Cela peut paraître dingue, mais jusqu’à présent, Orange n’avait jamais sorti d’ampli signature. Heureusement, la Jim Root #4 vient combler ce manque ! Focus sur cette petite tête noire.
Orange est une marque qui a fait rêver des générations de guitaristes, moi compris, par son aspect parfois mystérieux. Créée à Londres en 1968 par Cliff Cooper, elle n’est au départ qu’un simple complément à son studio d’enregistrement et à sa boutique d’instruments. Sa production d’amplificateurs connaissant un succès considérable, Cooper se consacre rapidement à forger le son des guitaristes du « swinging London ». Mais, en difficultés dès la fin des seventies, la firme sera rachetée par Gibson au début des années 90, qui n’apportera pas les investissements et les innovations nécessaires. Résultats : peu de nouveaux modèles, rarement recensés dans les magasins ou testables en boutique… d’où leur côté mystérieux ! Pourtant ces amplis sont cultes et trônent sur les scènes des plus grands : BB King, Jimmy Page, Fleetwood Mac, Stevie Wonder, Aerosmith, AC/DC, Oasis, Black Sabbath, James Brown, etc. On ne peut pas les manquer et avec leur revêtement orange psychédélique, ils ont une classe folle ! Le son est brut, puissant et chaud, surtout en distorsion, du pur concentré de rock’n’roll.
Début 2000, Cliff Cooper récupère et relance son entreprise. Depuis maintenant plus de 10 ans, la marque renait et sort avec beaucoup de succès plusieurs nouvelles séries : Crush, Rockerverb, puis Thunderverb et enfin, celle qui nous intéresse ici, la série des Tiny Terror. Ce sont de petites têtes d’ampli 7/15W, 100 % lampe classe A et en vente à prix raisonnable. 36 000 exemplaires vendus, cette série a fait un véritable carton !
Je vais tester pour vous le 4e et dernier modèle de Tiny Terror : le Jim Root Terror, et il se pourrait bien que ça soit le meilleur de la série… Allez, on met sur stand-by et on fait chauffer les lampes !
L’orange mécanique
L’entreprise so british nous a réservé quelques surprises avec sa dernière création. Tout d’abord, c’est leur premier modèle signature. Comme quoi on peut surprendre, même après 40 ans. C’est donc Jim Root, le guitariste des groupes métal Slipknot et Stone Sour, qui a l’honneur d’être le premier à voir son nom associé à une production Orange. Il faut dire qu’il est connu pour jouer uniquement, sur scène et en studio, avec une Fender Telecaster et un ampli Orange Rockerverb 100. Le précédent modèle, le Dark Terror, avait pour but de reproduire le son du Thunderverb 100 avec une tête 7/15W, notre tête Jim Root doit quant à elle retrouver le son de l’autre modèle phare de la marque : le Rockerverb 100. Précisons tout de même que les lampes utilisées ne sont pas les mêmes, mais que le son du Terror #4 est très proche de celui du Rockerverb, en tout cas il reste vraiment fidèle au son et aux sensations « Orange ».
Seconde spécificité de la bête : c’est le deuxième modèle, après le Dark Terror #3, à ne pas arborer la couleur fétiche de la marque, mais à être d’un noir profond, évoquant la dimension « Métal » de cet ampli spécialisé dans les grosses distorsions. Mais, comme toujours avec Orange, c’est d’un chic parfaitement rock’n’roll et sans aucune faute de goût.
Quelques petites précisions pratiques : comme tous les Terrors, la tête est très bien protégée par son enveloppe de métal. Du coup, malgré sa petite taille, 30.5 cm x 19 cm x 15.5 cm, elle pèse un poids conséquent : 5,65 kg. Mais elle est vendue avec une sacoche à bandoulière, un gig bag, très pratique. Il faut surtout noter toutes les possibilités de modulation et de connexion que propose cette tête. En effet on a l’habitude chez Orange de n’avoir que peu de réglages, surtout pour les égalisations. Ce coup-ci on a presque la totale. On trouve sur le devant deux switchs : un on/off et un switch bypass, 7 Watts ou 15 Watts. Il y cinq potentiomètres : volume, basse, medium, aigu et gain, tous symbolisés par de mystiques hiéroglyphes, et, une seule entrée jack. À l’arrière, il y a trois sorties HP (deux de 8 Ohms et une de 16 Ohms) et, très bonne surprise pour une tête de cette taille, une boucle d’effet qui est drivée par une lampe 12AT7. À l’intérieur on a trois lampes 12AX7 pour le préampli et deux EL84 (à la place des EL34 pour le Rockerverb) pour la puissance. Ca y est c’est chaud, ça rougit, c’est à point… à table !
Planet terror
C’est un plaisir terrible de jouer un gros ampli à fond quand les lampes sont bien chaudes, mais pousser une tête 100 Watt, même 50 Watts à fond… Il faut avoir de l’espace ! Or ici même à faible volume on a déjà beaucoup d’harmoniques, le son est à la fois compressé et chaud, très riche en mediums et graves. De plus, les trois potentiomètres d’égalisation sont efficaces et permettent de bien adapter le son aux circonstances. En distorsion, j’ai vraiment été séduit par la bête. Je reviendrai un peu plus en détail là-dessus en la comparant aux autres modèles de la marque. En attendant, jetez une oreille aux extraits que je vous ai enregistrés. Pour les prises, j’ai branché la Jim Root Terror sur le baffle de mon combo Orange Rockerverb 50. Je l’ai testée avec ma Fender Telecaster de 82, puis avec ma SG de 74 et je crois que toutes les deux ont beaucoup apprécié… La prise de son est faite avec un micro SM57 devant le baffle, en direct dans ma carte son et sans aucun mix. J’ai joué en 7W sans jamais pousser la distorsion à fond, mais en travaillant légèrement sur les égalisations en fonction des prises. En passant en 15W, on ajoute essentiellement du volume.
- 1 Telecaster Disto 00:57
- 2 SG Disto 01:26
Le son clair est quant à lui beaucoup moins séduisant. Il est joué avant le quart du volume ou du gain, et il faut être honnête : cet ampli n’a pas été construit pour une utilisation en clean, en tout cas pas pour faire des accords pleins. Le Jim Root a un bonne dynamique et est très intéressant pour le jeu funky ou sec, pour des cocottes par exemple. C’est dès qu’on crunch un peu que ça devient diaboliquement efficace !
- 3 Telecaster Clair 00:42
- 4 Telecaster Crunch00:58
On est très proche du Rockerverb dans l’univers et dans le son. On perd légèrement de rondeur en son clair mais par contre on monte beaucoup plus vite et facilement dans les grosses saturations, c’est très plaisant et séduisant. Disons qu’un plus gros combo a besoin d’être poussé dans ses derniers retranchements pour atteindre ce plaisir de jeu, dans le gain et dans le sustain notamment. C’est aussi mon préféré de la série Tiny Terror. Avec son prédécesseur, ce sont ceux qui ont la distorsion la plus violente, mais j’ai un faible pour celle du Jim Root que je trouve plus chaude. Il faut dire que je suis plus Rockerverb que Thunderverb à la base…
Le Dark Terror #3 a donc une saturation plus sèche et trash, alors que le Jim Root # 4 est plus profond avec des fréquences médiums plus riches. Ce dernier est aussi plus polyvalent, car c’est le seul de la série à avoir des potentiomètres grave, médium et aigu, contre un unique bouton Shape ou Tone sur les autres. On peut aussi ajouter à cela la boucle d’effets qu’on ne retrouve que sur le Dark Terror.
J’avais déjà un petit faible pour Orange mais là je suis définitivement séduit par leurs distos.
Je vois la vie en orange
Commencerait-on à sortir de la mythologie rock’n’roll du « plus c’est gros plus c’est lourd, meilleur le matos est » ? Pour les répétitions ou concerts dans les salles moyennes, jusqu’à 200 spectateurs, les têtes 15W à lampes sont amplement suffisantes même sans être reprises : petit, mais costaud ! On peut même dire que la majorité des guitaristes n’ont que rarement la chance de vraiment pousser leurs amplis 100W. Et cela sans parler du prix, de la place que ça prend pour les stocker et les transporter, et du poids, car il ne faut pas oublier que faire des concerts, c’est aussi porter beaucoup de matos. Pour moi qui suis souvent sur la route, je commence sérieusement à m’intéresser à ces petits modèles, surtout quand on voit la qualité de son atteinte par le dernier Tiny Terror. Il faut ajouter que je ne suis ni fan des amplis signature, ni fan du groupe Slipknot, mais là j’ai été conquis.
Si on voulait vraiment chipoter, on pourrait dire qu’il manque un deuxième canal, un footswitch et une petite réverbe, mais c’est vraiment histoire de chipoter… Il est certes plus cher que les autres modèles de la série, comptez 70 € de plus que pour un Dark Terror, et 120 € de plus que d’un Tiny Terror, mais pour moi ça les vaut largement (Prix public catalogue : 635 €. La tête devrait être moins chère en magasin).