24 bits/192 Khz, 1 entrée/sortie stéréo analogique à double connectique (c-inch ou jacks symétrique), une entrée/sortie S/pdif et une interface MIDI pour moins de 200 euros… C'est le pari d'Ego Sys avec sa nouvelle conquête : la jolie Juli@...
Dans la jungle de l’acquisition audio, Ego Sys a depuis longtemps su préserver son territoire, en gardant à la fois un sens de l’observation aigu, une griffe technique acérée et une politique de prix agressive.
Depuis l’apparition du fameux WamiRack, puis de la WamiBox, qui proposaient il y a plusieurs années, à l’heure où la plupart des concurrents se faisaient encore changer les couches par ProTools, des solutions professionnelles sous forme de racks équipés de connexions XLR, et ce à des prix hallucinants pour l’époque, la marque coréenne n’a cessé d’étonner avec une ligne de produits proposant une indéniable constante : un rapport qualité/prix au dessus de la moyenne.
Mais à l’heure où le « standard » devient de plus en plus exigeant, et où les prix sont systématiquement essorés par des marques comme E-mu ou M-Audio, Ego Sys avait besoin d’un nouveau produit phare pour se tenir dans la course. Et il semblerait que la Juli@ soit bien partie pour rejoindre l’écurie des Formule 1 des cartes sons performantes et pourtant accessibles à tous.
Haute couture
De l’élégance, c’est ce que l’on remarque tout d’abord en découvrant Juli@, tendrement lovée dans sa boîte, quant à elle pourtant très fonctionnelle (noir et blanc), et sans aucun effet visuel tape à l’œil.
Le contenant ne manque pas de classe : circuit imprimé blanc, belles finitions, soudures impeccables… Jusqu’aux câbles de raccord MIDI IN/OUT et S/PDIF (format c-inch), fiers d’agréables fils blancs et de connecteurs transparents, tout a été soumis à un design futuriste mais précieux, technologique mais soyeux.
Cependant, une fois passée cette agréable surprise esthétique (vous m’objecterez que pour une carte PCI, enfermée dans l’ordinateur, cela n’a guère qu’une importance très limitée, mais quand même, l’attention est délicate !), on est immédiatement attiré par les deux rangées de 4 prises audio, joliment dorées « avec du vrai or », l’une proposant une connectique c-inch, ou RCA pour les intimes, et l’autre, tournée vers la partie interne de la carte, une connectique jack 6.35''.
C’est là la grande originalité de ce nouveau produit ESI, qui permettra à chaque utilisateur de choisir, en fonction de la configuration de son home studio, soit la connexion standard (asymétrique –10 dBV nominal) du c-inch, soit la « professionnelle » (symétrique +4 dBu nominal) du jack : quelques vis, des connaissances minimales en mécano, et le tour est joué !
Bien entendu, si vous souhaitez changer d’option, il faudra sortir la carte de la bécane, et recommencer l’opération en sens inverse… Mais bon, l’idée est bonne et offre une grande souplesse, ouvrant là encore le produit à un public plus large.
Installation
On nous l’affirme dès la première page du manuel : l’installation des drivers de miss Juli@ est très simple, « même pour un débutant en ordinateur » ! Nous voilà donc rassurés, pour peu toutefois que nous sachions lire soit l’anglais, soit l’allemand, car le sus-cité mode d’emploi n’a pas, hélas, daigné enfiler le divin manteau de la langue de Molière.
Mais au diable le chauvinisme ! Nous savons bien (!) que de gré ou de force, les home studistes parlent le grand breton couramment. Il n’y aura donc pas péril en la demeure, d’autant que la littérature proposée est assez succincte, et agrémentée, comme pour mieux faire passer la pilule, de maintes captures d’écran permettant de suivre pas à pas la procédure d’installation.
Malheureusement, si l’on n’est pas trop désespéré par le baragouin anglo-informatique destiné à nous aiguiller, relativement simple à comprendre on l’a dit, une première énigme, plus malicieuse, s’attaque à notre intelligence dès le démarrage du processus d’installation. Certes, au décollage de Windows XP, tout se passe bien. Après s’être nonchalamment frotté les yeux pour se réveiller, l’écran nous affiche en bas à gauche dans une petite bulle coquille d’œuf qu’un nouveau matériel a été radarisé par le système, et que, bonheur, il s’agit bien d’un Contrôleur audio Multimédia. La carte est donc bien reconnue, il ne reste plus qu’à sortir le CD-Rom contenant les drivers, et indiquer à l’ordinateur l’emplacement de ceux-ci sur le disque.
Après un rapide coup d’œil à la notice qui nous demande de nous rendre sans passer par la case départ dans un sous dossier baptisé judicieusement « Juli@ », on browse à donff, déjà inquiet que le chemin indiqué sur le papier n’ait rien à voir avec celui du Cdrom, mais toutefois suffisamment alerte pour tomber au bout de quelques clics sur une enigme digne du Sphinx : il y a dans notre fameux emplacement 3 dossiers différents contenant chacun un driver. Lequel choisir ? Comment s’y prendre ? Allons-y pour le premier de liste, qui affiche d’ailleurs le numéro le plus élevé, soit Juli@ 110, contre 101 et 102 pour les 2 autres.
S’agit-il des versions successives ? Mais alors, pourquoi nous fournir les anciennes ? Aucune explication nulle part. Comptons donc sur l’indispensable compagnon de l’informaticien musical : la chance ! Un clic… Vroum, ça palpite dans la bête, ça ronronne dans le lecteur… Tout semble rouler… Mais toc, une nouvelle fenêtre nous demande de choisir parmi les 3 drivers. Comme on est têtu, on persiste et signe pour le f…n’ 110 ! Re-clic ! Re-palpitation, Re-ronronnement… Après 2 passes de la même procédure (il faut installer successivement 2 drivers, Midi et Audio), on est soulagé d’apprendre que l’on s’est fait peur pour rien, puisque, comme on nous l’affirme dans une nouvelle bulle jaune d’œuf, notre matériel est « correctement installé et prêt à l’emploi »…
Il ne reste plus qu’à redémarrer, à la suite de quoi une petite icône « Esi » apparaît bien à droite de la barre des tâches, intronisant Juli@ nouvelle reine de notre bon peuple audio . Ouf ! Ça marche !
J’en entends qui disent : « Mais quelle truffe, celui-là ! Il suffisait de faire un petit tour sur le site d’Ego Sys (www.esi-pro.com) pour démêler l’affaire en 2 coups de cuiller à octet, et récupérer le f…n’ 117, dernière version du driver qui, en plus de résoudre quelques bugs, offre une interface multilingue ! Et puisque 100% des AFiens ont accès à une connexion Internet (comment avez-vous deviné ?), pourquoi nous faire marner ? ». Reste que si vous venez de déménager et que vous n’avez pas encore votre Frite Boxe, le CD d’installation est tout ce dont vous disposerez pour installer la bête. CQFD…
Toujours est-il que l’installation, en dehors de ces petits problèmes de débutants, est parfaitement cristalline, et on peut immédiatement vérifier l’ergonomie du système en lisant n’importe quel type de fichier audio avec le MediaPlayer de Windows. Le son jaillit tel un geyser chaud et puissant (note de Los Teignos : ça vire au X là…), et l’on se ravit de voir que tout fonctionne sans qu’on ait aucun plongeon à faire dans les pages audio du panneau de configuration. Le pied !
Le Panneau de contrôle
En cliquant sur l’icône « Esi », on ouvre l’interface de mixage de Juli@. Extrêmement simple, celle-ci offre 4 zones.
De gauche à droite, la première dévoile les vu-mètres de monitoring des signaux d’entrée analogiques et numériques, la seconde ceux des sorties, la troisième propose les faders et le vu-mètre master et la dernière permet de choisir et de contrôler la fréquence d’échantillonnage, ainsi que d’opter pour le type d’horloge (interne ou externe).
Des boutons « monitor » donnent accès, pour les entrées analogiques ET numériques, ainsi que pour les sorties numériques, à des faders de niveau. Deux boutons de mute, pour la sortie analogique et le master, permettent de couper le volume. Rien de plus simple et on note avec plaisir que les faders répondent à la mollette de la souris.
Une fonction de réglage, dans le menu « config » permet en outre de régler la vitesse de réponse à celle-ci, par pas de 1, 2, 4, 8 ou 16 crans. Un plaisir… Toujours dans ce menu, on peut choisir le nombre d’échantillons du buffer pour affiner la latence en fonction des utilisations.
Celle-ci est réglée par défaut à 256 échantillons. Tous ces réglages, ainsi que les patches configurés dans le panneau DirectWire, peuvent ensuite être sauvegardés et rappelés grâce à un menu « file ».
DirectWire & E-WDM pour vous servir
Un autre menu donne accès au panneau de contrôle DirectWire. Cette application développée par AudiotraK, une division d’EgoSys et qui a connu un vif succès tout au long de ses updates en raison des câbles virtuels (à l’heure où Reason n’existait encore que dans les dédales neuroniques de nos amis du Nord et ne nous avait pas définitivement convaincu avec ses plats de spaghettis) affichant des patches intuitifs et facilement visualisables, permet de connecter entre elles différentes applications ayant des drivers audio différents.
Notons que nous sommes ici en présence de la version 3, qui ajoute une section d’entrée physiques de la carte. Vous pouvez ainsi parfaitement brancher les sorties d’un logiciel utilisant des drivers WDM, comme Audition, sur les entrées Asio d’un Cubase ou d’un Sonar, ou encore faire entrer les sorties de GigaSampler (qui utilise les drivers Gsif) aux entrées d’un Vegas, utilisant les drivers MME, tout ce beau monde tournant bien entendu en même temps sur la même machine !
Simple, ergonomique, stable et sans prise de tête, cette application permet, vous vous en doutez, une grande souplesse de manipulation de l’audio à l’intérieur de votre système, quelle que soit votre configuration de travail. Un très gros bon point, voire une tableau d’honneur bien mérité.
Comme nous venons de le voir, Juli@ est compatible avec un grand nombre de drivers, rendus compatibles entre eux par le système E-WDM, développé par ESI. Ainsi, en regroupant l’Asio2 avec une latence d’environ seulement 3 ms, le WDM, que les habitués de Windows XP connaissent bien, le MME, pour lequel ici plusieurs applications utilisant ce driver peuvent être ouvertes en même temps, le DirectSound, offrant des sorties multi-canaux à des applications comme PCDJ, et le Gsif, dédié à GigaSampler, avec une latence de 1.5 ms, ce système matrixien renvoie aux oubliettes les traditionnels embouteillages audio qui ont fait la mauvaise réputation du PC en matière de traitement de la matière sonore.
Avec lui, tout roule comme sur du velours, et l’on prend un véritable plaisir à surfer sur les formes d’onde, d’où qu’elles proviennent, pouvant facilement récupérer l’audio d’un DVD dans Cubase, ou encore d’enregistrer une séquence Midi jouée par un expandeur DX dans SoundForge. De plus, l’E-WDM étant compatible sur des OS comme Windows 98SE, ce qui n’est pas le cas pour le WDM, les amoureux des oldies apprécieront l’effort qui, pour une fois en matière d’informatique, a été fait pour eux.
Enfin, avec une précision MIDI augmentée, le E-WDM fera une nette différence aux yeux des programmateurs de séquences. En effet, testée dans Cubase SX 2, la réponse au clavier et, surtout, à un multipad de percussion, est impressionnante, assurant un enregistrement pratiquement instantané.
Le son !
Dès la première écoute, on est séduit pas la qualité des convertisseurs (des AKM), qui donnent au son une dynamique et une clarté exceptionnelles, de loin supérieures à de nombreuses cartes du marché dans la même gamme de prix.
On sent ici tout le bénéfice d’un échantillonnage pouvant monter à 192 kHz qui, même lorsque la carte fonctionne en 44.1, donne une meilleure précision de capture qu’avec des convertisseurs standards. On notera cependant que pour rendre son produit plus compétitif, ESI a choisi des convertisseurs AD légèrement plus performants que les AC, privilégiant l’enregistrement au monitoring.
Certes, si cette option peut gêner les pros du mastering, elle n’enlève rien à la précision de restitution des échantillons, assez exceptionnelle et largement suffisante pour une utilisation en home-studio normale, en configuration d’enregistrement ou de travail sur les boucles, et ce, quel que soit le style de musique.
Pour vous faire une idée chiffrée des qualité de la Juli@, je vous renvoie d’ailleurs aux benchmarks ci-dessous, réalisés avec Right Mark Audio Analyser.
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Et avec ça, qu’est ce que je vous sers ?
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Un bundle ! En plus d’être extrêmement bien placée dans la course au rapport qualité/prix sur ses seules qualités sonores et ergonomiques, le Juli@ est en effet fournie avec un bundle plutôt complet.
Au programme, si j’ose dire, une version allégée du célèbre Ableton Live, avec un coupon de remise pour l’achat de la version complète et une banque de 400 Mo de samples pour se mettre le pied à l’étrier, mais aussi une version du logiciel de synthèse Tassman, ainsi que de nombreux freewares, comprenant effets et VSTi, comme le piano MDA, le chanteur Delay Lama ou encore la suite de plug-ins Kjaerhus…
De quoi se laisser tenter définitivement par ce produit dont le ramage est largement à la hauteur du plumage.
Conclusion
Pour peu qu’on n’ait pas de gros besoins en terme d’entrées/sorties, la Juli@ figure vraiment parmi les cartes les plus intéressantes du marché.
Certes, de nombreux utilisateurs n’auront pas l’usage de sa capacité à travailler en 24 Bits / 192 kHz (aujourd’hui encore, la plupart des musiciens travaillent en 44,1 ou 48 kHz), de sorte que certains préféreront peut-être se tourner vers les cartes 24/96 encore moins chères. Mais ils se priveraient alors de certaines fonctionnalités très intéressantes de la Juli@ : outre son astucieuse connectique interchangeable, c’est surtout l’efficacité et la puissance du tandem E-WDM / DirectWire qui méritent d’être considérées, à plus forte raison si vous avez l’habitude de travailler avec plusieurs applications audio.
Bref, c’est un quasi sans faute que réalise EgoSys avec la jolie Juli@. Espérons que la constructeur aura la bonne idée de nous présenter ses copines dans un avenir proche…