Sujet Jay-Z phagocyte les Beatles et fâche EMI

Citation : Les Beatles s'offrent une cure de jouvence, grâce à… Danger Mouse. Ce DJ et producteur new-yorkais installé en Californie et surtout connu au Royaume-Uni adresse un bras d'honneur à l'industrie musicale en accouplant la voix de Jay-Z, le pape du rap new-yorkais, et la musique des Beatles. De ce mariage imprévu ne pouvait sortir qu'un album détonant, autrement plus audacieux qu'une relecture par un groupe de brit-pop de l'œuvre des Fab Four, et surtout, une réaction thermonucléaire de la part d'EMI, qui veille jalousement sur l'édition des œuvres du groupe de Liverpool.

A la fin 2003, Brian Burton, le vrai nom de Danger Mouse, un bidouilleur de sons qui n'a pas le renom de stars comme les Neptunes, a l'illumination. Jay-Z vient de prendre sa "retraite" pour s'occuper de production musicale, de vêtements et de cinéma. Il vient de publier un ultime enregistrement, le Black Album. Une version a capella suit, destinée aux remix, pratique courante dans les milieux du rap et du hip-hop. Danger Mouse entend ce disque avec seulement les pistes vocales de Jay-Z. Et en écoutant les Beatles, il se dit qu'il y a quelque chose à tenter... Mélanger le Black Album et le White Album, par exemple.

C'est ainsi qu'est né le Grey Album. Quatorze morceaux du très éclectique et justement célébré White Album des Beatles - Long Long Long, While My Guitar Gently Weeps, Glass Onion, Mother Nature's Son, Helter Skelter, Julia, Happiness Is A Warm Gun, Piggies, Dear Prudence, Rocky Raccoon, Revolution 9, I'm So Tired, Can You Take Me Back et Savoy Truffle - ont été extraits, découpés, malaxés et concassés. Danger Mouse les a ensuite mixés avec les versions a capella du Black Album. Le mélange entre le style dynamique, enlevé et fluide de Jay-Z et les classiques de Beatles ne peut laisser indifférent, tant le rapprochement des deux univers est intrigant. Pour les uns, ce Grey Album est en passe de devenir un classique, pour les autres, c'est un sacrilège.

L'objet, tiré à 3 000 exemplaires promotionnels, fait rapidement parler de lui dans le monde du rap et du hip-hop. Mouse Danger n'ayant pas demandé l'autorisation d'utiliser ces morceaux des Beatles, ni payé de droits, EMI a ouvert un tir de barrage contre cette "œuvre au gris" en envoyant l'ordre d'"arrêter" la manœuvre. Ce document demande au producteur de cesser de produire l'enregistrement et de renoncer à percevoir des droits sur sa vente. Il est donc inutile de courir chez son marchand de disques pour essayer de mettre la main dessus. Peu importe, puisque le Grey Album est disponible au marché noir... pardon sur Internet. Un petit tour sur n'importe quel réseau P2P permet de se le procurer en quelques dizaines de minutes. Ensuite, il n'y a plus qu'à se réjouir de ce pied de nez à l'industrie du disque et au conservatisme musical.

Pierre Bouvier