East West, Goliath de l’industrie de la banque de son et basé à Hollywood nous sert une nouvelle bibliothèque de samples pour son lecteur « PLAY », baptisée « The Dark Side ».
Of the moon ? Of the force ? Ni l’un ni l’autre. Ce « dark side » là n’a rien de la poésie de l’album des Floyd. Quant à Darth Vador, il aurait sans doute anéanti l’armée rebelle s’il avait utilisé cette banque de sons plutôt que la force.
Packaging
Une chose intéressante à noter pour toutes les banques de sons d’East West est leur nouveau mode de packaging. J’avais eu l’occasion de faire le test de la banque « QL symphonic Orchestra » dans sa version platinum et j’avais fait la remarque qu’une solution fournie sur disque dur serait sans doute bienvenue compte tenu du temps qu’il fallait pour installer toute la banque. Et bien, je n’ai plus besoin de le souhaiter puisqu’East West propose désormais une solution très intéressante : le TERAPACK. Un disque dur d’un Téraoctet de Western Digital, SATA, 7200 tours, à 64MB de cache. Il suffit alors d’ajouter 70 € au prix de base de la banque pour être livré sur disque.
Ce TERAPACK a deux facettes. D’une part, c’est le support sur lequel est préinstallée l’intégralité des samples utilisés. Vous branchez le TERA PACK dans votre machine ou sur votre dock préféré et hop ! La banque est prête à l’emploi. « Hum… Oui, oui, facile à installer la banque est devenue. Pratique pour l’utilisateur, East West l’a pensée ». D’autre part, c’est l’intégralité des samples des banques du moment chez East West avec une version d’essai de 10 jours par banque. (Hollywood Strings, Silk, EW/QL Pianos, Fab Four, Gypsy, Ministry Of Rock, Voices of Passion, Stormdrum 2, Goliath, Symphonic Orchestra, Ra, Symphonic Choirs). « Rejoins-moi et ensemble, régnons sur la galaxie des banques de sons ». Oui, c’est un peu le côté obscur de la force marketing qui pousse au vice. Mais comme on parle de quelques-unes des banques les plus célèbres du marché, on ne peut que saluer leur mise à disposition « gratuitement » pendant 10 jours avec l’achat de n’importe quelle banque sur TERAPACK.
Il est à noter que le TERAPACK est disponible en « TRIAL » uniquement. Pour 99 €, vous avez en effet toutes ces banques et un serial utilisable 10 jours. Si un logiciel du TERAPACK vous plaît et que vous souhaitez obtenir la licence illimitée, vous disposez de 50% de réduction pour celle-ci, et vous avez déjà votre disque « EASTWEST » disponible et aucune installation supplémentaire. Au pire, rien ne vous plait, vous avez un disque dur d’assez bonne facture sous la main sous la barre des 100 €, et vous avez quand même joué avec les banques pendant quelque temps.
Je conclus sur ce chapitre en signalant que The Dark Side peut être acheté en version DVD pour un tarif de 255,50 €. La version TERA PACK coûte 326,50 €.
Interface « PLAY »
Comme d’habitude, le lecteur « PLAY » d’EastWest s’adapte au patch chargé. Lorsqu’on utilise The Dark Side, l’interface a donc été « élégamment » désignée avec un masque à gaz sur fond sale, cuivré. Tous les contrôles qu’on connaît sont là :
- Élargisseur d’image stéréo
- Contrôle du pitch en coarse et fine
- Un Delay
- La réverbe possible à utiliser en « master » sur tous les patchs de l’instance
- L’ADT simulateur de doublage d’instrument
- Un filtre passe-bas
- Contrôle de l’ADSR du patch
- Un tableau récapitulatif des ressources et informations système (RAM, canna MIDI, Stream disque, etc..)
- La sélection du canal de sortie audio pour le patch
- La liste des articulations
La version 2.0.x de PLAY a amélioré quelques détails de l’interface. En effet, dans la partie « browser », on peut désormais assigner directement un canal de sortie au patch, facilitant grandement la gestion du routing sur des multis assez lourds. La stabilité générale du logiciel a été augmentée par la même occasion.
Le Concept
Nous voilà dans notre séquenceur préféré pour essayer de voir comment ça sonne. Au premier son testé on se dit : « Tiens, je ne vais pas pouvoir utiliser ça tous les jours, mais c’est marrant ». Au deuxième son, on se dit : « Tiens, ça ressemble au son d’avant ». Au troisième patch, pour peu qu’on ait déjà des banques de sons d’effets et quelques plug-ins de triturage sonore, on se dit que, certes, la banque est spécialisée, mais pour 250 €, on aurait aimé trouver une palette sonore plus vaste dans le « dark »… Mais comme j’utilise déjà pas mal de banques d’EastWest et qu’elles ne m’ont jamais vraiment déçu, je vais chercher un peu plus loin.
Pour mieux appréhender ce test, on va donc regarder du côté du concept proposé par Doug Roger (le producteur de la banque) qui s’adresse à nous dans le manuel en PDF et en anglais.
Doug Rogers (extraits – traduction) :
« Cette collection a débuté lorsque je m’occupais d’un jeune groupe de musique alternative. […] Pour moi, leur son n’était pas assez coriace pour le marché qu’ils visaient, je leur conseillai alors de durcir leur son. Ce à quoi ils répondirent : « Et bien, qu’est-ce qu’on pourrait utiliser ? »
Comme ils se servent de beaucoup d’instruments virtuels dans leur musique, j’ai cherché un peu et n’ai rien trouvé. […] Je décidai d’en faire mon prochain projet […] un total revirement sonore. […]
Notre objectif était de créer une large collection d’instruments uniques qui fonctionneraient pour tout style, de l’alternatif au rock symphonique et bien entendu de la musique de film, TV et jeu vidéo.[…]
Bien entendu, vous pouvez utiliser cette banque comme vous le souhaitez, mais notre intention était que l’utilisateur mélange les sons les plus distordus et triturés avec des instruments clairs (qui ne sont pas inclus dans cette bibliothèque) de sorte que les sons se détachent – ou dérangent les sens ».
Nous voilà informés : cette banque est un recueil de 40Go de sons laminés qui doivent être utilisés avec parcimonie. Pour produire cette banque, Doug Rogers a fait appel à David Fridmann (Weezer, Saxon Shore, Ammonia, Ed Harcourt, Sparklehorse, Café Tacuba, Elf Power, Mogwai, Thursday, The Delgados, Low, Phantom Planet, Gemma Hayes, Goldrush, Tapes ’n Tapes, Hopewell, Black Moth Super Rainbow, Number Girl, Zazen Boys, Sleater-Kinney, Clap Your Hands Say Yeah, MGMT, OK Go…). Un client sérieux pour une production « no-rules ».
Les Samples
Les patchs sont segmentés en 7 catégories :
Drums
Ce ne sont pas des batteries de jazz. Pour le plaisir, je ne peux m’empêcher de citer quelques noms de kits : Bone Crunch, Broken Circuit, Dark Dirt, Demolition ou encore Dungeon. Le ton est donné. On trouve de l’épiquo-médiévalo-agressif de très bonne facture, du boom et du crash ou du slam à toutes les sauces. Les prises sont excellentes et le rendu est implacable. Pour la plupart de ces kits, des articulations sont disponibles permettant de choisir entre un rendu sec, avec les overhead, distordu, pris de la pièce, pris d’une grande pièce, avec overheads distordus, etc. Au final, la palette sonore est très intéressante et permet de poser très clairement une ambiance sombre à n’importe quel morceau. Petit bémol, pour faire un mixage multi canal d’une batterie, il faut charger autant de patchs que d’éléments (qui eux-mêmes contiennent tous les éléments). En effet, il n’est pas possible de router les samples à des sorties différentes au sein d’un même patch. Une limitation de PLAY qui fait grand tort à toutes les banques de l’éditeur.
Basses
Ce ne sont pas des pizzicati du philharmonique de Londres. La diversité dans cette catégorie est un peu moins présente. Cependant, les prises restent intéressantes. Malgré un ensemble très orienté électro, certaines basses offrent un keyswitch intéressant : le choix de la corde jouée. La « Relatively Clean Bass », littéralement « Basse relativement propre » est déclinée en plusieurs groupes différents tels que « Harmonics », « slide up », « slide down », peut être jouée en legato ou sustueno. De quoi les utiliser dans toutes les situations (enfin, presque).
Guitars
Ce ne sont pas des enregistrements de Paco de Lucia. Pour être tout à fait franc, c’est pour moi le point noir de la banque. Je n’ai pas compris comment et où mettre ces guitares. Les prises sont très bonnes. Le glissando automatique sur les fortes vélocités est très classieux et la palette sonore des guitares saturées ou flangerés est très large. Par contre, il est impossible de jouer legato. Les attaques sont trop prononcées à chaque note et les accords plaqués ne sonnent pas. La seule utilisation vraiment possible est en note à note (Cf GTR-ok.mp3). C’est un peu regrettable étant donné que la guitare peut être un instrument tout à fait à l’aise dans le « Dark » et le « Lo-Fi ». Peut-être l’absence de guitare utilisable en tant que telle n’a été pensée que pour éviter une concurrence à un autre produit déjà existant. En effet, East West est l’éditeur de « Ministry of Rock », une banque orientée rock / métal qui peut tout à fait prendre la relève sur ce cas particulier (*bruit de respirateur* Elle est disponible à l’essai 10 jours sur le TERAPACK… *bruit de respirateur*).
- GTR-organic00:05
- GTR-dirty boy00:05
- GTR-distordedLead00:05
- GTR-ok00:07
Keys and Strings
Keith Jarrett n’utilisera pas ces pianos. Cette catégorie offre plus de caractères différents. On a en effet des sons vraiment sombres et inquiétants, et d’autres, plus bizarres ou planants. Pour les fans, l’orgue de barbarie légèrement trituré est particulièrement jouissif, les sons de clavier étant pour la plupart des nappes de synthés rares ou cultes mélangées à différents effets. La qualité sonore est encore une fois de plus au rendez-vous. Le contrôle de l’ADSR permet de jouer assez facilement avec ces sons qui souffrent, tout comme les guitares, d’une utilisation legato assez déroutante. L’utilisation en nappe est quant à elle très correcte et relativement originale. Pour les amoureux de la création de son par contre, passez votre chemin et tournez-vous plus volontiers vers un synthétiseur qui vous offrira plus de possibilités.
Ethnic and Choirs
Les chœurs de l’armée noire… Peut-être. Assez proche – et à vrai dire étonnamment mise dans un dossier séparé – des keys and strings, je cherche encore ce qu’il y a d’ethnique dans ces sons. Les chœurs sont tellement distordus qu’ils ressemblent à n’importe quel synthé saturé. Les patchs sont toujours originaux, et très bien traités. Certaines saturations sont cependant gênantes, car elles sont paradoxalement trop naturelles. C’est le genre de rendu qu’on pourrait avoir sur une erreur de prise plutôt qu’en ayant la volonté de le faire. Bien entendu, compte tenu du concept, ce n’est pas une erreur, mais l’efficacité s’en trouve réduite.
Miscellaneous and Percussion
Cette catégorie est à mon sens la plus pertinente de la banque. En effet, on trouve ici un bon nombre de patchs pas nécessairement musicaux, mais dont l’application est un régal pour tout ce qui est virgule, transition, effet au sein d’une composition. La plupart ne sont pas nécessairement tonales ou évoluent vraiment considérablement avec du pitch shift et dans un environnement d’effet qui prend tout son sens. (Sans avoir l’information précise, ça sent l’EVENTIDE, le KAOSS PAD et compagnie). En une note, vous pouvez ajouter une intro dramatiquement dark ou avoir un stab très remarquable. Je tiens à remarquer le buzz et le son de la salle présent sur certains samples (cf buzz-on-take.mp3). En temps normal, il serait plutôt décevant d’avoir une prise imparfaite sur de l’échantillon, mais pour une fois, je trouve que ces queues de sons avec la salle et le buzz ajoutent de la vie au sample. C’est quelquefois très compliqué d’être dans un environnement acoustique de qualité. L’offre d’East West sur ce point est pertinente.
Intruments wFX
La catégorie bonus sur laquelle il n’est pas vraiment nécessaire de passer trop de temps. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une sélection de patchs présents dans les autres catégories auxquels ont été ajoutés les effets de Play (que ce soit l’ADT, un ADSR différent ou un delay). D’après Doug Rogers, les sont méritaient cette catégorie, car leur sonorité est drastiquement différente.
- 01-The Dark Side of the force00:18
- 02-The Dark Side of AudioFanzine00:57
Conclusion
Pour conclure, East West nous propose une banque conceptuelle, tournée autour du trash, lo-fi et autres bizarreries sonores qui est indéniablement travaillée avec pas mal d’imagination. Le sampling étant à mon sens trop limitant pour ce genre de sons, la banque reste utilisable, mais pas démoniaque. En effet, dans le domaine, bon nombre d’éditeurs de banques de samples proposent des solutions pour des sommes ridicules, ou bien, dans le même registre données/prix, on trouve des solutions incroyablement plus souples.
Play montre ses faiblesses avec l’impossibilité de router un sample donné vers une sortie séparée rendant notamment le mixage des drum kits particulièrement compliqué. Les samples étant modifiés à la prise, la gestion de l’effet est, quant à elle, quasiment impossible (à part l’ADSR, l’ADT, Réverbe et un filtre ce qui ne pèse pas lourd comparé à la concurrence). Autant le concept des autres banques d’East West, telles Storm Drum ou SILK était tout à fait en phase avec une demande du marché et d’une efficacité redoutable, autant ce concept-là pourrait avoir des difficultés à prendre sa place tant il est restreint à un domaine particulier et tant cette recherche sonore est difficilement commercialisable en samples – ou alors elle existe à des tarifs bien moindres.
On sait que les contraintes de la production musicale – particulièrement à l’image – provoquent le besoin du « tout, tout de suite » et la catégorie des « Misc et Percussions », « Basses » et des « Drums » ont du sens. La banque possède un véritable caractère qui plaira peut-être à certains. Pour ceux qui préfèrent trouver leur caractère, la banque sera trop restreinte à son domaine.
Au final, beaucoup d’idées dans la banque sont bien entendu très bonnes, et permettront d’avoir accès à du son trituré sans pour autant passer des heures à trouver la bonne distorsion, le bon filtre ou la bonne source, quitte à laisser sa casquette d’explorateur sonore au vestiaire.