Le Wi est à la mode. Après le WiFi, le Wi-Max, le Wiki, la Wii, voici donc le WIDI. Mais qu'est-ce que cela peut-il bien être? Il s'agit tout simplement d’un transmetteur de données MIDI sans fil, par hautes fréquences. Un produit Winner ? C'est ce que nous allons voir ici. Foi de Will.
Le produit testé, le WIDI-X8 – Wireless MIDI Interface, se présente sous la forme de deux petits boîtiers plastiques un peu plus grands qu’une carte de crédit et épais de quelques centimètres.
Petit tour rapide : sur le dessus, un simple bouton rond « search » et une diode. Sur un côté, les prises alimentation (sans autre indication que DC), USB et la paire MIDI in et out. A l’arrière, une trappe pour les piles (deux LR06 1,5 V) et dans laquelle on trouve un ensemble de 8 dips-switchs. Sur les côtés, deux petits switchs trois positions permettant l’allumage et l’utilisation des X8 dans différents modes. Ces minuscules boutons dans leur renfoncement ne sont pas pratiques à utiliser. Sans compter qu’ils font un peu cheap et qu’on peut se demander combien de temps ils vont tenir…
Les boîtiers ont une présentation propre. Le look gris foncé avec les inscriptions en noir et la seule touche de couleur d’un marron orangée n’est pas des plus gaies et le plastique lisse pas des plus agréables au toucher. Mais au moins, la finition est propre.
On remarque tout de même l’absence totale de pieds caoutchouc (ou toute autre matière) qui ne laisse rien présager de bon quand les boîtiers auront à supporter le poids des câbles qu’on y branchera. D’autant que les boîtiers sont très légers. Les deux faces planes étant occupées l’une par le bouton search, l’autre par la trappe du compartiment des piles, deux éléments auxquels il faut conserver l’accès, on se demande tout de suite où on pourrait bien mettre le scotch double-face qu’on prévoyait déjà pour fixer un des boîtiers à son clavier maître (réponse : nulle part). Il est dommage que CME ne semble pas avoir prévu un support que l’on puisse coller sur lequel le boîtier viendrait se clipser, par exemple. Avant même de brancher, on voit déjà qu’il n’y aura pas de solution élégante pour accrocher le X8 à son clavier maître.
Sachez que les X8 fonctionnent sur la bande de fréquence du WiFi, fréquence ne nécessitant pas de licence.
Comment ça marche?
Les boîtiers X8 peuvent normalement fonctionner soit comme émetteurs/récepteurs MIDI, soit comme interface MIDI/USB, soit comme un mélange des deux. Les DIPS switchs permettent de les faire fonctionner en sélection de fréquence automatique (en appuyant sur le bouton « search » situé sur le dessus, les boîtiers allumés se synchronisent) ou en manuel (on règle une fréquence fixe par les switchs). Par ailleurs, le bouton à trois positions OFF/ON/Lock permet de passer d’un mode à l’autre indépendamment du réglage des DIPS. Théoriquement, tout ceci offre beaucoup de souplesse : contrôler plusieurs boîtiers à partir d’un seul, faire dialoguer les boîtiers 2 à 2 (64 paires peuvent ainsi fonctionner simultanément). Théoriquement. Mais…
Branchons l’USB
Des NOTE OFF sont bien oubliées en route |
Piles en place, je connecte un des boîtiers à l’ordinateur (mon portable dédié musique) par USB. Je branche donc le X8 sur un câble USB qui passe par là et je branche un câble MIDI sur le in. Le boîtier est identifié et reconnu par Windows qui installe le driver générique bien connu « périphérique audio USB ». Lançons un synthé… Périphérique générique en entrée, on joue, ça fonctionne, mais très mal. Certaines notes semblent être zappées et d’autres semblent durer… Aurais-je pressé par mégarde ma pédale sustain ? Ou celle-ci fait-elle des siennes ? Non. La pédale sustain supprimée, le phénomène se confirme. Le X8 semble bel et bien recevoir les messages NOTE ON (enfin, la majorité), mais zapper certaines NOTE OFF ! Ce qui se confirmera avec un monitoring du MIDI passant grâce au logiciel MIDIox. Clavier vérifié (il fonctionne très bien branché sur d’autres appareils ou ports MIDI), changement de clavier, rien n’y fait. Essayons en sans-fil. Je débranche le câble du clavier maître du boîtier branché sur l’USB pour le mettre sur l’autre boîtier. Les LEDs sont vertes, ils se causent, tout va bien. Sauf que le phénomène est rigoureusement identique ! On dirait que mon clavier oublie d’envoyer des NOTE OFF.
Bon, le X8 est branché sur un hub USB (alimenté). Peut-être celui-ci est-il la cause de ce tracas ? Essayons en branchement direct sans hub. Là, ça ne marche plus du tout ! Impossible de réinstaller la bestiole. Au début, elle apparaît bien dans les périphériques Windows, mais pas dans les périphériques MIDI disponibles. Désinstallation, réinstallation. Pas mieux. Nettoyage de la base de registre pour le fameux coup de la limitation de Windows à 10 entrées MIDI, vu que mon ordinateur se voit souvent brancher de nouveaux périphériques MIDI-USB. Réinstallation… Non seulement, je n’obtiens toujours rien, mais en plus, j’en arrive certaines fois au petit point d’exclamation jaune dans la liste des périphériques, avec « erreur 10 ». De nombreux essais (différentes prises USB, différents câbles, l’autre X8, désinstallation et réinstallation) ne m’ont plus permis d’utiliser un X8 en USB sur cet ordinateur ! J’ai donc essayé sur mon ordinateur de bureau. Pas de problème, le X8 est bien reconnu. J’arrive à (re)jouer d’un synthé virtuel par son intermédiaire, mais toujours le même problème de notes « bloquées ». Cela rappelle certains soucis rencontrés au début par quelques acheteurs des claviers USB série UF de la même marque…
Branchons le MIDI
Bon, on va au moins essayer en MIDI HF. Un X8 branché sur le clavier maître (ou plutôt l’inverse) et un autre sur un synthé hardware. Tout va bien. Ça fonctionne parfaitement. Aucune latence ni rien. Je serais branché par câble que ça fonctionnerait aussi bien.
Essayons la port ée : CME annonce 80 m en champ libre. Seulement, difficile même en habitant une grande maison de tester à 80 m de distance. Même au fond du jardin, ça ne fait pas si loin. Si je vais me promener dans la rue avec mon clavier, outre le fait de ne pas arranger mon image aux yeux des voisins, je risque surtout de ne pas entendre le son de mon synthé. Tant pis pour le champ libre, essayons les étages. Mais d’abord, poussons le volume sur la sono histoire d’entendre de loin si ça joue (c’est les voisins qui vont être contents…)
Eh bien ça marche du tonnerre. Le studio (donc un boîtier) en sous-sol, le clavier maître + second boîtier au troisième étage et ça passe. Super ! Bon évidemment, c’est injouable. Outre qu’à une telle distance, j’entends de la bouillie et la distance associée à la faible vitesse de propagation du son dans l’air fait que j’ai un beau retard. Mais ça passe impeccable. C’est donc le moment de se demander…
Le MIDI sans fil, à quoi ça sert?
Dans l’absolu, à plein de choses. La première étant de se passer de fils justement. Ainsi, avec un clavier maître prééquipé (comme on va certainement en voir arriver sur le marché), plus besoin de câble MIDI entre le clavier et l’ordinateur si on met un boîtier. Quel confort ! Et quand la plupart des appareils MIDI (y compris les cartes son) seront ainsi équipés, on pourra ainsi les faire communiquer en s’affranchissant totalement des câbles. Le pied !Dans un studio et particulièrement un home studio, on voit tout de suite l’intérêt. Intérêt que doivent particulièrement remarquer ceux qui ont des claviers maîtres commandant des synthétiseurs en rack. Bref, c’est l’avenir ! On peut aussi, évidemment, envisager de jouer sur scène en se baladant avec son clavier maître (si celui-ci peut fonctionner sur piles, comme c’est le cas de beaucoup de modèles). Voire si votre goût vous y porte, faire le show avec un clavier autour du cou (oui, comme une guitare) comme cela se faisait beaucoup dans les années 80 (il faudra juste penser à ressortir des placards les vestes métallisées à épaulettes et manches bouffantes). On peut aussi contrôler facilement à partir de la scène des éléments se trouvant en régie.
Idée bizarre ? Peut-être. Mais ne voit-on pas, avec la forte prééminence du travail du son dans les musiques actuelles les musiciens prendre de plus en plus de contrôle sur le son ? Certains chanteurs s’équipent de processeurs vocaux, les DJs gèrent l’essentiel de leur son sur scène (quand ce n’est pas la totalité), les musiques électroniques sont friandes de traitements sonores… Mais le fait de laisser certains effets sur scène pour en assurer le contrôle par les musiciens est parfois incompatible avec une bonne diffusion sur grosse scène. On doit alors faire une croix sur certains effets en live, sauf à avoir son ingé son attitré, ce qui est loin d’être donné à tout le monde.
Avec le WIDI, il devient plus facilement envisageable de contrôler des processeurs du rack de régie à partir de la scène, que ce soit pour enclencher un gros effet spécial ou pour gérer la profondeur d’une réverbe. Je vois déjà des ingés son s’étrangler, mais tant pis… Si on revient au studio ou home-studio, le WIDI offre aussi la possibilité de contrôler son séquenceur à partir d’une cabine d’enregistrement, ou de la pièce d’à côté, et ceci en limitant les passages de câbles compliqués (même s’il faut toujours des câbles pour l’audio, bien sûr).
Bref, le WIDI est probablement l’avenir du MIDI… Mais dans le cas du X8 ? Là, on se pose forcément quelques questions. Les câbles ? Il en faut toujours puisqu’il faut bien connecter le clavier maître ou le contrôleur au boîtier. Il permet seulement de s’affranchir d’éventuels longs câbles qui traversent les pièces avec les risques que cela comporte, mais compte tenu de l’absence de fixation du boîtier et de la difficulté à bien le positionner et le maintenir en place quand il supporte la traction de deux (ou même d’un) câbles MIDI, on peut se demander si le gain de confort est réel.
Conclusion
Utilisateur de nombreux équipements MIDI, j’étais depuis l’annonce de la sortie du WIDI pressé de tester ce qui me semble être l’avenir. Force est de reconnaître que le désenchantement est à la mesure de l’attente.
Dans son concept, le WIDI est formidable. Sur le papier, le X8 est génial. À l’usage, il en est hélas autrement. L’ergonomie des boîtiers X8 s’avère non fonctionnelle par la petitesse des boutons et la relative difficulté à les manipuler (si on n’a pas d’ongles) et surtout par l’absence de tout système de fixation permettant d’intégrer le boîtier au contrôleur auquel on l’affecte. La surface plastique glissante, la légèreté des boîtiers et l’absence de pied caoutchoucs ne laisse rien présager de bon quant à la tenue en place du boîtier posé sur un clavier maître sur une scène. Il y a de fortes chances pour qu’il pendouille lamentablement au bout des câbles après quelques minutes de concert. Résultat probablement sans danger pour le matériel (vu le faible poids des boîtiers moins lourds qu’un câble MIDI lui-même), mais d’une élégance douteuse. Le fait qu’il ne fonctionne pas en USB supprime une bonne partie de l’intérêt du X8 à l’heure où l’informatique a une place si prépondérante dans la musique à base de MIDI.
Reste le prix hallucinant auquel il est commercialisé. À quelques dizaines d’euros, il aurait encore pu trouver grâce pour certaines applications, mais à 249 € la paire cela en fait vraiment un produit de luxe pour un usage très limité. Sauf peut-être en remplacement d’un câble MIDI de quelques dizaines de mètres, cas peu courant. Le WIDI est certainement l’avenir du MIDI, mais il demande des produits à maturité, ce qui n’est hélas pas le cas du X8 en l’état actuel pour ce qui est de l’USB.
Espérons que CME saura rapidement corriger le tir pour offrir une version fiable et peut-être un petit peu moins chère de ce produit prometteur.
[+] Le concept
[+] Excellent fonctionnement en MIDI RF to MIDI RF
[-] Ne fonctionne pas en USB
[-] Ergonomie à revoir
[-] Prix bien trop élevé (sauf en remplacement d’un très grand câble MIDI)