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Test des basses Fender Vintage Series - Les tatas flingueuses

Très attendues sur le marché français depuis l’annonce de leur sortie durant le dernier NAMM, les nouvelles American Vintage Series ont décidé de faire un petit tour par chez moi. Pour qu’en toute exclusivité, votre serviteur puisse parler d’elles.

Vous consta­te­rez qu’on ne recule devant rien pour vous livrer de l’in­for­ma­tion bien fraîche. Et j’ai dû pous­ser un peu les murs de mon appar­te­ment, qui finit par ressem­bler de plus en plus à un showroom avec le temps qui passe et tout le matos qui y défile. Mais je ne me plains pas, non. J’ai une petite amie pour ça. Ce n’est donc pas une basse, ni deux mais bien trois oldies que je vais tester pour vous. Une Preci­sion de 63 et deux Jazz Bass que leur style oppose : la belle de 64 et sa cadette, la Jazz Bass de 74. Prépa­rez-vous à un petit voyage dans le temps les amis, véri­fiez que mamie est bien atta­chée, on a de la route.

Basse couguar

Fender American Vintage Series Basses

Commençons par une présen­ta­tion des trois basses, en commençant par les aînées, histoire de rester poli avec ces dames. Pour cette nouvelle mouture des Ameri­can Vintage Series, les petits gars de chez Fender ont dissé­qué quelques modèles origi­naux pour y débusquer tous les attri­buts du vintage : ces petits détails qui se sont perdus depuis des décen­nies de produc­tion effré­née et qui font la diffé­rence avec le contem­po­rain. De la finesse du vernis nitro-cellu­lo­sique appliqué à l’an­cienne, aux pièces déta­chées perdues depuis des lustres (comme le système de tampons étouf­foirs aban­donné en 1963). Les bureaux d’étude de Corona ont sorti la carte de la nostal­gie, en essayant de se rappro­cher au plus près de ce qui sortait des chaînes de produc­tion de l’époque. Allant même jusqu’à remettre en état des vieilles machines de produc­tion, aban­don­nées depuis des lustres. Si les Ameri­can Vintage séries sont exploi­tées depuis main­te­nant vingt ans par la marque, qui n’a jamais rechi­gné à user de vieilles recettes, cette année, le retour aux sources se fait sans détour.

L’ai­née

Comme les tontons flin­gueurs, la Preci­sion est de 1963. Que peut-on dire de beau sur ce cru ? En 1954, la forme Tele­cas­ter avait déjà été substi­tuée par celle d’une Stra­to­cas­ter et le micro simple a laissé sa place au légen­daire double bobi­nage dès 1957. Même chose pour la tête de manche qui voit sa forme modi­fiée cette même année. 

Fender American Vintage Series Basses

Fonda­men­ta­le­ment, le modèle s’est surtout réin­venté pendant cette période. En fait, sur le plan du design et de l’élec­tro­nique embarquée, la plupart des modi­fi­ca­tions avaient déjà été réali­sées six ans avant l’édi­tion du modèle qui nous concerne. Concrè­te­ment, les seuls chan­ge­ments opérés de 57 à 63 furent l’ajout de la fini­tion Sunburst (1958), la nouvelle plaque de protec­tion dont la matière sera modi­fiée en 1959 et surtout l’ar­ri­vée du palis­sandre comme revê­te­ment de touche qui appa­rait cette même année. On note aussi une modi­fi­ca­tion de forme de la touche qui passera du slab au veneer en 1962. J’en vois déjà fron­cer des sour­cils au fond de la salle, je vais donc prendre le temps de vous expliquer cette subti­lité de luthe­rie qui concerne surtout les anciennes guitares et leurs réédi­tions.

Origi­nel­le­ment, la plupart des touches rappor­tées étaient dites « slab » : On collait une touche plate sur un dos de manche de forme plane. Puis à partir de la fin des années 50, on a intro­duit un montage de touche profi­lée en rédui­sant consi­dé­ra­ble­ment l’épais­seur de cette dernière. Cette réédi­tion reprend donc toutes ces mises à jour, en fait on a presque l’im­pres­sion d’avoir une Preci­sion de 57 entre les doigts, avec une touche en palis­sandre.

Fender American Vintage Series Basses

Le corps de cette basse est en aulne, couvert d’une couche très fine de vernis nitro-cellu­lo­sique. Le manche dont le dos est en érable affiche des mensu­ra­tions impres­sion­nantes : trente-quatre pouces de long pour seule­ment vingt frettes. Son épais­seur est aussi impres­sion­nante sur le papier que sous les doigts, pour vous donner des repères que tout le monde connait : le sillet mesure pas moins de 44 mm et il gardera ce galbe jusqu’en 1970. Voilà de quoi faire de tout utili­sa­teur de cette basse un buche­ron poten­tiel. Petites pognes et mimines de danseuse : veuillez passer votre chemin ! Le dos du manche est aussi agré­menté d’un très beau vernis cellu­lo­sique laqué et d’un reliquat endé­mique d’une autre époque : l’at­tache cour­roie de tête. Ce dernier sera plus là pour titiller votre nostal­gie qu’autre chose, sauf pour les grands amateurs de coun­try, son emploi indui­sant une posi­tion très haute et très droite de l’ins­tru­ment.

L’élec­tro­nique des plus rudi­men­taires, mais non moins effi­cace, est moto­ri­sée par un split « Ameri­can Vintage » créé spécia­le­ment pour cette occa­sion ; ce dernier étant commandé par un simple volume accom­pa­gné de sa tona­lité. La basse est vendue avec ses cache-misère : à cette époque montrer les bobi­nages ou le cheva­let de sa basse était tabou. On aimait alors les dissi­mu­ler sous un cache micro et un cache cheva­let en métal. Une petite mousse est collée sous la cloche du cheva­let pour étouf­fer légè­re­ment les cordes au besoin. Toute personne norma­le­ment consti­tuée se trou­vant inca­pable de jouer avec ce caré­nage rapporté pourra au loisir s’en débar­ras­ser en deux tours de cruci­forme.

La couleur du modèle prêté pour ce test est une des plus belles qu’il m’ait été donné de voir chez Fender : le “Faded Sonic Blue”, un bleu très pâle, assez proche d’un Olym­pic White légè­re­ment mentholé. Magni­fique. Enfin pour finir ce descrip­tif sur une pointe finale de nostal­gie : sous la corde de sol, vissé dans la plaque et la table se trouve un repose-doigts, à l’époque on y plaçait les doigts de la main droite pour pouvoir attaquer les cordes au pouce. Aujour­d’hui on fait juste tout le contraire : on repose son pouce pour pouvoir attaquer aux doigts !

La cadette

Fender American Vintage Series Basses

La Jazz Bass de 64 est plus proche de sa genèse que la Preci­sion, puisque Leo Fender a lancé les premiers modèles sur le marché dès 1960. Pour l’anec­dote, il faut savoir que la concep­tion de cet instru­ment visait surtout à épar­gner les mauvaises enceintes de l’époque, qui suppor­taient mal les attaques du double bobi­nage. En 1961, la compa­gnie décide de rempla­cer les deux potards doubles (2 volumes et 2 tona­li­tés) par la confi­gu­ra­tion que l’on emploie toujours aujour­d’hui : un volume par micro et une tona­lité géné­rale. En 1962, la touche qui était « slab » se fait « veneer » et les sour­dines vissées sous le micro aigu dispa­raissent en 1963. Enfin, durant cette année 1964, la plaque et les repères de manche changent aussi de matière.

Pas d’ana­chro­nisme sur cette Jazz Bass, c’est bien une digne copie de l’ori­gi­nale. Le manche est juste l’op­posé de la version PB vue précé­dem­ment : sa finesse est un stan­dard de confort. Je dis ça parce que j’ai des mains de ouis­titi. D’autres trou­ve­ront la poutre qui équipe la Preci­sion plus confor­table. C’est une ques­tion de morpho­lo­gie et la mienne est plus prévue pour les petits gaba­rits. En fait, j’ap­pré­cie aussi ses mensu­ra­tions, car elles se rapprochent de ma vieille Jazz Bass. Imagi­nez une largeur de moins de 38mm à hauteur du sillet (37,60mm exac­te­ment) sur un manche agré­menté d’une touche en palis­sandre, d’une densité idéale et 34 pouces de longueur pour une ving­taine de frettes de type vintage (bien plus fines que les jumbos). Le radius est iden­tique à celui de la PB soit 7,25 pouces, ce qui restera assez bombé pour ceux qui ont l’ha­bi­tude de profils plus modernes.

Fender American Vintage Series Basses

Les deux micros simples aussi label­li­sés « Ameri­can Vintage », sont compo­sés d’AL­NICO 5 et ont été égale­ment créés pour cette édition. Cette Jazz Bass dispose égale­ment de son cache micro et de son homo­logue préposé au cheva­let, idem pour le repose-doigts. Comme le montre la photo, la Jazz Bass est vendue avec un kit de sour­dines fourni, exac­te­ment les mêmes qu’à l’ori­gine. Seuls manquent les trous de vis prévus pour leur montage sur la table, juste en-dessous du cheva­let. Le geste est assez sympa puisque les sour­dines équi­pant le modèle de 1960, conçues pour se rappro­cher du sustain court d’un instru­ment acous­tique, ont disparu de la circu­la­tion au milieu de l’an­née 63. Cette Reis­sue invite donc à leur emploi au besoin. Mais elle épargne ceux qui s’en passent, de voir la table de leur instru­ment trouée inuti­le­ment. On retrou­vera la même fixa­tion de tête pour la sangle.

Fender American Vintage Series Basses

La Jazz Bass et la Preci­sion sont toutes les deux vendues avec leur étui rigide, très classe (couleur beige crème) et les effets que l’on se voyait offrir lors l’achat : un baudrier en cuir, un chif­fon glissé dans le papier craft d’époque et un jack aussi élémen­taire que rétro. Les deux instru­ments reprennent aussi ce que je consi­dère comme le réglage de truss rod le plus labo­rieux du marché : une simple vis bien plan­tée au milieu du manche, qui oblige à le démon­ter à chaque fois qu’on doit le régler. Autre détail histo­rique, mais pas pratique : la course des méca­niques est inver­sée sur ces deux modèles (elle le restera jusqu’en 66).

Comme quoi, il n’y a pas que des avan­tages à faire du vieux.

La petite dernière

Finis­sons par la Jazz Bass de 74, qui intro­duit les chan­ge­ments majeurs impo­sés par CBS.

Fender American Vintage Series Basses

En 1965, les premiers binding appa­raissent et l’an­née qui suit, les repères de manche sont carrés. Puis les décal­co­ma­nies se modi­fie­ront, suivies des méca­niques et du vernis qui passera malheu­reu­se­ment au poly­es­ter dès 1968. En 1971, la touche en érable et les repères noirs deviennent un stan­dard. Enfin, la fin de l’an­née 73 fait appa­raître les premiers manches à trois vis. Ce modèle, qui conserve les quatre fixa­tions, a donc été calqué sur une produc­tion du début de cette année. Person­nel­le­ment, je n’ai jamais été amateur du système à trois vis que j’ai vu, à plusieurs reprises, mal vieillir. Par contre, il est dommage de ne pas pouvoir profi­ter des premières tiges, réglables par le haut sans avoir à démon­ter le manche, appa­rues seule­ment en 1975. Encore une fois, il faudra se fendre d’un démon­tage de manche à chaque fois qu’il faudra le régler.

Les deux micros simples bapti­sés « Ameri­can Vintage 74 Single Coil Jazz Bass » sont censés être bobi­nés comme à l’époque. À ce sujet, il faut savoir que durant cette période, le fabri­cant avait légè­re­ment revu la posi­tion du micro aigu à la baisse, encore plus près du cheva­let, pour rendre le stan­dard plus dyna­mique. Était-ce pour répondre à une nouvelle tendance bassis­tique, intro­duite par Alem­bic deux ans avant et qui allait lancer le règne de la basse active ?

Fender American Vintage Series Basses

Toujours est-il que cette basse semble avoir été faite pour tran­cher le mix en deux, à grand coup de touche en érable, rele­vée d’une belle épais­seur de vernis high gloss. Concer­nant le galbe du manche, il s’af­fine encore sur ce modèle (37,46mm au sillet) et change de profil (il passe du C au U), ce qui compense pas mal la perte de matière. On a en effet moins de largeur mais plus d’épais­seur. Je reste quand même plus fan du profil en C que la marque adop­tera à nouveau, de série, dès les années 80. Comme pour les deux autres, on retrouve deux volu­mi­neux caches, l’un pour le cheva­let et l’autre pour le micro aigu. Par contre, le repose-doigt devient enfin repose-pouce, ce qui ne lui épar­gnera pas d’être aussi démonté avant cet essai. Cette basse est un modèle du genre, que l’on retrou­vera sur tout bon disque de Funk à commen­cer par ceux qui ont inventé le Slap. Tout ça pour ne pas citer le grand Larry Graham et sa station infer­nale (atten­tion, si vous cliquez sur ce lien, vous risquez de vous lever pour vous mettre à danser). Comme les deux autres, cette Jazz Bass se propose dans plusieurs fini­tions. Par contre c’est la seule qui s’offre en ton natu­rel et donc en bois de frêne.

Une vieille, ça dit quoi ?

Fender American Vintage Series Basses

Voilà un petit compa­ra­tif sonore. Chaque instru­ment est rentré direc­te­ment dans une inter­face Nova­tion. Petit clin d’oeil chro­no­lo­gique, j’ai glissé une reprise endé­mique de chaque année d’édi­tion. Un petit morceau de Françoise Hardy, un autre des Fab Four et enfin une petite ligne tirée de la magni­fique bande-son de Shaft, le seul disque que j’ai bien voulu piquer à mes parents quand j’étais môme. Vous m’ex­cu­se­rez la qualité de jeu, je ne suis pas un habi­tué du cover playing. Mais je n’ai pas pu échap­per à cette phase nostal­gie : Les plus vieux me compren­dront, tandis que les autres pour­ront se payer la tête du vieux con que je deviens.

 
 
 
 
1 PB 63 françoise Hardy
00:0000:56
  • 1 PB 63 françoise Hardy 00:56
  • 2 PB media­tor 00:20
  • 3 PB doigts 00:38
  • 4 PB Slap 00:14
 
8 JB64 Open
00:0000:22
  • 8 JB64 Open 00:22
  • 7 JB64 Slap 00:16
  • 6 JB64 doigts 00:25
  • 9 JB64 muted 00:22
 
10 JB74 Shaft
00:0000:36
  • 10 JB74 Shaft 00:36
  • 11 JB74 Media­tor 00:34
  • 12 JB74 Slap 00:14

Adopte une vieille ?

Je vais conclure direc­te­ment, car je me suis bien attardé à vous détailler tous les petits chan­ge­ments tech­niques qui ont permis d’abou­tir, année par année, à ces trois fabu­leux instru­ments. Je suis pour ma part tota­le­ment emballé par cette nouvelle série, je n’avais tout simple­ment jamais vu un tel niveau de réali­sa­tion sur les Reis­sues améri­caines.

J’ai bien sur une préfé­rence pour la Jazz Bass de 1964 (2797€ prix public indi­ca­tif) qui se rapproche vrai­ment de ma vieille Sunburst de 66. Évide­ment, le bois sonne moins creux que sur un instru­ment d’époque, car il n’a pas encore eu le temps de vieillir, mais je peux vous assu­rer que les sensa­tions de jeu sont quasi-iden­tiques. Quant au son, eh bien c’est pour moi ce que doit être le grain d’une Jazz Bass : Simple, équi­li­bré et mordant si néces­saire.

La Preci­sion de 63 (2797€ prix public indi­ca­tif) a la signa­ture sonore idéale pour qui recherche le véri­table grain d’un split. J’avais un peu d’ap­pré­hen­sion concer­nant la touche en palis­sandre, car tradi­tion­nel­le­ment, je préfère l’érable sur un modèle PB. Mais en fin de compte, les micros ont assez de dyna­mique pour que le son ne s’en­dorme pas. Par contre, le manche demande des pognes adap­tées, si vous ne pouvez pas saisir un ballon de basket d’une seule main, faites comme moi et passez votre chemin. C’est telle­ment large que ça m’a un peu meur­tri les doigts et j’ai dû arrê­ter d’en­re­gis­trer pour la jour­née afin de pouvoir sentir à nouveau mes doigts. C’est donc une Preci­sion d’ex­cep­tion, mais qui ne s’of­frira pas à toutes les mains.

Enfin, la Jazz Bass de 74 (2965€ prix public indi­ca­tif) qui n’est pas ma favo­rite, mais ne mérite pas moins certains éloges, à commen­cer par sa dyna­mique qui vaut bien quelques mots : à jouer sur cet instru­ment, on finit par se deman­der à quoi peut bien servir un préam­pli inté­gré. Son gain est énorme et son grain d’ex­cep­tion fera du charme aux nombreux amateurs de Slap et culti­va­teurs de gros sons Funky. Elle sera aussi parfaite pour jouer de la Motown ou du Rock musclé (Geedy Lee joue sur un modèle de 70). La fini­tion des deux vernis cellu­lo­siques (celui de la PB63 et de la JB64) est juste parfaite, rien à redire, que ce soit à hauteur de corps ou de manche. Le vernis poly­uré­thane de la JB74 est un peu épais à mon goût, mais le veinage de son corps en frêne est juste magni­fique. Une mention spéciale pour les trois kits de micros qui équipent spécia­le­ment ces basses : si Fender les commer­cia­li­sait en pièce déta­chée, cela serait un succès commer­cial assuré !

Voici à mes yeux trois stan­dards idéaux qui consti­tuent une solu­tion tout à fait arran­geante pour qui n’a pas le budget du vintage. Vous pensez bien, au prix français d’une Jazz Bass datant de la moitié des sixties, vous pouvez vous offrir ces trois-là !

À essayer sans modé­ra­tion en tous cas.

  • Finition
  • Son
  • Ergonomie
  • Vendues en étui avec Jack, sangle, cordes et chiffon (+ sourdines sur modèle JB64)
  • Les petits défauts de l'époque, reproduits avec le plus grand soin
  • Les bassistes gauchers n'ont pas le droit au vintage

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