Présenté au NAMM 2011 et disponible cet été, le Kronos représente une nouvelle étape sur le marché des workstations, monde cruel où chaque modèle est irrémédiablement frappé d’obsolescence à la sortie du suivant. Très innovant et profond, va-t-il changer la donne et ainsi contredire la règle fatale ?
En 1988, Korg lance la première workstation démocratique avec le M1, proposant dans un modèle compact 61 touches un module sonore multitimbral, des effets, un séquenceur et un clavier : on a sous les mains 16 voix de polyphonie, 8 canaux multitimbraux, un séquenceur, 4 Mo de RAM et 2 multi-effets. Dès cet instant, l’ensemble des gros constructeurs vont s’étriper sur cette ligne ininterrompue de produits, probablement la plus dense de l’histoire de la synthèse. Aujourd’hui, le marché est très mature : 2 gammes de produits très segmentées (1000 et 3000 euros pour faire simple), 4 constructeurs plus ou moins actifs (Korg et Yamaha en tête, dans une moindre mesure Kurzweil et Roland) et en moyenne un nouveau modèle tous les 3 ans dans chaque gamme.
Pour le musicien ou le producteur, l’achat d’une workstation est aujourd’hui sujet à pas mal d’alternatives et beaucoup d’interrogations : attendre le prochain modèle haut de gamme, prendre deux modèles d’entrée de gamme de marques complémentaires, acheter un modèle d’occasion, opter pour le tout virtuel ? Car le marché est ainsi fait que tout nouveau modèle de workstation est immédiatement synonyme d’obsolescence pour les précédents, donc de grosse décote. Ces derniers temps, la plupart des constructeurs se focalisent plus ou moins sur la lecture d’échantillons comme forme de synthèse totalement intégrée à leurs machines, donc ont concentré leurs efforts de R&D sur l’augmentation des spécifications dans ce cadre restreint : mémoire, polyphonie, effets… Seuls Kurzweil et Korg ont poursuivi le développement de synthèses multiples, depuis le KB3 introduit sur le K2500 pour le premier et les cartes Solo / Moss introduites sur le Trinity pour le second. En 2005, Korg lance l’Oasys, une workstation révolutionnaire, extrême et élitiste. Véritable laboratoire « vivant », l’Oasys est une formidable opportunité de repousser les limites, de tester de nouvelles fonctionnalités et d’intégrer de nouveaux modules de synthèse ; bref, de préparer une future workstation en rupture par rapport à la concurrence, tout en restant dans la même gamme de prix. C’est avec ce leitmotiv que le Kronos a été développé : changer la donne et pour un bout de temps… alors, pari réussi ?
Classe et élégant
Dans sa tenue noire, le Kronos est un synthé élégant. Le grand écran couleur TFT central tranche avec cette sobriété, ajoutant un côté classieux indéniable. La construction métallique est tout à fait robuste sans pour autant alourdir la machine. Le modèle 61 touches que nous avons testé doit probablement son poids modéré de 12,5 kg au large panneau avant en alu, alors que le fond de la machine est en métal. Le tout confère à la structure une rigidité parfaite, un bon présage pour trimbaler le Kronos partout. Les flancs sont en plastique gloss noir et les diodes bleu pâle, seules fantaisies que se sont permis les designers sans tomber dans le bling-bling. Sur la partie gauche, pas moins de 2 joysticks se partagent la vedette : le premier, à ressort de rappel, est dédié aux modulations (Pitchbend horizontal et 2 modulations verticales) ; le second est dédié aux fonctions Vector, c’est-à-dire le mélange en temps réel de plusieurs sources sonores placées aux 4 points cardinaux (nous y reviendrons en détail). Ce joystick, en alu naturel, ne possède pas de ressort de rappel : il est de surcroît très sensible et évoque, dans son mode de réponse, celui de notre vénérable Prophet-VS. Contrairement à ce qu’on a pu lire çà et là, en particulier sur des forums américains, ce joystick est solidement ancré à la machine, dont la finition est de surcroît très soignée.
Pour modifier les sons en temps réel, le Kronos offre un tas de contrôleurs physiques, parmi lesquels un ruban court avec fonction Lock (sensible uniquement à la position, donc pas à la pression), 2 boutons assignables, 8 potentiomètres et 9 faders. Toutes ces commandes sont situées à gauche du LCD et permettent de piloter les paramètres de synthèse, les arpégiateurs Karma ou encore le mixage des différentes pistes (volume, panoramique, effets, EQ…). La partie droite du panneau est dédiée à l’édition (pavé numérique, encodeur), au choix du mode de jeu, à l’appel des sons (pavé numérique et boutons de sélection des banques), au transport du séquenceur, au contrôle du tempo (potard dédié et bouton Tap) et au déclenchement du sampling.
Longs et fins, les potentiomètres permettent une bonne préhension et offrent une résistance parfaite. Les switches sont francs et fermes. Par contre les faders 60 mm nous ont parus un peu durs en résistance et l’encodeur s’enlève un peu trop facilement (il est maintenu par un adhésif double-face en croix sur le modèle testé, mais le design a été revu depuis et l’encodeur est mieux maintenu). Brillante par son absence de ce tableau de contrôle, une petite section pads qui nous aurait tant ravis ! Même si Korg a inclus des pads virtuels dynamiques sur le LCD (voir encadré), cela ne remplace pas de bons pads physiques… tant que nous râlons, signalons aussi l’absence de boutons dédiés à la transposition à la volée, il restait pourtant de la place sur le panneau ! Le clavier 61 touches semi-lestées (identique au M3–61) est sensible à la vélocité et à la pression monophonique. Sa réponse est excellente, avec un effet de résistance progressive très agréable quand on enfonce les touches. Il existe par ailleurs deux modèles de Kronos à touches lourdes, respectivement de 73 et 88 notes.
Examinons maintenant la connectique, essentiellement placée à l’arrière, sauf la prise casque judicieusement située à l’avant, à gauche du clavier. Tout à gauche, l’alimentation (interne) est assurée par une prise 3 broches universelle et un interrupteur, Plus à droite, 3 prises USB 2.0 (2 prises de types A et 1 prise de type B) permettent de raccorder le Kronos à des mémoires de masse, un ordinateur (données Midi et audio, nous y reviendrons) et des contrôleurs Midi USB, tels que la série Nano ou le Control Pad de Korg. Enfin complètement à droite, on trouve la connectique pédales, Midi et audio. Il y a 3 prises pédales : une prise Damper type piano (fonctionnant en contrôleur de Sustain simple ou continu), un interrupteur simple et une pédale continue. Pour le Midi, il faudra se contenter d’un seul trio In / Out / Thru, le Kronos ne gérant que 16 canaux, ce qui peut paraître peu. Pour l’audio, nous avons l’embarras du choix : 2 entrées analogiques jack 6,35 TRS avec atténuateurs et gains indépendants réglables par potards dédiés, 6 sorties analogiques jack 6,35 TRS configurables par paires stéréo et une paire entrée / sortie numériques S/P-Dif optiques. Toutes les connections audio travaillent à +4.0 dBu. Dans les entrailles du Kronos réside un disque dur SSD 30 Go (mémoire de masse sans mécanisme, donc avec très peu de latence et de risque d’usure prématurée) et 2 Go de RAM DDR2 (extensible à 4 Go, sachant que l’accès nécessite de démonter le fond de la machine), partagée entre l’OS et tous les samples chargés (Rom, EXs et RAM). Le Kronos est équipé d’une carte PC Intel NM10 Express avec processeur Intel Atom D510, le tout tournant sous Linux. Pour refroidir tout cela, il y a un bon vieux ventilo qui ronfle pas mal, le bougre, surtout quand la machine est posée sur un stand et non sur ses patins en caoutchoucs…
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Superbe ergonomie
Le Kronos offre une superbe ergonomie. Certes il n’a pas l’écran inclinable ou les potards cerclés de LEDs comme l’Oasys, mais il hérite de sa philosophie limpide pour l’utilisateur. Cela tourne en partie autour du grand écran couleur tactile 8 pouces SVGA de 800 × 600 pixels. L’affichage est magnifique, visible dans toutes les positions. Il répond rapidement et apporte toujours beaucoup d’informations : en contrepartie, la taille des caractères peut paraître un peu juste dans certaines fenêtres ; du coup, la précision est indispensable pour atteindre le paramètre souhaité. Dans la prochaine mise à jour d’OS attendue sous peu, l’amélioration de l’affichage sera traitée, mais on n’en sait pas plus pour le moment. Le Kronos renferme des milliers de paramètres modifiables, il y a donc énormément d’informations à gérer. Heureusement dans chaque mode de jeu, une première page Play permet de visualiser synthétiquement le(s) moteur(s) de synthèse utilisé(s) et de modifier rapidement quelques dizaines de paramètres essentiels du (des) son(s) en cours : volume, niveau, filtrage, modulations, effets… le débutant pourra ainsi commencer lentement son apprentissage, avant de plonger dans l’édition, en eaux profondes. Et pour ceux qui sont perdus, une aide contextuelle (en anglais) est prévue, en appuyant sur la touche « Help ».
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La machine est organisée en pages menu, elles-mêmes subdivisées en sous-pages. Il y a donc 2 rangées d’onglets contextuels tactiles (un peu comme sur un classeur Excel) pour appeler ces différentes pages. Le graphisme utilise pleinement la résolution du LCD : listes déroulantes, boîtes de dialogue, ascenseurs, cases à cocher… mais aussi objets tels que faders, potards à cliquer, patches virtuels (nous y reviendrons), photos d’instruments, panneaux virtuels, graphiques, tableaux, courbes de réponse d’EQ, etc. L’écran est mono-position, on ne peut donc choisir qu’un seul paramètre à éditer à la fois (puis l’éditer avec le fader dédié, les flèches +/-, le pavé numérique ou le clavier). On peut rêver qu’un jour, nos workstations disposeront d’écrans multitouch façon iPad, où l’on pourra zoomer, naviguer, déplacer, connecter en combinant des mouvements de doigts… en attendant, Korg a prévu quelques astuces pour assigner facilement un son à une touche ou définir des tessitures voulues en appuyant directement sur le clavier, bien vu ! Autre point important d’ergonomie, la gestion des différentes ressources système (polyphonie, moteurs de synthèse, effets, direct-to-disk, etc.) : sur le Kronos, tout se fait en dynamique, avec indicateur en temps réel des ressources consommées, à surveiller quand on commence à empiler des modèles de synthèse très gourmands. Enfin, cerise sur le gâteau pour celui qui programme beaucoup, la touche Compare n’a pas été oubliée, merci !
Preuve par neuf
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Le Kronos embarque, de base, 9 moteurs de synthèse complémentaires. Avant d’entrer dans le détail des différents moteurs et des 1 664 programmes disponibles, il est important de bien comprendre la philosophie générale de la machine en mode programme : la structure d’un programme dépend du type de synthèse utilisé. S’il s’agit de la synthèse HD-1 (lecture d’échantillons et de tables d’ondes), chaque programme peut utiliser 1 ou 2 sources sonores simultanées (chaîne oscillateur + filtres + ampli) ; s’il s’agit de l’une des 8 synthèses EXi (voir ci-après), chaque programme peut utiliser 1 ou 2 synthèses simultanées, identiques ou pas d’ailleurs. La limite à tout cela se pose à la fois en termes de polyphonie et dans les modes multitimbraux, où certaines synthèses ont un nombre limité d’instances simultanées, un programme comprenant 2 moteurs comptant pour 2 instances (cf. paragraphes suivants pour de plus amples détails).
Dans un programme, on peut simultanément lancer un module d’arpèges Karma (voir encadré), jouer une piste Drum (un pattern rythmique, programmé ou tiré des 697 Presets en mémoire, couplé à un Drum Kit) et utiliser un module Vector (permettant de mélanger 2 sources sonores ou 2 synthèses via le Joystick ou une enveloppe multi-segment dédiée). Les programmes EXi possèdent même un séquenceur type analogique 32 pas (dont le sens de lecture est modulable) et 2 générateurs de tracking globaux à 4 segments. Tout ce beau monde peut ensuite faire appel au module d’effets, à savoir 16 multi-effets mis en permanence à disposition, sous forme de 12 effets d’insertions, 2 effets maîtres et 2 effets globaux (voir paragraphe correspondant). La transition entre les programmes est absolument fluide, sans aucun artefact (ce que Korg appelle le Smooth Sound Transition). C’est beaucoup mieux que ce que faisaient Kurzweil et E-mu à la grande époque, puisqu’ici, même les transitions d’effets sont absolument fluides, y compris dans les modes multitimbraux (Combinaison et Song). Du grand art que les musiciens live apprécieront !
Lecture d’échantillons HD-1
Baptisé HD-1, le premier moteur de synthèse est consacré à la lecture d’échantillons PCM. Il est polyphonique avec 140 voix maximum. Le Kronos utilise 3 types de mémoire PCM : la Rom (permanente), les EXs (bibliothèques de samples pré-chargeables, à ne pas confondre avec les Exi qui sont les moteurs de synthèse additionnels) et la RAM (sampling utilisateur). En Rom, on dispose de 314 Mo de samples. Les extensions EXs dédiées au moteur HD-1 (c’est-à-dire hors extensions EXs6 et EXs7 dédiées au moteur SGX-1) totalisent 2,6 Go, à savoir : 274 Mo pour l’EXs1 (Rom Expansion), 361 Mo pour l’EXs2 (Concert Grand Piano), 714 Mo pour l’EXs3 (Brass & Woodwinds), 157 Mo pour l’EXs4 (Vintage Keyboards), 458 Mo pour l’EXs5 (Rom Expansion 2), 170 Mo pour l’EXs8 (Rock Ambience Drums) et 472 Mo pour l’EXs9 (Jazz Ambience Drums). Le Kronos se démarque de ses concurrents par une faible compression sans perte de qualité pour le chargement des EXs. La réduction ne correspond qu’à un modeste 10%, rien à voir avec les facteurs 2 ou 3 couramment utilisés par la concurrence. À noter que le RAM sampling n’est pas utilisé par les moteurs à streaming SGX-1, dont nous reparlerons plus tard. Les banques PCM fournies sont issues de l’Oasys et de ses extensions, nettement un cran au-dessus du M3 par la diversité et la qualité. Les cordes stéréo sont de bonne facture, déclinées en plusieurs sections stéréo de différente taille, le joystick vectoriel permettant de passer progressivement entre elles dans certaines combinaisons. Les voix sont bien fichues, musicales et déclinées dans de nombreuses versions (classiques, pop, jazz, avec différentes voyelles ou articulations). On trouve également de fort bonnes guitares et basses, dont les modèles complètent parfaitement celles modélisées (cf. moteur STR-1). Les ensembles de cuivres sont un peu en retrait sur la banque pré-chargée, manquant un peu de brillance et d’expressivité ; on trouve des sections plus abouties et mieux construites dans la banque additionnelle dédiée. Les instruments solos (clarinette, flutes, sax, trompette, trombone…) sont honnêtement samplés, là aussi un cran au-dessus du M3 (davantage de mémoire), mais avec une couleur sonore très proche et une filiation évidente. Les sons de batteries et de percussions acoustiques sont très soignées et expressives à souhait : la patate assurée, de jolis timbres, une gestion de couches multiples par la dynamique de frappe, beaucoup de soin dans la capture des samples, une très grande variété… aussi à l’aise dans le pop, le rock, le jazz, les ambiances latines ou encore plus exotiques. Bref, un sans faute ! Les percussions électroniques sont du même niveau et tirent parti du multi-effet génial pour les traitements des différents sons au sein des kits.
- HD-1 Strings01:59
- HD-1 Brass01:14
- HD-1 Choir02:49
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Comme nous l’avons dit en préambule, un programme HD-1 utilise 1 ou 2 sources sonores simultanées. En mode « normal », chaque source est composée de 1 à 8 couches de multisamples ou tables d’ondes (cf. encadré), représentant autant de couches de vélocité avec fondus sur 2 couches adjacentes. Pour chaque couche on peut régler un offset de départ de lecture, un niveau, un mode de lecture (en avant bouclé ou en coup unique inversé), un seuil bas de vélocité et un niveau de fondu avec courbe de transition. Un paquet de modulations est disponible pour le pitch, soit directement (tempérament, suivi de clavier, enveloppe dédiée de type multisegment à temps et niveaux modulables, 2 LFO partagés, portamento…), soit via les modulations matricielles AMS où l’on trouve toutes les sources physiques, internes ou Midi imaginables. Bien souvent, les sources de modulations sont elles-mêmes contrôlées par une source AMS tierce (modulation de modulation).
En mode « Drum Kit », on affecte de 1 à 8 samples par touche sur les 128 touches Midi (C-1 à G9). Chaque touche aura alors un traitement de faveur séparé (mode de lecture, pitch, volume, panoramique, départ effets, EQ, mutation par d’autres touches pour simuler les hit-hats, etc.). Le mémoire du Kronos renferme 152 emplacements pour les Drum Kits. Signalons que les tables d’onde et les Drum Kits sont créés en mode Global, uniquement à partir de samples en Rom, RAM ou EXs. Impossible, donc, d’utiliser les autres moteurs de synthèse, dommage ! Les tables d’ondes consomment de la polyphonie, pour gérer les fondus enchaînés.
Poursuivons le parcours de notre signal sonore, qui passe maintenant dans un module de filtrage proposant 2 filtres multimodes résonants. Ils sont tous deux capables de travailler en mode passe-bas (2 pôles), passe-haut (2 pôles), passe-bande (1 pôle) et réjection de bande (1 pôle). Leur configuration est paramétrable : simple (1 seul filtre fonctionne), série, parallèle ou 24 dB/octave. Dans ce dernier cas, les 2 filtres sont mélangés pour n’en former qu’un à pente doublée : 4 pôles pour les modes passe-bas et passe-haut ; 2 pôles pour les modes passe-bande et réjection. Les possibilités de modulation de la fréquence de coupure sont là encore nombreuses et multiples, soit directement (1 enveloppe dédiée par filtre, 2 LFO, 1 LFO global du programme, 1 générateur de tracking 4 segments modulables en temps réel), soit via les sources AMS. La résonance de chaque filtre peut également être modulée via les sources AMS, on ne s’en plaindra pas !
Vient enfin la section ampli / drive, composée d’un Drive, d’un Low Boost pour renforcer les basses, d’un volume et d’un panoramique. Là encore, tous les paramètres disponibles sont modulables, soit via les sources AMS, soit en direct (1 enveloppe de volume dédiée, 2 LFO, 1 générateur de tracking 4 segments…). Bref au rayon modulations, le Kronos pousse encore plus loin les possibilités et la complexité, sachant que tout cela, c’est pour une source sonore HD-1 ! Pour affiner une dernière fois le signal avant d’attaquer les effets, un EQ 3 bandes (avec médium semi-paramétrique) est disponible. Ah si, nous allions oublier le générateur de tracking global 4 segments par programme (qui accompagne le LFO global) et les 2 mixeurs AMS, permettant de mélanger 2 modulations suivant différentes fonctions mathématiques (addition, multiplication, décalage, fondu, Shape, quantisation, Gate). En s’arrêtant là (et après un énorme raccourci des 1700 pages que totalisent les manuels), nous pourrions déjà considérer avoir l’une des plus puissantes workstations du marché entre les mains, mais il reste encore 8 moteurs de synthèse tout aussi sophistiqués, si ce n’est plus, à découvrir !
Modélisation analogique AL-1
Le moteur AL-1 est un synthé à modélisation analogique polyphonique de 80 voix maximum, sans limites d’instances en mode multitimbral. Par rapport aux moteurs de synthèse MOSS des précédentes workstations Korg, c’est la grosse baffe ! Des enveloppes très rapides apportant des basses claquantes à souhait, des couleurs sonores très intéressantes et une excellente polyvalence (basses rondes ou acides, pads dark ou brillants, leads expressifs)… les exemples audio donnent un rapide aperçu de ce que la machine sait faire : qui sait, fourbes que nous sommes, nous avons peut-être planqué un véritable analogique là-dedans, mais où ? En tout cas, les avis sont les bienvenus dans les commentaires du test…
- AL-1 102:58
- AL-1 201:10
L’AL-1 est composé de 2 oscillateurs, un sub-oscillateur, un générateur de bruit et une entrée audio (externe ou bus interne). Le premier oscillateur offre toutes les formes d’onde classiques : dent de scie, impulsion, triangle, double dent de scie, dents de scie désaccordées (avec et sans opposition de phase) et des combinaisons dent-de-scie / impulsion, carré / triangle. Il existe un paramètre de morphing pour les combinaisons d’ondes. On peut également régler et moduler, via l’AMS, la largeur variable de l’impulsion, le déphasage de la double dent de scie et le detune des dents de scie désaccordées. Le second oscillateur est pratiquement similaire au premier, à ceci près qu’il ne possède pas les ondes triangles et carrées. La plage de réglage de la fréquence va de 2 à 32 pieds, avec réglages plus ou moins fins. Les 2 oscillateurs peuvent être désaccordés (de manière classique) ou décalés en fréquence (battement constant sur toute la tessiture, comme sur une Moog Taurus). Le Sub-oscillateur est calé une octave sous le premier oscillateur ; il offre les ondes triangle ou carrée. Le pitch peut être randomisé pour simuler les fluctuations des VCO analogiques. Un paramètre Edge permet de contrôler la brillance des hautes fréquences des oscillateurs, simulant ainsi différents comportements de synthés vintage (par exemple, les synthés américains plus chauds et ronds dans les aigus que certains synthés japonais plus brillants).
Les différentes sources audio peuvent interagir de différentes façons : modulation en anneau (classique, inversée, modulation d’amplitude, clipping) de l’oscillateur 1 par l’oscillateur 2 ou par une source audio externe (analogique ou numérique). De même, on trouve la FM (1 module 2) et la synchro (1 synchronise 2), tout cela modulable par l’AMS. Si les oscillateurs sont à très faible niveau d’aliasing (bravo !), leurs interactions n’en sont pas toujours exemptes lorsqu’on pousse les fréquences très haut. À ce jour, le Kronos ne détrône pas, dans ce domaine, le Solaris de John Bowen, travaillant à 32 bit / 96 kHz. Le générateur de bruit est à couleur variable, grâce à un filtre 1 pôle dédié. Il possède un paramètre de saturation, utile pour les gros orages.
Par la suite, un mixeur permet de doser et moduler via AMS les niveaux de chaque source et leur balance d’envoi vers les 2 filtres A et B. Ces derniers sont de type multimode résonant 2 pôles et disposent des mêmes modes et routages que la synthèse HD-1. Ils vont toutefois un peu plus loin dans leur simulation du comportement des synthés analogiques vintage. Ainsi, en mode passe-bas 4 pôles, la réponse de la résonance dans les hautes fréquences de coupure dispose d’un paramètre permettant de booster le pic d’auto-oscillation. Dans les basses fréquences de coupure, on peut également choisir la coloration de la réponse : restreinte et focalisée comme sur un Minimoog ou accentuée comme sur un Prophet-5. Lorsqu’on n’est pas en mode 24 dB / octave, il existe un mode Multi Filter dans lequel on peut intervenir simultanément sur les paramètres des 3 modes de filtrage (LP, HP, BP), un peu comme sur un Andromeda. Ce mode offre 16 différentes combinaisons des 2 ou 3 profils de filtrage, certaines proposant des inversions de phase ; on peut même faire du morphing entre 2 combinaisons de filtres et moduler le passage de l’une à l’autre en temps réel (AMS). On se croirait presque chez E-mu avec les filtres Z-Plane ! Chaque filtre dispose d’un nombre important de modulateurs de fréquence, comme pour la synthèse HD-1, avec dans certains cas une modulation de la quantité de modulation par une source secondaire, histoire de perdre les quelques Newbies qui suivaient encore…
La sortie des filtres peut être placée indifféremment dans l’espace stéréo, ce placement étant, comme la plupart des paramètres de synthèse, modulable en temps réel. La section Ampli / Drive offre drive stéréo, Low Boost et panoramique. Bien évidemment, tout cela est modulable par l’AMS, avec un soin tout particulier pour le volume (points multiples, enveloppe dédiée, générateur de tracking 4 segments comme pour le filtre).
Pour ceux savent nager et qui aiment les chiffres, il y a 5 enveloppes et 4 LFO dans le moteur AL-1. Tout comme pour l’ensemble des moteurs du Kronos, les enveloppes sont de type multi-segment avec modulation dynamique AMS sur les temps et les niveaux ; elles offrent chacune plus d’une trentaine de paramètres ; par rapport aux enveloppes MOSS (pour ceux qui connaissent les Trinity, Z1 et Triton), elles sont vraiment très rapides. Quant aux LFO, ils possèdent chacun une vingtaine de paramètres : 18 formes d’ondes, modification du profil des ondes avec modulation AMS, phase, délai, fondu, décalage, modulations de fréquence (2 entrées), synchro (interne, Midi avec facteur multiplicatif), coup unique… Bref, plus de 250 paramètres à portée de doigt rien que pour les enveloppes et les LFO ! L’AMS dispose également de ses 2 mixeurs pour mélanger 2 sources de modulation. Toujours au rayon modulations, un Step Sequencer 32 pas dédié est prévu par instance AL-1, en plus du Step Sequencer global EXi. Tout ce beau monde est parfaitement synchronisable avec l’horloge interne / Midi, comme tout ce qui tourne temporellement dans le Kronos.
Avec le recul, cette synthèse est d’une très grande profondeur et peut rapidement dérouter, notamment les interactions entre oscillateurs, les filtres multiples à morphing, les nombreux niveaux de modulation et le nombre incroyable de paramètres. Nous déconseillons aux débutants de commencer l’apprentissage de la synthèse par l’AL-1, franchement pas assez rationalisée pour eux. Nous leur recommandons plutôt de commencer leurs premiers pas dans la vie synthétique par le moteur PolysixEX, que nous analyserons un peu plus tard.
Modélisation d’orgues CX-3
Le moteur CX-3 est basé sur le clavier éponyme de la marque, dédié à la modélisation des orgues à roues phoniques type Hammond B3. Il intègre ses propres effets, qui s’ajoutent aux 16 multi-effets séparés. En contrepartie, on ne peut utiliser « que » 8 occurrences de CX-3 en mode Combinaison, ce qui en fait le moteur le plus gourmand en ressources DSP ; ceci, convenons-en toutefois, devrait largement suffire. La polyphonie maximale acceptée par le moteur CX-3 est de 200 notes, ce qui là aussi semble suffisant ! La modélisation est soignée et musicale, on pense notamment à différents programmes de B3 reprenant les réglages de grands standards internationaux. Il y a beaucoup de soin mis dans la reproduction du comportement des tirettes harmoniques, dans l’interaction des roues (Leakage), dans les saturations, dans le comportement des percussions et dans la modélisation du haut-parleur tournant. L’un des exemples audio reprend d’ailleurs un accord simple démontrant l’évolution du contenu harmonique en bougeant les 9 faders situés en façade.
- CX-3 B300:45
- CX-3 B3 tirettes00:43
Le CX-3 fonctionne selon 2 modes distincts : le mode normal (9 tirettes harmoniques et une harmonique de percussion) et Ex (13 tirettes harmoniques à fréquence variable par demi-ton de 16 à 1/4 de pied et 5 harmoniques de percussions ajustables). On peut régler le type de roue phonique ou plutôt son âge (vintage ou clean), la réponse en volume des roues, le timbre (brillance des roues), le Leakage (interaction entre les notes, suivant le nombre de notes jouées), la simulation du bruit de fond, le Gate (permettant de générer un petit bruit additionnel à l’apparition ou à l’extinction du son) et le Key Click (modélisation de l’effet de contact à l’enfoncement et au relâchement des touches). Il y a en réalité 2 manuels splitables par instance de CX-3 (main gauche / main droite), le point de split étant programmable et modulable en temps réel (ce qui permet de l’activer via un contrôleur en temps réel, par exemple). La percussion (monophonique comme sur les orgues modélisés) est largement programmable, avec niveaux haut et bas, modulation, atténuation, Decay modulable et harmonique modulable. Même son entrée en action est modulable en temps réel !
La section effets dédiée comprend un simulateur d’ampli avec vibrato / chorus (plus de 30 paramètres !) et un générateur de haut-parleur tournant (plus de 30 paramètres là aussi !). Pour la section ampli, on peut notamment choisir la couleur, ajuster et moduler le gain en temps réel (AMS), bypasser la section (préampli) ou encore égaliser (3 bandes simples). La section vibrato / chorus peut s’appliquer à chacun des 2 manuels. L’ensemble des paramètres est modulable en temps réel (mode d’activation, intensité, vitesse de rotation). Enfin, le simulateur de haut-parleur tournant occupe une page menu à lui tout seul. On y règle la source de déclenchement, le mode Crossover, la balance, les vitesses indépendantes du moteur et du haut-parleur (lente, rapide, temps d’accélération, temps de ralentissement), le tout étant largement modulable via l’AMS. Même la distance du micro, l’étendue du champ stéréo, la phase du haut-parleur, la phase du rotor et la balance haut-parleur (hautes fréquences) / rotor (basses fréquences) sont paramétrables ! Bien évidemment, le niveau des tirettes harmoniques est contrôlable par les 9 curseurs situés à gauche du LCD, tout comme les potards et boutons pilotent les fonctions clés (vibrato, chorus, haut-parleur tournant).
Modélisation de cordes STR-1
Le STR-1 est une modélisation physique de cordes pincées, permettant de modéliser guitares, basses, clavecins, harpes, clavinets, pianos électriques, cloches, instruments du monde (sitar…) et un tas d’instruments imaginaires en triturant les modèles. Avec ce moteur, la polyphonie maximale est de 40 voix maximum et le moteur est duplicable en 16 instances. L’écoute de quelques sons appelle immédiatement des qualificatifs flatteurs : dynamique, expressivité, musicalité. La versatilité du modèle n’est pas en reste, dès qu’on pousse certains réglages dans leurs valeurs extrêmes. On passe ainsi des guitares acoustiques (cordes nylon et acier) aux basses acoustiques et électriques, puis au clavinet, puis aux délires sonores les plus fous (cloches, drones, souffles…).
Pour programmer le moteur, on commence par choisir le type d’excitation de corde. Le Kronos offre différents modèles : 2 guitares acoustiques (dont l’une gère la position de l’excitation sur la corde), 3 guitares électriques plus ou moins brillantes / résonantes, 3 guitares jazz, 3 clavinets, un clavecin et 4 modèles de synthèse plus ou moins riches en contenu harmoniques et résonance. Un paramètre aléatoire permet d’humaniser l’action d’excitations consécutives ; il est modulable via l’AMS et certains paramètres du générateur de bruit, tels que la saturation et la fréquence du filtre. Le délai de mise en action, la surface de contact excitée et un générateur de bruit (avec saturation et filtre passe-bas 1 pôle) viennent compléter le modèle ; leurs paramètres sont modulables par l’AMS. Mais on peut également utiliser un lecteur de multisamples PCM, soit en direct, soit pour produire l’excitation de la corde. Il peut monter jusqu’à 4 multisamples déclenchés par la vélocité, une version simplifiée du HD-1. La corde peut alors être utilisée comme filtre en peigne pour le générateur PCM ! Les sources audio passent alors dans un « mixeur d’excitation » dynamique et modulable. On y règle le niveau des sources (avec modulation AMS) et le mode d’action du filtre d’excitation (de type multimode 2 pôles résonants entièrement modulables).
Vient alors la page dédiée à la corde, c’est-à-dire le résonateur. On va y définir la position où a lieu l’excitation (entre le chevalet et le sillet de tête d’une guitare, par exemple), puis le mode de suivi de corde (corde ou clavier). Dans le premier cas, le contenu harmonique ne change pas globalement en fonction de la position, contrairement au second cas. Ceci permet tout aussi bien de simuler des guitares avec réalisme que des instruments dont les cordes changent systématiquement avec le pitch (genre clavecin). On peut également simuler la création d’harmoniques lors qu’on appuie plus ou moins fort sur la corde. Le temps de déclin après relâchement de corde et la non-linéarité créée par le chevalet sont également modélisés. Tous ces paramètres sont modulables par l’AMS et/ou la position sur la corde. Par corde, on peut aussi régler et moduler via l’AMS l’atténuation des hautes fréquences et la dispersion (rigidité de la corde). Après avoir paramétré le pitch du résonateur, il reste une page pour jouer avec les capteurs : position de 2 micros virtuels (avec possibilité de créer des effets de chorus). On peut même réinjecter une source audio externe ou interne (à partir de n’importe quel bus d’effets), via une boucle de feedback.
- STR-1 101:20
- STR-1 201:39
- STR-1 301:24
Une fois toutes les sources constituées, un mixeur permet de mélanger leurs niveaux avec précision : corde, multisample PCM, générateur de bruit et sortie des 2 micros ; au programme, volumes modulables, inversions de phase séparées et balances vers le(s) filtre(s) situé(s) en aval. Ceux qui pensaient que c’était fini peuvent maintenant aller prendre un verre avant que l’on continue… en effet, le STR-1 propose des sections filtres et ampli à peu près identiques au modèle AL-1, nous ne nous étendrons donc pas dessus. Pour moduler la plupart des paramètres, on dispose non seulement des sources AMS, mais également de 5 enveloppes, 4 LFO, 2 générateurs de tracking et 4 mixeurs AMS (cf. moteurs précédents). Spécificité du moteur STR-1, les générateurs de tracking opèrent séparément sur les 6 cordes virtuelles que comporte le modèle. Ils agissent sur l’atténuation de hautes fréquences, le temps de déclin, la dispersion ou encore le chevalet, pour simuler le comportement des différents matériaux utilisés pour les cordes et leur section (nylon, acier, cuivre…). Autre particularité, un paramètre Fret modulable permet de définir à quelle distance une note est jouée sur la corde, pour accroître encore le réalisme de certaines simulations, sachant que ce paramètre peut être désactivé (mode Open). Voici encore un moteur complexe mais ô combien source d’explorations infinies.
Modélisation analogique MS-20EX
Cinquième moteur embarqué, le MS-20EX est une modélisation de MS-20, synthé analogique semi-modulaire aux filtres très typés (agressifs) dont la cote ne cesse de grimper ces derniers temps, revival analogique vintage oblige. La première incarnation du modèle virtuel date de la suite logicielle Legacy développée par Korg il y a quelques années. Un contrôleur physique spécifique, sorte de mini MS-20 avec cordons de patchage, avait d’ailleurs été développé pour l’occasion. Dans le Kronos, le MS-20EX a une polyphonie maximale de 40 voix. La modélisation reprend intégralement la philosophie et les codes graphiques du MS-20, auxquels elle ajoute un certain nombre de paramètres et de modulations. Côté sons, n’ayant pas de MS-20 pour une comparaison directe, on peut toutefois affirmer retrouver le caractère parfois acide, parfois agressif du modèle. Les 2 filtres en série sifflent sans retenue, les synchros se montrent bien crades et les modulations en tout genre sont de mise. La couleur sonore est bien différente des autres modélisations analogiques, il n’y a pas de recouvrement.
En édition, la façade virtuelle du petit synthé noir est reproduite intégralement. Un click sur un potard ou un bouton lance immédiatement l’édition. De même, les patches virtuels peuvent être créés directement avec l’écran tactile, nous y reviendrons. Le MS-20EX offre 2 oscillateurs, un générateur de bruit, une entrée audio, un mixeur, un filtre passe-haut, un filtre passe-bas et un ampli. Le premier oscillateur comporte 5 formes d’ondes : triangle, dent-de-scie, impulsion à largeur variable et bruit blanc. Contrairement au MS-20, la largeur d’impulsion est modulable en temps réel par les sources AMS, entre 50% et 0% (soit de l’onde carrée au silence). Le second oscillateur possède 3 ondes (dent de scie, carrée, impulsion fixe) et une position Ring (modulation en anneau des 2 oscillateurs). Le pitch des oscillateurs peut être modulé par un portamento, un MG (LFO simplifié global à 2 formes d’ondes) ou une enveloppe DAR. Les niveaux des 2 oscillateurs sont ensuite réglés, avec possibilité de les saturer avant l’attaquer le filtre passe-haut. Celui-ci est de type résonant et auto-oscillant. On peut même l’utiliser comme générateur de Sub. La fréquence de coupure est modulable par le MG et une deuxième enveloppe. Le signal passe alors dans le filtre passe-bas connecté en série, qui dispose des mêmes réglages et modulations que le filtre passe-haut. Vient ensuite l’étage d’amplification, permettant également d’agir sur la position stéréo et de simuler une certaine instabilité du son.
Côté modulations, on est plutôt bien servi : 6 enveloppes, 4 LFO, 2 mixeurs de signaux, 4 mixeurs AMS, un générateur S&H, un générateur de bruit (blanc ou rose) et le fameux MG. La semi-modularité du MS-20EX est reprise par le Patch Panel, représentant graphiquement une cinquantaine de points de prélèvement ou d’injection de signaux audio ou de modulations. Nous n’allons pas les citer ici, mais ils reprennent la plupart des paramètres de synthèse, allant bien au-delà que sur le MS-20 d’origine, tout en permettent de recevoir ou envoyer des signaux externes. Pour connecter virtuellement deux points (jacks), rien de plus simple : on active le premier point à joindre en appuyant 2 fois dessus, puis le second en un clic et le patch est créé ! Bien évidemment, tout cela est mémorisé dans chaque programme, pas besoin d’acheter un deuxième Kronos pour fabriquer un deuxième patch …
Modélisation analogique PolysixEX
Voilà, nous avons fait plus de la moitié des moteurs de synthèse, il ne nous en reste donc plus que quatre ! Le suivant sur la liste, baptisé Polysix, se consacre à la modélisation du célèbre synthé polyphonique vintage de la marque. Tout comme le MS-20EX, il a été développé initialement pour la suite logicielle Legacy il y a quelques années. Le PolysixEX offre une polyphonie plus que confortable de 180 voix maximum et duplicable jusqu’à 16 fois en mode multitimbral. Côté sons, n’ayant pas là non plus de Polysix pour un véritable face-à-face, on peut affirmer que l’on retrouve incontestablement le caractère du modèle. Pads dark, cuivres brillants, stabs en accords, arpèges… les effets d’ensemble sont très bien rendus, venant réchauffer l’unique oscillateur.
Tout comme le MS-20EX, le grand écran tactile joue un rôle fondamental, affichant une reproduction virtuelle de la façade du Polysix, sur laquelle il n’y a plus qu’à cliquer pour sélectionner les paramètres à éditer. La génération sonore est constituée d’un oscillateur, d’un Sub, d’un filtre, d’un ampli, d’une section d’effets intégrée et d’un EQ de sortie. L’oscillateur offre 3 formes d’onde basiques : dent de scie, impulsion fixe et impulsion à largeur variable modulable par un LFO dédié, commun à toutes les voix. Le Sub oscillateur se règle 1 ou 2 octaves sous l’oscillateur maître ou peut être coupé. Le MG, synchronisable à l’horloge interne / Midi, permet de moduler, au choix, l’oscillateur, le filtre ou l’ampli.
Le signal audio passe ensuite dans un filtre passe-bas résonant 4 pôles, à l’origine généré par des circuits intégrés SSM si chaleureux. Le PolysixEX recrée bien cet esprit de coloration du son, comme en témoigne l’exemple audio. La fréquence du filtre peut être modulée par le suivi de clavier et une enveloppe ADSR dédiée. Mais contrairement au véritable Polysix, on peut séparer les modulations du filtre et de l’ampli en choisissant 2 enveloppes distinctes. En sortie, on peut régler le volume global, atténuer les voix et positionner le son dans le spectre stéréo. Pour être complet, le PolysixEX modélise la section Chorus / Phaser si prisée du modèle originel. On commence par choisir le type d’effet souhaité (Chorus, Phaser, Ensemble), la largeur de l’effet et la profondeur / vitesse (suivant l’effet choisi).
On attaque ensuite la page dédiée aux modulations. Au menu, un arpégiateur, une enveloppe de type Polysix, 2 enveloppes complexes, un MG, 2 LFO complexes et 4 mixeurs AMS. 2 sources de modulations AMS peuvent directement être affectées à la largeur d’impulsion de l’oscillateur, la coupure du filtre, le volume et le niveau de MG. L’arpégiateur est très basique : il offre les modes Up – Down – Up / Down, se synchronise au tempo, dispose d’une synchro de départ à l’enfoncement de touche, opère sur 1 ou 2 octaves et possède un mode Latch. Enfin, un paramètre Analog permet de simuler la fluctuation des composants vieillissants du Polysix, sur une échelle de 0 à 10. Voici un moteur idéal pour commencer dans la synthèse, en comprenant ce qu’il se passe grâce à la visualisation très claire des paramètres. On n’est pas noyé sous les possibilités de modulation ou les patches ; du coup, on arrive rapidement à se fabriquer une banque sons variée sans se décourager.
FM et Waveshaping MOD-7
À peine avons-nous eu le temps de souffler avec le PolysixEX (qui a dit « d’y comprendre quelque chose » ?) que nous nous replongeons dans la synthèse hardcore ! Là, il va falloir se concentrer un peu pour suivre, car on entre dans les arcanes de la FM et du Waveshaping. Au menu, des algorithmes, des multiplications, des additions, des soustractions, des cordons modulaires, de la distorsion harmonique… on y va ? C’est parti ! La polyphonie du MOD-7 est de 52 voix maximum, jusque-là tout va bien. Les programmes internes démontrent la dynamique, la variété de la palette et la puissance du moteur : pianos électriques, cloches, percussions, mais aussi pads hybrides magnifiques, textures complexes, effets déjantés, modulations extrêmes… certainement le moteur le plus profond et le plus passionnant du Kronos, pour les fondus de synthèse, comme nous allons le voir.
En gros, le MOD-7 produit le son à partir de 6 oscillateurs VPM (opérateurs FM complexes) arrangés en algorithmes, 101 tables de Waveshaping, un générateur PCM à 4 couches, 2 filtres multimodes résonants, 3 mixeurs, un générateur de bruit à couleur variable et une entrée audio. Tous ces modules vont s’interconnecter via le Patch Panel. Il représente les différents modules disponibles et permet de les relier, à l’image du Patch Panel du MS-20EX. Cliquer sur un module permet de régler le niveau de ses entrées ou sorties, et de sauter vers son éditeur détaillé. Y figurent donc les 6 oscillateurs VPM, le générateur PCM, le générateur de bruit, l’entrée audio, les 3 mixeurs (2 entrées – 1 sortie), les 2 filtres et le mixeur final. Sélectionner un algorithme détermine les connexions par défaut entre tous ces modules : quel opérateur est porteur, quel opérateur est modulateur, comment ils sont connectés, le rôle des mixeurs, le routage des filtres… Libre à nous ensuite de les modifier à notre guise. Pour nous faciliter la tâche, les 78 algorithmes de base sont regroupés par catégorie : PCM + VPM, PCM -> Filter -> VPM, PCM -> VPM -> 4 pôles, Noise -> VPM -> 4 pôles, Processing et Vintage DX (reproduction des 32 algorithmes du DX7, nous y reviendrons). Les algorithmes sont beaucoup plus ouverts que ceux du DX, puisque le feedback est librement paramétrable.
Il est temps, maintenant que tout le monde est réveillé, de faire un zoom sur les oscillateurs VPM : ils disposent de 2 entrées, une forme d’onde au choix (sinus, dent de scie, triangle, carrée, sinus + filtre LP + Waveshaper + filtre HP + Ring Mod, Waveshaper + filtre HP + Ring Mod, Ring Mod seul), un ratio (avec accordage fin), un offset de fréquence (en Hertz), une phase initiale (en degrés), un mode de synchronisation de phase et un feedback. Ce dernier réinjecte le signal sur lui-même, en le prélevant soit à la sortie de l’oscillateur, soit à la sortie de l’opérateur total (sortie finale). Le Pitch de chaque oscillateur VPM est indifféremment modulable par 2 sources AMS, ce que la lignée des DX ne permettait pas.
Activer le Waveshaper permet de créer de nouvelles harmoniques à partir d’ondes de base ; le MOD-7 offre ainsi pas moins de 101 tables : morphing de formes d’ondes, simulation de capteurs de pianos électriques, soft clipping, addition d’harmoniques, multiplicateurs, TX (ondes des synthés FM 4 opérateurs), tube (saturation « analogique ») & diode (soft clipping asymétrique), mixture (effet des tirettes harmoniques d’orgues), inversion, fuzz (distorsions et bruits), 01/W (60 tables de Waveshaping issues du 01/W, premier synthé Korg à utiliser cette technologie, avant son abandon sur le Trinity). Difficile de décrire avec précision les effets produits, rien ne remplace une bonne expérimentation avec les différentes tables et le réglage du Drive (et de ses nombreux paramètres, modulations et générateur de tracking). Un modulateur en anneau permet de multiplier le signal du porteur et du modulateur, pour créer de nouvelles harmoniques (souvent métalliques – types cloches et gongs). Enfin, on peut moduler le niveau de sortie de l’opérateur VPM par une enveloppe, la vélocité et une source AMS.
Nous ne nous étendrons pas sur les parties PCM et filtres, très proches des moteurs AL-1 et STR-1 à quelques exceptions près, tel le routage des filtres (parallèle et 4 pôles uniquement). Les sorties de toutes les sources audio et des mixeurs sont connectables à un mixeur final 6 entrées – 2 sorties, qui va gérer leurs niveaux, leurs panoramiques et leurs inversions de phases. Niveaux et panoramiques sont modulables via l’AMS, précisons-le pour ceux qui en doutaient encore ! Côté modulations, on a 4 LFO, 10 enveloppes, 9 générateurs de tracking, 8 mixeurs AMS, un Step Sequencer et toutes les sources AMS pour s’amuser.
Multiplier des fréquences à des niveaux audio crée de l’aliasing à haute fréquence, le MOD-7 n’en est donc pas exempt. Pour réduire ce phénomène de repliement de spectre, on peut utiliser les générateurs de tracking sur les opérateurs les plus vibrants (atténuation dans les aigus). Le mode d’emploi du Kronos donne de précieuses indications pour se lancer dans la FM et en comprendre le fonctionnement : rôle du porteur, rôle du modulateur, augmentation du volume du modulateur (donc de la modulation), changement de pitch du modulateur (donc du contenu harmonique), effet du feedback (ajout d’harmoniques), léger déphasage du porteur et modulateur (effet chorus avec offset de fréquence ou décalage de ratio), modulation de ratio, filtrage dynamique (post- ou inter-opérateurs), FM via un multisample PCM… on y apprend aussi comment utiliser les tables de Waveshaping pour créer des nouvelles formes d’ondes ou des pads évolutifs (avec la FM ou les PCM) ou encore générer de la modulation en anneau. C’est extrêmement bien fait, bravo !
Le MOD-7 est capable d’importer directement des banques complètes de 32 programmes de DX7 première génération sous forme de Sysex, même plusieurs banques à la volée ; autrement dit, des dizaines de milliers de programmes immédiatement disponibles. Avec un DX7 sous la main, on n’a pas pu empêcher de comparer : c’est parfait, le souffle en moins, surtout dans les graves ! D’ailleurs, le piano électrique en début d’exemple audio, provient-il du DX7 du studio ou du Kronos ? Les avis sont là aussi les bienvenus, pourvu qu’ils soient un tant soit peu argumentés…
Au final, le moteur MOD-7 est extrêmement complexe et n’est pas à placer entre toutes les mains. Il nécessite un certain temps d’apprentissage, car il va beaucoup plus loin qu’un DX7 déjà difficile à dompter. Il est susceptible de produire des textures numériques complexes inédites, à évolution lente ou rapide, qui se marient parfaitement avec le grain plus chaud des modélisations analogiques disponibles par ailleurs. Un très gros morceau à digérer !
Pianos acoustiques SGX-1
Allez, on redescend un peu sur Terre pour faire refroidir le cerveau. Et pour cela, rien de tel que de très beaux sons de pianos acoustiques, les meilleurs à ce jour (et de loin !) sur une workstation, susceptibles de taquiner de très bons softs dédiés, par la qualité proposée. Le SGX-1 est un moteur modélisant les pianos acoustiques de concert. La polyphonie maximum est de 100 voix doubles stéréo (équivalent à 400 notes mono). L’écoute des différents programmes internes de pianos acoustiques laisse sans voix : la capture est hyper soignée, le son est plein et résonant des basse aux aigus, les médiums sont puissants (souvent le défaut des pianos multisamplés sur les workstations), la stéréo parfaitement équilibrée, le niveau de détail impeccable et les réglages proposés ne font pas gadget.
- SGX-1 Steinway 102:05
- SGX-1 Steinway 200:33
- SGX-1 Steinway 300:39
- SGX-1 C7 102:05
- SGX-1 C7 200:33
- SGX-1 C7 300:39
Le SGX-1 utilise la technologie de streaming audio des samples depuis le SSD, une première dans un synthé matériel. Deux pianos acoustiques de concert sont proposés, un modèle Allemand – Steinway D à queue 9 pieds (extension EXs7) et un modèle Japonais – Yamaha C7 3/4 de queue (extension EXs8). Chaque touche a été individuellement capturée en stéréo jusqu’à l’extinction, avec jusqu’à 8 niveaux de vélocité non bouclés. Les bruits de résonance sympathique ont également été enregistrés chromatiquement et en multicouche. Chaque piano dépasse les 4 Go de samples, soit 20 fois plus que les plus gros pianos acoustiques échantillonnés sur un synthé matériel. Anecdote amusante, une seule couche d’une seule note d’un seul piano représente à elle seule à peu près toute la mémoire de samples du M1 de 1988… le Steinway est beaucoup plus rond et plein que le Yamaha, plus court sur les tenues après attaque, mais aussi plus percutant et métallique. Les deux modèles se complètent donc très bien.
En édition, on peut régler une petite quinzaine de paramètres, modélisant le comportement du piano modélisé, photo à l’appui : volume, panoramique, position de l’auditeur (pianiste ou auditoire), octave, transposition, position de l’abattant du couvercle (brillance du son), temps de relâchement, courbe de réponse en vélocité et niveau de vélocité (bipolaire). On trouve aussi un réglage modélisant la résonance sympathique des cordes : déclenchement des samples, niveau, bruit de la pédale de maintien (activation, niveau), bruit mécanique (niveau, temps de relâchement). Les potards et boutons de commandes permettent de piloter directement ces paramètres. Deux sons de pianos acoustiques de concert, c’est bien, surtout de ce niveau ; donc à quand de nouvelles sonorités, type Bösendorfer Imperial ou Fazioli F308 ?
Pianos électriques vintage EP-1
Dernier moteur incorporé au Kronos, l’EP-1 modélise différents pianos électriques vintage tels que Rhodes et Wurlitzer. La polyphonie maximale est de 104 voix et l’on peut utiliser jusqu’à 18 instances du moteur EP-1 en mode multi-timbral. Tout comme les pianos acoustiques, le réalisme et l’expressivité sont saisissants, que ce soient les sons de Rhodes ou de Wurlitzer. Il y a beaucoup de détails dans la restitution sonore, de l’attaque au relâchement ; les effets intégrés font partie intégrante du réalisme (phaser, compresseurs, chorus…) et collent parfaitement aux ambiances recherchées. Adapter un programme à son goût se fait en quelques secondes et il est très difficile de prendre en défaut le modèle. Contrairement à la plupart des pianos électriques échantillonnés sur les workstations concurrentes, les transitions de son sont inaudibles en terme de vélocité, de la plus faible à la plus forte. Concernant la tessiture, on peut déceler quelques petites variations de timbre çà et là en tendant l’oreille, faisant apparaître qu’il y a du multisampling à la base de la modélisation.
- EP-1 MkI 101:23
- EP-1 MkI 201:23
- EP-1 W200A00:50
- EP-1 MkV01:23
- EP-1 MkII01:23
L’EP-1 propose 4 modèles de Rhodes Fender (type Tine) et 2 modèles de Wurlitzer (type Reed). Chaque modèle est composé d’un oscillateur harmonique (son tenu) et d’un oscillateur de bruit (pour les parties attaque et relâchement). Dans un modèle Tine, la sortie des oscillateurs passe dans un effet interne d’insertion, un simulateur de pré-ampli, des réglages de tonalité, un vibrato et ampli, puis se jette dans l’EQ global. Dans un modèle Reed, on commence par le pré-ampli, puis le vibrato, puis l’effet d’insertion, puis l’ampli, avant de rejoindre l’EQ. L’oscillateur harmonique dispose de réglages pour le niveau, le déclin et le relâchement, chacun étant modulable via l’AMS. L’oscillateur de bruit permet de gérer le comportement de l’attaque, du relâchement, de la brillance de l’attaque et de la taille du marteau. Là encore, tout se module par l’AMS. Les effets d’insertion sont totalement intégrés au modèle et ne consomment pas de ressources du processeur d’effets principal, comme pour les autres moteurs de synthèse à effets intégrés. On trouve un certain nombre de simulations de pédales vintage célèbres tout particulièrement appréciées sur les pianos électriques modélisés : Small Phase (Small Stone signée EHX), Orange Phase, Black Phase, Vintage Chorus, Black Chorus, EP Chorus, Vintage Flanger, Red Comp et Vox Wah. Tous ces effets sont paramétrables et modulables en temps réel, tout comme l’ensemble de la chaîne du traitement du signal. Au rayon modulations justement, on dispose de l’ensemble des sources AMS et de 2 mixeurs AMS, au cas où l’on se sente à l’étroit. L’affichage des photos des pianos électriques et des effets d’insertion modélisés ajoute une touche de nostalgie à cette formidable modélisation, là encore un gros point fort du Kronos.
Combinaisons par 16
Dans le Kronos, il est possible de regrouper 16 programmes au sein du mode Combinaison. On peut faire appel à n’importe quelle synthèse (allocation dynamique des voix et des synthèses), avec toutefois les limites d’instances évoquées précédemment. Toutefois, c’est largement suffisant dans la majorité des cas. La mémoire interne renferme 1 792 Combinaisons multitimbrales jusqu’à 16 parties, toutes éditables. Lors de l’appel d’une combinaison, le LCD du Kronos affiche une table de mixage virtuelle des 16 parties simultanées, bien pratique pour tout visualiser d’un coup. On peut ainsi rapidement modifier un numéro de programme, son volume ou panoramique ; de même on peut rapidement régler l’EQ des 16 parties côte à côte ou encore affecter des fonctions aux potards, boutons et faders. Pour chaque partie, on peut régler un nombre important de paramètres : canal Midi, mode de jeu (programme interne / externe / les deux), activation des oscillateurs, portamento, réserve de polyphonie, transposition / accordage, tempérament, délai, synchro de la table d’ondes, routage des entrées audio pour les moteurs EXi compatibles, filtres Midi & contrôleurs (22 paramètres), tessiture (avec fondus haut et bas), fenêtre de vélocité (avec fondus haut et bas là aussi !), routage très précis des effets (inserts, départs, chaînages, sorties audio) et, bien sûr, édition détaillée de ces derniers.
L’édition des programmes peut se faire d’une certaine manière dans leur contexte de combinaison grâce à la page Tone Adjust, qui permet d’éditer certains paramètres clés (filtres, enveloppes, LFO) et de sauvegarder le tout au sein de la combinaison, sans altérer le(s) programme(s) d’origine. On aurait aimé pouvoir contrôler un peu plus de paramètres (les filtres séparément par exemple), mais c’est quand même bien pratique pour éviter de décliner plusieurs versions d’un même programme ! En mode Combinaison, le nombre de modules d’arpèges Karma disponibles passe de 1 à 4, il y a toujours une piste Drum, le module Vector (mais cette fois, on place les 16 programmes aux 4 points cardinaux pour moduler leurs volumes respectifs avec le Joystick ou l’enveloppe dédiée) et les 16 multieffets. Bref, ça tourne dans tous les sens, à tel point que parfois, on peut avoir l’impression de perdre le contact avec la réalité et laisser le Kronos jouer tout seul…
- Combi 101:27
- Combi 201:01
- Combi 3h01:55
- Combi 3l01:55
- Combi 401:36
Séquences Midi
Le séquenceur du Kronos est un gros morceau mélangeant Midi et audio. En effet, il offre 16 pistes Midi, une piste Master (gérant le tempo notamment) et 16 pistes audio. Commençons par le Midi : 16 pistes, cela peut paraître un peu juste sur une workstation de 2011, mais cela semble être devenu le standard, tout comme l’unique trio Midi. La mémoire du Kronos est de 400.000 notes pour le Midi, réparties en 200 Songs de 1 à 999 mesures. De quoi voir venir. Il ne faudra pas oublier de sauvegarder cette mémoire avant l’extinction de la machine, car elle est volatile. OK, mais pourquoi donc aucune fonction de sauvegarde en tâche de fond n’est prévue pour le Midi, alors qu’on a 30 Go de SSD sous le capot ? D’autant que cela existe pour les pistes audio ! Passons… la résolution maximale est de 480 bpqn, parfait ! Pour ne pas partir de zéro, compte tenu du nombre de réglages possibles (mixage, effets…), 18 gabarits de Song sont prévus, l’utilisateur pouvant en sauvegarder 16 de son propre cru. Autre fonction pratique, l’envoi direct vers une Song d’un programme ou d’une combinaison, avec tous leurs paramètres, pour enregistrement immédiat.
En lecture, chaque piste peut être bouclée sur une durée indépendante, avec ou sans lecture de l’intro (avant zone de bouclage), permettant la création de motifs complexes. Tout comme en mode Combinaison, on peut altérer certains paramètres des programmes, mixer, régler les effets avec précision, définir les tessitures / vélocités, filtrer messages Midi et contrôleurs… en enregistrement, ces paramètres ont droit à l’automation totale (avec les commandes en façade, fonction Tone Adjust), tout comme les modulations AMS et Dmod (pour les effets, voir ci-après). Le séquenceur du Kronos peut enregistrer et éditer aussi bien en temps réel qu’en pas-à-pas. Pour l’enregistrement, on peut régler les punch in / punch out, boucler, faire des overdub… Dans la page Midi Mixer, on détermine le statut des 16 pistes, sachant qu’on peut en enregistrer autant que l’on souhaite en même temps.
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L’édition est graphique, tirant parti du grand LCD pour afficher les événements sous forme de blocs ou de liste déroulante. Tout est possible : quantisation, déplacement, copie, suppression, insertion, édition microscopique (note, durée, placement, vélocité). Le filtrage de certains CC Midi est prévu, afin de faciliter l’édition. La fonction In-Track permet de déclencher des samples en synchronisation avec le reste des événements, permettant ainsi de placer des portions d’audio sans pour autant passer par le séquenceur audio dédié. Les samples sur lesquels la fonction Time Slice a été utilisée sont automatiquement synchronisés au tempo. Dans l’esprit boîte à rythme, le Kronos offre 100 Patterns par Song. La fonction RPPR permet de les déclencher en temps réel avec les touches du clavier, en les assignant chacun à une touche sur une tessiture de 72 notes). On peut partir des 697 Presets des pistes Drum, ou des 156 Presets Pattern, en plus des 100 motifs utilisateur. À différents niveaux plus globaux (pistes, mesures, patterns), on dispose des classiques fonctions copier / coller / déplacer / supprimer…
En mode Séquenceur, tout comme en mode Combinaison, le nombre de modules d’arpèges Karma disponibles passe de 1 à 4, il y a toujours une piste Drum, un module Vector (on place les 16 pistes aux 4 points cardinaux pour les moduler avec le Joystick ou l’enveloppe dédiée) et les 16 multieffets. Bref, ça tourne encore plus dans tous les sens, à tel point qu’on peut perdre pied encore plus vite si on se laisse aller à utiliser la machine dans toute sa complexité…
Séquences Audio
La partie audio du séquenceur fonctionne en parfaite synchronisation avec la partie Midi, une Song étant constituée des 16 pistes audio et 16 pistes Midi. Le séquenceur audio du Kronos travaille en 16 ou 24 bit linéaires / 48 kHz (au choix, avec possibilité de gérer simultanément les 2 résolutions). Il est capable de traiter jusqu’à 300.000 événements audio, en mémoire partagée avec les 400.000 événements Midi. On dispose de 16 pistes audio en lecture et 4 en enregistrement. Les routages précis sont définis dans la page Audio Mixer (entrées, sorties pour monitoring des bus / effets, sorties pour enregistrement des bus / effets). 2 pistes adjacentes peuvent être apairées pour créer une piste stéréo. Lecture et enregistrement ne peuvent se faire qu’à partir du disque SSD interne, on ne peut pas utiliser directement une mémoire de masse raccordée, si ce n’est pour faire des backups. Comme sur toute-bonne DAW, les éditions audio sont sauvegardées automatiquement au fur et à mesure de la session (type fichier Temp), plus qu’utile en cas de grosse panne ou d’oubli de sauvegarder son travail !
Les régions audio (pointeurs de lecture) sont gérées indépendamment des fichiers WAVE eux-mêmes. Ainsi, le déplacement, la suppression, la répétition et la copie de mesures de pistes audio sont non destructives (on copie des indexes de lecture de pistes, pas l’audio lui-même). On trouve cependant des outils d’édition audio destructive (avec affichage graphique de la forme d’onde), tels que fondus d’entrée / sortie (linéaires ou non linéaires), normalisation et Time Stretch ; dans ce type d’édition, le Kronos crée automatiquement les nouveaux fichiers WAVE et des pointeurs correspondants. La machine peut importer des régions audio, à partir de fichiers WAVE 44 ou 48 kHz, depuis le disque dur interne (il faut donc copier les données d’un CD ou d’une clé USB sur le SSD avant de faire la manipulation). La copie se limite à des fichiers mono, la stéréo n’est pas prise en compte sur des pistes au préalable liées.
Côté automation, on peut s’amuser avec les volumes, les panoramiques, les EQ 3 bandes et les 2 départs effets. On a également la possibilité de bouncer des pistes audio, de resampler les pistes Midi et audio en fichiers WAVE stéréo ou encore de graver directement un CD audio sur un périphérique USB raccordé. Pour être complet, signalons qu’il existe une fonction d’optimisation de la RAM, qui nettoie la mémoire des fichiers ou régions audio inutilisés.
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Effets par 16
On juge en partie une workstation par sa section d’effets. Le Kronos est très bien pourvu en la matière. En fait, la section d’effets est un module à 16 multi-effets très complexes, décomposés en 12 effets d’insertion, 2 effets maîtres et 2 effets totaux. Tous sont stéréo en entrée / sortie et disposent des mêmes performances (algorithmes, paramètres, modulations). Les 12 effets d’insertion sont chaînables 2 à 2 et routables vers la sortie audio de son choix ; il est possible de créer des Side Chains avec certains effets ; les 2 effets maîtres sont placés sur 2 bus (départs et retours réglables par programme / canal) ; les 2 effets totaux sont placés en mix global stéréo, ce qui les réserve plutôt à des effets de correction ou de mastering (mais rien n’empêche de mettre une grosse disto ou un réducteur de bit en sortie…). Quel que soit le mode de jeu (Programme, Combinaison, Séquence), on retrouve les 16 multieffets. Inconvénient, il faut donc refaire les routages des programmes à chaque fois dans les modes multitimbraux. Avantage, le mix en trouve une plus forte cohérence, car on évite ainsi de noyer les sons dans une indigeste soupe aux phases. Au pire, si vraiment on a besoin de plus de ressources, on peut toujours utiliser des pistes audio pour contourner ces limites. On peut également utiliser les effets sur les entrées audio pour le sampling.
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Lorsqu’on parcourt la liste des 185 algorithmes disponibles par effets, on ne peut qu’éprouver une sorte de vertige. Certains effets dépassent les 70 paramètres, donc une grande partie sont modulables en temps réel via la Dmod et synchronisables au tempo. On peut même utiliser plusieurs canaux Midi pour moduler indépendamment plusieurs effets, c’est le délire complet ! De plus, la qualité est au rendez-vous, ce n’est pas un gadget. Sur les programmes et combinaisons d’usine, on apprécie d’ailleurs l’excellent dosage des effets, qui sont là pour embellir le son et non pour masquer des défauts ; contrairement à certaines autres workstations d’hier et d’aujourd’hui (dont des produits Korg), les sons ne sont pas noyés dans les effets, bravo !
Comme nous l’avons dit, ces effets sont indépendants des effets internes à certains moteurs de synthèse (résonance sympathique de piano dans le SGX-1, pédales vintage dans l’EP-1, haut-parleur tournant du CX-3, chorus / phaser du PolysixEX…). Au menu : processeurs de dynamique (compresseurs / limiteurs), vocodeurs, EQ / filtres, distorsions / ampli / micros (avec des modélisations vintage), ensembles, délais, réverbérations, chaînes d’effets en série et chaînes d’effets en parallèle. L’édition est bien fichue, faisant là encore largement appel au grand LCD, avec visualisation des courbes de réponse, assignation des différents bus, page de mixage… et pour ceux qui veulent ne pas partir de néant, le Kronos renferme 783 effets Presets. Bref, voilà la section d’effets la plus balèze du marché, dépassant cette fois largement le KDFX Kurzweil ou le RFX32 E-mu qui faisaient référence en la matière depuis de très nombreuses années !
Conclusion
Nous sommes arrivés au bout de ce test et, espérons-le, parvenus à faire partager un maximum de notre parcours avec le Kronos. Mais nous sommes très loin d’en avoir fait le tour ; comment pourrait-il en être autrement ? Car le Kronos va bien au-delà de la workstation la plus puissante que nous ayons testée et utilisée à ce jour, le Kurzweil K2600, à la fois gros synthé modulaire multi synthèse, puissant échantillonneur et processeur d’effets de rêve. Le Kronos dépasse même l’Oasys en puissance pure, puisqu’il intègre déjà en base tous ses moteurs de synthèse internes et optionnels, ajoutant le streaming des samples (banques piano SGX-1), la transition douce des sons et l’intégration totale de l’audio. Et d’après le constructeur, il reste pas mal de place sous le capot pour de futures extensions. Tant mieux, car nous attendons notamment quelques améliorations, comme le temps de boot, le streaming des samples utilisateur et de nouvelles modélisations (tout cela serait en cours de développement). Le sentiment qui se dégage de ces deux mois de test (il fallait bien cela pour en faire un petit tour), c’est l’impression d’une profondeur abyssale, aussi synonyme de complexité. Heureusement que l’ergonomie est excellente à pratiquement tous les niveaux, sinon cela pourrait tourner à l’écœurement. Quant à la cible potentielle, elle est on ne peut plus large, puisque la machine se montre d’une redoutable polyvalence, que ce soit en design sonore complexe avec ses puissants moteurs de synthèse, sur scène avec le mode Set List et ses transitions tout en douceur, au studio en tant qu’unité à la fois autonome et intégrée, ou tout simplement en tant que grosse banque sons prêts à l’emploi. Puisqu’il faut toujours comparer une nouveauté à l’offre existante, que ce soit au niveau de la qualité sonore globale ou de la puissance, le Kronos n’a objectivement pas vraiment de concurrence réelle à ce jour, toutes gammes de prix confondues. Donc oui c’est clair, la donne a changé et ça risque de durer un moment !