Les contrebasses ne sont pas légions dans nos contrées virtuelles, encore moins lorsqu’elles sont jouées au doigt dans la perspective des musiques Jazz ou populaires. Quand Ample Sound se colle à l’exercice, on ne se fait donc pas trop prier pour tendre l’oreille vers les ouïes…
Désireux de cibler les compositeurs de musique de film qui nourrissent pour beaucoup une obsession pour la musique symphonique, de nombreux éditeurs proposent des contrebasses jouées presque exclusivement à l’archet. Le registre pizzicato de l’instrument est en effet la plupart du temps survolé, malgré la richesse qui est la sienne, comme on s’en rend compte dans le jazz, mais aussi dans quantité de titres pop ou rock, de Tom Waits à Lou Reed en passant par Sting, et même dans le Hip Hop.
En dehors de quelques patches rudimentaires dans certains ROMplers généralistes (Sampletank, Plugsound, Swing!, Xpand 2), les contrebasses jouées au doigt et explorant réellement le registre de l’instrument sont rares en effet, et c’est presque un événement que de voir débarquer cette ABU qui va tenter d’apporter du neuf face à ses compétiteurs : Chris Hein Bass, Trilian de Spectrasonics, Bass de Straight Ahead, Akous Kontr d’Acoustic Samples, Acoustic Bass Premier 2 de Premier Sound Factory, Vienna Upright et CoreBass Pear d’Orange Tree Samples.
La chose est d’autant plus intéressante qu’Ample Sound est tout sauf un débutant dans le domaine. Connu pour ses guitares virtuelles de très belle facture, l’éditeur chinois s’est dernièrement mis à la basse électrique en proposant successivement une Precision Bass, une Jazz Bass, une Musicman Stingray 5 cordes et, plus récemment une Fodera Yinyang. Mais il n’a pas oublié les instruments acoustiques au travers d’une Guild B-54 et de cette contrebasse donc. Pourquoi Ample Bass Upright II ? J’avoue que je n’en sais fichtre rien n’ayant pas trouvé trace d’une Ample Bass Upright I., Mais ça n’est pas bien grave.
Disponible aux formats AU, VST, AAX et RTAS sous Mac OS X comme sous Windows, la belle squattera 4,26 GB sur votre disque dur pour un poids total de 5 GB. Il faut le rappeler en effet, la première grosse différence entre cette ABU et ses concurrents tient au fait que ce n’est pas une banque pour Kontakt ou l’UVI Engine, mais bien un produit autonome qui compte donc son moteur audio propriétaire pensé exclusivement pour les instruments à cordes frettés et disposant, nous allons le voir en vidéo de quelques sympathiques originalités.
ABU, si belle…
L’interface qui nous accueille ne surprendra guerre les habitués d’Ample Sound ni même ceux des instruments virtuels à cordes dans leur ensemble puisqu’elle reprend les mêmes canons ergonomiques avec une représentation photoréaliste de l’instrument dans les deux tiers supérieurs de l’interface et un bandeau de commandes dans la partie basse. Seul reproche à faire de ce point de vue : la lisibilité des commandes n’est pas optimale, avec des textes minuscules et un manque certain de contraste entre le fond, les commandes et leurs libellés.
Sur ce panneau, on trouve de gauche vers la droite le réglage des différents micros (Neck + Ambience et Body) et de la prise DI, de quoi gérer l’image stéréo de tout ce petit monde puis tout ce qui concerne les bruits de doigts (relâchement, frettage, etc.) et enfin des paramètres plus globaux liés à la phase, à l’enveloppe de volume des samples et, originalité pour une contrebasse, à sa transposition via un capodastre.
Bref, en marge d’une représentation du clavier où les keyswitches et différentes touches de bruitages sont placés de part et d’autre de la tessiture de l’instrument, le gros du soft se situe sur cette interface qui offre beaucoup de possibilités en termes de sound design.
Non seulement on peut y doser l’équilibre de chacun des micros et de la DI via le fader de volume ou les boutons solo/mute qui les accompagnent, mais on dispose également pour chacune des trois sources d’un EQ paramétrique 3 bandes + coupe bas et coupe haut. À ce stade déjà, Ample Sound laisse la concurrence derrière, tout comme il fait mieux sur la partie des bruits générés qui confèrent tout son réalisme à l’instrument. Non seulement on peut régler le niveau de bruit des différents effets, du frettage ou du relâchement des cordes, mais on peut en outre déterminer la fréquence à laquelle interviennent les buzz dans le jeu, ce bruit si caractéristique de l’instrument qui survient quand une corde frise.
Sous la robe de la grosse dame
On se serait déjà bien contenté de tant de possibilités quand on s’aperçoit que le logiciel dispose d’une belle section d’effets composée de sept pédales (compresseur, distorsion, EQ, chorus, phaser, delay, reverb) et d’une wah, mais aussi d’un panneau Edit qui permet de déterminer avec précision L l l’accordage fin et le volume de chaque note. C’est très bien vu.
Avant d’aller écouter tout cela, précisons qu’un onglet permet, comme sur tous les instruments Ample Sound, de visualiser et lire les tablatures Guitar Pro au format GP4 (GP3 non supporté). La chose sera anecdotique pour certains, mais elle saura se rendre utile à d’autres, ne serait-ce que pour se mitonner des playbacks vite faits bien faits sans passer par la lourdeur du MIDI (le logiciel gère en effet toutes les articulations en fonction de la partition et non de contrôles continus qu’il faudrait ajuster ou programmer). Un très bon point !
Un mot enfin sur le panneau Settings qui donne accès à la configuration audio et MIDI de l’instrument : seuil de déclenchement des couches de vélocités (visiblement 4), accordage global, comportement du Round Robin (visiblement x3), plage de pitch bend, modulation automatique : il ne manque pas grand-chose si ce n’est selon moi la possibilité de sortir les différents canaux audio sur différentes sorties séparées que je n’ai pas trouvée. Autre petite critique : c’est une très bonne idée d’avoir nanti le logiciel d’un système de presets, mais celui-ci, en plus d’être vieillot, n’a rien à faire planqué dans ce panneau.
Everything is gonna be upright
Le moins que l’on puisse dire à l’écoute des premières notes tirées de cette ABU, c’est que la belle a du caractère. Les attaques bien franches font ‘Chtonk’ même à vélocité moyenne, tandis que les buzz et autres bruits de doigts donnent un côté très humain au jeu. Quels que soient le micro sollicité et les réglages effectués, l’instrument semble surtout ne jamais se départir du son de pièce dans lequel il a été enregistré, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose. Cela confère en effet une véritable identité à la contrebasse, mais pourra ne pas convenir à tous les besoins. À côté, la contrebasse de Trillian semble autrement plus sage, moins rock’n’roll, voire molle du genou… mais plus passe-partout aussi. Or, même en jouant sur les différents réglages d’ABU, on ne parvient jamais totalement à en faire une contrebasse proprette…
Les articulations proposées sont dans l’ensemble excellentes, avec une mention spéciale pour les glissés qui ne sont pas figés comme chez la concurrence, mais bien programmables d’une note à l’autre, la vélocité de la seconde note déterminant la vitesse du glissé : ça demeure un peu synthétique à l’écoute, mais au moins c’est exploitable. Autre chose particulièrement réussie, les hammers et pull-offs sont d’une souplesse exemplaire : pas de problème pour passer une trille alors que cet exercice est très loin d’être convaincant chez Trillian. Seuls bémols de l’affaire : l’articulation Mute tient plus de la Ghost Note qu’autre chose, et c’est bien dommage, tandis que le vibrato géré soit par la molette modulation soit en automatique n’est pas des plus convaincants : on sent que ce n’est pas un geste humain, mais un algo qui est derrière. Je vous renvoie à la vidéo pour écouter les sons et vous ajoute en complément cette comparaison Trilian / ABU qui montre bien la différence de caractère des deux instruments et la nette supériorité d’ABU pour la gestion des trilles. Notez que dans les deux extraits, vous entendez d’abord ABU puis Trilian :
- comparetrilianabuhammers(2) 00:16
- comparetrilianabu 00:34
Un autre motif de regret concerne la section d’effets qui, si elle ne mange pas de pain, n’en est pas pour autant très intéressante avec son chaînage fixe, ses réglages minuscules et son manque d’adéquation avec l’instrument. Je ne parle pas tant du choix des effets retenus (encore qu’un Octaver aurait été plus intéressant qu’un Delay de mon point de vue), mais plutôt du comportement de l’overdrive notamment qui, une fois enclenché, supprime quasiment tous les graves de l’instrument : sur une basse, ça fait tache… Enfin, avec autant de possibilités de traitement et de paramètres sur l’instrument, on aurait souhaité disposer d’un vrai gestionnaire de presets global…
Soyons toutefois beaux joueurs : ces défauts n’entament en rien la qualité globale du logiciel qui offre une reproduction somme toute très crédible de l’instrument, plus exhaustive que la plupart de ses concurrents (à ma connaissance, aucun ne gère les glissés aussi bien) et surtout plus simple à utiliser qu’un Trilian qui nécessite pour rivaliser de bâtir des multis aussi lourds côté consommation CPU/RAM que côté programmation. Et le plus important est là : le charme opère, à l’image de cette reprise :
Reste à parler du prix de 150 $. Vue la qualité de l’instrument, ce dernier n’a rien de délirant même si Ample Sound ne parvient évidemment pas à être aussi agressif que Trilian qui, à 250 euros, offre le rapport qualité/quantité/prix le plus hallucinant sur le marché des basses virtuelles. A cela, Ample Sound réplique tout de même par un bundle des plus intéressants : pour 262 $, vous pouvez vous offrir un pack contenant les 6 basses de l’éditeur et devrait couvrir très largement vos besoins.
Conclusion
Ample Sound signe une excellente réalisation dotée d’une grosse personnalité, pour le meilleur comme pour le pire. Moins passe-partout que la contrebasse qu’on trouve dans Trilian par exemple, cet instrument est autrement plus agréable à programmer, et en dehors de son articulation Mute décevante et d’une section d’effet plutôt accessoire, force est de constater que le logiciel est enthousiasmant en tous points, que ce soit dans les possibilités offertes pour personnaliser le son (les différents micros, la gestion des différents bruitages qui participent au réalisme, la possibilité d’accorder chaque note) ou dans son lecteur intégré de fichier GP4. Du beau boulot qui s’inscrit dans une belle gamme de produits : ils sont forts ces chinois !