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Sujet Dernier édito de Daniel Schneidermann dans le Monde radio télé !

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Sujet de la discussion Dernier édito de Daniel Schneidermann dans le Monde radio télé !
Dingue cette histoire !!!

[quote=Daniel Schneidermann]
par Daniel Schneidermann
Une chronique à la mer
LE MONDE TELEVISION | 03.10.03 • MIS A JOUR LE 03.10.03 | 18h24

Ces lignes sont envoyées à qui pourra les lire, c'est-à-dire peut-être presque personne. A l'heure où elles sont écrites, on ne sait pas encore si elles seront composées, mises en page ou imprimées. Peut-être, pour lire cette dernière chronique, faudra-t-il à quelques téméraires se risquer dans des catacombes inattendues, braver les éboulis, se munir de lampes-torches. "Le Monde est un journal qui se mérite", disait, paraît-il, notre fondateur Hubert Beuve-Méry. Eh bien, cette dernière chronique est un retour aux sources : il faudra la mériter. Le chroniqueur la jette comme chronique à la mer, à charge aux vents et marées de la porter vers le continent incertain.

Elle raconte une drôle de fiction, à moins que ce ne soit un documentaire. C'est l'histoire d'un journaliste, licencié par la direction de son journal parce qu'il a critiqué cette même direction. Cela ne se fait pas, paraît-il. On ne critique pas sa direction. On peut critiquer (et Le Monde y encourage) Jean-Pierre Raffarin, Johnny Hallyday, George Bush, Tony Blair, Alain Delon, Vladimir Poutine, le pape, le dalaï-lama. On peut critiquer à satiété la direction d'un parti politique. Même "à l'extérieur" du parti politique. Les médias y encouragent. Même (et surtout) Le Monde. Ils appellent cela "la nécessité de la transparence". Cela vaut pour les partis politiques, les comptes des entreprises, le contenu des bidons des coureurs cyclistes. Mais pas pour la direction du Monde. La direction du Monde (Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel - mais a-t-on seulement le droit, sans blasphémer, de prononcer Leurs Noms ?) est sacrée. C'est ainsi.

Depuis plus de dix ans, ce journaliste racontait ce qu'il avait vu à la télévision. Il avait chroniqué des images d'actualité, des jeux, des téléfilms, des documentaires. Il avait connu des semaines inspirées et des semaines creuses, des chroniques plus ou moins pertinentes, mais toutes revendiquaient une qualité : la sincérité. Même injustes, excessives, polémiques, contestables (et souvent contestées) elles étaient écrites au plus près du ressenti, tentant de lier ensemble l'émotion, les convictions et l'analyse. Tel était le pacte. Puisque entre un journaliste - ou un journal - et ses lecteurs existe toujours un pacte, le plus souvent informulé, mais toujours intériorisé par les lecteurs.

De fil en aiguille, ce chroniqueur en arriva à porter le regard sur les dirigeants de son propre journal. Il lui apparut en effet que le refus de reconnaître ses erreurs, l'abus de pouvoir, l'obsession de l'influence, une certaine tendance au sensationnalisme diagnostiqués dans les chaînes de télévision se pouvaient aussi rencontrer dans les hautes sphères de son propre journal. Il l'écrivit. D'abord dans le journal. Puis - circonstance aggravante - dans un livre. Que n'avait-il fait ? Il s'était exprimé, tonnèrent les dirigeants, "à l'extérieur". C'est exact. Mais avec une bonne raison, chefs, protesta-t-il : c'est "à l'extérieur" que se trouvent ceux qui nous justifient, c'est-à-dire nos lecteurs. Il fut donc licencié, au motif qu'il avait "porté atteinte aux intérêts de l'entreprise de presse" (article 3b de la convention collective des journalistes). Bigre !

Vaste notion, "les intérêts de l'entreprise de presse". Il lui semblait pourtant au contraire que "les intérêts de l'entreprise de presse" imposent d'abord que ses lecteurs, qui en sont les derniers arbitres, soient satisfaits. Ils doivent donc être persuadés qu'elle ne leur cache rien, qu'elle les informe loyalement et sans restriction, qu'elle ne limite pas ses débats à quelques opinions jugées par avance acceptables. Ce qui porterait atteinte "aux intérêts de l'entreprise de presse", ce serait de ne pas autoriser un chroniqueur licencié à expliquer lui-même, à celles et ceux qui le lisent depuis plus de dix ans, les raisons pour lesquelles on se sépare de lui. Et, après un quart de siècle, à le virer du jour au lendemain, comme dans un téléfilm américain.
[quote]
2
Et la réponse du Monde qui laisse sans voix. :|

Citation : Les raisons d'un licenciement

LE MONDE TELEVISION | 03.10.03 • MIS A JOUR LE 03.10.03 | 18h27

La direction du "Monde" a décidé de mettre fin à la collaboration de Daniel Schneidermann, producteur de l'émission "Arrêt sur images" sur France 5. Il assurait depuis janvier 1995 la chronique de notre supplément hebdomadaire consacré à la télévision et à la radio. Les motifs de cette décision sont expliqués dans la lettre qui lui a été envoyée le mercredi 1er octobre et que nous reproduisons ci-dessous.
Monsieur,

A la suite de l'entretien préalable que nous avons eu le 29 septembre 2003, la société éditrice du Monde entend, par la présente, vous notifier votre licenciement.

La raison en est que vous publiez, aux éditions Denoël, un livre intitulé Le Cauchemar médiatique dont la mise en librairie est annoncée pour le 2 octobre, mais qui circule depuis déjà plusieurs jours dans toutes les rédactions.

Sous prétexte de décrire ce qu'a été - ou aurait été - la réaction du journal Le Monde à la suite de la publication du livre de MM. Péan et Cohen, vous écrivez que ce livre "suinte la volonté de détruire et est truffé d'erreurs flagrantes" ; mais, vous ajoutez qu'"il repose aussi sur un incontestable "noyau dur" de faits vrais ou vraisemblables, d'authentiques dysfonctionnements", et que l'"incapacité de la direction du journal à opposer au livre une contre-enquête crédible, fut une sorte d'aveu".

Ce faisant, vous apportez votre soutien à MM. Péan et Cohen contre lesquels, vous le savez, Le Monde et ses dirigeants ont engagé une procédure en diffamation.

Votre livre est en réalité un véritable réquisitoire contre Le Monde et ses dirigeants.

Vous comparez en effet, ses dirigeants à "un clan sicilien" et les attaques que vous portez contre eux sont multiples.

Les attaques que vous portez contre le journal sont tout aussi nombreuses, puisque vous y dénoncez notamment sa politique éditoriale, les enquêtes qu'il publie et son prétendu refus de reconnaître ses erreurs. Et ce, dans des termes si violents que vous n'hésitez pas à écrire à propos d'un éditorial que c'est "l'éditorial de trop" et qu'il vous "horrifie" ; et vous posez la question : "Pouvons-nous continuer à nous emballer de la sorte et à délirer sans lendemain ?".

J'ajoute, toujours à titre d'exemple, que vous jetez la suspicion sur ce que seraient les comptes du Monde, puisque vous écrivez que "le journal ne pratique pas à l'égard de ses propres comptes le traitement qu'il exige des autres", alors que le journal a dénoncé à maintes reprises dans un passé récent des comportements financiers illicites voire délictuels. Vous comprendrez que cela est intolérable.

On est loin de l'exigence dont vous dites qu'elle doit être celle d'un journaliste lorsque vous écrivez que, "évidemment", vous n'aviez jamais "critiqué la direction dans les colonnes du journal", car, écrivez-vous, "je considère qu'il est équitable, si le chroniqueur souhaite chroniquer librement, que la direction puisse diriger librement. Chacun son rôle".

Un journaliste se doit d'avoir à l'égard de l'entreprise qui l'emploie un minimum de loyauté. Il manque de façon évidente à ses obligations lorsqu'il se livre auprès du public à une entreprise de dénigrement de son journal. Notamment en rapportant, dans un livre, des conversations professionnelles tenues en privé à l'intérieur de l'entreprise et dans le cadre de ses fonctions.

L'entreprise de dénigrement à laquelle vous vous êtes livré, tout au long du chapitre de votre livre consacré au Monde, et dont vous ne pouvez bien évidemment pas ignorer le tort qu'elle cause au journal, constitue une cause réelle et sérieuse justifiant votre licenciement.

Votre préavis de deux mois débutera à la première présentation de la présente lettre. Vous êtes dispensé de l'exécution de votre préavis.

[Suivent des précisions sur les modalités de la cessation de collaboration.]

3

Citation : une cause réelle et sérieuse


Il l'a dans l'os pour des indemnités de licenciement, le Schneidermann.

ben voui, ça existe et c'est choquant ce genre de procédé, mais n'est-ce pas le lot commun de tout salarié ? On n'a pas le droit de critiquer sa direction.
J'ai déjà vu ça de près.

L'entreprise (quelle qu'elle soit) n'est pas un espace de lliberté, ni une démocratie. Le modèle s'apparenterait plus à un gouvernement despotique qu'autre chose.
La Corporate Governance, c'est un joli mot pour cacher des pratiques dictatoriale qui elles, ont toujours existé.





Ah oui, en tant que semeur de terreur et d'effroi, je suis bien évidemment du côté de la direction du Monde, ce coup-là. Non mais. :8)