Revenu il y a peu sur les devants de la scène audio, E-MU frappe un grand coup sur le marché des cartes son d'entrée de gamme avec la 0404. L'équation est simple : 4 entrées + 4 sorties + 1 DSP = 99 € !
Extrêmement discrète depuis son rachat par Creative Labs, la société E-MU n’avait plus sorti de carte son depuis la vénérable E-MU APS, celle-là même qui avait servi de base aux gammes SoundBlaster Live ! et Audigy. Or, si pour ces raisons, la sortie des E-MU 1212, 1820 et 1820M a créé l’événement au cours des derniers mois, c’est bel et bien avec la 0404 que le constructeur réalise son plus beau coup médiatique.
En annonçant une carte audio/MIDI dotée de 4 entrées, 4 sorties et d’1 DSP pour 99 €, E-MU entend offrir des fonctionnalités pros/semi-pros au prix d’une bête carte multimédia. Sur un marché où l’entrée de gamme se situait jusqu’ici aux alentours des 200 €, la chose a de quoi intriguer. C’est donc l’œil aux aguets et la langue pendante que nous avons ouvert le carton envoyé par E-MU et installé la carte, dont il convient à présent d’examiner la connectique.
In et Out
Dans la mesure où la 0404 ne dispose pas de boîtier de connexion (ce qui se comprend vu le prix plancher de la donzelle), tous les branchements se font à l’arrière du PC, par l’intermédiaire de 2 câbles de type « Breakout ».
Se connectant sur deux prises de type DB-9 et DB-15, ces derniers rassemblent ainsi toutes les entrées/sorties physiques de la carte, à savoir :
- 2 entreés et 2 sorties analogiques asymétriques d’un côté, dont on appréciera le format Jack 6,35 quand il aurait été si facile de nous fourguer du minijack pour ce prix.
- 2 entrées/sorties numériques de l’autre (1 E/S optique et 1 E/S coaxiale dispos en S/PDIF ou en AES/EBU), accompagnées d’une entrée et d’une sortie MIDI au format DIN 5 broches.
Bref, l’ensemble est relativement complet même si, à l’usage, vous aurez du mal à vous passer d’une petite mixette dans le prolongement de la 0404. Outre le fait que cela vous évitera d’avoir à passer derrière votre PC au moindre changement dans vos branchements, vous bénéficierez ainsi d’entrées préamplifiées avec alimentation fantôme pour vos prises de son, et disposerez de toutes les prises nécessaires pour connecter vos enceintes ET votre casque (encore que sur ce dernier point, on puisse se débrouiller en recourant à une paire de moniteurs munis d’une sortie casque, même si la chose est loin d’être monnaie courante)
La mise en place de la 0404 ne pose aucun problème, que ce soit du point de vue matériel ou logiciel. Sitôt les drivers installés, une icône vient se loger près de l’horloge de Windows, qui donne accès au « PatchMix », l’interface l’interface de routing et de mixage commune à toute la nouvelle gamme de carte son E-MU.
PatchMix, qui es-tu ?
Cette dernière reprend pour l’essentiel l’ergonomie d’une table de mixage hardware à ceci près qu’elle est complètement modulable : on peut ainsi ajouter ou retirer des tranches à loisir, pour gérer toutes les entrées physiques ou virtuelles de la carte.
Par le biais de ses drivers ASIO, l’E-MU 0404 est en effet capable de gérer jusqu’à 16 pistes stéréo (32 pistes mono placées 2 à 2 dans les faits) en provenance de votre séquenceur, l’envoi vers le bus d’effet auxiliaire pouvant se faire en amont ou en aval du fader.
On retrouve sur chaque tranche les réglages et options habituels : Deux switchs pour écouter le canal en solo ou le rendre muet, un fader pour ajuster son niveau, deux potars pour doser l’envoi du signal dans les 2 bus d’effets auxiliaires, un ou deux potars pour gérer le panoramique et enfin des slots pour l’insertion d’effets, en nombres illimités (autant que le DSP de la carte le permet, en fait, car la carte embarque un DSP sur lequel nous reviendrons).
Outre ses slots d’insertion d’effets et son fader pour régler le niveau global, la piste Master qu’on retrouve dans la partie inférieure droite de l’interface propose également des réglages de volume, balance et un switch Mute pour la partie Monitoring. Au-dessus, un panneau nommé Sync permettra de régler la carte de synchronisation qu’il est possible d’adjoindre, en option, à la 0404. Surmontant le tout, les deux bus d’effets proposent eux aussi des slots d’Insert dont le nombre est limité par les possibilités de la carte, et sont flanqués des usuels potentiomètres Send & Return.
Enfin, la partie supérieure droite de l’interface est quant à elle dévolue à la visualisation du routing des entrées/sorties physiques ou virtuelles mais aussi à l’édition des différents des effets DSP de la carte.
Dé Esse Pé
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Non content d’avoir accouché d’une carte audio semi-pro vendue à un prix dérisoire, E-MU a en effet doté sa 0404 de l’E-DSP, un chipset qu’on retrouve sur toutes les nouvelles cartes du constructeur et qui n’est rien d’autre qu’un lointain descendant de l’EMU10K dont les déclinaisons équipèrent successivement l’EMU APS et les SoundBlaster Live ! & Audigy.
Or sachez que ce dernier permet d’utiliser jusqu’à une petite vingtaines d’effets hardware simultanément, à choisir parmi la liste que voici :
1-Band Para EQ, 1-Band Shelf EQ, 3-Band EQ, 4-Band EQ, Auto-Wah, Chorus, Compressor, Distortion, Freq Shifter, Leveling Amp, Mono Delay 100, Mono Delay 3000, Stereo Delay 100, Stereo Delay 1500, Phase Shifter, Rotary, Speaker Simulator, Stereo Reverb et Vocal Morpher.
L’assignation des effets dans l’interface PatchMix est relativement simple : Après avoir repéré l’effet ou le patch désiré dans la fenêtre FX, un simple cliqué-glissé sur un slot libre permet de l’assigner.
Deux petites restrictions toutefois :
- la première, c’est que le nombre d’effets utilisable simultanément est variable et dépend de la consommation en ressources DSP de chaque effet. De la sorte, si l’on pourra sans problème utiliser 15 flangers, on ne pourra recourir qu’à deux réverbs stéréo en même temps. Comme les choses sont bien faites, la liste des effets évolue en fonction de la charge du DSP : une fois les deux réverbs stéréo assignées, par exemple, plusieurs effets apparaîtront en grisé dans la liste, signe qu’il ne reste plus assez de puissance DSP pour les utiliser.
- Deuxième restriction : les effets ne peuvent être utilisés lorsque la fréquence d’échantillonnage de la carte est fixé à 96 kHz.
Des connexions sympathiques, des possibilités de routing et des effets DSP : la 0404 frise la perfection, d’autant qu’elle dispose en plus d’un sympathique bundle du moins sur le papier.
Voyons à présent ce que tout cela donne sur le terrain, en commençant par un petit benchmark.
Benchmark
En terme de qualité audio, la carte s’est parfaitement comportée, comme le montrent les benchmarks ci-dessous réalisés avec RightMark Audio Analyser 5.4.
Sur le test External Loopback en 16 bits / 44 kHz, la réponse en fréquence présente une chute à partir de 17500 Hz avec oscillation de la réponse inaudible dans le haut du spectre cependant que le rapport signal/bruit se situe dans une moyenne de 96 dB, ce qui est plus qu’honorable. La dynamique quant à elle est de 94 dB.
Summary
Frequency response (from 40 Hz to 15 kHz), dB: | +0.09, –0.24 | Very good |
Noise level, dB (A): | –93.6 | Very good |
Dynamic range, dB (A): | 94.2 | Very good |
THD, %: | 0.0025 | Excellent |
IMD, %: | 0.0065 | Excellent |
Stereo crosstalk, dB: | –94.7 | Excellent |
IMD at 10 kHz, %: | 4.148 | Very poor |
General performance: Very good
Frequency response
Frequency range | Response |
From 20 Hz to 20 kHz, dB | –1.55, +0.09 |
From 40 Hz to 15 kHz, dB | –0.24, +0.09 |
Noise level
Parameter | Left | Right |
RMS power, dB: | –92.1 | –92.0 |
RMS power (A-weighted), dB: | –93.6 | –93.5 |
Peak level, dB FS: | –81.1 | –81.1 |
DC offset, %: | –0.00 | –0.00 |
Dynamic range
Parameter | Left | Right |
Dynamic range, dB: | +92.9 | +93.0 |
Dynamic range (A-weighted), dB: | +94.2 | +94.2 |
DC offset, %: | –0.00 | –0.00 |
THD + Noise (at –3 dB FS)
Parameter | Left | Right |
THD, %: | 0.0025 | 0.0025 |
THD + Noise, %: | 0.0058 | 0.0058 |
THD + Noise (A-weighted), %: | 0.0054 | 0.0054 |
Intermodulation distortion
Parameter | Left | Right |
IMD + Noise, %: | 0.0066 | 0.0065 |
IMD + Noise (A-weighted), %: | 0.0057 | 0.0057 |
Stereo crosstalk
Parameter | L <- R | L -> R |
Crosstalk at 100 Hz, dB: | –96 | –93 |
Crosstalk at 1 kHz, dB: | –94 | –92 |
Crosstalk at 10 kHz, dB: | –90 | –90 |
IMD (swept tones)
Parameter | Left | Right |
IMD + Noise at 5 kHz, %: | 0.0089 | 0.0087 |
IMD + Noise at 10 kHz, %: | 0.6057 | 0.6055 |
IMD + Noise at 15 kHz, %: | 11.8290 | 11.8392 |
Côté latence, rien à redire non plus : le réglage se fait depuis le séquenceur et si un réglage de 5 ms occasionnera quelques décrochages, on peut sans problème travailler dans des valeurs inférieures à 20 ms.
Bundle en prime
En parlant de séquenceur, il peut être bon de noter que, loin de se contenter de livrer une carte à un prix défiant toute concurrence, E-MU s’est aussi fendu d’un Bundle. Si l’on ne s’arrêtera pas trop sur le soft d’authoring DVD fourni ici en version bridée, il convient de préciser que Cubasis 4 de Steinberg est livré dans sa version OEM avec la carte. Un 'plus produit’ bienvenu qui devrait permettre à ceux qui sont dépourvus de séquenceur de faire leurs premières armes en MAO.
En dépit de son allure vieillotte (le logiciel est basé sur le moteur et l’interface de Cubase VST 5), Cubasis est en effet un vrai séquenceur qui, du haut de ses 64 pistes MIDI, de ses 48 pistes Audio et de ses 4 instruments virtuels, ridiculise bien des multipistes matériels en terme de fonctionnalités. Seul vrai regret : on ne dispose que de deux slots par piste pour insérer des effets. Si cette limitation pourra être contournée en recourant aux effets du E-DSP dans l’interface PatchMix, on regrettera tout de même qu’E-MU n’ait pas pu fournir la version 5 du même Cubasis (qui propose elle 4 slots d’insert par tranche) ou un autre séquenceur bon marché comme le génial Tracktion… Relativisons tout de même : à un prix si bas, l’absence de tout logiciel en bundle n’aurait rien de chocante : de fait, ce Cubasis est un considérer comme la cerise sur le gâteau, le cadeau Bonux qui ravira plus d’un débutant fauché.
Reste maintenant à évoquer le comportement de la carte dans le contexte d’une séquence justement, histoire d’éprouver les limités et la cohérence de l’offre d’E-MU.
Séquencer avec une 0404…
…n’a rien de bien évident au départ ! Si l’enregistrement d’une piste et sa lecture ne pose pas trop de problèmes, les choses se gâtent vite dès qu’on en vient à vouloir utiliser plusieurs pistes virtuelles et les fameux effets de l’E-DSP en insertion de piste. Pour cela, E-MU a mis au point un simili-plug-in nommée E-Wire qui renvoie, à la manière de ReWire, la piste vers l’interface PatchMix pour que l’effet soit appliqué.
Or, la chose n’a rien de très pratique : entre entrées physiques réelles et pistes virtuelles, on se prend vite les pieds dans le tapis faute d’une interface de routing suffisamment claire. Si la chose devrait être simplifiée par E-MU qui nous promet une interface VST pour accéder aux effets E-DSP, je vois mal, pour l’heure, comment un débutant pourrait s’en sortir facilement.
Et c’est bien dommage car en terme de qualité, les effets proposés font plutôt bonne figure, à de rares exceptions près (Simulateur de HP par exemple). Certes, les algorithmes mis au point par E-MU ne devraient pas inquiéter les Waves, PSP Audioware, Ohm Force et autres Spin Audio mais il y a vraiment un potentiel qu’on rage de ne pouvoir exploiter simplement.
Conclusion
En proposant des fonctionnalités avancées dans une interface somme toute assez complexe pour un prix dérisoire, l’E-MU 0404 ne manque pas de paradoxes. Si elle devrait ravir certains fauchés voyant là un bon moyen d’obtenir un outil puissant sans se mettre sur la paille, elle devrait ainsi rebuter bien des débutants maîtrisant encore mal les concepts de l’audio et de la MAO. Reste qu’en tirant ainsi les prix vers le bas, E-MU participe d’une émulation qui, bien que présente dans de nombreux secteurs de l’informatique (CF les guerres Intel/AMD, nVidia/ATI), faisait jusqu’ici cruellement défaut dans la petit monde des cartes audio.
Pour cette raison et parce qu’à 100 €, la carte risque d’obtenir les faveurs de plus d’un Home Studiste, l’initiative d’E-MU et son audace marketing mérite toutefois qu’on les salue comme il se doit : chapeau bas !