Prenez une carte son 24/192 munie d'un DSP, ajoutez-y un lecteur d'échantillon logiciel doté de 53 types de filtres et compatible Akai, GigaSampler & HALion. Remuez le tout et servez dans une belle boîte rouge au prix de 149 € : voici la recette du ProteusX d'E-MU. A table !
Emu, sous la houlette de Creative, continue d’étonner avec des produits au rapport qualité/prix canon. Hybride de carte son 0404 et d’EmulatorX, ProteusX emprunte à la première son hardware et au deuxième une partie de sa puissance logicielle et sa banque de sons. Lecteur d’échantillons, synthèse, effets DSP, banques de sons signés EMU, le tout pour 149€ : il y a de quoi être… ému.
In the Box
A l’ouverture de la boîte, on trouve d’abord la carte 0404 (déjà testée par AudioFanzine). Il s’agit, rappelons-le, d’une carte son PCI dotée de deux entrées/sortie analogique en jack 6,35, de sorties numériques S/PDIF optiques et coaxiales ainsi que de connecteurs MIDI in et out. N’oublions pas le DSP qui permet de profiter d’effets intégrés, ce dont ProteusX ne se prive pas, bien évidemment.
Viennent ensuite un CD de driver (ceux de la 0404), un CD d’installation pour ProteusX proprement dit puis 4 CDs de son.
Nous testons également ici 4 banques d’échantillons additionnelles (69€ pièce), certaines étant inspirées de modules sonores EMU du même nom (rappelez vous la série d’expandeurs qui fit les beaux jours de la marque) : Virtuoso pour les sons classiques, Planet Earth pour les sons ethniques, Street Kits pour les percus Urban/Dance et Mo’Phatt pour les gros sons de synthé digitaux. La configuration minimum pour utiliser ProteusX est un Pentium III à 1GHz, 512MB de Ram, un disque dur rapide (7200 tours/minute, 8MB de cache) le tout sous Windows 2000 ou XP. Notez qu’un P4 à 2,0 Ghz et 1Go de Ram sont recommandés pour exploiter au maximum les possibilités de ProteusX.
Installation
L’installation commence par les pilotes de la 0404 puis continue par ProteusX lui-même. Viennent ensuite les quatre CDs de sons fournis : 2 pour un piano multi-échantillonnés et 2 autres contenant des sons variés (dont un ensemble général MIDI). Ces sons sont les mêmes que ceux livrés avec EmulatorX. Cela fait donc 6 CDs à insérer à tour de rôle, bonjour le grille pain ! ProteusX peut être utilisé seul ou comme VSTi (ce qui n’était pas le cas d’EmulatorX à sa sortie, oubli réparé depuis).
Petite chose énervante, à la première exécution, il est nécessaire de remettre le CD pour une phase « d’autorisation ». ProteusX dispose de paramètre d’optimisation divers qui ont trait à la latence audio, au streaming disque, etc. Globalement, depuis la sortie d’EmulatorX, on a le sentiment que la qualité des pilotes et des logiciels a bien progressé, preuve qu’EMU ne s’endort pas sur ses lauriers.
Premier contact
Au premier abord, ProteusX ressemble comme deux gouttes d’eau à EmulatorX, seule la couleur sombre du logiciel marque la différence.
Quand on creuse un peu plus, on s’aperçoit que ProteusX ne possède pas les capacités de sampling de son grand frère, nous avons bien affaire à un lecteur d’échantillons dotée toutefois des mêmes capacités de synthèse qu’EmulatorX, ce qui ne gâche rien.
En plus des banques propres à EMU, un logiciel de transfert (ProteusX Translator) permet d’importer des fichiers aux formats aussi variés que SoundFont, Akai S5000/6000, EXS, HALion ou Gigastudio mais aussi d’importer directement des CDs aux formats EMUIII ou Akai S1000/S3000 !
La prise en main de ProteusX est plutôt simple : il suffit de charger une banque de sons, de choisir une entrée MIDI et le tour est joué !
Petit conseil, un onglet « Library » offre la possibilité de chercher sur vos disques les banques de sons et facilite ensuite l’accès à ceux-ci par un système de recherche textuelle. Il ne faut donc surtout pas hésiter à réaliser cette opération dès le début.
Pour utiliser ProteusX comme VSTi, il est nécessaire d’utiliser le driver ASIO EMU (si vous avez une autre carte, vous ne pourrez donc pas l’utiliser). Petite anecdote à ce sujet, à l’installation, les composants VST de ProteusX se sont installés dans C:> Program Files > Steinberg > Vstplugins ce qui empêchait apparamment Cubase SX3 de trouver ProteusX. Une copie du répertoire EMU dans C:> Program Files > Steinberg > Cubase SX 3 > Vstplugins a réglé le problème.
Autre petit bémol, le mixeur logiciel PatchMIX est toujours aussi confus sur certains points (voir les tests précédents). Heureusement, les réglage de base sont suffisants.
Architecture sonore
L’architecture sonore de ProteusX ressemble à celle de nombre d’expandeurs matériels. A la base se trouve soit un échantillon soit un multi-échantillon. Il très facile de gérer graphiquement l’assignation de zones du clavier à des échantillons donnés. Pour former une « voice » en terme EMU, on passe un échantillon ou un multi-échantillon à travers un filtre et un ampli. Si la partie amplification n’appelle pas de commentaire particulier, la partie filtre est, elle, assez avancée.
On trouve 53 types de filtre, des classiques passe-haut ou passe-bas à des choses plus sophistiquée telles que des filtres à morphing (passage d’un type de filtre à un autre dans le temps). L’aide en ligne sous forme de fichier PDF est d’ailleurs très bien faite à ce sujet, et en français s’il vous plait.
S’ajoute à cela des possibilités de modulation (6 générateurs d’enveloppe, 2 LFOs) ainsi qu’un routing sophistiqué entre ces possibilités de modulation. Une voice se comporte donc comme un synthétiseur soustractif à base d’échantillons.
A un niveau supérieur, un preset est un ensemble de voices, chacune d’entre elles pouvant être assignée à des zones différentes du clavier. Pour ceux qui ont connu les D50 et autres M1, que de chemin parcouru en bientôt 20 ans !
Enfin, le dernier niveau est nommé multisetup, il permet d’assigner un preset à chacun des 32 canaux MIDI gérés par ProteusX. Un multisetup peut être sauvegardé pour être réutilisé plus tard. ProteusX se comporte donc comme un expandeur multi-timbral, une seul instance pouvant jouer jusqu’à 32 presets en simultané (dans la limite des capacités de votre PC bien sûr !). Pour finir, n’oublions pas que les effets DSP de la 0404 peuvent faire partie intégrant de chaque preset.
On trouve également un effet auxiliaire qui peut s’appliquer à tous les presets d’un multisetup (pour une réverb générale par exemple). Enfin, last but not least (au diable l’académie française), 16 contrôleurs MIDI peuvent être utilisés pour triturer nombre de paramètres, voilà qui peut être intéressant surtout au prix des surfaces de contrôle…
Et les banques ?
Parmi les sons livrés (qui sont peu ou prou les mêmes que ceux livrés avec EmulatorX), on trouve tout d’abord un piano qui prend 2 CDs. Il n’est pas mal du tout et fera illusion dans un mix, même s’il ne se hisse pas, selon moi, au niveau des ténors du genre.
Viennent ensuite des ensemble de cordes assez réussis, une banque General MIDI très inégale et un certain nombre de kits de batteries qui sonnent relativement bien. De son côté, la banque nommée « Hip Hop Producer » est un peu un fourre-tout de sons plus actuels. Globalement, les instruments acoustiques (hors batterie, cordes et piano) sont relativement moyens. En revanche, les sons typés « grosse synthèse digitale » et les percussions sont nettement plus réussis.
Dans l’ensemble, on regrettera que les presets ne fassent pas assez appel aux puissants filtres et surtout aux effets qui, pour le coup, passent relativement inaperçus. Mais comme pour tout bon synthé/lecteur d’échantillons qui se respecte, vous aurez le loisir de retravailler les presets de base pour les adapter à votre sauce. Dans ce cadre, les capacités de synthèse de la bête devraient exprimer tout leur potentiel créatif. Et n’oublions pas la possibilité d’importer facilement des CDs AKAI ou autre !
Nous avons aussi testé 4 banques de sons vendues 69 € l’unité. Issues de l’énorme réserve de samples qu’E-MU a accumulée au fil du temps, elles ont pour la plupart été utilisées dans des expandeurs ou des claviers qui étaient, il n’y a pas si longtemps, vendus plusieurs milliers de francs !
Une fois installées, il est nécessaire, avant d’utiliser chacune d’entre elles, de réintroduire le CD d’installation pour une phase d’autorisation (toujours aussi énervant). Ceci fait, un petit 'Update library’ dans le menu 'file’ force ProteusX à reparcourir vos disques pour y inclure les nouveaux presets et autres samples dans sa biobliothèque. Petit détail important, chaque banque est livrée avec un petit livret donnant la liste des presets et quelques informations sur les assignations de presets aux zones du clavier.
Commençons par la banque nommée « Street Kits » qui pèse dans les 300 Mo une fois installée et qui rassemble des kits de batterie « Urban/Dance » (dixit E-MU). Oscillant entre la Dance, le Rap et le R’n’B, cette collection n’est pas là pour proposer une reproduction fidèle d’instruments acoustiques mais pour faire dans le synthétique et le traffiqué. Or, il faut admettre qu’E-MU réussit ici parfaitement son pari : les sons sont assez réussis et la banque s’avère en définitive la plus homogène du lot, réservant peu ou pas de mauvaises surprises. Une valeur sûre en quelque sorte si ce style de sons vous attire.
Vient ensuite la banque nommée Planet Earth qui délestera votre disque dur de 38 Mo seulement. Reprenant les sons de l’expandeur eponyme d’EMU, sorti à l’époque où la World Music était très à la mode, elle se divise en deux parties : la première comporte des dizaines d’instruments ethniques tandis que la seconde propose des kits de percussions et des sons plus synthétiques d’inspiration ethniques. Autant le dire : cette banque a assez mal vieilli. Certains sons sont intéressants comme la harpe celtique (à essayer avec un arpégiateur et beaucoup de réverb), certaines percussions (l’ensemble de percussions africaines) et les sons synthétiques. Reste que pas mal de choses ne sont pas au niveau de ce qu’on est en droit d’attendre aujourd’hui en matière de sampling : le oud ou le saz sont notamment trop pauvres pour convaincre. Bref, il sera délicat d’utiliser cette banque à des fins réalistes sauf peut-être pour les percussions. Elle constituera toutefois une bonne matière première pour tous les amateurs de bidouillages synthétiques…
Si vous vous sentez l’ame d’un Mozart du 21ème siècle, la banque Virtuso, issue de l’expandeur du même nom est, selon EMU, faite pour vous. Les ensembles violons ou orchestraux sont réussis (presets « Unison Orch » ou « Voice Strings » par exemple) mais seront certainement plus efficaces dans un contexte pop plutôt qu’une imitation réaliste d’un orchestre.
Les instruments percussifs type marimba ou xylophone sont eux moins réussis : ils manquent un peu de dynamique et de profondeur. Les vents sont de qualité inégale (mention spéciale au basson). Quant aux cuivres, je n’aurais que 2 mots à dire : bof bof. On trouve même quelques instruments synthétiques tels que des cuivres ou violons, il en faut pour tous les goûts !
Pour résumer, une banque sympathique pour donner un côté 'symphonique’ à des ballades sucrées, mais pas de quoi imiter un orchestre de façon réaliste. Il faut dire que du haut de ses 72 Mo, la collection Virtuoso aurait peine à rivaliser avec les banques 10 à 1000 fois plus grosses qu’on trouve aujourd’hui sur le marché.
Nous avons gardé le meilleur pour la fin : la banque Mo’Phatt. Parce qu’elle n’essaye pas d’imiter d’instrument acoustique, elle est sans aucun doute celle qui exploite le mieux le potentiel de synthèse du ProteusX. Avec ses 50 Mo, elle donne dans le très gros son digital (genre D50 qui a mangé des Corn Flakes). On trouve ainsi des nappes (presets « MadDramA », « Synthetic »), des cuivres (« ProfBrass »), des basses slappées ou encore des kits de batteries (« BabyDoll »).
Si l’on regrettera le manque de gros sons Lead et la tendance « effet spécial » de beaucoup de presets qui seront, de ce fait, assez durs à placer, on appréciera en revanche l’utilisation de contrôleurs qui modifient avec bonheur certains presets (essayez ne serait-ce que la modulation sur le susnommé « Synthetic »). Un vrai bonheur synthétique qui vous amenera facilement à créer vos propres presets.
Notez que les quatre banques citées ici ne sont pas les seules qu’E-MU propose. On en trouve ainsi quatre autres : trois dévolues à l’histoire des synthétiseurs et autres pianos électriques (Vintage Pro X) et une composée de boucles et samples de batterie (Beat Shop Two). De quoi faire !
Conclusion
A 149 € seulement (soit seulement 49 € de plus qu’une 0404 seule), l’ensemble ProteusX est indéniablement une affaire car il réunit deux produits au rapport qualité/performance/prix stupéfiant : d’un côté la sympathique 0404 et ses effets DSP, de l’autre le lecteur d’échantillons virtuel ProteusX qui n’a pas à rougir devant un Kompakt ou un HALion Player, en terme de synthèse comme d’ouverture. Outre les possibilités offertes concernant le soud design, le soft d’E-MU donne en effet accès, via son logiciel de conversion, à des milliers de sons, le tout avec une consommation CPU très faible (sur un Athlon 64 3400+, soit).
La réussite du logiciel est telle qu’on en vient à regretter qu’il ne fonctionne que dans le contexte d’une carte EMU, même s’il est possible de l’utiliser avec une autre carte son (la 0404 faisant alors office de dongle de luxe).