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Émile Parisien nous avait prévenu : « Daniel Humair est intarissable. C'est sans aucun doute actuellement, le musicien le plus novateur. » L'artiste ne laisse pas insensible, sa master-classe a fait le plein. Le vieil insoumis, passionné par la peinture et la cuisine, sait séduire les jeunes. Depuis les élèves du collège jusqu'aux musiciens les plus confirmés - même Claudia Solal a fait le déplacement- tout le monde est venu écouter ce charismatique batteur, jamais avare d'opinions sur la musique, sur l'art et son approche et même sur la vie en général.

Vous avez joué avec les plus grands, vous venez à Marciac avec une jeune formation : que vous apporte ce projet ?

« ça m'amuse, il y a un échange et surtout je continue à apprendre. Je suis bien plus vieux qu'eux tous mais on est sur la même longueur d'onde. Il n'y a pas de hiérarchie, je ne donne pas d'ordre, on est libre. Je préfère travailler avec des jeunes jazzmen français qui ont du talent et des choses à dire que de jouer avec des sous-Cannonball ou des sous-Coltrane. Il y a trop de trop de fanatiques du jazz américain. Il ne suffit pas d'avoir un passeport US et la peau noire, le jazz est un langage international. Nous avons des gens en Europe qui font des choses extraordinaires mais comme ils ne s'appellent pas tous John Smith, ça n'intéresse personne. »

Vous avez des exemples ?

« Il y a quelqu'un que Marciac connaît bien, c'est Émile Parisien. Quand j'entends ce qu'il fait, je peux vous dire que j'ai rien entendu de tel depuis 20 ans. Aux États Unis, il serait classé parmi les 5 ou 6 meilleurs saxophonistes. Dans le groupe (Ndlr : Baby Boom), des saxophonistes comme Monniot et Donarier auraient déjà enregistré 20 albums avec un nom américain. Ces jeunes me surprennent et moi je veux être surpris. »

N'y a-t- il pas d'aigreur dans votre discours ?

Non, je ne suis pas aigri du tout. J'ai joué avec les plus grands. J'aurais pu jouer encore avec des Bill Evans ou Cannonball Adderley mais la vie de musicien à l'américaine ne me plaisait pas du tout.

Que vous inspire un batteur comme Manu Katché ?

« Si les plus grands musiciens font appel à lui, c'est qu'il doit être très bon. Je l'ai entendu en concert il y a deux ans et ça m'a rien fait. C'est un très grand batteur de studio… »

Y a-t-il encore des choses à explorer dans le jazz ?

« Je pense que tout a été fait dans l'art. Et tout a été exploré dans le jazz. Maintenant, c'est une question d'approche. La maison a été construite dans l'ensemble : maintenant chacun doit apporter sa petite contribution pour finir le toit. Et puis l'art c'est un truc à soi, je n'aime pas ces gens qui font de la musique pour plaire, ils sont aujourd'hui beaucoup, trop nombreux »

Vous n'avez pas peur de démoraliser vos jeunes avec ce discours ?

« Non ils sont intelligents, je ne m'inquiète pas. Mais, ce qui m'énerve c'est tous ces jeunes qui s'engouffrent dans la Djangomania ou le revival Django-Grappelli. Grappelli connaissait le répertoire par cœur, quand il jouait « Nuages », tous les Gitans applaudissaient mais chaque soir c'était jamais les mêmes codas. En fait, à part Rosenberg et Biréli Lagrène, le reste n'a aucun intérêt. »

Au programme de Marciac, il y a des choses qui ne sont pas forcément jazz ?

« Marciac, c'est 80 % de jazz, c'est très bien. Réunir 6000 personnes pour des concerts de jazz au fond du Gers, c'est une performance… Et cela devient rare. Dans certains festivals soi-disant jazz, dans la même soirée, on vous met une chanteuse type Sheila avec Michel Portal derrière. Cela devient du n'importe quoi. A la fin, cela ne devrait plus s'appeler, mettons Nice-Jazz mais quelque chose comme Musique Nice. »

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