La semaine dernière, nous avons commencé à enrichir notre première harmonisation basique grâce notamment à l'emploi de substitutions d’accords. Je vous propose de poursuivre sur cette voie on ne peut plus prometteuse.
Si nous reprenons notre morceau là où nous l’avions laissé la semaine dernière, nous pouvons constater que certains accords s’étendent sur plus de quatre mesures d’affilée. Non seulement cela s’avère monotone, mais surtout, ce n’est pas forcément pertinent pour tenir compte de toutes les notes de la mélodie. Voyons ensemble comment cela peut être amélioré.
L’embarras du choix
Prenons la première de ces parties, celle qui s’étend de la mesure 2 à la mesure 5 incluse, intégralement harmonisée en La mineur. Dans cette zone, intéressons-nous plus particulièrement aux Ré de la mesure 3. Ceux-ci sont étrangers à l’accord de La mineur comme je l’avais déjà évoqué dans l’article 90. De plus, étant situés une quarte au-dessus de la fondamentale de cet accord, ils créent la forme de dissonance propre à la quarte juste (cf article 23, j’ajouterai que la quarte juste est considérée comme consonante dans un environnement dissonant et dissonante dans un environnement consonant). Il s’agit donc de trouver une harmonisation qui intégrerait ces fameux Ré de manière plus pertinente. La première idée qui peut nous venir à l’esprit est d’utiliser l’un des accords de la gamme dont le Ré est une note réelle. Prenons un peu le temps d’écouter comment cela sonne avec chacun de ces accords, donc avec
Si diminué :
Ré mineur :
Sol majeur :
Mi dominante 7 :
(Je me suis permis de supprimer momentanément les deux dernières notes de la mélodie de la mesure 5 par souci de respect de la phrase musicale).
Bien sûr et comme nous l’avons vu tout au long de ce dossier, rien n’est jamais vraiment impossible en musique et tout dépend surtout de l’effet que l’on souhaite produire. Dans les exemples précédents on peut toutefois considérer que l’accord de Sol Majeur nous fait vraiment sortir du contexte du morceau. Les accords de Si diminué et de Ré mineur sont éventuellement envisageables et apportent chacun une petite variation intéressante. Mais l’on peut aussi se dire que l’on souhaite garder à la fois la tension sous-jacente à ce morceau tout en renforçant l’accord de La mineur, auquel cas l’accord de Mi dominante 7 est le plus intéressant.
C’est le choix que nous allons faire ici, du moins dans un premier temps :
Le substitut de dominante
Mais nous avons un problème avec le choix que nous venons de faire. S’il brise effectivement de manière efficace la monotonie des premières mesures tout en renforçant la fonction de tonique du La mineur, la cadence parfaite qu’il créé entre les mesures 3 et 4 affaiblit la fonction des autres cadences parfaites du morceau : celle entre les mesures 9 et 10 qui relance la deuxième partie du morceau, et celle entre les mesures 15 et 16 qui achève le morceau.
Il s’agit donc de trouver une harmonisation qui réunisse les deux conditions suivantes :
- conserver les conditions remplies par l’accord de dominante précédemment choisi
- ne pas affaiblir les cadences parfaites déjà existantes du morceau
C’est là qu’intervient l’accord de substitut de dominante. Je vous invite à relire l’article 15 de ce dossier afin de vous remémorer les caractéristiques de ce type d’accords et l’intérêt qu’il peut avoir dans le cas présent.
Ici, l’accord substitut de Mi dominante 7 est Si bémol dominante 7. Cela nous donne l’harmonisation suivante:
Et si vous êtes bien attentifs, vous verrez que Si b 7 présente également de forts points communs avec les accords Si diminué et Ré mineur qui faisaient office de choix secondaires dans notre harmonisation précédente. Cet accord fait donc la parfaite synthèse de tous les choix qui nous étaient offerts à l’origine.
Voilà, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de notre travail !