Sortie en 2020, la nouvelle série d’enceinte T d’Adam Audio serait, aux dires du constructeur, la solution économique pour accéder au « son Adam ». On se demandait donc si ces enceintes sauraient tenir leur promesse.
Il était temps de les soumettre à un test, et pour celui-ci nous avons choisi de nous concentrer sur les T8V, les grosses dernières dans cette série, sorties en avril de l’année précédente. Comme d’habitude nous procéderons d’abord à une présentation complète de l’objet avant de passer à un test et aux écoutes subjectives.
Boomer et T8ter
Attention, si vous avez envie de vous laisser tenter par ces enceintes, autant qu’on vous prévienne immédiatement : elles sont assez imposantes. 40 cm de hauteur, 25 cm de largeur pour une profondeur de presque 33,5 cm : ce sont de beaux bébés qu’il vous faudra positionner par rapport à votre poste de travail.
De plus, les évents bass reflex sont situés à l’arrière. Ainsi, pour bien profiter du grave et minimiser les problèmes de phase, il vous faudra pouvoir tenter différents écartements par rapport à votre mur arrière. Pour cette raion, il vous faudra bénéficier d’un certain espace pour profiter correctement de leurs performances.
Les T8V pèsent 9,8 kg, ce qui reste raisonnable pour des appareils de cette taille. Elles embarquent une double amplification de classe D : 70 watts pour les graves, 20 watts pour les aigus. Le constructeur avance un SPL max ≥ 118 dB (par paire, mesuré à 1 mètre).
Au point de vue du look, la série T tranche légèrement avec le look Adam habituel, en étant beaucoup plus sobre, presque spartiate : pas de vis, pas de commandes, pas même un commutateur ou une LED à l’avant. C’est assez élégant, même si certains y verront des manques.
Sur le baffle, on trouve deux haut-parleurs : un grave de 8 pouces (20,32 cm) en polypropylène (même matière pour toute la série T) et un tweeter U-ART (en film de polyamide) encastré dans un guide d’ondes. Le modèle U-ART, comme les autres tweeters Adam Audio, est basé sur une technologie AMT (Air Motion Transformer) et non ruban, comme on le lit souvent.
Le panneau arrière réserve toutes les commandes : marche/arrêt, filtre aigu shelf (2, 0, +2 dB), filtre grave shelf (-2, 0, +2 dB). L’enceinte peut être raccordée en XLR symétrisé (+4 dBu), ou RCA (-10 dBV), suivi d’un réglage du gain.
Pour finir cette présentation, précisons que le constructeur avance une plage de fréquence de 33 Hz – 25 kHz. Lors des écoutes, à l’aide d’un générateur de fréquences, et de nos oreilles, nous avons en effet entendu des fréquences basses jusqu’à 35 Hz.
Écoute
Dans le cadre de cette écoute, nous avons utilisé en comparaison une paire d’Adam Audio A7X, que nous utilisons souvent dans nos locaux et que nous connaissons bien. Il ne s’agit pas d’un vrai test comparatif, mais d’un point de référence pour juger d’éléments spécifique sur les T8V.
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de reverb et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Le rendu de ces enceintes est vraiment superbe, tout particulièrement sur la voix, et la basse. Comparaison a été faite avec les A7X. On retrouve bien le « son » des tweeters Adam Audio : précision, aigus très définis (on perçoit des légers sons de plectre)… Sur la contrebasse, c’est moins probant. On l’entend plus, certes, mais pas nécessairement avec beaucoup de précision dans les attaques.
À noter, sur les T8V, le sub est réellement présent sous 60Hz, et reste audible jusqu’à 35Hz environ (alors qu’il est presque complètement absent sur les A7X). On retrouve également plus de médiums (les A7X ont un creux autour de 1kHz).
Pour cette raison, les T8V peuvent donner une impression différente de l’équilibre général du spectre, et les aigus peuvent paraître un tout petit peu plus en retrait. Pour en avoir le cœur net, on vérifie la courbe avec un générateur basse fréquence. En fait il n’y a aucune différence entre les T8V et les A7X au delà 4 kHz.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Là, l’extension dans le grave fait une grosse différence : les T8V suivent sans problèmes les notes les plus graves, même flirtant avec un registre « infra », sans variations ni dans l’amplitude ni dans le timbre. La pression acoustique bien équilibrée sur tout le spectre fait le boulot… Pour autant, l’attaque de la grosse caisse ne se retrouve pas noyée, mais reste au contraire bien dynamique. C’est donc généreux tout en restant assez précis dans le grave : résultat excellent pour des enceintes de ce gabarit.
Massive Attack – Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Un peu comme pour le morceau précédent : les T8V tranchent grâce à leur équilibre. Elles traitent les extrêmes du spectre avec une égalité remarquable. Dans la coda du morceau, on est particulièrement frappé par les attaques aussi précises dans le grave que sur les percussions aigües. L’image stéréo est également remarquable, avec une répartition vraiment très précise des éléments dans l’espace du mix. Cependant, la précision dans l’aigu est telle qu’on commence à ressentir, sur ce morceau, une légère fatigue auditive.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. L’écoute de ce morceau constitue toujours un petit piège auditif, car la densité d’information complique vraiment les choses. Le but n’est donc pas de réussir à parfaitement entendre le trombone-basse, mais de saisir l’équilibre des éléments. On peut dire que les T8V tirent leur épingle du jeu. Les cymbales, très présentes, ne « mangent » pas les cuivres. La ligne descendante de contrebasse à 3:12 min est assez bien lisible (plus que sur les A7X). Dans les médiums, on remarque peu de différence avec les A7X, si ce n’est que certaines fréquences (et donc certains instruments) sont légèrement plus soulignées (on mettra cette différence sur la petite baisse des A7X autour de 1 kHz). Il ne s’agit pas d’une différence trop accusée, plutôt d’une « signature » sonore légèrement divergente.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15. Les tweeters à ruban qui font la célébrité de la marque sont connus pour leur définition précise des aigus. Sur un tel morceau, tout en attaque, et où la caisse claire joue un rôle prépondérant, on s’attend à un rendu satisfaisant. Les T8V ne nous déçoivent pas, laissant paraître à l’écoute les nombreux détails de l’œuvre : tambourin tout en légèreté par-dessus la résonnance profonde de la grosse caisse d’orchestre, rendu impressionnant du timbre étendu du tam-tam (un gong ayant un son proche du bruit blanc). La réverbération de la salle est bien suivie, l’image stéréo est très précise et les percussions graves, aux résonnances longues, donnent un sentiment de profondeur remarquable.
Conclusion
En conclusion, il serait difficile de ne pas être séduit par ces enceintes. Si l’on peut avancer que leur taille et la présence d’un évent arrière ne les rendent pas adéquates pour tous les home-studios du monde, on est bien obligé de reconnaître que leur qualité sonore est assez remarquable, et tout particulièrement dans cette gamme de prix (en moyenne 264 euros). Non seulement les T8V propose une écoute d’une précision élevée, mais en outre elles tiennent plutôt bien leurs promesses sur leur plage de fréquences étendue. Le traitement des graves est excellent (bien qu’un peu moins précis sur les instruments acoustiques), et les aigus sont toujours aussi beaux que dans d’autres séries du constructeur (parfois un peu fatiguants, mais c’est le contrecoup de leur présence très définie). Les petites pertes dans le médium que nous avions soulignées sur d’autres modèles nous ont semblé moins présentes ici. On a donc le sentiment d’être face à une excellente porte d’entrée dans le monde des enceintes de qualité, ou tout au moins dans le son Adam Audio.