Yamaha tient depuis maintenant fort longtemps une place de leader dans le monde de la console numérique, notamment en live. C’est toutefois côté studio que Yamaha a choisi de relever un autre challenge avec la N8 et la N12 : la totale intégration entre une console numérique et un logiciel DAW, tout en conservant une utilisation de type 'console analogique'.
Car, ne vous y trompez pas, sous ses airs de console classique, sans écran rétro éclairé ni succession de menus, sous-menus et sous-sous-menus, la N12 que nous testons aujourd’hui est bien une console numérique ! Derrière ce choix ergonomique, Yamaha souhaite rendre le workflow entre l’inspiration et l’enregistrement le plus simple possible, tout en profitant de fonctionnalités rendues possibles uniquement par le numérique dans une gamme de prix raisonnable.
Promesse tenue ? Voyons voir !
La N12 est tout d’abord de taille vraiment imposante pour une 8 voies. La finition est excellente et la surface de travail large est très ergonomique, si vous trouvez la place pour l’installer. La belle possède 4 zones de travail distinctes : Les voies de la console proprement dites, une section bargraphe / auxiliaires et gestion des casques, une section très complète de monitoring et enfin l’interface de contrôle du logiciel DAW. Nous reviendrons en détail sur chacune de ces zones de travail.
Ce qui saute de prime abord aux yeux, c’est l’ergonomie simple et efficace de la N12. On est bien dans une mentalité 1 bouton = 1 fonction. Pour les allergiques des défilements de paramètres comme moi, c’est un vrai plus ! Les contrôles sont clairs et explicites, et à part quelques fonctions nécessitant l’ouverture du manuel, la prise en main de la partie console proprement dite est immédiate.
Les voies de la console
La N12 possède 8 voies mono préamplifiées et 2 voies stéréo. Les voies mono possèdent donc un préampli développé spécifiquement par Yamaha pour cette série. À la différence des préamplis équipant d’autres consoles de la marque, réputés neutres et chirurgicaux sur la 01V96 par exemple, ceux de la N12 ont été développés dans un esprit de caractère vintage grâce à une série de composants custom, notamment les condensateurs. À l’usage ceux-ci se révèlent effectivement d’un bon niveau, avec un bas assez présent et doux.
Chaque section de préamplification possède un Pad, un coupe-bas à 80hz et un switch d’inversion de phase. À noter que sur la tranche numéro 8, celui-ci est remplacé par un sélecteur d’impédance « Hi-Z » qui vous permettra de brancher une guitare ou une basse dans la console sans passer par une boite de direct externe.
Côté connectique en face arrière, chaque voie mono possède une entrée XLR et une entrée au format jack symétrique. Un insert est quant à lui présent sur toutes les voies. On notera en outre la présence de 2 switches permettant de choisir entre le signal analogique et le signal en provenance du DAW sur chacune des voies. C’est donc bien 8 signaux mono et 2 signaux stéréo en provenance d’un séquenceur logiciel qui peuvent être traités par les tranches de la N12.
Yamaha a donc particulièrement soigné cette partie preamplification, et pour cause, puisque c’est la seule partie du signal qui soit analogique ! Dès la sortie du préampli, le signal est numérisé, et les traitements ultérieurs sont donc complètement numériques.
Ça compresse
Disponible sur les 8 voies mono, le premier de ces traitements est un compresseur fonctionnant de manière un peu ésotérique. Basé sur une technologie baptisée ‘Sweet Spot Morphing’, ce compresseur est basé sur des presets développés pour Yamaha par des ingénieurs du son et producteurs professionnels. 5 presets sont accessibles via le bouton ‘Morph’, sachant que comme son nom l’indique il est possible d’avoir un effet de morphing entre 2 presets. Le bouton Drive quant à lui gère le niveau de compression que l’on désire appliquer à la piste.
À l’usage, ce compresseur est très simple d’accès et sonne de manière tout à fait convaincante tant qu’on ne le pousse pas dans ses retranchements. Un bon outil anti prise de tête. Sachez aussi que de nombreux presets sont en préparation et seront téléchargeables sur le site de Yamaha (www.yamahasynth.com) via le logiciel ‘Sweet Spot Data Manager’.
Égalisation & réverbération
L’égalisation est disponible sur l’ensemble des 10 tranches de console. Elle est relativement classique, et est composée de réglages des hautes fréquences (+ ou – 18dB à 10kHz) et basses fréquences (+ ou – 18dB à 90Hz) en Shelving, complétés par un médium paramétrique (100Hz-10kHz). Cette égalisation se révèle très peu typée, mais efficace, permettant de travailler n’importe quelle source audio.
Le traitement entièrement numérique de l’audio de la N12 permet un ajout de taille à cette console : Une réverbe ! Et non des moindres puisqu’on retrouve 3 algorithmes (Room, Hall et Plate) ‘Rev-X’ disponibles notamment sur le multieffet SPX-200 de la marque. Ces algorithmes sont d’une grande qualité et j’avoue avoir craqué pour le mode ‘plate’ assez imparable sur une guitare. Un vrai bonus donc ! Cette réverbe est donc disponible sur un ‘Aux’ interne de la console, un potard permettant d’en doser le niveau sur chaque tranche.
Auxiliaires, Master et autres…
Justement, il est à noter que chaque tranche possède un départ auxiliaire permettant de diriger le signal vers des sorties dédiées, mais qu’aucun retour physique n’est disponible. En effet, ce départ auxiliaire est pensé pour gérer un mix ‘musicien’ lors d’un enregistrement par exemple. Il faudra donc impérativement utiliser une ou plusieurs tranches de la console comme retour si l’on souhaite utiliser un effet en auxiliaire. Notez aussi que le signal du talback intégré de la console passe par ces sorties auxiliaires, et qu’il sera donc dans ce cas impossible de l’utiliser en même temps qu’une réverbe par exemple, sinon votre voix se retrouvera en façade ! Dommage ! Un ‘Aux’ supplémentaire n’aurait pas été superflu notamment en situation live.La section master permet quant à elle, en plus de la gestion du niveau général, de gérer le routing des différents signaux, en provenance du DAW ou des entrées ‘2 track’ vers les sorties Aux, Control Room ou Stéréo. Il est à noter que tout comme les autres voies, la voie master est pourvue d’un fader de 100mm non motorisé, souple et précis.
La section de gestion des Aux et des sorties casques est à la fois classique et complète. L’une des sorties reproduit le mix de la sortie auxiliaire (typiquement pour le musicien en enregistrement) et l’autre reproduit celui de la sortie Control Room (pour l’ingé son). Les bargraphes généraux quant à eux sont précis, au contraire de ceux disponibles sur chaque voix et qui se résument à 4 diodes.
Passons ensuite à la section ‘Control Room’ très complète sur la N12. La volume général de la control room est géré par un gros potard, et différents switches permettent de sélectionner les différentes paires de sorties (6 sur la N12) et la source des signaux à monitorer, qu’elle soit issue de la console ou du logiciel DAW.
Cubase AI et la section DAW Remote control
Avant de passer à la description de cette section, il convient de changer d’univers pour passer sur le PC ou le MAC qui sera le compagnon de votre N12. Fruit du rachat de Steinberg par Yamaha, la convergence entre hardware et software est au cœur du système N12, et celle-ci est livrée avec une version spéciale de Cubase 4, nommée Cubase AI, dont je vais vous parler un peu plus en détail…L’installation des drivers de la N12 sur mon PC s’est faite sans aucun souçi (attention toutefois au chipset de votre carte Firewire – voir liste des compatibilités sur cette page). Il n’en est malheureusement pas de même pour Cubase AI, qui, s’il nous évite le sempiternel dongle USB, nécessite une procédure d’enregistrement, longue, fastidieuse et requérant une connexion internet. Passé cette petite demi-heure de sueurs froides et de déconnexions intempestives, Cubase consent enfin à démarrer et la N12 est immédiatement détectée.
Côté logiciel, Cubase AI possède très peu de limitations par rapport à Cubase 4. Gageons que 48 pistes audio et 64 pistes MIDI sont suffisantes pour 99% des utilisateurs de la N12 ! Au premier abord, une limitation des instruments VST apparait : En effet le stack de VSTi de Cubase AI ne contient que 2 slots. C’est un peu court ! Toutefois, on s’aperçoit que ce problème est aisément contournable grâce à l’une des nouvelles fonctionnalités de Cubase 4 : Les « pistes instruments ». Au nombre de 16, elles permettent d’associer directement un VSTi à une piste, sans passer par le stack. Ces pistes ne sont toutefois que mono-timbrales. Pour certains softs multi-timbraux tels que les batteries virtuelles, il faudra utiliser le stack. En tous cas, c’est vraiment bien pour une version « Bundle » : on dispose d’un véritable tout-en-un de qualité, là où d’autres constructeurs proposent des versions d’essai ou bridées à outrance.
C’est donc lorsque Cubase et la N12 sont utilisés de concert qu’on se rend parfaitement compte de l’ergonomie hardware / software du système, jugez plutôt des possibilités :
Tout d’abord, la section DAW Remote Control de la N12 permet de réaliser 90 % des opérations de tracking sur Cubase. Sélectionner les voies, les armer en enregistrement ou naviguer dans le morceau, bref, toutes les commandes habituelles de transport sont présentes, et efficaces.
Les choses vont plus loin qu’un contrôleur classique lorsqu’on utilise les différents « Work Mode » proposés par la N12 : en ST Mix, les signaux en provenance de la N12 sont enregistrés dans Cubase et ressortent en stéréo sur le Master et sur les différentes sorties Control Room de la console, de manière classique.
En mode Hardware Mix, il devient possible de faire ressortir 10 pistes de Cubase sur chacune des 10 tranches de la console, pour mixer ‘dans la boite’. On peut ainsi profiter de l’ergonomie d’une vraie console, tout en conservant sur la même surface les contrôles de transport de Cubase. À l’usage, c’est ce mode qui m’a le plus convaincu, bien qu’on se prenne à regretter que la N12 ne soit pas au moins une N16 (messieurs les Nippons, à vos crayons)
Mieux encore, que ce soit en situation de tracking ou de mix, il est possible d’intercaler sur chaque tranche de la console les effets VST de Cubase, grâce au switch ‘Wet’ dédié. Dans ce cas bien sûr, on récupère forcément de la latence. Mais pour peu que l’on ait une configuration informatique récente, celle-ci ne pose pas vraiment de problèmes. On profite donc de sa collection de plug-ins au sein d’une configuration hardware.
Conclusion
C’est au final un presque sans-faute qu’accomplit Yamaha avec la N12 ! D’une part, la partie préampli est plutôt réussie et donne du caractère à la bête, et d’autre part l’intégration avec Cubase est vraiment bien pensée, et surtout très ergonomique. Une fois les contrôles sous la main, on se prend au jeu et on devient très efficace en un temps record. Au chapitre des légers regrets, on notera surtout un manque de voies, 12 étant un peu limite pour mixer ‘dans la boite’. Un véritable Aux, ainsi qu’une entrée/sortie numérique auraient été des ajouts bienvenus, mais il faut constater que la N12 fait office d’interface MIDI grâce à un MIDI In et un MIDI out, ce qui contribue à en faire l’élément central d’un Home Studio. À 1399 € TTC prix public avec une version à peine bridée de Cubase 4 (pour peu qu’on utilise peu ou pas de VST instruments), la N12 à donc plus d’un argument pour que vous la mettiez dans votre liste de Noël.[+] Qualité de fabrication
[+] Qualité des préamplis
[+] Intégration avec Cubase
[+] Peu de limitations en pistes audio de Cubase AI
[+] La gestion de différents workflows de travail
[+] Monitoring archi-complet
[+] Le prix du package !
[-] Pas de véritable départ auxiliaire
[-] Pas d’E/S numériques