Cette semaine, nous allons voir comment manipuler le retour du chanteur afin de l'aider à mieux maîtriser le rendu sonore de son interprétation.
Pâte à moduler
Qu’il en soit conscient ou non, le chanteur a une influence gargantuesque sur la pâte sonore de sa voix. Cette capacité dépasse d’ailleurs de très loin l’impact que le jeu d’un musicien peut avoir sur le son de n’importe quel autre instrument. Or, en situation d’enregistrement studio, il est possible de « pousser » le donneur de voix à user de cette capacité lorsque le morceau l’exige et qu’il n’y parvient pas tout seul. Mais par quel prodige ? Eh bien encore une fois, il suffit de manipuler judicieusement son retour en se concentrant ce coup-ci sur sa voix. Mon propos vous paraît peut-être un tantinet obscur à ce stade. Ne vous en faites pas, les exemples concrets qui vont suivre devraient éclaircir tout ça…
Prenons la question de l’intensité de l’interprétation. Il arrive qu’un chanteur trop enthousiasmé par l’idée d’enregistrer surjoue sa partie en essayant de « pousser les murs » avec sa voix alors que le titre en cours de production ne s’y prête pas le moins du monde. Dans ce cas-là, augmenter le volume de sa voix dans son retour d’à peine un ou deux décibels suffira bien souvent pour qu’il se rende compte de la chose et qu’il corrige le tir en calmant ses ardeurs. À l’inverse, un chanteur intimidé par l’expérience de l’enregistrement en studio peut délivrer une interprétation manquant sérieusement d’énergie alors que le morceau nécessite un poil plus de tonicité vocale. Qu’à cela ne tienne, baissez donc ostensiblement le niveau de sa propre voix dans son retour, cela devrait très rapidement le forcer à lâcher les chiens !
Cette petite manipulation est déjà très intéressante mais il est possible d’aller encore beaucoup plus loin ! Par exemple, vous pouvez pousser le chanteur à limiter la casse en termes de nasalité et/ou de sibilance. Bien entendu, il convient en premier lieu de discuter des éventuels excès en la matière avec l’interprète. Ceci étant, il lui sera impossible de se corriger efficacement s’il n’arrive pas à clairement entendre le problème. Or, une simple égalisation choisie de son retour voix pourra très facilement mettre ces phénomènes en évidence, ce qui ne manquera pas de lui simplifier la tâche lors du placement de sa voix afin d’en diminuer le côté nasal et/ou de moins appuyer les sifflantes.
Dernière manœuvre du genre que j’utilise fréquemment : l’utilisation d’une compression outrancière de façon à mettre en évidence des respirations et/ou des bruits de bouches par trop envahissants. Prise de conscience instantanée garantie !
Notez qu’une fois le chanteur sur les bons rails, vous pouvez toujours essayer de supprimer ces subterfuges afin de le remettre dans une situation d’écoute plus confortable. De plus, je vous invite à bien faire attention lors de l’utilisation de ces techniques car employées à mauvais escient, elles peuvent provoquer de véritables blocages psychologiques chez votre interprète. Le but de la manoeuvre n’est pas de le complexer en soulignant maladroitement les éventuels « défauts » de son bel organe ; il s’agit plutôt d’un accompagnement sensible et sensé de l’artiste de façon à ce qu’il délivre le meilleur de lui-même lors de sa performance. Agissez donc en guide bienveillant plutôt qu’en dictateur impitoyable, le rendu s’en verra transcendé, croyez-moi sur parole !
Sur ce, rendez-vous la semaine prochaine pour un épisode consacré aux pouvoirs cachés d’un accessoire trop souvent mésestimé : le filtre anti-pop…