeme est bien vue... j'pense que ya des chance pour que ca marche a peu pres comme ca dans quelques années....
8

Citation : Outre la promotion online, la maison de disques dispose de statistiques détaillées du nombre de téléchargements et du taux d’écoutes de mes morceaux.



Ce genre de chose est très faisable et existe sûrement déjà, mais ça n'implique pas forcément que le morceau téléchargé aura plu. On peut imaginer un morceau qui aura été téléchargé 10 000 fois et qu"une majorité aura trouvé mauvais (ou déplaisant, on raisonne en terme de goût) et bien évidemment, on ne vendra pas 10 000 CD si d'aventure on venait à les presser. Il n'y a pas de relation de cause à effet entre téléchargement et vente. Il faut tenir compte du critère d'appréciation.

Personnellement, je trouve aberrant de vouloir promouvoir de jeunes artistes sans aucune prise de risque. Les réactions du public sont parfois surprenantes et certains artistes desquels aucun "Directeurs Artistiques" (mot très usurpé pour ces gens-là) n'aurait donné cher ont eu un très grand succès, comme par exemple "Louise Attaque" qui s'est vu refoulé par Universal avant de rencontrer le succès avec une autre maison de disque.
A la limite, une Maison de disque pourrait établir un sytème de pré-commandes du genre : "si ça vous plait, vous payez, et si vous êtes tel nombre à payer, alors on presse le CD, voire on le produit et ensuite on le presse ! :8O: ". Mais même cette solution ne me plait pas car évidemment elle limite la diffusion aux internautes qui ne constituent pas une majorité des amateurs et consommateurs de musique. Ce genre de démocratie à huis clos ressemble trop à une oligarchie et par principe cela ne me plait pas.
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Citation : Ce genre de chose est très faisable et existe sûrement déjà, mais ça n'implique pas forcément que le morceau téléchargé aura plu. On peut imaginer un morceau qui aura été téléchargé 10 000 fois et qu"une majorité aura trouvé mauvais (ou déplaisant, on raisonne en terme de goût) et bien évidemment, on ne vendra pas 10 000 CD si d'aventure on venait à les presser. Il n'y a pas de relation de cause à effet entre téléchargement et vente. Il faut tenir compte du critère d'appréciation.

Ah ça...
Je bosse dans l'informatique et j'ai quelques notions des outils décisionnels que les cadres supérieurs se font bâtir pour bosser. Avec des statistiques de téléchargement et d'écoute en ligne, les informations personnelles et des systèmes de sondage, il y a là matière à croiser les infos dans tous les sens tout en appliquant à volonté des coefficient (intégrer une marge de sécurité correspondant à la proportion de fakes, calculer un ratio entre nombre de "hits" et nombre de ventes, etc.).
Je suis d'accord que tout cela n'est pas trivial, c'est vraiment une autre approche du boulot pour les maisons de disques, avec de nouveaux outils et une nouvelle optique. A eux de voir s'ils sont prêts, pour sauver leur métier, à changer de méthode de travail, où s'ils préfèrent l'immobilisme et le passage en force pour rester un lobby comme c'est actuellement le cas.

Citation : Personnellement, je trouve aberrant de vouloir promouvoir de jeunes artistes sans aucune prise de risque.

+1.
Mais où est la prise de risque ?
Actuellement, le risque est de presser en quantité industrielle et se retrouver avec un énorme stock d'invendus. Avec un système de prédiffusion, le risque est le même mais il est minoré pour peu que les indicateurs soient analysés correctement.

Citation : A la limite, une Maison de disque pourrait établir un sytème de pré-commandes du genre : "si ça vous plait, vous payez, et si vous êtes tel nombre à payer, alors on presse le CD, voire on le produit et ensuite on le presse ! ". Mais même cette solution ne me plait pas car évidemment elle limite la diffusion aux internautes qui ne constituent pas une majorité des amateurs et consommateurs de musique.

La souscription, j'y ai pensé, mais c'est une horreur à mettre en oeuvre : tu reçois des chèques, et s'ils sont en nombre insuffisant tu dois les renvoyer ! Quand à réellement payer d'avance, c'est de la prise d'otages pure et simple.

Citation : Ce genre de démocratie à huis clos ressemble trop à une oligarchie et par principe cela ne me plait pas.

Je ne sais pas si tu parles de mon idée ou de la précommande...
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Ce qui ne plait pas dans le sytème de sélection via internet, puisqu'il s'agit au fond de cela, internet étant utilisé comme média pour "tester" le public, c'est qu'une frange seulement de la population va choisir et établir quel disque et quel genre de musique aura le droit d'être pressé ou non. Finalement, à terme, nous allons nous retrouver avec un paysage musical qui va être celui du goût des internautes qui, rappelons-le, ne constituent pas la majorité du public musical.
Ce que je pointe du doigt, c'est un danger pour la diversité des expressions musicales car dans ce système, le but final n'est que de faire de l'argent à coup sûr, sans aucune prise de risque. Ne presser que les disques avec lesquels nous sommes sûr de faire des bénéfices (une maison de disque actuellement ne se contenterait pas de simplement se rembourser sur des ventes, sans gains) va induire un nivellement des expressions musicales. Pour moi ce système est un danger pour la diversité culturelle. Avec ce genre de méthode, il faut se poser clairement la question du but recherché...


Qu'il était bon le temps (bientôt ?) révolu des mécènes !!! :|


Est-ce qu'un jour on pourra prévoir son prochain pet ? Au moins ça, ça serait marrant !