Grand spécialiste des solutions audio pour mobiles et tablettes, IK Multimedia propose avec iRig Acoustic une solution pour enregistrer sa guitare acoustique. Bon plan ?
Vendu 60 euros, l’iRig Acoustic est en fait à un petit microphone qui se fixe sur n’importe quelle guitare acoustique, qu’elle soit classique ou folk, ou qu’il s’agisse d’un ukulélé : tant que vous trouvez un bord de rosace pour l’accrocher, vous pourrez vous en servir. Du micro sort un câble de 2 mètres proposant un petit boîtier pour connecter un casque, histoire d’avoir un retour son indispensable lorsqu’on joue sur un playback. La connexion se fait enfin via mini-jack sur l’entrée/sortie micro/casque de votre tablette ou de votre téléphone : voilà qui lui assure d’être utilisable quel que soit l’OS utilisé derrière (iOS ou Android voire même, j’imagine, Windows Phone même si IK ne communique pas dessus) avec tout de même un gros point noir : les préamps et convertos d’entrée des téléphones et tablettes sont loin d’être de grande qualité. On aura donc un produit générique au détriment de la qualité audio qu’aurait permis un vraie interface : un choix discutable, et qui motivera peut-être, si IK est encouragé par les ventes de ce premier modèle, une version HD…
Au rang des bonnes surprises, on sera toutefois ravi de voir le micro fourni avec une petite housse toute mignonne. Vu la taille de cette dernière, on sent bien qu’on est dans une philosophie ultra nomade, ce qui n’est pas pour nous déplaire. On sera plus dubitatif sur le câble utilisé : il est très fin et soudé au capteur, ce qui n’inspire pas confiance sur la durée de vie du produit : avec cette belle longueur de 2 m, on s’imagine bien marcher dessus et l’arracher malencontreusement.
On ne sera pas très enthousiaste non plus concernant l’appli Amplitube Acoustic qu’IK recommande pour utiliser son micro, non pas tant à cause de la qualité de cette dernière sur laquelle nous reviendrons, mais parce qu’elle est ici proposée dans une version gratuite extrêmement limitée et truffée d’achats In App. Comptez donc 10 euros pour acquérir la version normale (qui débloque toutes les pédales d’effets et les 3 amplis) auxquels devront s’ajouter 10 euros pour avoir le looper, 27 euros pour avoir l’enregistreur multipiste, 10 euros pour débloquer l’UltraTuner et 25 euros pour débloquer l’ensemble des packs de boucles de batteries. 82 euros pour tout débloquer ? Oui… en attendant qu’IK propose de nouveaux packs de pédales qu’il faudra probablement encore acheter. Très à la mode sur l’AppStore, le principe est extrêmement agaçant et même si rien ne vous oblige à acheter quoi que ce soit, même si, a priori, il permet à tout le monde de dépenser selon ses besoins, on ne manque jamais de vous inviter, au détour d’un onglet ou d’un preset, à repasser à la caisse en jouant sur la fibre collectionneuse de l’utilisateur… Et certes, il est possible d’utiliser le micro avec n’importe quelle autre appli, mais comme nous allons le voir en pratique, ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus judicieux à faire.
Dernière précision : si ce test est réalisé sous iOS, il semblerait que la version Android d’Amplitube Acoustic ne soit toujours pas sortie.
Alors on branche…
Pour ce test, nous avons utilisé une G25 de Garrison, une marque canadienne rachetée depuis par Gibson et qui, en dehors de l’originalité de proposer une armature d’une pièce en fibre de carbone, faisait des guitares à la personnalité… canadienne. Vendue autour des 700 euros il y a une douzaine d’années de cela, la G25 est une dreadnought qui sans être fondamentalement déséquilibrée, est plus portée sur l’aigu que le grave. Le son est brillant, avec une projection satisfaisante et un bon sustain. Bref, un milieu de gamme des plus corrects et qui, s’il ne fera pas d’ombre à une Hummingbird ou à une D28, s’en sort très bien, notamment sur le strumming.
Pour enregistrer cette dernière, nous allons donc utiliser l’iRig Acoustic d’IK avec son appli dédiée sur un iPad Mini 2, mais aussi, histoire d’avoir un point de comparaison, un Neumann U87 rentrant dans une Apollo 8, sans aucun plug-in. Comparer un micro à 60 balles avec un micro à 2 300 euros, cela peut sembler mesquin. Mais vu qu’IK s’est amusé à le faire pour promouvoir son produit, autant suivre le constructeur dans ce grand écart qui ne manque pas d’audace.
Précisons que l’appli d’IK Multimedia propose une phase de calibrage de l’instrument : pour régler le gain du préampli, comme pour déterminer ses caractéristiques qui pèseront ensuite sur les traitements : on dispose même d’un module feedback killer qui, en cas de retour son malencontreux, permet de supprimer la ou les fréquences les plus gênantes. Pour nos premiers enregistrements, nous avons toutefois pris le soin de désactiver tout traitement ou effet, histoire d’entendre le son brut du micro.
Et on écoute…
Voici donc ce qu’on obtient sur des arpèges avec un U87 en cardio placé en vis-à-vis de la jonction corps-manche de l’instrument, suivi de la même prise réalisée cette fois avec l’iRig Acoustic.
- arpeges U87 00:18
- arpeges iRIG dry 00:18
Qu’en dire ? Que la différence saute aux oreilles évidemment, le U87 offrant un son autrement plus clair et détaillé dans le haut du spectre, là où l’iRig est plus terne et ‘boomy’, comme disent les anglophones lorsque les basses sont trop présentes. Et encore faut il souligner que le Neumann n’est pas le micro le plus brillant qui existe dans le monde des statiques : à n’en pas douter, la différence avec un C414 d’AKG aurait été encore plus manifeste.
Sans parler de la différence des capteurs, la chose peut être imputée au fait que l’on compare une prise à la douzième case (le U87) à une prise à la rosace (iRig). Et si en matière d’enregistrement de guitare, on prend soin la plupart du temps de soigneusement éviter la rosace pour justement ne pas se retrouver avec un bas bordélique, nous n’avons ici pas le choix avec l’iRig.
Ecoutons à présent ce dernier en strumming :
Encore une fois, c’est terne avec beaucoup de choses en bas alors que la guitare est beaucoup plus brillante en réalité, avec des basses bien moins développées.
Toutefois, force est d’admettre que le son du petit capteur d’IK n’a rien d’abominable en regard de son prix et de ses handicaps : en plus des inconvénients d’une prise à la rosace, on soulignera de nouveau, comme au début de ce test, que la qualité du préamp et du converto de l’entrée micro-casque de l’iPad, conçue avant tout pour un usage téléphonique, n’arrange pas les choses. À n’en pas douter, on aurait préféré un système utilisant le connecteur propriétaire d’Apple, ce qui aurait permis d’incorporer un préamp et un convertisseur de meilleure qualité et d’obtenir très probablement un bien meilleur son dans tous les compartiments du spectre, mais le prix s’en serait ressenti et il aurait très certainement fallu dire au revoir à la compatibilité Android. A voir donc si IK proposera, comme il a l’habitude de le faire, une version HD…
Pour l’heure, toutefois, contentons-nous de ce qui nous est proposé et intéressons-nous d’un peu plus près à l’appli.
Don’t worry, be Appli
L’Amplitube Acoustic ne dépaysera pas ceux qui connaissent les nombreuses autres versions d’Amplitube en termes d’ergonomie, tout comme il ne devrait pas poser trop de problèmes à ceux qui le découvrent. Son organisation s’avère assez logique avec un onglet par fonction, tandis que son parti-pris photoréaliste offre un environnement familier au guitariste comme au home studiste, avec évidemment plus de confort car moins de défilement à faire sur la version iPad que sur la version iPhone. Je ne m’attarderai pas sur les fonctions de looper, de boîte à rythmes ou de STAN que je n’ai pas débloquées et qui ne sont pas des nouveautés propres à cette version et qui, je le rappelle, ne sont pas comprises dans le prix de vente, pour me pencher plus attentivement sur la partie effets que j’ai tout de même achetée.
Cette dernière s’organise autour de 3 amplis (Tube, Solid State 1 et 2) qui, en plus d’une égalisation et des habituels réglages de gain, de présence et de volume, incorporent au mieux deux slots d’effets (un seul sur le Solid State 1). FX1 est dédié à la réverb (à choisir parmi différents algos : Spring, Room, Plate ou Hall) et FX2 propose quant à lui de choisir entre Delay 1, Delay 2, Flanger ou Chorus, chaque effet se réglant très basiquement avec deux potards : Level et Time.
Mais ce n’est pas tout car en amont comme en aval de l’ampli, il vous est possible d’utiliser des pédales. Juste après le Feed Kill qui permet de neutraliser 4 bandes de fréquences distinctes pour éviter le larsen, on dispose ainsi de quatre slots dans lesquels on pourra mettre l’une des 6 pédales proposées : un EQ graphique, un EQ paramétrique, un simulateur de 12 cordes, un simulateur de basse (en fait un octaver), un compresseur et enfin un Body Modeler. Ce dernier est de loin le plus original puisqu’il permet de jouer sur le timbre de l’instrument et de transformer, du moins sur le papier, une Jumbo en Dreadnought, par exemple. Tout cela est complété par une section Post-FX où deux slots vous sont à nouveau proposés pour accueillir, là encore, deux pédales à choisir parmi les 6.
Quelle que soit la pédale utilisée, les réglages sont rudimentaires et on est assurément loin de ce que peut proposer Positive Grid à ce niveau, tout comme au niveau des possibilités de routing ou simplement du choix des pédales. Évidemment, il s’agit d’un rig acoustique et il serait un peu vain de nous proposer des émulations de Big Muff, mais on n’aurait pas craché sur un phaser, par exemple, ou surtout sur des effets plus développés, notamment au niveau des delays. Quant au Body Modeler qui cache très probablement un système d’égalisation destiné à faire correspondre la réponse en fréquence de votre instrument à celle d’un autre instrument, il s’avère tout de même très loin de proposer des résultats aussi convaincants que le Sound Machine Wood Works que nous avions testé sur UAD.
La combinaison des outils en présence offre toutefois de quoi sensiblement améliorer le son des prises réalisées avec l’iRig Acoustic. Il est clair qu’avec l’EQ qui va bien, une petite réverb et une simulation d’ampli, on peut atténuer le côté boomy du micro et redonner de la brillance et du volume aux prises, mais ne vous attendez pas à des miracles non plus. Voyez ainsi ce qu’il advient de notre prise au fil de trois presets livrés avec Amplitube.
- strumming irig dry 00:33
- amplitube leavesomespace 00:35
- amplitube littlenose 00:35
- amplitube strumme 00:35
Il n’y a tout de même pas de quoi sauter au plafond. Du coup, si l’appli peut permettre de compenser en partie les lacunes de la captation, on a plus souvent l’impression d’un cache-misère à coup d’EQ et de réverb qu’autre chose. Il s’agira donc d’apprécier cet iRig Acoustic en regard de son prix, de sa concurrence et de vos ambitions. Et puisqu’on en parle…
La concurrence est rude
Soyons clair : quoiqu’en disent les vidéos promotionnelles d’IK, même en imaginant la meilleure appli du monde, un micro à 60 euros n’est pas près d’offrir le rendu d’un U87 à 2 300 euros, ou même celui d’un micro dédié comme le DPA 4099G qui avoisine les 500 euros. Et c’est bien normal : nul n’en adressera le reproche à IK.
J’avoue en outre que, pour ma part, je préfère encore le son très perfectible de cet iRig Acoustic à l’horreur qui sort de quantités de guitares électro-acoustiques. Pour autant, vu ses défauts et son apparente fragilité, pour à peine plus cher, le possesseurs d’iPhone ou d’iPad gagneront à mon sens à s’orienter vers des micros plus génériques comme le Zoom iQ5 qui, en plus d’être stéréo, peut être placé librement autour de l’instrument, et dispose de ses propres préamp et convertisseur tout en demeurant portable. Et bien qu’il soit plus de deux fois plus cher et plus encombrant, le Sonic Port VX de Line 6 me semble aussi intéressant à considérer pour son côté tout-en-un.
Et pour Android me direz-vous ? Et je ne vous dirai rien au vu de la pauvreté de l’offre en la matière et vu que tous les micros portables susceptibles de remplacer cet iRig Acoustic se contentent de l’entrée micro pour rester universels, avec un son universellement décevant. Il faudra probablement vous tourner vers un micro USB comme en propose Blue avec son Snowball (ou IK avec l’iRig Mic Studio… à 220 euros), mais l’équipement sera assurément moins portable. Sur cette plateforme, disposer de cet iRig Acoustic ne semble déjà pas si mal en regard de l’offre si l’on tient vraiment à rester dans l’ultraportable.
Conclusion
Aussi intriguant que mignon de prime abord, l’iRig Acoustic n’est ni une grande surprise ni une immense déception. Simple à utiliser, il offre une solution extrêmement compacte au guitariste nomade qui veut s’enregistrer avec son téléphone ou sa tablette tournant sous iOS ou Android (sans Amplitube Acoustic sur cette dernière plateforme à l’heure où ces lignes sont écrites), et il peut produire, grâce à son appli, des sons tout à fait honorables… en regard du prix auquel il est vendu. Outre les réserves qu’on pourra émettre sur le son en comparaison de solutions plus généralistes, mais pas forcément plus coûteuses (Zoom iQ5 par exemple), son principal défaut demeure selon moi sa présumée fragilité : ce long câble de 2 mètres ultra-fin et non détachable semble du genre qu’on aura vite fait d’arracher en marchant dessus, et comme tout est en plastique moulé, ça sent forcément un peu le matos qui sera impossible à réparer.
Même si ses effets et traitements sont très rudimentaires au niveau des réglages, l’appli est de son côté bien pensée et agréable à utiliser, mais truffée d’achats in-app qui viennent gâcher la fête. Comptez d’ailleurs 10 euros de plus par rapport au prix du produit, ne serait-ce que pour vous payer le pack de pédales et d’amplis optionnel chaudement recommandé si vous voulez utiliser pleinement votre équipement.
Du coup, le bilan est mitigé car sans être un échec complet, l’iRig Acoustic est frappé de bien des limitations qui réduisent son intérêt face à des solutions plus généralistes, qu’il s’agisse de micros ou d’interfaces pour iOS, ou encore d’enregistreurs d’entrée de gamme comme le Zoom H1 qui, pour 40 euros de plus, proposera beaucoup plus de latitude et de qualité dans la prise de son (mais pas dans le traitement certes). Il s’agira de voir si IK, comme à son habitude, va décliner le produit dans une version HD ou Pro, dont les prestations seront meilleures pour un prix forcément plus élevé.