KRK, la marque aux jaunes cônes, a surpris son monde en annonçant au Musikmesse 2011 l'arrivée d'un modèle trois voies doté d'un boomer de 10 pouces pour environ 500 € pièce. Le rapport poids/prix est imbattable pour une enceinte de monitoring, mais qu'en est-il du reste ?
Un après-midi de décembre, dans les bureaux d’AudioFanzine :
– toc-toc-toc.
– Qui est-ce ?
– C’est le livreur.
– Ah très bien, nous vous attendions, vous pouvez déposer le colis dans la cuisine, à côté de la gazinière.
– Cela me semble bien étrange, cher monsieur !
– et pourquoi donc, mon brave ? Un réfrigérateur a pour coutume d’être installé dans une cuisine !
– Ah mais vous n’y êtes pas du tout, ce n’est point un réfrigérateur, mais les dernières enceintes de KRK, les Rokit 10–3 !
– Au temps pour moi l’ami, avec un colis de cette taille, je vous ai pris pour livreur de Darty. Seriez-vous tenté par un petit rafraichissement ?
– Avec plaisir, j’ai beaucoup transpiré et il fait très chaud dans vos locaux, je suis vraiment troublé…mais…mais…qu’est-ce qui nous arrive ?
Mais arrêtons ici notre récit pour revenir au sujet du jour, les enceintes. Les Rokit 10–3, sont donc de beaux bébés, 21 kilos (chacune) sur la balance, nous obligeant à vérifier que nos pieds d’enceintes supporteront la charge. Leurs dimensions sont de 540 mm x 325 mm x 365 mm, et pourront être installées verticalement ou horizontalement suivant la configuration de votre studio. Le look est typique de KRK, avec les deux haut-parleurs jaunes en fibre de verre aramide tissé de 10 et 4 pouces, le tweeter type dôme de soie et le logo qui s’illumine lorsque l’enceinte est mise sous tension, c’est la classe américaine ! On retrouve exactement le même design que les autres Rokit qui constituent l’entrée de gamme de la marque, car les 10–3 restent, malgré leur configuration de haut-parleur, très accessibles : 500 € environ l’unité. Peu de marques proposent des trois voies à ce prix-là et nous saluons l’initiative prise par KRK.
Derrière pas de surprise non plus, avec deux réglages permettant d’ajuster les hautes et basses fréquences : il s’agit de deux shelves agissant à partir de 300 Hz (de –2 à +2 dB) pour les basses et 5 kHz (de –2 à +1 dB) pour les aigus. Les enceintes ont un coupe-sub à 30 Hz et possèdent un dernier potard pour le volume (de –30 à +6 dB). L’évent est situé à l’avant, ce qui est plutôt un bonne nouvelle, même si le constructeur préconise de laisser un mètre entre les enceintes et le mur le plus proche. Pour les entrées, c’est complet avec deux symétriques en XLR et Jack TRS 6,35 mm et une asymétrique en RCA. En revanche, le bouton de mise sous tension est, comme souvent sur les enceintes d’entrée de gamme, à l’arrière, dommage.
À l’intérieur de l’enceinte active trois voies, on retrouve trois amplis classe AB : 80W pour le woofer, 30W pour les médiums et 30W pour le tweeter. Les deux filtres de crossover se situent à 350 Hz et 3,5 kHz.
Mid-field ou near-field ?
Les Rokit 10–3 sont à la base des enceintes Mid-Field, et sont donc censées être placées à au moins 1,5 mètre des oreilles de l’auditeur, sans dépasser 4 mètres de distance. Mais le constructeur précise que ces enceintes peuvent aussi être utilisées en near-field, et donc être placées entre 1 et 1,5 mètre de l’auditeur. Cependant, si l’utilisateur décide de les utiliser dans cette configuration, il sera préférable de les placer horizontalement et de tourner de 90° le couple tweeter/HP médium, moyennant le démontage de la face avant et quelques coups de tournevis, afin que ces derniers gardent la tête en haut et soient placés vers l’intérieur afin d’avoir une meilleure image stéréo. En mid-field, l’utilisateur pourra les installer verticalement ou horizontalement avec le tweeter cette fois-ci vers l’extérieur. Il faudra juste veiller à ce que vos oreilles soient à la même hauteur que le point médian entre le tweeter et le HP des médiums.
Une enceinte near-field sera moins sensible à l’acoustique de la pièce, mais la zone d’écoute, ou sweet spot, sera plus étroit. En mid-field, cette zone sera plus large et il sera possible de monitorer à plusieurs confortablement, en revanche il sera primordial d’avoir une bonne acoustique dans votre pièce d’écoute.
Tout est branché et installé, passons maintenant à l’écoute !
Écoute
Nous avons été un peu embêtés lorsqu’il a fallu choisir une paire d’enceintes à mettre en face de ces Rokit 10–3. Car des enceintes 3 voies, dotées d’un boomer de 10 pouces, et à 500 € l’unité, ça ne court pas les rues ! Nous avons donc décidé de les mettre face à nos ADAM A7X, qui n’ont pas grand-chose en commun avec les KRK si ce n’est leur prix. Quoi qu’il en soit, l’écoute s’est révélée être intéressante et nous a permis de pointer du doigt les forces et les faiblesses des deux modèles.
Johnny Cash – Hurt
On commence avec cette chanson de Johnny Cash, mixée par Rick Rubin. La guitare acoustique Martin de Cash est plus brillante sur les KRK, à cause d’une bosse située à 6 kHz, juste au-dessus du crossover qui provoque clairement un léger creux dans le spectre (à 3,5 kHz). Sur les ADAM, la bosse se situe plutôt vers 1,5 kHz, ce qui donne un peu plus de présence à l’instrument. La voix de Cash est plus nasale sur les KRK et a plus de coffre sur les ADAM. À l’écoute, ces dernières, bien que beaucoup plus petites, donnent le sentiment d’avoir un bas plus développé. En fait, les A7X ont tendance à gonfler autour de 70/80 Hz ce qui nous trompe lors des premières écoutes. En dessous de cette fréquence, il n’y a plus personne, alors que les KRK descendent bien jusqu’à 30 Hz. Côté dynamique et spécialisation, c’est équivalent et les deux paires se débrouillent plutôt bien.
Massive Attack – Angel
Ici, il y a du bas ! Et nous sommes assez surpris lors de la première écoute, car les ADAM, avec leur belle bosse à 80 Hz, donnent l’impression d’avoir un bas plus présent. En fait, nous nous rendrons compte que les KRK descendent forcément plus bas et le kick n’est pas étouffé par la basse. De manière générale, le bas du spectre est plus lisible sur les KRK, et les ADAM essaient d’en faire trop. Leur son est boursouflé et flou alors que tout se détache plutôt bien sur les Rokit. Pas de secret, le 10 pouces prend l’avantage sur le 6,5 pouces, pas forcément sur le volume, mais sur la précision.
Gorillaz – Feel Good
Sur ce morceau, on entend clairement la bosse à 6 kHz sur les KRK qui donnent l’impression que le son est plus ouvert que sur les ADAM. Nous trouvons que les Rokit restent un peu trop agressives dans le haut du spectre (sur les voix) et nous recommandons de baisser légèrement les hautes fréquences via le filtre idoine. Le bas est toujours plus ronflant et semble plus développé sur les ADAM, assez hallucinant pour des 7 pouces, mais cela masque un peu trop le reste du spectre. Tous les détails présents sur les ADAM le sont aussi sur les KRK.
Lou Reed - Walk on the wild side
La guitare située à droite est plus brillante sur les KRK (avec les réglages à 0), et on entend plus l’attaque du médiator. De même, la grosse caisse a plus de batte et moins de résonance que sur les ADAM. La voix est aussi, comme sur les autres morceaux, plus nasale sur les KRK.
Miles Davis – Seven Steps to Heaven
La contrebasse est moins présente sur les Rokit, mais les notes restent plus lisibles. Les ADAM souffrent du fait qu’elles veuillent trop en faire pour leur taille. La ride est aussi plus en avant sur les KRK.
Metallica – Enter Sandman
On reste sur les mêmes impressions, et les toms de l’introduction ont trop de résonances sur les ADAM. Les KRK font plus ressortir les peaux que les fûts. Sur les guitares, les KRK sont plus analytiques, et les différentes couches se détachent mieux que sur les ADAM qui restent, sur ces dernières, plus parasitées par les palm mutes.
L’écoute s’est donc révélée surprenante, avec des ADAM qui donnent l’impression d’avoir un bas plus développé, grâce à la bosse des 80Hz, mais plus court que sur les KRK qui descendent fatalement plus bas. Nous avons été surpris que les Rokit n’en fassent pas plus dans le bas du spectre, mais ce n’est finalement pas plus mal, car elles n’ont pas la fâcheuse tendance à masquer le haut du spectre avec un bas boursoufflé. De plus, elles descendent bien comme promis à 30 Hz. Dans le haut du spectre, en revanche, on regrette un peu le creux à 3,5 kHz, sûrement dû au crossover entre le tweeter et le HP des médiums, ainsi que la bosse à 6 kHz que l’ont pourra un peu atténuer avec le potard situé derrière l’enceinte.
Conclusion
Une enceinte trois voies, avec un boomer de 10 pouces et à 500 €, ce n’est pas commun. Cette KRK se destinera à ceux voulant à tout prix avoir une enceinte qui descend vraiment jusqu’à 30 Hz, et qui possèdent de la place dans leur home-studio afin de les placer correctement. Rien à reprocher concernant le look et la robustesse, la marque ayant déjà fait ses preuves. Nous avons aimé la connectique complète et le fait de pouvoir les placer à l’horizontale ou la verticale grâce au couple tweeter/HP médium rotatif. Concernant le son, nous avons été surpris pas un bas du spectre pas trop racoleur malgré le boomer de 10 pouces : le son reste analytique. Le seul petit regret concerne le haut du spectre, avec le creux à 3,5 kHz suivi du boost à 6 kHz. On pourra néanmoins remédier en partie au problème grâce au filtre de correction des hautes fréquences situé à l’arrière de l’enceinte. Pour 500 €, les KRK Rokit 10–3 sont recommandables, mais vérifiez bien que votre pied supportera la charge et attention au lumbago lors de l’installation !