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FrCr10
« PETIT PRIX, GROS SON !!! »
Publié le 30/06/18 à 13:43
Rapport qualité/prix :
Excellent
Cible :
Tout public
Le principal reproche que l’on peut faire à ce petit expandeur, c’est son faible prix. Pour optimiser sa performance et la rendre parfaitement abordable, les équipes de Wolfgang Düren ont forcément réduit les coûts et fait des concessions. Par exemple, il n’y a pas d’interrupteur marche/arrêt. Pour ma part, je dirais qu’on s’en fout complètement. Quand je le branche, ce n’est pas pour l’éteindre. Je pense surtout que ces inconvénients ne font pas le poids face aux nombreux avantages de la machine.
Waldorf, la marque, c’est une ville d’Allemagne. Si on est à cheval sur les convenances et les conventions, ce qui pourrait nous désarçonner devant cette boîte noire, c’est son nom : Streichfett. Littéralement, on devrait le traduire par « graisse à tartiner », terminologie que l’on s’attend à rencontrer sur l’étiquette des pots de Nutella, mais certainement pas sur un synthétiseur. Pourtant, il s’appelle bien « graisse à tartiner » en Allemand. Et il le porte bien, son nom. En voilà de belles tartines… Dès les premières minutes de la prise en main, on est déjà transporté…
En quelques sons, on retrouve des références cinématographiques, des évocations de ce qui a fait l’univers sonore de John Carpenter sur ASSAULT ON PRECINCT 13 et ESCAPE FROM NEW-YORK, ce qu’on a découvert par Walter « Wendy » Carlos sur A CLOCKWORK ORANGE et retrouvé dans ses leads atmosphériques au Moog en collab avec Rachel Elkind-Tourre sur le Dies Irae en main title et The Rocky Mountains pour THE SHINING, mais aussi les pads de Vangelis Papathanassiou sur MISSING et les leads de BLADE RUNNER et CHARIOTS OF FIRE, ainsi que les soundtracks de Giorgio Moroder, notamment pour la version américaine de THE NEVERENDING STORY.
J’ai beau avoir déjà du matériel en synthétiseurs, ce petit Streichfett trouve sa place et s’impose. Si vous êtes un fervent adepte du vacarme des décibels et féru des hurlements amplifiés et saturés, vous pensez sans doute savoir ce qu’est un « gros son bien gras ». Eh bien, un gros son n’est pas obligatoirement un bruit assourdissant ! Un gros son, pour l’oreille du connaisseur, c’est juste et simplement un son qui a du corps, de la présence, de la profondeur, du grain, de la texture, de la densité, du timbre, et pas seulement parce qu’on a augmenté les niveaux de sortie au-delà de l’audible.
Un gros son, c’est un son riche en harmoniques, souvent boosté et modulé en fréquence sur trois octaves, au moyen d’un sub-oscillateur et d’un super-oscillateur. C’est une sonorité gonflée qui a subi un layering, qui l’a multiplié en faisant varier les paramètres de ses couches. C’est un son qui a fait l’objet d’une compression et d’une égalisation combinées qui modifient son spectre, afin de donner l’impression d’un meilleur rendu en amplitude et en dynamique, alors même que ces deux notions ont été bafouées.
Autrement dit, un gros son, c’est souvent un son qu’on a bidouillé, truqué, falsifié, dénaturé, trafiqué et sur lequel on a appliqué tellement d’effets qu’on a certainement perdu beaucoup de temps à le traiter. Et on se retrouve en studio avec un unisson sur plusieurs pistes, parce qu’il était tellement faiblard qu’on l’a multiplié et renforcé dans les graves, pour lui donner un début de chaleur sonore. On le fait passer par des compresseurs à lampe et autres ampli à tube pour que la technologie lui apporte ce qu’il était incapable de produire initialement. Et si je vous disais que ce gros son qu’on cherche depuis des lustres, il sortait tout bêtement du générateur du Streichfett, sans prise de tête ? Un gros son se révèle souvent par la belle harmonie d’un accord.
Le Streichfett, polyphonique jusqu’à 128 notes, est né en 2014, quasiment un an après son frère paraphonique, le Rocket, souvent apprécié pour son prix et son arpéggiateur. Le Streichfett compense l’absence de ce dernier par l’originalité de proposer le morphing — passage progressif — entre les différents types de son, qui portent des noms d’instruments acoustiques mais ne leur ressemblent pas. Sur une nappe planante, l’effet est bluffant. On est dans de la bonne vieille cuisine à la Kraftwerk, à la Jean-Michel Jarre, à la Tangerine Dream et à la Klaus Schulze. C’est-à-dire du lourd.
Aussi « deep » qu’il soit, le Streichfett est souvent dénigré comme instrument typé 70’s. Et je conteste cette classification rédhibitoire, qui suppose une certaine obsolescence, alors même que nous sommes en présence d’un appareil qu’aucune autre marque n’a encore eu l’idée ou pris l’initiative d’inventer. Rammstein, Apocalyptica, Oomph!, Eisbrecher, Laibach et MXD, c’est du gros son. Sont-ils rétro ? Si vous préférez Etienne Daho ou si vous jouez du bal musette à l’accordéon le dimanche après-midi à l’hospice, vous ne savez pas ce qu’est un gros son, et vous n’êtes pas acheteur potentiel de ce Streichfett. Pourtant, vous êtes bel et bien rétro.
Pour être rétro, il faudrait que ce Streichfett ait eu un équivalent dans le passé. Or, son style vintage me fait plus penser à un millésime, une bonne cuvée, incomparable, et qui va se bonifier, comme on peut le dire d’un son de Stratocaster ou de Moog. Le comble de l’absurde, c’est quand ce qui est démodé revient à la mode. Alors, épargnez-nous vos jugements désuets ! Vous avez beau tartiner, au petit-déj ou à l’apéro… Le Streichfett porte un nom qui résiste à tout, même au temps. C’est un plat de résistance, prêt à nourrir vos compositions et vos enregistrements, passés, présents ou à venir. Vous ne ferez du rétro que si vous l’utilisez à faire du rétro.
Plutôt que faire de la marmelade avec des synthés inconsistants, et être ensuite contraints d’élargir la palette sonore à l’Overdrive pour ajouter du parasite et rendre plus crasseux le son, plutôt qu’avoir recours à du fuzz, pour écrêter le signal et le distordre, ou à du chorus et du delay pour multiplier le signal à défaut d’en avoir un bon dès le départ, plutôt qu’ajouter du flanger et du phaser à de la bouillie pour les chats, à votre place, je ferais déjà un bon gros son comme celui qui sort du Streichfett. On a beau dire tout ce qu’on veut : il vaut mieux affiner un gros son que gonfler artificiellement un son trop maigre et trop pauvre.
Et si vous cherchez de l’effet, de toutes façons, vous avez, directement sur son panneau de commandes, un échantillon de ce qu’on peut faire : un petit LFO, un petit phaser, une petite réverb, un petit trémolo. Mais le principal est indescriptible : le gros son qui sort de cette petite bécane, il faut l’écouter, pour se rendre compte de ce qu’elle envoie. Et vous serez comme moi : transporté.
Waldorf, la marque, c’est une ville d’Allemagne. Si on est à cheval sur les convenances et les conventions, ce qui pourrait nous désarçonner devant cette boîte noire, c’est son nom : Streichfett. Littéralement, on devrait le traduire par « graisse à tartiner », terminologie que l’on s’attend à rencontrer sur l’étiquette des pots de Nutella, mais certainement pas sur un synthétiseur. Pourtant, il s’appelle bien « graisse à tartiner » en Allemand. Et il le porte bien, son nom. En voilà de belles tartines… Dès les premières minutes de la prise en main, on est déjà transporté…
En quelques sons, on retrouve des références cinématographiques, des évocations de ce qui a fait l’univers sonore de John Carpenter sur ASSAULT ON PRECINCT 13 et ESCAPE FROM NEW-YORK, ce qu’on a découvert par Walter « Wendy » Carlos sur A CLOCKWORK ORANGE et retrouvé dans ses leads atmosphériques au Moog en collab avec Rachel Elkind-Tourre sur le Dies Irae en main title et The Rocky Mountains pour THE SHINING, mais aussi les pads de Vangelis Papathanassiou sur MISSING et les leads de BLADE RUNNER et CHARIOTS OF FIRE, ainsi que les soundtracks de Giorgio Moroder, notamment pour la version américaine de THE NEVERENDING STORY.
J’ai beau avoir déjà du matériel en synthétiseurs, ce petit Streichfett trouve sa place et s’impose. Si vous êtes un fervent adepte du vacarme des décibels et féru des hurlements amplifiés et saturés, vous pensez sans doute savoir ce qu’est un « gros son bien gras ». Eh bien, un gros son n’est pas obligatoirement un bruit assourdissant ! Un gros son, pour l’oreille du connaisseur, c’est juste et simplement un son qui a du corps, de la présence, de la profondeur, du grain, de la texture, de la densité, du timbre, et pas seulement parce qu’on a augmenté les niveaux de sortie au-delà de l’audible.
Un gros son, c’est un son riche en harmoniques, souvent boosté et modulé en fréquence sur trois octaves, au moyen d’un sub-oscillateur et d’un super-oscillateur. C’est une sonorité gonflée qui a subi un layering, qui l’a multiplié en faisant varier les paramètres de ses couches. C’est un son qui a fait l’objet d’une compression et d’une égalisation combinées qui modifient son spectre, afin de donner l’impression d’un meilleur rendu en amplitude et en dynamique, alors même que ces deux notions ont été bafouées.
Autrement dit, un gros son, c’est souvent un son qu’on a bidouillé, truqué, falsifié, dénaturé, trafiqué et sur lequel on a appliqué tellement d’effets qu’on a certainement perdu beaucoup de temps à le traiter. Et on se retrouve en studio avec un unisson sur plusieurs pistes, parce qu’il était tellement faiblard qu’on l’a multiplié et renforcé dans les graves, pour lui donner un début de chaleur sonore. On le fait passer par des compresseurs à lampe et autres ampli à tube pour que la technologie lui apporte ce qu’il était incapable de produire initialement. Et si je vous disais que ce gros son qu’on cherche depuis des lustres, il sortait tout bêtement du générateur du Streichfett, sans prise de tête ? Un gros son se révèle souvent par la belle harmonie d’un accord.
Le Streichfett, polyphonique jusqu’à 128 notes, est né en 2014, quasiment un an après son frère paraphonique, le Rocket, souvent apprécié pour son prix et son arpéggiateur. Le Streichfett compense l’absence de ce dernier par l’originalité de proposer le morphing — passage progressif — entre les différents types de son, qui portent des noms d’instruments acoustiques mais ne leur ressemblent pas. Sur une nappe planante, l’effet est bluffant. On est dans de la bonne vieille cuisine à la Kraftwerk, à la Jean-Michel Jarre, à la Tangerine Dream et à la Klaus Schulze. C’est-à-dire du lourd.
Aussi « deep » qu’il soit, le Streichfett est souvent dénigré comme instrument typé 70’s. Et je conteste cette classification rédhibitoire, qui suppose une certaine obsolescence, alors même que nous sommes en présence d’un appareil qu’aucune autre marque n’a encore eu l’idée ou pris l’initiative d’inventer. Rammstein, Apocalyptica, Oomph!, Eisbrecher, Laibach et MXD, c’est du gros son. Sont-ils rétro ? Si vous préférez Etienne Daho ou si vous jouez du bal musette à l’accordéon le dimanche après-midi à l’hospice, vous ne savez pas ce qu’est un gros son, et vous n’êtes pas acheteur potentiel de ce Streichfett. Pourtant, vous êtes bel et bien rétro.
Pour être rétro, il faudrait que ce Streichfett ait eu un équivalent dans le passé. Or, son style vintage me fait plus penser à un millésime, une bonne cuvée, incomparable, et qui va se bonifier, comme on peut le dire d’un son de Stratocaster ou de Moog. Le comble de l’absurde, c’est quand ce qui est démodé revient à la mode. Alors, épargnez-nous vos jugements désuets ! Vous avez beau tartiner, au petit-déj ou à l’apéro… Le Streichfett porte un nom qui résiste à tout, même au temps. C’est un plat de résistance, prêt à nourrir vos compositions et vos enregistrements, passés, présents ou à venir. Vous ne ferez du rétro que si vous l’utilisez à faire du rétro.
Plutôt que faire de la marmelade avec des synthés inconsistants, et être ensuite contraints d’élargir la palette sonore à l’Overdrive pour ajouter du parasite et rendre plus crasseux le son, plutôt qu’avoir recours à du fuzz, pour écrêter le signal et le distordre, ou à du chorus et du delay pour multiplier le signal à défaut d’en avoir un bon dès le départ, plutôt qu’ajouter du flanger et du phaser à de la bouillie pour les chats, à votre place, je ferais déjà un bon gros son comme celui qui sort du Streichfett. On a beau dire tout ce qu’on veut : il vaut mieux affiner un gros son que gonfler artificiellement un son trop maigre et trop pauvre.
Et si vous cherchez de l’effet, de toutes façons, vous avez, directement sur son panneau de commandes, un échantillon de ce qu’on peut faire : un petit LFO, un petit phaser, une petite réverb, un petit trémolo. Mais le principal est indescriptible : le gros son qui sort de cette petite bécane, il faut l’écouter, pour se rendre compte de ce qu’elle envoie. Et vous serez comme moi : transporté.