Nous avons commencé la semaine dernière l'harmonisation de la mélodie du fameux morceau de George Gershwin - Summertime - et je vous propose de la poursuivre ici.
Le retour du premier degré
Avant de continuer notre patient travail mesure par mesure, intéressons-nous de nouveau à la mélodie du morceau dans son ensemble. Nous constatons qu’elle se compose de deux grands ensembles qui s’articulent au niveau des mesures 9 et 10, cette dernière marquant le début du second ensemble. Celui-ci débutant comme le premier, nous pouvons l’harmoniser de la même manière en utilisant un accord de La mineur sur les quatre premières mesures dudit ensemble, c’est-à-dire les mesures 10 à 13 incluse. En conséquence et afin de bien marquer à nouveau la tonalité, nous pouvons utiliser un accord de Mi dominante 7 pour la mesure 9. C’est d’autant plus pertinent que les notes Si et Mi de la mesure sont des notes réelles de l’accord de Mi dominante 7. La note Do peut être ici considérée comme une note de passage. Profitons-en également pour harmoniser la mesure 8 avec ce même accord.
Le quatrième degré et la demi-cadence
Dans le premier ensemble de la mélodie de Summertime, il nous reste maintenant à harmoniser les mesures 6 et 7, qui contiennent les notes Ré, Do et La.
À ce stade de notre travail, prenons le temps de nous rappeler deux choses. Tout d’abord, une gamme du système tonal comporte trois degrés principaux : la tonique, la dominante et le quatrième degré (la sous-dominante). Et deuxièmement, une cadence parfaite est souvent précédée d’une demi-cadence constituée du mouvement du 4e vers le 5e degré.
Or non seulement les notes Ré, Do et La des mesures 6 et 7 sont des notes constitutives de l’accord de sous-dominante de la gamme de La mineur, à savoir Ré mineur, mais en plus nous avons harmonisé les mesures 8 et 9 avec un accord de dominante. Nous avons donc deux bonnes raisons d’harmoniser les mesures 6 et 7 avec l’accord de Ré mineur. Nous obtenons donc entre les mesures 6 et 10 l’enchaînement demi-cadence/cadence parfaite suivant : Ré mineur, Mi dominante 7 et La mineur.
Un accord de septième bien caché
Pour terminer cette première étape d’harmonisation, il ne nous reste donc plus qu’à nous pencher sur le cas de la mesure 14. Les notes qui la composent sont Sol, Mi, La et Do. Les trois dernières notes sont les notes réelles de l’accord de La mineur que nous allons pouvoir utiliser ici aussi. Le Sol étant la septième de la gamme de La mineur naturel, il donnera une couleur d’accord de septième mineure à l’ensemble.
Premières substitutions d’accords et dominantes secondaires
Or on sent bien que cette mesure 14 ne sonne quand même pas terriblement bien. Je vous avais prévenu que cette première harmonisation allait être très sommaire. Mais à partir de maintenant nous allons voir ce que nous pouvons faire pour la rendre plus attrayante. L’une des méthodes que nous avons étudiées dans ce dossier est la substitution d’accords, c’est-à-dire le remplacement de certains accords par d’autres pouvant soit occuper la même fonction, soit renforcer la fonction d’accords suivants. Dans le cas présent, nous allons commencer par remplacer l’accord de tonique dans la mesure 14 par son accord de substitution, l’accord du troisième degré Do Majeur, ceci afin d’apporter un peu de mouvement dans la mesure. Bien que La mineur et Do majeur soient deux gammes relatives, on n’observe ici aucun risque de modulation en Do majeur. En effet, non seulement l’accord de Do majeur est ici trop court pour être vraiment marquant, mais de plus il n’y a pas eu auparavant de cadence parfaite Sol-Do qui aurait pu appuyer la modulation dans une nouvelle tonalité.
Puisque nous en sommes aux substitutions, nous allons cette fois renforcer l’accord de Mi dominante 7 des mesures 8 et 9 en remplaçant l’accord de Ré mineur de la mesure 7 par l’accord de dominante de Mi, c’est-à-dire Si dominante 7, qui prendra ici la fonction de dominante secondaire. Elle est notée V7/V pour indiquer qu’il s’agit de la dominante du cinquième degré. Comme nous avons affaire à un renforcement de la dominante du morceau, on ne considère pas ici non plus qu’il s’agit d’une modulation dans une autre tonalité, et ce malgré l’introduction du Ré# et du Fa# qui sont des notes étrangères à la tonalité de La mineur.
Tout cela n’est qu’un début et je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour explorer d’autres manières d’enrichir notre harmonisation !