Bien, jusqu’ici, nous en sommes arrivés au constat suivant : mixer peut être assimilé à l’assemblage en accord avec le tempo des pièces d’un puzzle en 4D formant un film sonore. Mais quels sont les enseignements que nous pouvons tirer de cette façon de voir les choses ?
Petit à petit, l’oiseau aboie et la caravane passe…
Eh bien tout d’abord, rappelez-vous votre jeunesse, lorsque vous vous êtes attaqués à un puzzle pour la première fois. Avez-vous directement commencé par un gigantesque puzzle de 20 000 pièces ? Bien sûr que non, l’apprentissage de ce jeu de patience commence avec un nombre d’éléments limité. Pour le mixage, c’est la même histoire. Mieux vaut faire ses armes sur un titre simple. Par exemple, un morceau avec une guitare, un piano, une voix et éventuellement des chœurs. Ou dans un genre plus électro, un beat minimaliste kick/snare, une ligne de synthé basse, une nappe en fond et une ligne lead pour la mélodie. Bref, quelque chose avec cinq ou six éléments différents maximum. Arriver à quelque chose de cohérent et d’intéressant avec si peu de choses est déjà un joli challenge, mais c’est largement plus jouable, et donc formateur, que d’attaquer d’emblée par une compo à 17 guitares, une basse, une batterie, deux rappeurs, une chanteuse, des chœurs et un orchestre symphonique derrière. De plus, d’un point de vue psychologique, la réussite est plus facilement atteignable, ce qui sera donc gratifiant et vous encouragera à continuer. Ce qu’il faut retenir, c’est l’idée d’aller progressivement vers plus de complexité, comme dans tout apprentissage finalement !
One Vision !
Le deuxième enseignement que l’on peut tirer de cette métaphore est encore plus important. Vous viendrait-il à l’idée d’attaquer un puzzle sans avoir la moindre idée de l’image à reconstituer ? À votre avis, David Fincher se lance-t-il dans la réalisation d’un film sans script ou story-board ? Une fois de plus, la réponse est bien évidemment non. Moralité, avant même de commencer le mixage, l’ingénieur du son doit avoir une idée la plus claire possible du résultat qu’il souhaite obtenir. En résumé, pour atteindre un but, il faut d’abord fixer ce dernier, sans ça tout se résume à une longue errance stérile.
C’est bien joli tout ça, mais comment apprend-on à se forger cette vision d’un mix ? Eh bien, comme souvent dans le domaine artistique, le mieux est d’étudier et de s’inspirer de grands maîtres en la matière. Pour ce faire, je vous conseille la lecture préalable de l’un de nos précédents articles concernant l’analyse de mixes ainsi que les commentaires qui lui sont attachés. Une fois décortiqué un certain nombre de titres, vous devriez être en mesure d’élaborer tant bien que mal votre propre vision des choses par rapport au morceau que vous vous apprêtez à mixer.
A priori, vous devez déjà bien connaître cette musique, soit parce que vous l’avez composée, soit parce que vous l’avez interprétée ou enregistrée/éditée, voire tout à la fois. Bref, vous la connaissez suffisamment pour pouvoir prendre une feuille de papier et y coucher votre vision du mix sans avoir pour l’instant à la réécouter. Notez vos idées de placement dans l’espace, les instruments qui vous semblent les plus importants à tel ou tel moment, dans quelles zones de fréquences vous voudriez les « piéger », l’évolution de tout ça en fonction des passages du morceau, etc. En résumé, il vous faut décrire et formaliser par écrit le son que vous avez dans la tête avec le plus de précision possible. C’est cette vision sonore du titre qui va faire que le mix sera vôtre. Vous allez y laisser un peu de vous même et cela fera toute la différence entre votre mix et le même morceau mixé par un autre alors lâchez-vous !
Après, il n’y a pas de secret, c’est comme tout, il faut se lancer. Le mixage, c’est faire des choix et les assumer jusqu’au bout. Fixez-vous donc un but et ne le lâchez plus jusqu’à l’avoir atteint. Qu’importe si votre vision est bonne ou non, il n’y a de toute façon aucune « réponse ultime » à ce genre de questionnement. L’important, c’est de concrétiser cette vision. Donc inutile de vous faire des nœuds au cerveau et de vous mettre la pression. D’autant qu’à ce stade, rien n’est encore définitif…
La semaine prochaine, nous verrons comment confronter votre vision à la réalité des enregistrements afin de l’affiner un peu plus et d’enfin attaquer le mixage.