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Sujet A propos des amateurs

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Sujet de la discussion A propos des amateurs
Bonjour,

On a beaucoup parlé (et à juste titre d’ailleurs, parce que pour moi, la place qu’octroie la société à tout ce qui touche à la création est fondamentale et révélatrice) du statut des intermittents, j’aimerai évoquer celui de l’amateur… Statut de l’amateur, me direz vous : mais, il n’existe pas !

Et bien, justement, pour moi, si la partie émergée de la culture était représentée par tout ce qui est « officiel » tel que tout ce qui paraît à travers des livres, des disques, des tableaux…, tout ce qui est achetable, la partie immergée et de loin la plus importante de l’activité artistique de notre civilisation serait le domaine très vaste des amateurs. Bien sûr, je n’ai pas l’ambition, ni le désir de réclamer un statut pour les amateurs, mais je souhaite simplement engager une réflexion et vous soumettre la mienne afin, je l’espère, de l’enrichir…


Qu’est-ce qu’un amateur dans l’art ? On réduit souvent cette question en répondant : « quelqu’un qui pratique un art sans être rétribué pour ce qu’il fait contrairement à un professionnel ; il pratique en amateur juste parce qu’il aime l’art ; d’ailleurs c’est le sens étymologique du mot amateur ». Oui, mais, avant de devenir professionnel, l’artiste est immanquablement un amateur.


A propos de la qualité des choses produites par les amateurs : souvent, dans le langage courant, on dénigre un peu ce qui est produit par un amateur ; « c’est du travail d’amateur », donc c’est charmant, mais ça n’a pas la qualité d’un travail de professionnel. Je ne nie pas que ces assertions peuvent être couramment vérifiées, mais il est aussi vrai que certains professionnels fournissent un résultat quelques fois inférieur à celui de beaucoup d’amateurs.


Qu’est ce qui différencie vraiment un amateur d’un professionnel ? Peut-être le fait que le professionnel consacre tout son temps et donc toute son énergie à son art. C’est vrai qu’un instrumentiste classique par exemple n’a pas trop le choix : s’il veut continuer à se produire et jouer le répertoire, il a intérêt à exercer tous les jours. Dans le domaine de l’écriture, il est vrai que, plus on exerce, plus on se livre à une gymnastique quotidienne, mieux les automatismes sont en place, plus l’esprit est libre et peut se consacrer à la création. Oui, mais tout ce temps nécessaire à la création et abandonné à l’art comme un préalable à l’invention d’une œuvre d’art n’est immédiatement productif que pour l’art, pas pour l’artiste professionnel. Donc, pour pratiquer confortablement un art, il faut soit être riche, soit être un… amateur. Et oui, l’amateur, lui dépense souvent sans les compter et son temps libre et son argent parce que l’art le fait rêver.

Souvent, il excelle dans son art, mais son travail n’est pas reconnu ou alors pas à sa juste mesure, et pratiquement irrémédiablement, il périt pour la postérité. Donc, il faut devenir professionnel, quitte à être pour un temps dans l’inconfort (si l’on n’est pas riche), quitte, quand on est signé dans une major, à abandonner le contrôle de son art, quitte à devenir un produit sur le marché…. Ce n‘est pas facile la vie d’artiste !!!


Je suis amateur, et donc comme la plupart d’entre vous, je connais bien cette situation. Il faut dire qu’être un amateur, cela implique des frustrations comme celle de ne pas être reconnu dans ce que vous faites, et aussi d’être certain de ne laisser aucune trace au profit de la postérité sauf peut-être dans la génération suivante et exclusivement limitée dans sa famille : « savais-tu que ton grand-père faisait de la musique ? En amateur, mais il se débrouillait bien ! ». Connaissez-vous un artiste amateur qui a laissé son nom dans l’histoire de la musique ? Le monde est cruel…


J’attends avec impatience vos commentaires, réactions, mais sans agressivité, aucune, s’il vous plaît…
Chris Dewitte.
CDW
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81
Pas dit: c'est peut etre plus facile de se bouger en sortant du taf pour faire de la zique (c'est ce que je fais depuis 12 ans, tous les jours) que de passer d'une activité musique mercantile à une activité musique plaisir ou creative... on a peut juste envie de poser les instrus une fois la journée finie...

mais je ne l'affirme pas, et j'admets que, bien qu'ayant un taf usant à cause des responsabilités, je ne peux pas le comparer avec la chaine chez peugeot qui doit etre un taf bien abrutissant...
82
Il y a encore un sujet que je voudrais évoquer à propos des amateurs et de l'avantage de le rester.

L'amateur comme tout le monde ne vit pas uniquement de l'air du temps; il a en général une autre vie, une vie professionnelle qui le conduit à connaître d'autre gens, d'autres milieux que celui de la musique. Et je pense, en tout cas c'est le mien, que cela peut enrichir considérablement sa production.

C'est, à y réfléchir, l'avantage que perdent de nombreux groupes signés; après le premier album issu de tout ce qu'ils ont pu engranger en influences, en expériences de la vie de quidams moyens (travail en tant qu'empoyés dans des secteurs d'activité complètement différents de la musique, par exemple...) vient le deuxième album qui sera inévitablement le fruit de cette nouvelle existence qu'engendre la signature avec une maison de disque.

Et là, les fondements musicaux doivent être solides sous peine de grosse panne d'inspiration, voire de déroute, ou pire de débandade...
CDW
83
Pas de réaction?

Etes-vous fatigués?
CDW
84

Citation :
Et là, les fondements musicaux doivent être solides sous peine de grosse panne d'inspiration, voire de déroute, ou pire de débandade...



Pourquoi voir le pire, le côté négatif de la question ? Une panne d'inspiration, ça arrive à tout le monde, y compris aux amateurs (et peut-être même surtout aux amateurs). Ce n'est pas ça qui fait la déroute à mon avis. On peut tomber malade, avoir un accident de bagnole, développer une névrose ou une psychose, un cancer... et tout remettre en cause. C'est pas propre aux pros de la musique.

Il existe des gens heureux de faire de la musique en amateurs et d'autres qui auraient bien voulu passer pros. Je n'ai pas de stats, mais je suis convaincu (et je l'ai déjà dit) que la plupart des "bons amateurs" (j'entends par là ceux qui ont ou ont eu de vraies potentialités pour s'imposer en pros s'ils avaient eu le coup de pouce, la chance...) sont des pros "ratés" qui ont réussi leur résilience. Je dis "la plupart" pour laisser un pourcentage d'exceptions non nul... pour confirmer la règle.

Ce qui n'ont pas réussi leur résilience sont des malades, noyés dans la dope ou l'alcool, quand ils ne finissent pas leurs jours en HP. J'en ai connu un, un ami, un pianiste de talent, tellement mal dans sa peau qu'il n'était même plus capable d'assurer une date. Un mec toujours en fuite de lui-même. Ce mec fut pianiste à la closerie à Paris. Il a joué avec Vander, Brigitte Fontaine, Sacha Distel... et moi-même (peut-on tomber plus bas ? :lol: ). Je l'ai perdu de vue. Je ne sais même pas s'il vit encore. Il a essayé, un temps, de se reconvertir dans un boulot "normal" pour faire de la musique en amateur, pensant que tout le pb venait de là. Il n'a jamais su tenir un emploi plus d'une semaine... Il était tellement mordu par la musique qu'il était incapable de faire autre chose. Son problème n'était pas qu'il fût pro mais qu'il n'ait jamais réussi à s'installer dans sa propre existence pour vivre paisiblement. Mais cela n'a rien à voir avec le fait d'être pro ou pas. C'est un pb humain qui touche n'importe qui.
85
Je pense comme toi, que, dans le cas de ton ami, ce n'est pas la musique qui est la cause de son problème existentiel.

Mais là n'est pas l'essentiel du sujet que voulais aborder. Ce que j'évoquais dans mon affirmation c'est le fait que l'amateur, contrairement au professionnel, baigne dans un milieu professionnel différent de celui de la musique, qu'il a une existence en dehors de la musique et que cette expérience nourrit son art; en quelque sorte l'amateur est plongé dans le monde du quotidien avec ses contraintes, alors que, j'imagine, le professionnel s'est mis un peu en dehors du monde du quotidien (ça va faire hurler les pros qui j'en suis sûr vont de toute force nier ça). C'est vrai que je vois plutôt l'artiste professionnel (signé) sans grandes contraintes de temps... Mais peut-être que je me trompe.
CDW
86
Sujet intéressant, comme pas mal des autres sujets du forum.

Je suis amateur,pour moi c'est une étiquette qui signifie que je n'en vis pas. J'ai un métier qui me laisse du temps pour la musique et je trouve déjà cela pas mal.
Je me mets à la recherche de labels et/ou d'un moyen d'aller plus loin dans la production d'un CD. Si cela aboutit tant mieux, sinon... ba je continue la composition car je suis passionné et puis je recommencerai ...
S'il ne se passe jamais rien pour avoir l'étiquette professionnelle et que je ne touche pas "un grand public" qui en plus me ferrait vivre de ma musique, bien ce n'est pas grave ... car les moments forts avec ses proches, les magnifiques paysages de dame nature et la chance déjà grande de pouvoir réver en faisant de la musique sont des choses terriblement beaucoup plus importantes dans la vie pour moi.
La seule chose que je ne perdrai pas de vue, c'est ce qui me pousse à faire de la musique si un jour je passe à un autre statut vis à vis de cette passion: si toutes les émotions, sensations, images et autres, que j'ai distillé dans ma musique, touchent d'autres personnes et qu'ils passent un bon moment j'aurais réussi à communiquer avec certains sous cette forme artistique et j'en serai très heureux.

J.B :lol:
JérômeB
87
C'est exactement comme toi que je vois les choses...

Mais réponds à ma question: ta musique se nourrit-elle de ta vie quotidienne, et n'as-tu pas comme moi le sentiment que si tu passais professionnel, ton inspiration s'en ressentirait?
CDW
88

Citation : « quelqu’un qui pratique un art sans être rétribué pour ce qu’il fait contrairement à un professionnel ; il pratique en amateur juste parce qu’il aime l’art ; d’ailleurs c’est le sens étymologique du mot amateur »



Si c'était vrai, il y aurait beaucoup moins d'amateurs...!

Combien d'amateurs se produisent à prix cassé et au black (pas de cotisations sociales, ça revient moins cher à l'employeur!), histoire d'arrondir les fins de mois.

Si moi qui suis musicien professionnel, j'aimais aussi faire de la boulangerie (bah oui, je fais déjà des pains sur scène, alors... :clin: ) et que le dimanche matin, j'allais vendre mes pains "en amateur" à côté de la boulangerie place du marché et 50 % moins cher que ce boulanger, je ne tiendrais pas un quart d'heure que je serais déjà embarqué par les flics.

Tout le monde serait d'accord pour dire que je fais du tort au boulanger.

En se mettant sur le marché, les musiciens amateurs font-ils du tort aux musiciens professionnels ? Peu de gens le croient ou en ont conscience, et pourtant...
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Citation : Combien d'amateurs se produisent à prix cassé et au black (pas de cotisations sociales, ça revient moins cher à l'employeur!), histoire d'arrondir les fins de mois.



C'est effectivement un vrai problème pour les professionnels (ceux qui ne vivent que de musique) car on peut assimiler cette pratique à de la concurrence déloyale. Cela étant, si on ne devait avoir que de la musique de pros à se mettre dans l'oreille qd on va dans un resto ou un troquet quelconque, on risquerait de se trouver rapidement en pénurie de musiciens par rapport à la demande. Il faut donc des amateurs pour faire de la musique là où les pros n'iraient jamais parce qu'insuffisament payés. Le pb n'est donc pas à rejeter sur les amateurs pas plus qu'il ne serait à rejeter sur les ouvriers travaillant au black mais à une logique économique qui fait que le travail au black est une nécessité où tout le monde y trouve + ou - son compte.
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Sujet vraiment intéressant !

Ce qui est frappant je trouve quand on est amateur, c'est vraiment le manque global de reconnaissance de la part de notre entourage.
Personnellement, je ne considère pas que ma musique soit le nec plus ultra en la matière, mais je ne suis jamais jugé normalement...car c'est de la musique d'amateur.
D'un point de vue personnel, je ne vois pas de différence fondamentale entre la musique que je fais, et la musique des Beatles ou de Springsteen (mes références entre autres). Je ne parle pas en matière de qualité musicale (il faudrait être fou pour oser se comparer à eux...), mais seulement en terme d'activité. Je fais de la musique, ils font de la musique, nous faisons de la musique. Le fait de ne pas avoir les moyens d'investir dans un enregistrement à plusieurs millions d'euros est un autre problème tou comme le fait de ne pas vouloir consentir à tous les sacrifices nécessaires pour devenir musicien professionnel.