Il arrive qu'un constructeur écoute ses clients et généralement, ça lui réussit. Opaz est une jeune société française qui fabrique des enceintes de sonorisation de haute qualité, comptant dans ses clients des gens aussi exigeants que des acousmoniums (orchestres d'enceintes utilisées généralement en musique électroacoustique). De nombreuses personnes leur ont dit : ‘vos enceintes sont excellentes, vous devriez les décliner en enceintes de monitoring.’ Opaz a donc tenté le challenge et sort un premier modèle, le MS, avec l'ambition de se placer parmi les marques de références en monitoring de proximité. Pari tenu ?
Le MS1 d’Opaz est un kit complet comportant deux enceintes, un ampli dédié et les câbles. Peut-on acheter les enceintes seules ? Ou l’ampli à part ? Non. Car comme dans un système tout intégré, l’ampli est spécifiquement étudié pour les enceintes, et vice-versa. Casser ce mariage, c’est perdre toute l’efficacité du système.
À quoi ça ressemble ?
Précisons tout d’abord que le modèle qui m’a été confié est un premier de série. C’est à dire un premier modèle fini pour validation des choix après les tests de protos. Quelques éléments d’esthétique pourront changer sur le modèle de série, si l’on peut parler de série pour des produits fabriqués à la main en France (et pas seulement assemblés en France).
Hélas, les photos qui illustrent cet article rendent peu hommage à la beauté du produit : pour bien photographier des produits tout noirs, il faut un minimum d’éclairages de studio et de talent, ce que je n’ai pas ! Mais la première impression en déballant le tout est que c’est très classe. Les enceintes de taille moyenne (30×22×25 cm) sont donc toutes noires à l’exception des pieds et des borniers dorés. Le haut-parleur de 6,5 " à tweeter concentrique affleure simplement à la façade sur laquelle il est fixé par 4 vis apparentes, seul point pas très esthétique de l’ensemble, mais qui permet de reconnaître le HP 1441 coaxial de chez PHL. Cet affleurement en façade permet de supprimer les diffractions qui pourraient être causées par l’ébénisterie. Quant au choix du coaxial (tweeter au centre du HP), cela donne une plus grande cohérence stéréo et, pour du monitoring de proximité, cela donne une zone d’écoute optimale plus vaste. Le modèle que j’ai eu en mains était laqué, finition très belle, mais hélas fragile et sensible à la moindre trace de doigt. Pour la série, la finition laquée va donc être remplacée par une finition légèrement satinée.
Un système de poids
L’ampli en solide tôle noire pèse son poids. La façade est passablement dépouillée avec juste un bouton de mise en marche et un réglage de volume. Les côtés sont des ailettes massives permettant le refroidissement. En face arrière, on trouve la prise d’alimentation trois broches (avec système de blocage du câble), les combos jack/XLR pour les entrées gauche/droite et les borniers pour les câbles de liaison aux enceintes (fournis).
Ajoutons que ampli comme enceintes sont plutôt lourds. Pour les enceintes, cela s’explique par le choix de medium de 16 mm, épaisseur respectable pour des enceintes de cette taille. Pour l’ampli, outre la tôle épaisse et les ailettes massives, il suffit de l’ouvrir pour voir le transformateur torique de belle taille. L’intérieur de l’ampli montre une réalisation propre et soignée.
Mais parlons un peu d’électronique : l’intérieur de l’ampli semble plein de vide. C’est que la priorité étant donnée à la qualité audio plutôt qu’à l’encombrement, cela permet d’écarter au maximum les composant pour éviter qu’ils ne rayonnent les uns sur les autres. L’alimentation, point important sur un ampli, a été volontairement surdimensionnée.
Par ailleurs, les filtres passifs situés dans l’enceinte sont câblés en l’air et non sur carte. Cela permet notamment de monter les composants perpendiculairement les uns aux autres, toujours pour éviter les rayonnements réciproques.
Tout ceci respire la qualité et une réalisation particulièrement soignée. Ce qu’on retrouvera sur les modèles de série puisqu’ils sont assemblés par les mêmes personnes, dans les mêmes conditions, dans les ateliers de l’entreprise à Angers.
Voyons ce que tout ça donne au niveau sonore…
Le son !
Dans les enceintes de petite et moyenne taille, autour de 2000 € la paire, je n’ai jamais entendu de vraiment mauvaises enceintes (je n’ai pas tout écouté non plus). Mais il y a des sons que l’on aime ou pas. Mais là… La première chose que j’ai faite après avoir branché le tout et mis le premier CD en lecture est de sourire. Un sourire de plaisir. Car le son qui sortait des enceintes était tout simplement beau. À la fois détaillé, équilibré, analytique, respectueux des timbres sans être agressif. Un vrai plaisir d’écoute.
Le test a démarré comme il se doit avec un certain nombre d’albums que je connais bien et dont le son est révélateur du rendu d’enceintes. La bande du fil Cotton Club, (musique de Duke Ellington réenregistrée pour ce film de Coppola en 1985) donne un bel aperçu du rendu des timbres de tous les instruments d’un big band de jazz. Chaque instrument est parfaitement détaché et les quelques magnifiques voix qui figurent sur cet album vous filent le frisson en sortant des Opaz. L’impression de quelques fans de jazz à qui j’ai fait écouter ceci a été de dire ‘on se croirait en live’. C’est non seulement la fidélité des instruments, mais le rendu des réverbes que les MS1 sortent très clairement, mais sans excès, et la dynamique est vraiment étendue.
Avec l’album ‘Mineapolis’ de Michel Portal, la clarinette semble être dans la pièce et les nombreuses subtilités de jeu de chacun des musiciens sont parfaitement audibles. D’autres albums de jazz et de classique confirment le détachement des instruments les uns par rapport aux autres, la justesse de restitution des timbres et, surtout sur les albums de classique, l’acoustique des salles.
Que ce soit opéra ou chanson, les voix bénéficient d’une belle restitution.
Sur ces écoutes de sources acoustiques, difficile de trouver le moindre défaut aux MS1. Bien sûr, elles ne descendent pas très bas, chose qui serait impossible sur des enceintes de cette taille. Fidèle à sa politique d’honnêteté en matière de données techniques, Opaz annonce une bande passante de 68 Hz à 25kHz. On sent d’ailleurs que le bas n’a pas été artificiellement gonflé et c’est sans doute ce qui lui donne ce beau niveau de détail. On pourra cependant envisager de leur adjoindre un caisson quand celui-ci sera disponible (Opaz y songe).
Le son, le retour
Côté aigus, ceux-ci sont bien présents et précis sans être jamais criards et on sent que ces enceintes montent en effet assez haut : le son dispose de beaucoup d’air. Particulièrement agréable et précis sur la ferraille des batteries. Tout le reste est agréable, précis. Les mediums sont équilibrés et en aucun cas criards, ce que confirme l’écoute d’albums de REM (notamment les anciens) qui, même si on est fan du groupe, sonnent souvent agressifs sur les écoutes qui manquent d’équilibre.
On se dit cependant que la relative légèreté en graves des MS1 ne s’en sortiront pas aussi bien sur des musiques amplifiées et électroniques que sur l’acoustique. Le test avec le remix ‘One Trip One Noise’ démontre immédiatement le contraire. Je n’ai même jamais entendu ce morceau sonner aussi bien ! A chaque fois que je l’ai écouté, j’ai eu l’impression d’une belle prod à qui il manquait cependant un petit quelque chose. Là non, le son est plein, à la fois percutant et avec une sorte de velouté. Un régal. Que ce soit du rock, du hip-hop, de l’électro ou du métal, tous les styles s’écoutent avec grand plaisir sur les MS1.
Le test s’est poursuivi avec des séances d’enregistrement et du mixage, ce qui est quand même la destination de ces enceintes. Leur précision permet de vraiment soigner ses placements de micro puisque même de subtiles variations de son en fonction de la position sont audibles. Sur des prises de voix brutes, les sifflantes ressortent pas mal et on peut régler le dé-esseur en toute confiance. Une chose intéressante en ce qui me concerne est le travail sur les réverbes avec qui je suis peu à l’aise. Là, on a plaisir à peaufiner les réglages, notamment de couleur et d’égalisation.
Côté puissance, les deux fois 85 W délivrés sont suffisants pour ces écoutes de proximité. Et même avec l’ampli à fond, il n’y a ni souffle ni de bruit de fond et ça ne tord pas ! Sans doute l’efficacité du système breveté d’amplification Opaz, efficacité déjà constatée sur les modèles de sonorisation : l’ampli analyse en permanence le comportement des HP et ajuste son travail en conséquence pour compenser les variations mécaniques. On constate d’ailleurs, pour peu que l’oreille soit un juge fidèle à ce sujet, que la courbe de réponse semble quasiment identique à tous les volumes sonores.
Conclusion
Je n’aime pas être dithyrambique sur un produit : je ne crois pas au produit parfait. Cependant, je dois dire que j’ai été très séduit par les MS1 d’Opaz et que j’ai bien du mal à leur trouver des défauts. Tout au plus peut-on regretter le manque sous 70 Hz, chose incontournable sur des enceintes et HP de cette taille.
Avec ce kit, Opaz va rejoindre les références du monitoring que sont Focal, FAR, Dynaudio, Adam… Dans les enceintes autour de 2000 € la paire, mes préférées étaient les Dynaudio pour leur détail et Adam pour leur couleur sonore. Désormais, il y aura aussi Opaz dont les MS1 méritent bien un award qualité.