La marque américaine spécialisée dans les jolies pédales numériques de manipulation innovante du son a sorti en 2020 un multi-effet granulaire avec réverb, modulation de pitch et looper, tentative conceptuelle réussie ?
Hologram Electronics fait partie de cette nouvelle génération de fabricants de pédales qui ne cherchent pas à proposer des énièmes modifications du circuit de la Tube Screamer ou de la Treble Booster, mais plutôt des concepts innovants qui peuvent être vus comme des instruments de musiques à part entière, et dont les guitaristes ne sont pas les seuls friands.
La marque a vu le jour dans le Tennessee alors que deux amis d’enfance et musiciens chevronnés, Jason Campbell et Ryan Schaefer, bidouillaient des pédales d’effets à base de Arduinos ou des racks de traitements sur ordinateur dans le but de changer la manière dont on joue plutôt que le timbre de l’instrument.
Leurs deux premières créations, la Dream Sequence sortie en 2015, et la Infinite Jets en test sur AudioFanzine de 2017, ont permis avec seulement une poignée de boutons de moduler le signal sonore entrant avec des effets de distorsion, pitch shifting et modification d’enveloppe en suivant un séquenceur rythmique, ou de sampler et réinterpréter ce signal en différents fragments de sons sur lesquels appliquer des effets pour créer des nappes infinies.
Puis en 2020 fut mis en vente la pédale que nous allons regarder, qui est plus ambitieuse avec une architecture différente, les deux autres ayant une apparence et on devine le hardware assez proche. Cette fois-ci, les créateurs ont cherché à explorer les terrains des loopers, des drones, de la resynthèse granulaire, du glitch, du délai multi-tap, grâce à un principe pas si éloigné que ça de prime d’abord de la Infinite Jets, mais avec en bonus un looper, une réverb, un filtre et une modulation de pitch indépendants, sans oublier un design plutôt unique, rien de moins !
Parle à mon hologramme
Microcosm de Hologram Electronics est donc une pédale rectangulaire de 180 × 120 × 51 mm, avec 8 potards classiques et un encodeur rotatif + bouton poussoir de sélection de présets, 3 gros switchs pour le bypass et les fonctions de loopers, 3 petits boutons éclairés et une poignée de mini LEDs, sans oublier 4 grandes LEDs rectangulaires du plus bel effet qui fournissent toutes sortes d’informations et donnent une apparence unique à la machine. Elle est actuellement proposée à la vente sur le site internet du constructeur à 459 $, mais faute de distributeur pour le moment dans notre contrée avec une taxe de douane supplémentaire conséquente…
On la découvre bien emballée dans une jolie boîte avec son alimentation et deux manuels papiers en anglais couleur de très bonne qualité, un faisant office de référence (49 pages !) et le deuxième de pense-bête dépliable, qui sont à la fois bienvenus et assez rapidement indispensables comme nous allons le voir.
À l’arrière on découvre une connectique assez exhaustive, avec l’entrée alimentation 9 V, une entrée MIDI et une sortie MIDI OUT/THRU, une entrée pour pédale d’expression, deux sorties audio jack 6.35 mm (gauche mono et droite), et une entrée mono/stéréo TRS jack. La connectique MIDI permet de contrôler via CC la totalité des paramètres de la pédale, de naviguer dans les présets avec des PCs, et également de synchroniser plusieurs machines avec des signaux MIDI clocks, que la pédale peut recevoir ou transmettre. En restant appuyés sur deux boutons pendant quelques secondes, on peut d’ailleurs rentrer dans un menu de configuration qui permet de paramétrer le comportement des entrées/sorties MIDI, du looper, le niveau d’entrée instrument ou ligne au choix, la configuration d’entrée mono ou stéréo, le mode de défilement des présets et même plusieurs types de fonctionnements pour le switch bypass, bufferisé ou true bypass.
Ambiances éthérées holographiques
Concrètement, la pédale est un processeur d’effets qui applique sur le signal d’entrée principalement 4 traitements différents à la suite : 1 effet « granulaire » parmi 11 types accessibles et 4 variations via des présets, puis la modulation de pitch, une réverb, et un filtre passe-bas résonant. Sur le chemin du signal, on trouve également un réglage de signal dry / wet global, un looper qui peut se placer avant ou après les effets, et une fonctionnalité du nom de « Hold Sampler » qui permet de réaliser une sorte de freeze sur le signal envoyé dans les effets (on y reviendra).
La plupart des fonctions sont accessibles simplement en tournant les 8 potards principaux, qui donnent chacun accès également à une fonctionnalité supplémentaire en restant appuyé sur le petit bouton shift. Ils permettent de changer par exemple la fréquence de coupure du filtre, sa résonance, la quantité et la fréquence de la modulation de pitch, le type de réverb souhaité, le mix de réverb, le mix dry/wet global, le volume de toute la section wet, deux réglages spécifiques au looper, et quelques réglages qui concernent les 11 effets présets.
On remarquera au passage que la pédale ne permet pas de régler le volume d’entrée (à part avec le réglage ligne vs instrument) ou le volume global de sortie, ce qui oblige à contrôler ses niveaux de l’extérieur. Il y a bien un contrôle qui permet de régler le volume du signal traité, mais celui a peu de course et n’agit pas de fait sur le signal dry. Exit aussi malheureusement le drive analogique qui était présent sur les deux précédents produits de la marque…
Concernant la réverb, celle-ci est assez intéressante et j’ai eu une tendance à l’utiliser presque systématiquement en faisant les démos audio de ce test. Le potentiomètre Space permet de doser la quantité d’effet et agit simplement comme un mix entre le signal dry et le signal réverbéré. Le même potentiomètre, déplacé en restant appuyé sur shift, permet lui de contrôler le « Reverb Time » soit en fait de sélectionner un préset d’algorithme parmi 4, classés du plus court au plus long en temps de réverbération : Bright Room, Dark Medium, Large Hall et Ambient. Chaque algorithme, en plus du temps de réverbération différent, possède également son propre caractère que l’on peut apprécier sur les démos suivantes. Par contre, on aurait apprécié peut être avoir au moins un contrôle supplémentaire pour faire varier la taille de la « pièce », la réverb A ayant une durée petite et un caractère assez brut, tandis que les suivantes sont tout de suite sur des durées plus longues et un caractère typé « atmosphérique qui prend tout l’espace ».
- Démo Microcosm Réverb Drums00:55
- Démo Microcosm Réverb Synth02:01
La partie effets présets peut d’ailleurs être complètement désactivée en utilisant le looper et en actionnant l’option « Looper Only » ce qui s’est avérée pratique pour réaliser ces démos, et permet d’utiliser la pédale comme un multi effet + looper plus traditionnel ! On pourra ainsi apprécier plus facilement le rendu sonore de la modulation de pitch également, qui semble sonner comme une modulation de délai dans une ligne à retard avec variation de vitesse de lecture, ce qui permet d’ajouter un peu de mouvement au son ou une touche un peu « lo-fi » à la manière d’un wow et flutter sur les émulations de vieilles bandes analogiques. D’ailleurs, sans surprise, en l’utilisant avec le réglage de dry à 50%, on obtient bien un effet de modulation de type chorus qui lorgne vers le flanger, pas des plus subtils cela dit.
- Démo Microcosm Pitch Mod01:19
- Démo Microcosm Chorus00:23
Enfin, on trouve sur le chemin du signal un filtre passe-bas on ne peut plus classique, avec fréquence de coupure et résonance réglables, mais malheureusement une valeur maximale de résonance assez faible, ce qui ne permet pas de faire de l’auto-oscillation ou des résonances de types filtres de synthé et auto wah très marquées malheureusement. Celui-ci permettra au choix d’adoucir le rendu de certains effets ou de rajouter une vibe supplémentaire…
D’ailleurs, il est possible d’assigner un des contrôles principaux du Microcosm à une pédale d’expression, à savoir tous les potentiomètres de base sauf la sélection de présets et le réglage de temps (aucun des paramètres secondaires donc). L’assignation se fait simplement en branchant la pédale pendant l’utilisation, et en déplaçant rapidement un des contrôles sus-cités. Le réglage choisi persistera même après avoir débranché le multieffet tant qu’on ne redéplace par un des potentiomètres tout de suite après avoir déconnecté puis rebranché la pédale d’expression, ce qui est assez pratique. Je vous conseille toutefois d’utiliser des pédales dont on peut régler la course manuellement, le Microcosm ne permettant pas d’assigner une valeur au début et à la fin de la course d’un paramètre en cours, ce qui peut parfois s’avérer problématique.
Je me suis demandé d’ailleurs à ce propos pendant le test si l’information envoyée par la pédale n’était pas lissée un peu trop lentement, ce qui peut empêcher d’obtenir des changements rapides à un paramètre et qui s’est avéré assez gênant pour jouer de la wah wah…
Hold my beer
Avant de parler du looper, j’aimerais dire un mot sur une fonctionnalité que j’ai trouvé assez intéressante, à savoir le « Hold Sampler ». En appuyant en cours de jeu sur le switch de droite, quand le mode looper n’est pas activé, on peut capturer et rejouer en boucle plus ou moins aléatoirement une partie de ce qui a été joué dernièrement, passé uniquement au travers des traitements, sur une longueur qui dépend du tempo en cours. Ce tempo est visible sur le bouton LED qui permet d’accéder aux fonctionnalités secondaires, et il est spécifié soit par un réglage interne que l’on peut modifier via un des switchs en tap tempo, soit par le tempo d’une clock MIDI externe. Je me suis servi par exemple d’un Circuit Tracks branché sur la bécane en MIDI pour avoir accès à un réglage précis de tempo à tout moment.
Le rendu du Hold Sampler peut être modifié en cours de lecture simplement en faisant varier ce tempo après enregistrement. De plus, comme la capture se fait avant les effets, on peut également jouer en live avec le signal enregistré et les différents paramètres de la pédale. Si un autre signal d’entrée arrive dans la pédale pendant l’utilisation du Hold, celui-ci ne passe par aucun des effets toutefois, ce qui permet aussi facilement de pouvoir créer et modifier des drones ou nappes, tout en mixant des signaux qu’on ne veut pas traiter par le Microcosm directement dans la pédale. Le mode de fonctionnement peut ensuite se désactiver d’un appui sur le switch de droite, ou en le relâchant si la configuration du Hold renseignée dans le menu adéquat est en mode « Momentary ».
Poêle à granules à la loupe
Venons-en à présent au « Phrase Looper » du Microcosm qui est très loin d’être anecdotique. Celui-ci est même un des loopers les plus agréables et créatifs que j’ai pu avoir dans les mains (et pieds) tout en restant d’une simplicité enfantine à utiliser.
L’usage de base est de l’activer ou de le désactiver avec le bouton LED dédié, d’enregistrer une séquence en appuyant sur le switch de gauche, puis de stopper ou de jouer directement l’enregistrement avec le switch de droite ou de gauche. On peut alors effacer cet enregistrement en restant appuyé sur le switch de droite, avec un feedback visuel sur les 4 LEDs rectangulaires qui indique quand c’est fait, ou enregistrer quelque chose encore par-dessus dans une autre couche « d’overdub » avec plusieurs appuis sur le switch de gauche, que l’on peut également vider sans toucher à la séquence de base en restant appuyé sur le switch de gauche. Notons également que la LED qui indique si le looper est activé ou pas nous renseigne constamment sur le fait que des séquences aient déjà été enregistrées, et que les 4 LEDs rectangulaires indiquent si la séquence est en cours de lecture ou non, et si on est en train d’enregistrer quelque chose ou pas avec des codes couleurs.
Un certain nombre d’options standard permettent de modifier le volume de la séquence à rejouer, la durée et la direction du fondu quand on arrête ou lance la lecture de la séquence, ou encore la position du looper sur le chemin du signa (avant les effets pour pouvoir modifier le son de la séquence en live ou après pour enregistrer aussi l’impact des effets en dur).
D’autres fonctionnalités moins classiques accessibles à différents endroits permettent via un bouton « reverse » dédié de rejouer la séquence enregistrée à l’envers, d’enregistrer puis de supprimer des boucles à la volée en restant appuyé sur un switch via le mode « Burst », ou d’enregistrer avec le reste des paramètres en cours le contenu des 2 couches de séquence dans un des 16 slots « user » dédiés à cet effet, qui servent à enregistrer la totalité des réglages en cours et d’y accéder facilement sans avoir à retoucher à tous les potards.
Le mode « quantize » est particulièrement intéressant également, car il permet de synchroniser la fin de l’enregistrement avec des pulsations au tempo précédemment spécifié, à la manière d’une synchronisation dans votre STAN à boucles préféré. Cela permet non seulement de pouvoir utiliser le looper avec des machines externes qui peuvent renseigner la clock via MIDI (synthés, drum machines, grooveboxes etc.) en parfaite synchronisation, mais aussi de caler avec la séquence le rendu des effets présets qui peuvent être dépendants de ce même tempo, bien vu et rapidement indispensable ! Je dois avouer que j’ai souvent trouvé frustrant l’utilisation de la plupart des pédales de loopers que l’on trouve sur le marché qui ne proposent pas de synchronisation MIDI…
Enfin, une dernière fonctionnalité plutôt intéressante est la possibilité de faire varier la vitesse de lecture de la séquence enregistrée et de la couche d’overdub de manière discrète ou continue. Cela s’avère particulièrement fun dans la mesure où il est possible de l’utiliser de manière créative en enregistrant par-dessus la couche d’overdub des séquences sonores avec plusieurs réglages de vitesse de lecture et le mode « reverse » activé ou non, ce qui permet au final de jouer plusieurs couches de son dans différents ordres de lecture et enregistrés à différentes vitesses via le looper !
Glitch oh mon glitch
Enfin, regardons de plus près l’imposante section des effets présets qui semble être la principale originalité du Microcosm. Un moteur de traitement numérique de type granulaire est présent sous le capot, et accessible via 11 effets dans 4 catégories (Micro Loop, Granules, Glitch, Multi Delay), avec pour chaque effet 4 variations parfois assez drastiques, auxquelles on accède avec l’encodeur rotatif en se repérant avec des LEDs associées. Soit 44 terrains de jeu ! Pour chacun, on peut interagir avec le rendu sonore en utilisant les 4 potentiomètres de gauche, qui permet de jouer sur la quantité d’effet, les répétitions, la donnée temporelle utilisée par l’algorithme, et un paramètre de forme pour certains effets bien précis.
Mais d’abord, précisons un peu plus ce que fait ce moteur granulaire : très concrètement, il découpe le signal venant de l’entrée de la pédale en petits morceaux, à une fréquence et une durée variables, puis applique des transitions de volume au début et à la fin. Ces grains, lorsqu’ils sont suffisamment nombreux et petits peuvent créer des effets de textures ou d’ambiances atmosphériques, tandis qu’ils seront perçus comme des répétitions dans un délai avec moins de grains et des longueurs de grain plus longues, d’autant qu’on peut y adjoindre un réglage de feedback. Mais à la différence d’un délai classique, rien n’empêche d’avoir une capture de ces grains à une fréquence non constante dans le temps pour créer des patterns rythmiques, d’avoir du contenu d’un grain à l’autre qui se recoupe, ou encore de les traiter chacun séparément avec des effets.
En parcourant la notice d’utilisation, on remarque non seulement la variété des utilisations possibles du moteur granulaire, avec des choses complètement barrées et d’autres de type délai classique, mais aussi la somme des traitements supplémentaires apportés aux grains d’une variation à l’autre d’un même effet. Par exemple pour l’effet SEQ qui réarrange le signal en patterns rythmiques à la manière d’un autre produit de la marque, les 4 variations proposent respectivement du filtrage et des rythmes aléatoires, différentes vitesses de relecture des grains avec le pitch shifting associé, du filtrage contrôlé par l’enveloppe du signal, et l’ajout d’un bitcrusher. On observe sur d’autres effets également de la compression, différents types de filtrage, et bien sur différents moyens de créer les grains et de les agencer. Une de ces variations est d’ailleurs systématiquement accessible quel que soit le préset en appuyant sur l’encodeur de choix du préset, qui permet d’inverser à chaque appui la direction de lecture des grains !
- Jam 1 – Mosaic Reverb00:59
- Jam 2 – Keys Tunnel01:17
- Jam 3 – USB ground loop Blocks01:21
Sans rentrer à fond dans les détails de chaque algorithme, on pourra dire que ces présets offrent pas mal de diversité, même si on remarque un peu de redondance dans les effets du type qui réarrangent le signal en motifs rythmiques, les variations des traitements du rendu sonore de ces rythmes n’enlevant pas le caractère parfois un peu systématique d’un rendu « sons joués sur des temps en lien avec la valeur de délai spécifiée ». Sur cette démo audio, on peut entendre une boucle de batterie passée à travers la quasi-totalité des présets d’effets granulaires.
Les 4 LEDs du milieu produisent différentes animations liées au comportement de l’effet qui rajoute un feedback sur ce qu’on fait plutôt appréciable, en plus de l’index entre 1 et 4 de la variation de l’effet en cours actuellement utilisée. Les petites LEDs en dessous du réglage « Time » affichent également le tempo enregistré en cours et la vitesse des collectes de grains. Par contre soyons clairs à ce sujet, quand on manipule les 4 paramètres qui agissent sur le son, il est très difficile de savoir ce que l’on est vraiment en train de faire parfois, d’autant que les manuels – obligatoires à ce stade de la découverte de la pédale – fournissent des informations succinctes sur les effets et sur l’influence des paramètres, notamment du Repeat qui n’est jamais précisé nulle part, alors que Activity / Time / Repeat sont comme précisé quelque part avant tout des « macro paramètres » qui font plein de choses.
De manière générale, on pourra alors catégoriser ces effets de la manière suivante, les délais multi-tap plus ou moins classiques avec variations de traitements, des effets vraiment rythmiques qu’on trouve un peu dans les catégories officielles Glitch / Granules / Micro Loop, des effets qui créent des textures intéressantes assez typiques de tout ce qu’on met dans le granulaire et qui peuvent faire penser à du diffuseur, le grand n’importe quoi bruitiste qui va bien avec l’aléatoire et le bitcrusher, ou les effets axés sur la manipulation de la vitesse de lecture de longs grains et qui peuvent permettre de créer des rendus de type « Shimmer » avec l’addition d’un des algorithmes de réverbération. Car c’est le moment de dire que ce moteur granulaire s’accommode très bien du reste des effets disponibles justement ! J’imagine que c’est exactement tout le propos de la proposition de Hologram Electronics.
L’effet granulaire, c’est moi !
À présent, précisons que pour cette section du test j’ai du me lancer un défi particulièrement corsé, qui est de réaliser des démos audio à partir d’une pédale qui ne fait jamais la même chose deux fois de suite :) Il a fallu à un stade que j’enregistre la totalité de mes explorations sonores, car je me suis retrouvé plusieurs fois à trouver quelque chose d’intéressant, et à ne pas réussir à le reproduire une deuxième fois avec le bouton Record dans mon STAN enclenché. Notamment avec la fonction Hold qui a une tendance que je soupçonne fortement à créer des « heureux accidents » systématiquement quand je ne suis pas en train d’enregistrer, ça m’étonnerait pas qu’une puce dédiée à cette chose soit incorporée dans la pédale de manière cachée.
J’ai du également me creuser un petit peu la tête pour faire des choses relativement construites à partir du Microcosm et pas simplement des improvisations plus ou moins aléatoires, ou de trouver les bonnes combinaisons de signaux en entrée et d’effets pour obtenir des choses intéressantes du point de vue musical. En effet, nous n’avons pas encore parlé de ce que l’on fait de cette pédale ! La première chose à dire là dessus est que contrairement aux apparences, il serait inopportun de s’en servir uniquement avec des guitares, il est même plutôt recommandé de la voir comme un outil qui peut être formidable avec des synthétiseurs, des sons de drums, des voix etc. comme vous avez déjà pu m’écouter le suggérer avec les démos audio présentes dans les autres sections précédentes.
Ensuite, en plus du côté multi-effet ou looper, cette pédale qui propose de faire des choses assez atypiques, granulaire oblige, se destine évidemment à certains types d’utilisations plutôt que d’autres, on imagine mal évidemment la pédale s’intégrer dans n’importe quel pedalboard ou set d’effets, qui n’auraient pas quelque chose à voir de près ou de loin avec les grosses nappes de sons, les ambiances stratosphériques, notamment avec le choix des algos de réverbs, même si encore une fois la pédale fait carrément le taf en tant que looper uniquement ou collection d’effets. Autre chose à ne pas ignorer, c’est que malgré le côté wahou de la pédale, ça serait une erreur de ne pas l’intégrer dans un set justement avec d’autres types d’effets comme des effets de réverb et de délai plus classiques, et que l’usage de la pédale d’expression permet justement de donner une expressivité supplémentaire à la Microcosm, que ce soit pour jouer avec l’effet de la réverb, jouer avec le volume de l’enregistrement du looper, faire une wah wah assez rudimentaire mais qui fonctionne, ou jouer avec la réactivité des paramètres des effets granulaires. Et puis jouer avec ce que fait ce Hold Sampler qui m’a pas mal inspiré pendant le test. Au passage, pour la guitare, personnellement je trouve qu’il est important de bien choisir l’emplacement de la pédale dans la chaîne du signal, notamment par rapport à tout ce qui est distorsions (de préférence après les pédales de distorsion, ou en boucle d’effet d’amplificateur), pour en tirer le meilleur parti.
Autre chose, parlons simplement de ce que l’on fait avec cette pédale. Personnellement, j’ai eu du mal à trouver d’autres usages pertinents de la Microcosm que de l’utiliser seule avec un instrument et d’en faire une pièce à part entière d’un côté, très probablement avec une certaine quantité d’effets de spatialisation, et dans un autre registre de m’en servir pour créer tout ce qu’on peut mettre dans la catégorie « drones », c’est-à-dire créer des plages de son qui ont pour objectif de rajouter de la texture dans un morceau construit par-dessus sans forcément participer plus que ça à l’arrangement. J’imagine que d’autres personnes que moi qui l’auront dans les pattes et qui par exemple sont plus à l’aise avec l’usage des loopers pourront en faire d’autres choses évidemment, et je n’ai moi-même pas encore fini avec ce test d’explorer les possibilités de la pédale, notamment quand on voit les différences de rendu parfois assez importantes sur l’effet granulaire entre les extrêmes valeurs des paramètres Activity et Repeats.
Notons enfin que l’ergonomie est plutôt un bon point de la pédale, même si la partie enregistrement de présets nécessite de se creuser un peu la tête avec les manuels au départ. J’ai apprécié par exemple une fonction toute bête qui permet de modifier l’ordre dans lequel on fait défiler les présets avec l’encodeur, qui montre que les créateurs se sont un peu creusé la tête avant de concevoir la Microcosm. J’ai apprécié également la possibilité de tout synchroniser en MIDI, qui s’avère d’ailleurs redoutable si on utilise la pédale avec une configuration ordinateur, comme effet dans un STAN, que je conseille d’utiliser comme un send plutôt qu’en insert (attention je me suis permis une petite cover qui se prêtait bien aux drones et aux jolies ambiances).
- Microcosm Dub02:28
- Phendrana Drifts03:52
Ces dernières démos ont été enregistrées au studio Cavern à Paris avec une Jackson 7 cordes dans un ampli The Valve 2/50 et un SM57 devant le baffle.
- Cavern Sessions 103:13
- Cavern Sessions 204:49
Conclusion
Pour terminer ce test, impossible de ne pas parler du plaisir que j’ai éprouvé en découvrant cette pédale, en essayant de mettre toutes les sources sonores qui passaient dedans, et en sélectionnant chaque préset pour voir ce que j’arrive à faire d’intéressant ou de perché avec. J’ai beaucoup joué avec la fonction Hold qui permet de faire des drones de manière beaucoup trop facile pour ne pas en abuser. J’ai eu l’impression aussi d’avoir sous la main un looper plus puissant qu’il n’en a l’air au premier abord, synchronisable par MIDI qui plus est, ainsi que des effets classiques permettant de se débarrasser facilement d’un certain nombre de pédales dans un setup donné.
À ce stade, c’est peut-être également le moment de polémiquer sur un choix de design qui ne sera peut-être pas pertinent pour tous. Bien que j’ai apprécié l’idée de vouloir proposer 44 terrains de jeux avec des macro paramètres, comme invitation à se plonger dans l’usage de la pédale sans a priori et sans chercher à maîtriser ce que l’on fait au premier abord, je ne suis pas certain à 100% que le choix de ne pas donner un accès plus ou moins complet au moteur, pour choisir l’orientation que l’on veut donner au moteur granulaire ait été ici un pari si réussi. Aujourd’hui, de nombreux constructeurs se sont lancés dans ce crédo, que ce soit niveau plug-ins (on peut citer par exemple le nouveau Arturia EFX Fragments, Output Portal, Unfiltered Audio Silo, ou encore les plug-ins plus orientés délai comme Soundtoys Crystallizer et Audio Damage Other Desert Cities), les modules Eurorack de Mutable Instruments Clouds et Beads évidemment, ou encore des pédales comme les Red Panda Tensor et Particle ou la Chase Bliss Mood pour donner quelques exemples pertinents.
Tous ces produits donnent un accès plus détaillé aux paramètres granulaires, ce qui permet d’aller vers les territoires qui nous intéressent en priorité, et de pouvoir les approfondir. Personnellement, j’ai constaté que j’avais plus d’affinités avec par exemple les effets Haze, Mosaic que d’autres, et Pattern pour quelque chose de plus classique, avec d’autres que j’ai apprécié également bien que parfois un peu trop « gimmick / one trick pony ». Et je me suis dit que j’aurais préféré avoir la possibilité d’avoir un peu plus de ce genre d’effets que d’autres dans la pédale, même si je n’ai pas non plus eu l’impression – loin de là – d’en avoir fait le tour, notamment avec les interactions que je n’ai pas encore pu creuser entre la pédale et d’autres effets, ou l’usage du moteur granulaire avec différentes sources sonores. D’ailleurs, si je devais choisir quel serait le compétiteur attitré de la pédale, en plus des produits sus-cités, je dirais plutôt que ça serait la Empress Effects Zoïa que je conseillerais aux gens de regarder, qui propose un moteur d’effet granulaire en plus du reste, mais qui est dans le délire complètement opposé niveau complexité et possibilité d’aller dans le détail.
En tout cas, cette pédale me laisse perplexe dans le bon sens, d’un côté je regrette un certain nombre de petits défauts, son côté imprévisible, le fait que ça n’a pas de sens de vouloir jouer avec tout le temps en fonction du style de musique que je veux faire, ou certains choix que j’aurais fait autrement sur les possibilités offertes aux utilisateurs, il n’empêche que j’ai sans arrêt envie de revenir jouer dessus, et d’enregistrer des trucs avec, ou d’essayer une nouvelle approche pour son utilisation. Et quand je cède, et que je regarde l’heure passer, je me dis qu’ils ont quand même bien réussi à m’accrocher et à me faire perdre la notion du temps chez Hologram Electronics. Enfin, j’ai particulièrement apprécié le fait que la pédale me force à changer ma manière de faire de la musique pour elle, que ce soit dans le choix esthétique musical imposé, que dans les interactions que j’ai eues avec elle, comme cette fois où je voyais Bootz au studio Cavern bondir de sa place en m’entendant jouer 7 cordes en main avec le rythme et les glitchs qui sortaient de la pédale. Pour toutes ces raisons, même si le prix du produit est probablement son plus gros souci, c’est extrêmement difficile pour moi de ne pas vous inciter à l’essayer si vous le pouvez, et à coller à la Microcosm un Award Innovation amplement mérité !
PS. Merci à Bootz et au studio Cavern pour m’avoir aidé sur les photos et pour les enregistrements sur place !