Editorial du 28 juillet 2018 : commentaires
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Los Teignos
Le monde est choqué : Comment ? Damn, Dis Moi, la dernière chanson de Christine and the Queens, ne serait qu’un assemblage de boucles libres de droits fournies avec Logic, le séquenceur phare d’Apple ? C’est scandaleux ! Ca ne relève même pas du sampling, s’indigne-t-on ! Elle n’a rien fait ! Elle n’a aucun mérite !
En plus d’un texte et d’une mélodie, elle n’a pourtant fait qu’utiliser un logiciel et les ressources mis à sa disposition, comme tout le monde le fait depuis que nos instruments et nos effets sont livrés avec des presets ou des patterns, c’est-à-dire depuis quelques décennies déjà. Aurait-elle été plus méritante de mettre un micro devant un piano pour jouer ces mêmes accords que des millions de musiciens ont probablement joués avant elle ? La question se pose, sachant qu’après les siècles que nous avons passés, nous autres occidentaux, à retourner les douze mêmes notes dans tous les sens, il n’existe probablement pas d'accord, de progression harmonique ni même de mélodie ou de rythmes qui n’aient pas été déjà écrits. Et quand bien même on voudrait comme Hugo prendre la posture de l’artiste besogneux qui gravit la montage intime un soir d’orage pour se faire frapper par quelque muse ou divinité, il n’en reste pas moins que le pastiche et le collage ont toujours existé dans l’art, qu’ils en sont même un des principaux ressorts, au point de faire dire à Picasso que si les bons artistes copient, les grands artistes volent. La fille a chipé trois boucles d'un sound designer pour en faire sa chanson ? À la bonne heure...
À l’heure où combiner des boucles préenregistrées suffisent à jeter les bases d'une compo, comme on le voit d’ailleurs dans le test d’Output Arcade que nous publions cette semaine, on serait bien inspiré en tout cas de juger une oeuvre sur ce qu’elle est à la fin et non sur sa genèse, car même faite de A à Z avec les meilleurs musiciens et les meilleurs techniciens, une mauvaise chanson restera toujours une mauvaise chanson tandis que le bon chasseur, lui...
Il est sûr à la fin que si Christine avait eu la bonne idée de passer sa batterie dans une distorsion comme la Boum d’OTO Machines, elle se serait exposée à moins de critiques. Même chose si elle avait enregistré ses cocottes avec une vraie guitare en utilisant au besoin la Sim1 XT-1 capable de faire passer des Les Paul pour des Strat et vice et versa. Mais elle ne l’a pas fait, peut-être par flemme ou par facilité, et ce n’est pas moi qui lui jetterais la pierre vu que la semaine prochaine, Audiofanzine va ralentir son rythme pour laisser à sa petite équipe le temps de prendre quelques vacances. Comme sur le service public, attendez-vous donc à quelques rediffusions : le gendarme à Abbey Road, la 7ème compagnie fait du home studio, l’alim Fantomas, ce genre de choses…
Sur ce, bon week et à la semaine prochaine.
Los Teignos
From Ze AudioTeam
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
altor64
Là on entend bien que ce refrain est carrément surréaliste, on peut même ressentir l'effet de pitch sur certains passages...
Malgré tout (AMHA) la compo est superbe et les zicos sont de purs tueurs, des monstres de technique et l'ensemble devient passionnant !
Alors la question est : Y aura t-il un avant et un après Akiakane ? Pourra t-on revenir en arrière et est-ce finalement une bonne chose ?
Ma réponse pourrait être : tant que l'on valorisera le concept "d'artificialité" dans la musique, que ce soit par le sampling à outrance ou par l'utilisation massive de systèmes comme Melodyne alors il n'y aura pas de retour en arrière.
Et là où je rejoins an/na tone c'est que les générations qui suivent ne se poseront pas ces mêmes questions, feront le truc comme ils l'entendent (dans les deux sens du terme) et nous mettront d'accord en balançant des compos insensées et quasi magiques...
Vive le conflit générationnel !
pyerbass
Merci pour ta réponse, elle a beaucoup de sens et c'est vrai que c'est le risque de l'extrême inverse : "c'est facile, moi aussi je peux le faire", c'est un autre grand mal créatif qu'il faut éviter. Pas de soucis je le prend pas perso car tu as raison.
Je suis bien d'accord sur le fait que ça correspond à de la composition, il y a beaucoup de façon de composer. La technique qu'elle utile et acceptable selon la définition, mais elle ne force en rien mon admiration, celle des débuts de Genesis au contraire.... Où même plus récent woodkid' qui écrit de la musique orchestrale sur ableton live mélangeant les arrangements orchestraux classique et le workflow orienté loops de ableton.
Si je moffusque de cette technique c'est tant la facilité de sa démarche que son évidence.
j'ai rien contre les gens qui sample. Les beastie boys m'ont fait devouvir de super morceau de funk de 70s, ils allaient sampler là où on ne les attendait pas, les mecs devaient avoir une discothèque gigantesque et devaient expérimenter avec tout style de musique, pour moi il y a une vrai recherche... Encore maintenant je ne savais pas si je préfère leur version de root down ou l'originale de Jimmy Smith
Par contre, ne même pas prendre la peine de quitter la banque d'usine de sa DAW, c'est le degré zéro de la recherche, le refus de l'expérimentation et de la recherche du territoire inconnu.
Faire une chanson sur une mélodie qui n'est pas la sienne, c'est une chose, faire une chanson avec ce que apple à bien voulu te mettre en sus avec ta daw, c'en est une autre. Sans aller jusqu'au masochisme, l'art me semble être lun des rares domaine où le refus de la facilité s'avère productive. Donc oui, pas de problème qu'elle sortent une chanson qu'elle a acheté avec sa DAW, c'est de la composition, mais si il y a une façon plus facile et moins risqué de composer, je ne la connais pas
Lowhand
Je ne fonde pas mon avis sur la question sur un plan légal accepté ou moral toléré, ou parce que bon nombre de titres que j'aime seraient des emprunts ou nés d'inspiration exogène -si ce n'est plus qu'une simple inspiration- mais parce que ce type de musique s'y prête et ne nécessite rien de plus qu'une mise en situation de patterns simples, efficaces, faciles à mémoriser, à ânonner, et d'un point de vue corporelle facile à interpréter -ou danser pour ceux qui ont ce talent... Avec ces loops là on y est, alors why not ? Qu'importe le flacon tant que l'on a l'allégresse -ou un truc comme ça.
Bien sûr du point de vue du musicien un arrière goût amer pourrait poindre devant le hiatus béant entre le quasi demi siècle personnel d'abnégation dans l'étude et la pratique et le succès de la sujet utilisant ce raccourci mais ce serait rien de pire que de regretter sa propre vie.
Pour finir sur le thème, j'ai lu l'interview de la dite Christine se justifiant d'un propos très finasse, repris d'ailleurs par un quidam plus haut "Quand Gainsbourg empruntait des mélodies à Chopin est ce qu'il plagiait ?" je retiens l'inanité de la question ; Gainsbourg honorait Chopin comme Dvorak, Ketelbey ou Beethoven. On parle d'interprétation ici pas de plagiat, où il mit des mots et de la poésie de son époque sur des accords du passé. Et c'était revendiqué.
Et puis désolé mais les paroles de la Christine là c'est quoi le sens ? C'est aussi un algorithme qui a écrit ça ?
skarabee.nc
Allons tous écouter sur nos Iphones le morceau acheté sur Itunes et composé par une Iartriste avec des boucles issue de leur logiciel sur Imac
La boucle est bouclée.
...non, rien....
Los Teignos
Et puis désolé mais les paroles de la Christine là c'est quoi le sens ? C'est aussi un algorithme qui a écrit ça ?
C'est effectivement clair comme de l'eau de boudin. Je crois comprendre que ça parle de ses difficultés à faire jouir sa copine mais comme souvent dans la chanson française, c'est parasité par un hermétisme qui voudrait se faire passer pour de la poésie. On se dit qu'en collant des phrases déroutantes, en perdant l'auditeur, on obtiendra quelque chose qui a l'air vachement intelligent et pensé alors que, de mon point de vue, ça sent juste le gros manque de travail. Un peu comme ce que David Lynch fait avec ses scénarios. Dommage qu'Apple ne propose pas des bouts de textes dans Logic ou Pages, parce qu'on aurait peut-être eu quelque chose qui tienne aussi bien la route que la musique.
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
[ Dernière édition du message le 29/07/2018 à 11:20:43 ]
Lestien
Thierry Lestien
[ Dernière édition du message le 29/07/2018 à 11:12:38 ]
Los Teignos
Moi, ce qui m'attriste, c'est de voir répété, ici-même, par certains, que l'on a déjà tout dit.
Tout n'a pas été dit, certes, mais il me semble qu'on a épuisé ce qu'on appelle 'les écoles' au profit d'une expression individuelle qui fait son marché dans l'existant. Il n'y a plus de giffles comme le furent l'art abstrait, le romantisme ou la musique concrète par exemple, c'est à dire des conceptions complètement neuves qui révolutionnaient la façon dont on envisage de peindre, écrire ou composer, et de ce fait, il n'y a plus de géant qui remette toute les pendules à l'heure avec une oeuvre. Il n'y a pas eu de Fleurs du mal depuis 1857. C'est même valable sur le terrain de la philosophie ou les dernières vraies révolutions datent du XIXe. Après, on peut faire semblant que Sartre ou BHL sont des penseurs qui ont imprimé une marque dans l'histoire des idées, on peut faire semblant de dire qu'il y a un avant et un après Jeff Koons, Houellebecq ou APhex Twin, parce que ça nous rassure de nous dire que nous continuons de produire des géants capables de révolutionner le monde, mais à bien y regarder, ce n'est pas le cas.
Ça n'empêche pas des artistes brillants de produire de grandes et belles oeuvres d'art, et qu'il y en aura encore, et qu'elle seront importantes pour les sociétés où elles apparaitront, peut-être plus alors que les monuments dont elles s'inspirent, mais être artiste aujourd'hui consiste à balayer toute l'histoire de l'art pour faire sa propre pâte à partir de conceptions qui existent déjà et ça fait déjà longtemps que c'est comme ça. Après les Fleurs du mal, les Chant de Maldoror et l'Urinoir de Duchamp, on aurait très bien pu se passer de tout le surréalisme parce que tout avait déjà été dit sur le sujet en quelques vers et une pissotière. Ça n'empêche pas l'immense talent de Paul Eluard ou de Chririco, la beauté de leurs oeuvres, mais ces gens n'ont rien fait que de broder jusqu'à les user sur des conceptions qui résonnaient fort déjà bien avant eux, en faisant leur propre pâte à partir de l'histoire de l'art, sans rien révolutionner du tout (et je ne parle même pas de Dali dont je cherche toujours pourquoi on le désigne comme un génie si ce n'est que, comme Warhol en son temps, il s'est autoproclamé génie et est parvenu à convaincre la bourgeoisie de salon en mal de gourou que c'était le cas)
Tout n'a pas été dit, donc, mais dans la plupart des arts, la nouveauté vient de la fusion des écoles car il n'y a plus de nouvelles écoles depuis longtemps. J'aimerais bien me tromper sur le sujet, mais sincèrement, quand je lis Houellebecq, je me dis que si les mots ont un agencement qui n'a jamais été utilisé jusqu'alors (et en ça, c'est une oeuvre nouvelle, originale, inédite), le parfum qui s'en dégage sent la toile cirée de la cuisine de ma grand-mère, et que pour trouver qu'il y a quelque chose de neuf là-dedans, il faut vraiment se garder de lire ce qui fut écrit avant.
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
[ Dernière édition du message le 29/07/2018 à 11:22:41 ]
patrick_g75
En fait je lis toutes tes contributions avec la plus grande attention...
J'y reviendrai.
"Le jugement est un outil à tous sujets, et se mêle partout... " (Montaigne / Essais I / chap L)
http://patrickg75.blogspot.fr/
https://patrickg.bandcamp.com/
Los Teignos
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Le GIEC chiffre à 3,3 milliards le nombre de victimes du réchauffement climatique. On en parle ?
linn134
Le grand débat de l'art et du pognon n'a pas encore trop appauvri les discours alors je vais tenter une question plus large et votre point de vue m'intéresse beaucoup.
J'ai l'impression (et ce n'est qu'une impression, je n'ai pas de statistiques sur le sujet, juste une attention particulière à la question) que chacun cherche dans une sorte de désespoir et d'urgence un moyen de gratter quelques pièces. Et la notion de "gratter quelques pièces" est importante puisqu'il me semble que c'est récent. Donc dans cette course à la survie et aux moyens immédiats la démarche "honorable" serait secondaire. Il faudrait produire vite et si possible sans trop d'effort, comme si la logique "cash now" était devenue aussi présente dans les domaines artistiques que dans n'importe quel autre.
Je suis probablement candide et désabusé à ce sujet. Personnellement je suis nouveau dans le monde professionnel de la musique, je le suis par contre beaucoup moins dans d'autres secteurs. Mais dans celui-ci la sincérité me semblait essentielle pour aboutir à un résultat un peu expressif. Il y a des tas de domaines où la sincérité n'est pas obligatoire, voire même plutôt handicapante.
Ma question est donc la suivante : peut-on sortir de cette logique d'usine qui est en train de ronger chaque discipline ?
Tous les outils sont là pour faire mieux, peut-on encore éviter de faire du passable et quantité industrielle ? À défaut, cela ne risque t-il pas de devenir la norme ?
C'est très candide j'en suis certain.
Je tiens juste à préciser que j'ai quitté mon ancien métier pour ce que j'ai écrit au paragraphe précédent.
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"001001001111010010010010100010 !" Mireille DAC.
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