Aussi éloquente soit-elle, cette analogie avec un puzzle occulte tout de même un aspect majeur de la musique. En effet, un puzzle ne représente au final qu’une image statique. Or par essence, la musique est tout en mouvement. Il convient donc de compléter notre casse-tête en y ajoutant un nouveau paramètre : le temps !
La quatrième dimension…
Au niveau « macroscopique », la gestion de l’évolution dans le temps des différents éléments de votre titre est essentielle. C’est tout simplement la chose qui rend votre morceau vivant ! Pour revenir à la métaphore « puzzlesque », la dimension temporelle transforme l’image figée en un véritable film. Les pièces du puzzle y tiennent un rôle : personnage principal, secondaire, ou simple élément du décor. En tout cas, tout ce beau monde a la capacité de s’animer, se transformer pour raconter une histoire. Et il incombe à l’ingénieur du son de respecter et sublimer cette histoire. Pour ce faire, il dispose d’une fonction primordiale : l’automation. Lorsqu’on y pense, les nuances de jeu des musiciens, la construction de la composition et l’évolution de son arrangement jouent déjà avec cette dimension temporelle. Mais l’automation des traitements et effets au stade du mixage ouvre des perspectives de créations d’ambiance et de mise en scène tout aussi importantes. Par exemple, l’automation d’une réverbération peut faire basculer le lieu où se déroule l’action d’une grande salle de concert à une minuscule boîte d’allumettes. C’est aussi grâce à l’automation que vous pouvez axer l’attention de l’auditeur sur la voix principale, un instrument soliste ou la mélodie au moment adéquat. Mine de rien, cela change absolument tout au niveau de la progression dramatique de la chanson.
D’autre part, l’automation permet également de gérer l’évolution des articulations entre les instruments. Prenons un exemple concret que tout le monde devrait connaître : La nuit je mens, superbe chanson du regretté Alain Bashung. Ce titre commence par une intro avec simplement une guitare et une voix. Puis la basse rentre en scène. Eh bien juste à ce moment-là, si vous tendez l’oreille, vous entendrez clairement que le bas du spectre de la guitare acoustique est un peu plus raboté. Dans ce cas, c’est l’automation de l’égalisation sur la guitare qui permet une articulation tout en douceur entre les deux instruments.
La dimension temporelle intervient aussi à un niveau microscopique, directement en rapport avec le rythme du titre à mixer. En effet, énormément de traitements du signal audio comportent des réglages dépendants du temps. Que ce soit l’attaque ou le relâchement d’un compresseur, le retard d’un delay, ou bien encore le decay d’une réverbération, tous ces réglages jouent avec le temps de façon microscopique. Cela influe énormément sur le feeling, le groove de la musique. Il convient donc d’effectuer ces réglages avec la plus grande attention. Vous constaterez très vite que si vous réglez ces paramètres en respectant plus ou moins le rythme de votre morceau, le résultat n’en sera que meilleur.
Le prochain article mettra un point final à cette théorie du puzzle et ouvrira enfin les portes du travail de mixage à proprement parler.