Il y a deux ans et demi, nous avions testé la Eris E8, première enceinte de monitoring sortant des usines du constructeur Louisianais PreSonus. Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître tant la grosse boîte noire a su nous convaincre dans son secteur de marché.
Après avoir essayé d’envahir la gamme supérieure avec sa série Sceptre, un peu moins convaincante, PreSonus tente cette fois-ci de se faire une place dans le cercle plus restreint des enceintes équipées de tweeter à ruban, parmi notamment Adam, Eve et le nouveau venu Hedd. Les natifs de Bâton-Rouge arriveront-ils à nous enrubanner ? C’est ce que nous allons voir tout de suite…
Les tweeters à ruban ont su convaincre, depuis quelques années déjà, bon nombre de home-studistes formant un club d’adeptes ne tarissant pas d’éloges sur la reproduction fidèle, douce et précise du haut du spectre de leurs enceintes fétiches. Il était donc assez naturel qu’un constructeur aux ambitions aussi affirmées que PreSonus tente sa chance dans ce secteur, surtout après le succès mérité des Eris.
Au déballage, les R65 surprennent tout d’abord par leur compacité (203 mm x 328 mm x 261 mm), leur volume étant plus restreint que celui de nos bonnes vieilles ADAM A7X, pourtant équippées elles aussi d’un boomer de 6,5 pouces. C’est un premier point important pour tous les home-studistes comptant les centimètres carrés de leur pièce à musique. Nous sommes aussi satisfaits de la présence au catalogue d’un modèle de 6,5 pouces suppléant le modèle équipé d’un boomer de 8 pouces. Car s’il y a une critique à émettre à propos de la série Eris, c’est peut-être l’absence de modèle de 6,5 pouces, parfait compromis entre les petites 5 pouces et les grosses 8 pouces. Concernant la série R qui nous intéresse aujourd’hui, on regrettera qu’un modèle 5 pouces fasse défaut, qui aurait à coup sûr intéressé les home-studistes disposant d’un tout petit espace de travail. Espérons que le constructeur comble ces vides rapidement.
Pimp my Ruban
Autre particularité de notre R65 : elle est livrée avec deux plaques pour la face avant, une bleue et une noire. Si la première n’a pas fait l’unanimité dans nos bureaux, la noire a l’avantage de rester discrète, ce qui ravira les plus classiques d’entre nous. L’initiative est sympathique, même si concernant le look, il est difficile de satisfaire tout le monde et nous préfèrerons juger la petite R65 pour ses qualités acoustiques plutôt que cosmétiques.
Cette face avant présente simplement les deux transducteurs ainsi qu’une petite LED douce et bleutée confirmant la mise sous tension de l’enceinte. Le boomer ressemble trait pour trait à celui équipant les Eris, lui aussi en Kevlar, et se loge juste en dessous du fameux tweeter à ruban AMT de 44 cm2. Tout ce petit monde est alimenté par un couple d’amplificateurs classe D de 100 et 50 Watts, avec une fréquence de séparation (crossover) placée à 2,7 kHz, et enfermé dans une enceinte en MDF laminé vinyle. Le bébé fait en tout 6,65 kg.
À l’arrière, nous retrouvons l’interrupteur de mise sous tension qui ne sera donc pas vraiment accessible. Heureusement, le mode d’économie d’énergie pallie ce défaut, car il permet à l’enceinte de se mettre automatiquement en veille au bout d’une trentaine de minutes d’inactivité, baissant ainsi la consommation à moins de 0,5 Watt. Plutôt cool.
Côté connectique, on retrouve le trio magique, à savoir XLR, Jack TRS et RCA. De quoi satisfaire tout le monde, a priori. Les trois réglages sont, à notre avis, plus accessibles que ceux équipant les Adam ou Eve, avec un simple bouton permettant de changer l’état du filtre associé. Parfois, les idées les plus simples sont les meilleures. On retrouve donc un coupe-bas avec une pente de –24 dB/octave réglable à 60, 80 ou 100 Hz, un filtre en plateau pour les hautes fréquences (au-dessus de 2 kHz : +1, –1,5 et –4 dB), et un autre pour les basses fréquences, dénommé Acoustic Space et situé à partir de 250 Hz afin de « compenser le renforcement des graves qui a lieu quand le moniteur est placé près d’un mur ou d’un coin de pièce », d’après le très bon manuel fourni, regorgeant d’ailleurs d’informations, de conseils avisés et comme à l’accoutumée, d’une gourmande recette cajun !
Enfin, nous retrouvons le nécessaire potard de gain d’entrée, qui, rappelons-le, n’est pas un potard de volume. Il convient donc de bien le régler (commencez par le gain unitaire U) et de vérifier les niveaux de votre contrôleur de monitoring ou interface audio afin de ne pas rentrer trop fortement ou faiblement dans vos moniteurs flambants neufs.
Il ne nous reste plus qu’à comparer ces R65 avec nos Adam A7X, aussi dotées d’un tweeter un ruban et d’un boomer de 6,5 pouces, mais affichant un prix supérieur (environ 550 € contre 400 € l’unité). Pour ce faire, nous utilisons le contrôleur de monitoring PreSonus Monitor Station v2 afin de passer rapidement d’une paire à l’autre, notre Apollo 8 d’Universal Audio et les fichiers non compressés habituels.
Écoute
Johnny Cash – Hurt
On commence avec ce morceau mettant à l’honneur la voix de Cash ainsi que sa guitare Martin, même si cette fois-ci, c’est plutôt le piano qui montre les premières différences entre les deux enceintes. En effet, les résonances de ce dernier situées entre 300 et 900 Hz sont plus présentes sur les R65, d’autant plus quand on avance dans le morceau et que la compression s’accentue. D’une manière générale, les deux enceintes sont très proches, ce qui est plutôt un bon point pour les PreSonus. Les ADAM nous semblent tout de même un peu plus creusées, avec une voix un peu plus nasale que sur les R65, qui présente une voix une peu plus « coffrée » et « dans ta face ». Aussi, la guitare acoustique est légèrement plus brillante sur les A7X, avec des attaques du coup un peu plus franches. Tout cela s’explique par la plage de fréquences entre 300 et 900 Hz un peu plus en avant sur les PreSonus (le coffre de la voix, les résonances du piano), tandis que les ADAM favorisent le secteur des 2 kHz et 6/8 kHz pour un peu plus de brillance. Pour le reste, c’est très proche, que ce soit en termes de dynamique que de spatialisation. Ça commence donc plutôt bien pour la PreSonus.
Gorillaz – Feel Good Inc.
Ce morceau nous démontre que l’extrême bas est un peu moins présent sur les PreSonus, mais rien de gênant de notre point de vue, d’autant qu’elles descendent au final aussi bas que les ADAM A7X. Avec sa petite bosse à 900 Hz, la R65 accentue l’effet radio sur la voix, avec un effet « dans ta face », comme si Damon Albarn était juste en face de nous. Globalement, on retrouve un son un peu plus creusé sur les ADAM, avec moins de bas médiums et plus de hauts médiums et aigus. Les R65 sont donc légèrement moins brillantes, avec notamment moins de sibilances, mais ce n’est pas un problème de notre point de vue car toutes les informations restent bien présentes. Le bas est aussi très lisible sur les PreSonus et n’est pas hypertrophié, ce qui est un très bon point.
Michael Jackson – Liberian Girl
Sur les nappes de synthés de l’intro, il n’y a aucune différence vraiment notable entre les deux modèles. Sur la voix, on entend un peu plus d’air sur les ADAM et la basse nous semble un peu plus creusée, sans doute à cause des bas médiums. Nous avons l’impression que le son se rapproche de nous lorsque l’on passe sur les PreSonus, et que l’on a un peu plus de « focus ». Les bas médiums en exergue peuvent aussi donner l’impression d’avoir un son un peu plus boueux, mais rien de gênant ou masquant non plus. Cela apporte un peu plus de chaleur dans les voix.
Vous l’aurez compris, les deux enceintes restent très semblables, avec seulement des bas médiums plus présents sur les R65 et des hauts médiums plus en avant sur les ADAM. Cela donne un peu plus de brillance sur ces dernières et un peu plus de chaleur sur les PreSonus. Nous considérons que les R65 font au moins jeu égal avec les A7X et nous nous voyons bien travailler avec, d’autant plus qu’elles restent globalement un peu moins flatteuses. Nous avons vraiment été convaincus par la linéarité et l’homogénéité des enceintes PreSonus qui n’ont rien à envier aux A7X, pourtant bien plus onéreuses.
Conclusion
PreSonus transforme l’essai des Eris avec ces modèles à rubans dotés d’une construction sérieuse, de bon nombre de réglages et d’entrées et surtout de bonnes performances sonores, à commencer par l’équilibre spectral remarquable pour le prix affiché. À l’écoute, elles tiennent largement tête aux ADAM A7X pourtant bien plus chères. Elles ne tombent pas dans la facilité qui consiste à creuser les médiums pour laisser la part belle aux deux extrémités du spectre afin de séduire l’auditeur au lieu de lui renvoyer une image sans fard de son travail. Les R65 seront à coup sûr des outils fiables pour le home-studiste désireux de mixer ses derniers morceaux tout en ayant un budget borné, et pour cela, nous leur accordons l’award qualité/prix.