Présenté au NAMM en début d’année, le MS20 Mini reprend l’intégralité de l’architecture sonore MS20 sorti 35 ans plus tôt, dans un format plus compact, avec des composants et un interfaçage modernisés. A vos patches, prêts, partez !
Il y a 35 ans, MM. Fumio Mieada et Hiroaki Nishijima mettaient au point un synthé analogique monophonique semi-modulaire né pour la scène et la manipulation. Succès immédiat, le MS20 a traversé le temps, avec son grain incisif inimitable, dû en grande partie à ses VCO au design particulier et à ses deux filtres passe-haut & passe-bas monstrueusement résonants. On peut l’accompagner avec le SQ10, séquenceur analogique tirant pleinement parti de sa semi-modularité en y injectant des lignes de modulations via le panneau de patches. On le retrouve plus tard modélisé dans la Legacy Collection, une suite logicielle de machines vintage Korg, agrémentée d’un contrôleur MS miniaturisé, puis compressé dans une application pour objet à pavé tactile. Mais c’est tout récemment que le véritable processus de réincarnation du MS20 a commencé, avec le Monotron et la Monotribe, deux modules purement analogiques incorporant une partie de VCF MS20. On peut d’ailleurs considérer ces machines comme des tests marché par Korg. Finalement, c’est au NAMM 2013 que la véritable réincarnation du MS20 a été révélée : le MS20 Mini. Nous en avons reçu un pour un test exclusif. Vite, mes patches !
Tel père…
Le MS20 Mini est un synthé monophonique 100% analogique développé par M. Hiroaki Nishijima, l’un des créateurs du MS20 ; à l’origine, il faisait équipe avec M. Fumio Mieda, développeur des circuits du MS20 (tirés de la série PS3000) et designer de son panneau avant. Clin d’œil, le MS20 Mini offre le même emballage que son ancêtre, à l’échelle près, puisqu’il ne fait que 86% de sa taille. Premier corollaire de cette réduction, les points de patch passent au format mini-jack, y compris les sorties audio casque et ligne. On imagine aisément les plus bricoleurs se faire une sortie jack 6,35 à l’arrière, plus fiable et pratique.
Second corollaire, le clavier trois octaves passe à des touches de taille réduite, conçues spécialement pour la machine. Plus larges et surtout plus profondes que des mini-touches, elles permettent de s’exprimer directement à partir du MS20 Mini, avec une réponse correcte. Ce clavier est sous contrôle numérique. Les plus ronchons pourront utiliser un clavier externe standard, puisque le MS20 Mini offre sur son panneau arrière une entrée Midi et une prise USB (entrée / sortie). Les paramètres Midi transmis / reçus se limitent aux notes, les commandes de la façade étant en prise directe avec les composants (synthé 100% analogique).
…tel fils !
Question qualité, le MS20 Mini inspire plutôt confiance : avec sa coque en métal noir et ses flancs en plastique, il atteint tout de même 4,8 kg sur la bascule, soit 3 de moins que son ancêtre ; outre la taille, la réduction de poids s’explique en partie par l’utilisation d’une alimentation externe 9V, type bloc à l’extrémité ; la tension interne de travail est toutefois identique à celle d’origine (+/- 15V). Les potards, également plus petits et plus mobiles que sur le MS20 originel, sont souples mais suffisamment ancrés pour ne pas lâcher sous les tripotages répétés. La réponse est très sensible, par exemple l’accordage du VCO2 ou les temps d’enveloppes : il faudra faire preuve de précision et de tact, plus que sur le MS20 ! Les points de patch bougent un peu, surtout les écrous qui ne sont pas vissés, contrairement cette fois au MS20 ; nous n’avons toutefois pas trop de crainte sur la longévité des connecteurs, le format mini-jack apportant moins de contraintes physiques que le 6,35.
Pour parfaire la filiation avec le MS20, les développeurs de chez Korg livrent le MS20 Mini avec une reproduction exacte du mode d’emploi (multilingue, dont le français) et du livret de sons d’origine ! Ils sont simplement complétés par une fiche comprenant les consignes de sécurité, les données Midi / USB et un guide de prise en main rapide. Celle-ci le sera d’ailleurs, tellement la façade de type « un bouton une fonction » est facile à comprendre. Au programme, 32 potards et 4 sélecteurs rotatifs, dédiés aux sections VCO, VCF, EG, LFO, glide, accordage et processeur externe de signal (ESP). Là où le MS20 Mini se complique pour les non-initiés, c’est dans son approche semi-modulaire, permettant de connecter entre eux certains modules internes (27 points de patch) ou externes (6 points de patch sur l’ESP analogique). Les patches permettront d’ailleurs d’assigner la molette de modulation (crantée au centre, sans ressort de rappel) et le bouton poussoir situés à gauche du clavier, comme sur l’original. Pour ce faire, on utilisera les 10 cordons généreusement livrés, merci !
Bien trempé
Connecter un MS20mini à un système audio nécessite quelques efforts, comme par exemple trouver un câble mini-jack mono – jack 6,35 (ou un adaptateur), pas toujours facile… l’allumage se fait par rotation du potard de volume, comme sur l’ancêtre. Le niveau de sortie ne nous parait pas très élevé lors d’une utilisation classique sans auto-oscillation du filtre. Il faut amplifier pas mal à la table, mais le bruit de fond est très faible. Par contre, on remarque immédiatement un souffle qui suit le VCA, quel que soit le niveau des VCO, particulièrement audible lorsque le filtre se ferme alors que le VCA reste ouvert. Tout cela sent la porte de bruit… Tester les formes d’onde des VCO révèle une couleur particulière, bien dans la lignée MS (on verra pourquoi plus tard). Nous adorons comme les VCO saturent les filtres dès que leur niveau de mixage dépasse 7/10.
Pousser la résonance sur le HPF crée un impact phénoménal, idéal pour les basses ou les percussions. Le LPF rugit à merveille jusqu’à une auto-oscillation sifflante et destructrice. Incomparable avec les filtres Moog ou SEM. La modulation en anneau est ravageuse et indomptable, mais capable de provoquer des sons inattendus, c’est ce qu’on lui demande. Les deux filtres permettent de créer des leads intéressants, du plus doux (genre Thérémine) au plus coupant. Pour les percussions ou les effets spéciaux, il y a un bruit blanc directement accessible sur le VCO1, accompagné d’un bruit rose en source de modulation ; et avec les patches, on les injecte dans le parcours ! Le LFO et les enveloppes apportent leur lot de modulations, mais leur célérité reste limitée.
- Bass HPF 00:47
- Bass LPF 01:12
- Leads arp LPF 01:39
- Leads solo LPF 00:54
- Perky 00:59
- SFX ringmod 00:27
- SFX self HPF 00:18
- SFX storm 01:00
MS VS MS
Les membres d’Audiofanzine qui nous ont demandé un comparatif MS20 Mini – MS20 ont été plus nombreux que ceux qui nous ont suppliés de ne surtout pas le faire. C’est pourquoi nous l’avons fait, histoire de nous fâcher avec les moins nombreux ! Ceci a été possible grâce à nos amis Nicolas Tochet et Frédéric Cavallin de l’Orchestre Philharmonique de MS20, une formation musicale comptant aujourd’hui 6 MS20 et leurs talentueux propriétaires.
Un tonnerre d’applaudissements pour ces messieurs qui ont accepté de sacrifier un beau dimanche après-midi pour la science, avec leurs MS20 de séries différentes (140xxx et 146xxx). Disons-le d’emblée, les deux MS20 sonnent différemment, ça promet pour caler les réglages ! Donc nous avons fait au mieux, sans tenter d’ouvrir les ancêtres pour les recalibrer, leurs propriétaires les aimant tels qu’ils sont.
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S’il y a des petites différences, le caractère MS20 est bien là sur le MS20 Mini ; on note les mêmes couleurs de VCO, des filtres bien trash à résonance élevée (dont un HPF qui génère des basses impressionnantes quand on pousse la résonance à l’auto-oscillation) et des comportements très proches des enveloppes, un peu lâches. La différence entre machines tient souvent à un accordage moins précis, une coupure de filtre plus ouverte ou un temps d’enveloppe plus court. Globalement, on constate que les VCO des MS20 se baladent un peu plus que ceux du MS20 Mini, vraisemblablement plus droits car neufs. Ils ont aussi tendance à sonner plus sombre et moins défini que ceux du MS20 Mini, ce qui donne une impression de basses un peu plus profondes. Nous proposons donc à nos membres un blind-test basé sur trois duels (MS20 Mini / MS20) et un truel (un duel à trois, quoi…) : ceux qui ne craignent pas de se jeter à l’eau peuvent poster leur réponse dans les commentaires du test pour les 4 exemples (genre « duel n°1 : Vintage / Mini / Mini / Vintage »).
- Ze duel1 00:56
- Ze duel2 00:41
- Ze duel3 00:18
- Ze truel 00:34
Synthèse MS20
Le MS20 Mini comporte une chaîne 2 VCO + 2 VCF + 1 VCA + 2 EG + 1 LFO. Le premier LFO propose 4 formes d’onde : triangle, dent de scie, impulsion à largeur variable (50 à 100% par potard dédié) et bruit blanc. Les VCO originaux ont été fidèlement reproduits, avec toutes leurs particularités. Par exemple, l’onde triangle est vraiment tordue, avec un profil linéaire en partie supérieure et arrondi en partie inférieure, créant des harmoniques plus riches qu’une onde triangle rectiligne. Pour sa part, l’impulsion à largeur variable du VCO1 est entièrement analogique, avec ses imperfections, en particulier les harmoniques produites même lorsque le cycle est proche de zéro ; dommage qu’elle ne soit pas du tout modulable. La dent de scie est chouette, magnifique et légèrement filtrée (LPF) pour des leads. Plus dépouillé, le VCO2 offre 3 formes d’onde : dent de scie, carrée et impulsion étroite fixe. Une quatrième position permet de créer une modulation en anneau à partir des 2 VCO, bien déjantée et difficile à contrôler.
Les VCO sont réglables sur 6 octaves : 32 à 4 pieds pour le VCO1 pieds et 16 à 2 pieds pour le VCO2, auquel s’ajoute un réglage de pitch continu sur +/- 1 octave (à peu près). Un portamento ajustable vient mettre son grain de sel sur les notes liées (priorité haute uniquement). Les 2 VCO ont chacun un niveau réglable avant filtrage, avec une saturation agréable au-delà de 7/10. Les filtres sont des VCF passe-haut et passe-bas montés en série. Ils travaillent sur une plage de 50 Hz à 15 kHz. Tous les deux sont amplement résonants sans écrasement du signal et capables d’auto-osciller de manière ravageuse, comme nous l’avons déjà dit. Lorsque la résonance commence à « accrocher », le signal devient parfaitement instable, comme sur le MS20 !
Modulations MS20
Pour faire bouger le son, on dispose d’un LFO et de deux enveloppes, tous purement analogiques. Le LFO (MG) opère entre 0,1 et 20 Hz, ce qui n’est pas énorme : il a la particularité d’offrir 2 formes d’onde simultanées continuellement variables : triangle (variant de dent de scie à rampe) et carrée (variant d’impulsion étroite à impulsion large). En interne, l’onde triangle est câblée vers le pitch des 2 VCO et les 2 fréquences de coupure des filtres, avec quantités de modulation séparées. Le côté purement analogique du LFO lui interdit toute synchro de la fréquence au tempo.
En plus du LFO, il y a 2 enveloppes assez différentes. L’EG1 est une simple DAR (délai / attaque / relâchement) assignée en interne au pitch des 2 VCO avec niveau réglable. L’EG2 est de type ADSR avec temps de Hold, elle contrôle indépendamment chaque coupure de filtre, avec potards de modulation. Ces enveloppes, nous l’avons dit, ne sont pas ultra rapides, comme sur le MS20 d’ailleurs. Pour inverser la polarité de modulation d’enveloppe, on pourra passer par le panneau de patches. Tiens, allons-y même tout de suite !
Patches MS20
Un synthé semi-modulaire ajoute des points de patch aux parcours pré-établis en interne. Il possède ainsi un panneau de patches présentant un certain nombre de sources (sorties) et destinations (entrées) de modulations. Les tensions de commande des paramètres sont entièrement identiques à celles du MS20. Au niveau du clavier, on trouve des sorties CV et Trig pour piloter un synthé externe. Côté entrées, il y a 2 triggers (pour les enveloppes ou l’EG1 seule) et 2 entrées CV (pour piloter les 2 VCO ou le VCO2 seul). La molette et le poussoir possèdent bien évidemment leur sortie pour moduler les différents points d’entrée : on trouve pêle-mêle les 2 VCO (+/- 5V), les coupures de chaque VCF (+/- 5V) et le VCA (0/5V).
Une entrée permet d’injecter un signal audio externe (3 V max) pour traitement dans les filtres et l’ampli. Les 2 formes d’onde du LFO peuvent moduler tout ce beau monde. Au niveau des sources, le générateur de bruit dispose de sorties indépendantes sur les bruits blanc et rose : on peut s’en servir comme source audio ou de modulation. Un VCA modulable est également présent (entrée, modulateur, sortie) tout comme un générateur Sample & Hold (entrée, horloge, sortie). Le panneau de patch permet également de récupérer la modulation inversée de chaque enveloppe, on ne s’en plaindra pas ! Ce n’est pas un système aussi souple qu’un véritable modulaire : on ne peut par exemple pas moduler la vitesse d’un LFO par une enveloppe ou les temps d’enveloppe par la molette ; de même, la largeur de l’onde impulsion du VCO1 n’est pas accessible. On se servira donc de ce panneau comme d’appoint de modulation ou accès direct aux paramètres clés de synthèse pour un séquenceur analogique externe.
ESP MS20
L’ESP (processeur de signal externe) est une copie de celui du MS20. Korg a choisi de ne pas prendre son évolution portée à l’époque sur le X-911 (en particulier une meilleure stabilité au pitch). L’ESP est un moyen de piloter le générateur sonore du MS20 avec un instrument externe (guitare, voix). Il va donc analyser le pitch ou le volume du signal injecté pour créer une modulation. Il est constitué d’un préampli, d’un filtre passe-bande variable, d’un suiveur d’enveloppe / détecteur de trigger et d’un convertisseur de pitch vers CV.
Dans la chaîne de traitement de l’ESP, on peut prélever le signal audio après ampli (et avant filtres) ou après filtres. Côté modulations, on récupère le CV correspondant au pitch du signal injecté, un signal d’enveloppe tiré de ses variations de volume et des triggers lorsque son niveau dépasse un certain seuil. On a ainsi de quoi contrôler le pitch des VCO, piloter le volume et déclencher les enveloppes, à partir d’un signal audio externe. L’ESP peut aussi être utilisé en interne, simplement pour filtrer un signal audio (générateur de bruit par exemple). Sympa !
Verdict
Au final, le MS20mini est une réussite. Non content de reprendre l’intégralité des fonctionnalités du MS20 dans un format plus compact, il est capable d’en reproduire le son incomparable avec une grande fidélité : des VCO à formes d’ondes imparfaites viennent percuter deux filtres ultras résonants en série, avec des possibilités de modulation étendues grâce aux points de patch. Bien sûr, il reprend les défauts de l’ancêtre, comme l’absence de PWM, de synchro des VCO et les enveloppes tout juste rapides. Les touches réduites et les mini-jacks pourront en retenir plus d’un, mais à l’usage ce n’est finalement pas rédhibitoire ; d’autant que la machine dispose des moyens de connexion actuels. On n’attend plus qu’un SQ10 Mini pour attaquer les entrées de modulation, car le Midi est limité aux notes. Bref, une réincarnation comme on aimerait en voir plus souvent, que l’on soit branché studio ou scène, tourné vers les musiques du passé ou en route pour imaginer celles du futur.
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